CA Papeete, B, 14 août 2025, n° 23/00293
PAPEETE
Arrêt
Autre
N° 248
MFB -------------
Copie authentique délivrée à :
- Me De Gary
- Me Jacquet
- Me Houbouyan
- Me Mikou
- Me Millet
- Me grattirola
- l'expert (M.[T] [G])
- La Régie
le14.08.2025
REPUBLIQUE FRANCAISE
COUR D'APPEL DE PAPEETE
Chambre Civile
Audience du 14 août 2025
N° RG 23/00293 ;
Décision déférée à la cour : jugement n° 312, n° RG 16/00420 rendu par le tribunal civil de première instance de Papeete le 22 juin 2023 ;
Sur appel formé par requête déposée et enregistrée au greffe de la cour d'appel le 18 octobre 2023 ;
Appelants :
Mme [A] [Z], née le [Date naissance 2] 1959 à [Localité 13], de nationalité française, demeurant [Adresse 7] ;
Le [Adresse 19], représenté par son syndic, la SARL FIRST IMMOBILIER, exerçant sous l'enseigne 'GESCO', immatriculée au Rcs de [Localité 15] sous le n° TPI 23165B B, n° Tahiti F 40 531, dont le siège social est [Adresse 6], prise en la personne de son représentant légal ;
Représentés par Me Florence de GARY, avocate au barreau de Papeete ;
Intimées :
La société M.E.P, Eurl immatriculée au Rcs de [Localité 15] sous le numéro TPI 113B, représentée par son gérant M. [K] [R], dont le siège social est sis [Adresse 8] ;
Représentée par Me Thierry JACQUET, avocat au barreau de Papeete ;
La compagnie d'assurances ALLIANZ - délégation de Polynésie, dont le siège social est sis [Adresse 12] ;
Ayant pour avocat la Selarl M&H, représentée par Me Ivan HOUBOUYAN, avocat au barreau de Papeete ;
De la cause :
La Société Tahitienne des Techniques du Toit (S3T), dont le siège est sis [Adresse 4], prise en la personne de son représentant légal ;
Ayant pour avocat la Selarl Tiki Legal, représentée par Me Mourad MIKOU, avocat au barreau de Papeete ;
La Société PACIFIC ALU, dont le siège est sis à [Adresse 16], prise en la personne de son représentant légal ;
Assignée à personne le 9 avril 2024 ;
La société TAHITI CONTROLE TECHNIQUE, dont le siège social est sis [Adresse 1], prise en la personne de son représentant légal ;
Ayant pour avocat la la Selarl MVA, représentée par Me Thibaud MILLET, avocat au barreau de Papeete ;
M. [P] [B], dont le siège est sis [Adresse 5] ; es qualité de liquidateur judiciaire de :
La société PGB CONSTRUCTION, assignée le 11 avril 2024 ;
L'entreprise CABINET IIHI ARCHITECTURE, assignée le 11 avril 2024 ;
Représenté par Me Miguel GRATTIROLA, avocat au barreau de Papeete ;
Ordonnance de clôture du 21 février 2025 ;
Composition de la cour :
La cause a été débattue et plaidée en audience publique du 10 avril 2025 devant Mme BRENGARD, présidente de chambre faisant fonction de présidente, Mme MARTINEZ, conseillère et Mme BOUDRY, vice-présidente placée auprès de la première présidente qui ont délibéré conformément à la loi ;
Greffière lors des débats : Mme OPUTU-TERAIMATEATA ;
Arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 264 du code de procédure civile de Polynésie française ;
Signé par Mme BRENGARD, présidente et par OPUTU-TERAIMATEATA, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
A R R E T,
EXPOSÉ DU LITIGE
Suivant acte authentique du 24 décembre 2010, la société MEP a acquis un terrain à [Localité 17], sur lequel se réservant le lot 'gros-oeuvre', elle a fait édifier un ensemble immobilier dénommé résidence [9] composé de trois bâtiments A à C qui ont été revendus par lots.
Le 13 mai 2013, Mme [A] [Z] a ainsi acquis en l'état futur d'achèvement les lots n° 15,32 et 33 constituant un appartement et des dépendances.
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Le syndicat des copropriétaires a été constitué par une assemblée générale de copropriétaires du 15 mai 2014 qui a voté également un budget pour l'année 2014/2015 puis le 19 août 2014, la copropriété a fait procéder à un diagnostic technique des parties communes de la résidence [9] au contradictoire de la société MEP par l'expert M.[O] [F] qui indique que l'ensemble immobilier est en cours de finition et énumère des réserves.
Le 4 octobre 2014,un procès-verbal a été dressé et signé pour constaterl'achèvement des travaux et la livraison des lots 15,32 et 33, avec des réserves, Mme [Z] donnant l'ordre au notaire de solder le prix d'achat des biens livrés.
Suivant lettre recommandée avec avis de réception en date du 24 octobre 2014 qu'elle a adressé à la société MEP, Mme [Z] a dressé une liste de malfaçons et non-conformités qu'elle déclarait avoir constatées dans son appartement, puis, sur ordonnance du 9 juin 2016, elle a été autorisée à inscrire une hypothèque judiciaire provisoire sur l'immeuble pour avoir sûreté de sa créance provisoirement évaluée à la somme de 1'526'000 Fcfp .
***
Le juge des référés saisi par d'autres acquéreurs de lots de la résidence [Adresse 10] et par le syndicat des copropriétaires a rendu trois ordonnances désignant l'expert judiciaire M. [D] [E] architecte DPLG pour donner son avis technique sur les désordres affectant la résidence [9], et étendant les opérations d'expertise à de nouvelles parties. L'expert a rendu trois rapports d'expertise les 6 septembre et 9 novembre 2017 puis le 4 juin 2018.
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Entre temps, par requête enregistrée le 25 juillet 2016 et suivie d'un acte d'huissier délivré le 21 juillet 2016, Mme [Z] a introduit une action au fond devant le tribunal civil de première instance de Papeete à l'égard de la société MEP promoteur immobilier, sur le fondement des articles 1641-1 et 1646-1 du Code civil, pour obtenir le paiement de la somme principale de 1'526'000 Fcfp ainsi que la validation de l'hypothèque judiciaire.
Cette procédure a été jointe à l'instance introduite par le syndicat des copropriétaires de la résidence [9] représenté par son syndic en exercice, la société Gesco, par requête du 20 mars 2019 tendant à obtenir la condamnation solidaire de la société MEP et de son assureur Allianz à lui payer une somme de 16.905.000 Fcfp en réparation des dommages causés à l'immeuble, sur le fondement du rapport d'expertise judiciaire.
Par suite des appels en cause ou par intervention volontaire, les parties au procès sont :
' la société Tahiti Controle Technique (société TCT), bureau technique,
' la société Tahitienne des Techniques du Toit ( société S3T) chargée du lot étanchéité,
' la société PGB Construction ayant exécuté le lot gros-oeuvre, représentée par son liquidateur judiciaire, Me [P],
' le cabinet d'architecture IIHI Architecture représenté par son liquidateur judiciaire, Me [P],
' la société Pacific Alu exécutante du lot concernant la pose des structures en aluminium.
' la compagnie d'assurances Allianz en qualité d'assureur dommage ouvrage de la société MEP.
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Suivant jugement n° 312 réputé contradictoire rendu le 22 juin 2023 (RG 16/00 420), le tribunal civil de première instance de Papeete,
' faisant droit à l'exception de nullité soulevée in limine litis par la compagnie d'assurances Allianz, a déclaré irrecevable l'action introduite par le syndicat des copropriétaires de la résidence [9] à l'encontre de la société M EP, pour défaut de qualité à agir,
' a dit que par voie de conséquence, il n'y avait pas lieu de statuer sur les appels en garantie formés par la société MEP à l'encontre des sociétés S3T, Pacific Alu, Iihi Architecture, PGB Construction, bureau de contrôle TCT et sur l'appel en garantie de la compagnie Allianz,
' a déclaré Mme [A] [Z] recevable et bien fondée à solliciter la réparation du préjudice matériel de jouissance supporté par elle du fait des désordres décennaux affectant l'ouvrage dont elle est propriétaire,
' a déclaré la société MEP responsable sur le fondement de l'article 1792 du code civil du trouble de jouissance subi par Mme [Z],
' par suite a condamné la société MEP à payer à Mme [Z] la somme de 5 millions Fcfp en indemnisation dudit préjudice immatériel,
' a débouté Mme [Z] de ses demandes tendant la réparation d'un préjudice moral et à une prise d'hypothèque définitif sur le lot n° 12 de la résidence,
' a déclaré irrecevable les appels en garantie formés par la société MEP à l'encontre des autres intervenant à l'acte de construire,
' a dit que la garantie de la société d'assurances Allianz ne se trouvait pas due dans le cas de la réparation du trouble de jouissance supporté par Mme [Z],
' a débouté Mme [Z] de ses demandes à l'égard de la société d'assurances Allianz,
' a condamné la société MEP à payer à Mme [Z] la somme de 200'000 Fcfp en application des dispositions de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française,
' a ordonné l'exécution provisoire du jugement,
' a condamné la société MEP aux dépens.
LA PROCÉDURE EN APPEL
Suivant requête enregistrée au greffe de la cour d'appel le 9 octobre 2023, la société MEP a déclaré relever appel du jugement entrepris mais uniquement en ce qu'il l'a condamnée au paiement d'une somme de 5 millions de francs à Mme [Z] en réparation de sa perte de jouissance, et en ses dernières conclusions récapitulatives n°2 reçues le 30 décembre 2024, elle demande à la cour, de :
' Confirmer le jugement sur l'irrecevabilité de l'action engagée par le syndicat des copropriétaires,
' subsidiairement, renvoyer la cause et les parties devant le tribunal pour respecter le double degré de juridiction,
' Sur le fond, ordonner à l'expert de compléter son rapport en procédant une réunion contradictoire de l'ensemble des parties et en soumettant un rapport unique en conformité avec la mission confiée par l'ordonnance du 16 octobre 2017,
Subsidiairement, débouter le syndicat des copropriétaires de toutes ses demandes,
' Condamner le cabinet d'architecture Ihii Mod et le bureau de contrôle TCT à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre,
' Condamner les entreprises intervenant à la construction à la garantir pour leur part des condamnations prononcées à son encontre à hauteur des sommes suivantes :
' société S3T la somme de 1'060'000 Fcfp
' société PGB la somme de 10'080'000 Fcfp
' société Pacific Alu la somme de 550'000 Fcfp,
' Condamner la compagnie Allianz à couvrir l'ensemble des dommages matériels entrant dans le champ d'application de l'article 1792 du Code civil,
' Débouter le syndicat des copropriétaires de sa demande de validation d'hypothèque et ordonner la mainlevée de l'hypothèque judiciaire,
' Lui allouer une somme de 500'000 Fcfp au titre des frais irrépétibles outre les dépens.
En suite de sa requête d'appel enregistrée le 18 octobre 2023, le [Adresse 19] représenté par son syndic, la SARL First Immobilier exerçant à l'enseigne Gesco, et [A] [Z] entendent dans ses dernières conclusions récapitulatives et responsives n° 2 du 30 décembre 2024, voir la cour, statuant après réformation du jugement ayant déclaré son action irrecevable,
Déclarer leur action recevable,
Vu les articles 1646- 1 et 1792 et suivants du code civil, la police d'assurance souscrite entre la société MEP et la compagnie d'assurances Allianz, à titre subsidiaire, vu les articles 1147 et 1134 du Code civil,
Prononcer la réception judiciaire à la date du 19 août 2014 avec les réserves mentionnées dans le rapport [F],
Condamner solidairement la société MEP et la compagnie Allianz à lui verser les sommes suivantes :
' 48'712'458 Fcfp et subsidiairement 16'905'000 Fcfp à valoir sur l'indemnisation des préjudices matériels,
' 5 millions Fcfp sous réserve d'une revalorisation de ce montant, pour chaque lot de la résidence concerné par les désordres, à savoir les appartements n° 3,4, 6, 9 et 16 pour les plus impactés, à valoir sur l'indemnisation des préjudices immatériels,
Ordonner une expertise complémentaire ou une nouvelle expertise pour évaluer les dommages, et subsidiairement, s'il était fait droit au moyen de nullité ou d'inopposabilité des rapports d'expertise précédent, ordonner une expertise avec mission pour l'expert de prendre connaissance des expertises antérieures de l'expert [E],
Confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société MEP à payer à Mme [Z] la somme de 5 millions en indemnisation de son dommage immatériel,
Subsidiairement, si l'action du syndicat des copropriétaires était déclarée irrecevable, condamner solidairement la société MEP et la compagnie d'assurances Allianz à payer à Mme [Z], en indemnisation de son dommage matériel la somme de 1'875'000 Fcfp sous réserve d'une revalorisation de la créance dans le cas d'une expertise complémentaire,
Valider l'hypothèque judiciaire renouvelée le 28 novembre 2022 et autoriser Mme [Z] à prendre une inscription d'hypothèque définitive sur le lot n°12 de la résidence [9],
Condamner solidairement la société MEP et la compagnie d'assurances Allianz à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 800'000 Fcfp, et à Mme [Z] la somme de 400'000 Fcfp en application des dispositions de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française, outre les entiers dépens comprenant les frais des différentes expertises.
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Ces deux dossiers d' appel enregistrés sous les n° RG 23/293 et 23/307 ont été joints sous le n°RG 23/293.
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Par conclusions récapitulatives du 11 octobre 2024, la SARL Tahiti Contrôle Technique (TCT) entend voir la cour,
In limine litis, annuler les deux rapports d'expertise rendus le 6 septembre 2017 dans les affaires ([C] ' 16/00321) et le 9 novembre 2017 (SCI Zeppline, SCI Foga ' 16/00031), ou à tout le moins les dire inopposables à la concluante,
Au fond, confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à statuer sur les appels en garantie formés par la société MEP notamment à l'égard de la concluante du fait de l'irrecevabilité de l'action engagée par le syndicat des copropriétaires Heremoana,
Rejeter en tout état de cause la demande de garantie formulée par la société MEP à son égard puis condamner celle-ci à verser une indemnité de procédure de 800'000 Fcfp au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel, outre les entiers dépens qui devront rester à sa charge.
Suivant conclusions en défense n° 3 enregistrées le 14 février 2025, la société Tahitienne des Techniques du Toit S3T entend voir confirmer le jugement en toutes ses dispositions puis condamner la société MEP à lui verser une somme de 300'000 Fcfp au titre des frais irrépétibles et des dépens, avec distraction d'usage.
En ses conclusions récapitulatives et en réponse reçue le 13 février 2025, la compagnie Allianz conclut en demandant à la cour, de :
Confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action du syndicat des copropriétaires,
Déclarer irrecevable comme prescrite l'action du syndicat des copropriétaires en exécution de la police d'assurance dommages ouvrage,
En tout état de cause, dire inopposables à la concluante, les parties des rapports [E] concernant les parties privatives autres que les lots de la SCI Christnel ou relatives aux parties communes,
Débouter le syndicat des copropriétaires, Mme [Z] et la société MEP de toute demande à son égard,
Condamner in solidum ces trois parties à lui verser une somme de 1'100'000 Fcfp au titre de l'article 407 du code de procédure civile, et à supporter les entiers dépens dont distraction.
La société Pacific Alu, l'entreprise cabinet d'architecture IIHI Architecture et Maître [P] ès qualités de liquidateur de PGB Construction régulièrement cités, n'ont pas constitué avocat.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité de l'action du syndicat des copropriétaires,
En sa décision, le tribunal a, faisant droit aux conclusions de la compagnie d'assurance Allianz, déclaré, irrecevable l'action du syndicat des copropriétaires aux motifs que l'autorisation donnée par la résolution n° 12 de l'assemblée générale des copropriétaires du 28 juin 2018 n'est pas suffisamment précise pour conférer une telle autorisation et que cette irrégularité n'a jamais été régularisée au sens de l'article 55 du décret 67-223 du 17 mars 1967 pris en application de la loi 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété.
Le syndicat des copropriétaires fait valoir que le tribunal ne pouvait statuer sur l'exception d'irrecevabilité de son action car le juge de la mise en état , statuant par ordonnance n° RG 16/00420 du 26 août 2020, avait déjà déclaré valable l'habilitation donnée au syndic.Cependant, si ladite ordonnance mentionne dans ses motifs que l'autorisation donnée au syndic par l'assemblée générale parait conforme aux prévisions de l'article 55 du décret du 17 mars 1967, le dispositif qui pourrait seul avoir autorité de chose jugée, ne comporte aucune décision concernant le rejet du moyen de nullité, encore que comme le dit justement le tribunal, en Polynésie française les ordonnances de la mise en état n'ont pas au principal, autorité de chose jugée en vertu de l'article 61 du code de procédure civile applicable sur ce territoire. .
Selon le code de procédure civile de Polynésie française, le défaut d'habilitation du syndic d'agir en justice au nom du syndicat constitue une fin de non-recevoir puisqu'elle tend à faire déclarer que ledit syndicat est irrecevable pour défaut de droit d'agir ( article 45 ) mais qui est susceptible d'être régularisée si l'irrecevabilité a disparu quand le juge statue ( art.49) et même à hauteur d'appel dans la mesure où la fin de non-recevoir peut être proposée en tout état de cause.
***
En l'espèce, le syndic représentant le syndicat des copropriétaires Heremoana a cru pouvoir justifier sa qualité à agir, en produisant le procès-verbal de l'assemblée générale du 28 juin 2018 notamment de la délibération n° 12 intitulée autorisation à donner au syndicat [M] Immobilier pour représenter le syndicat des copropriétaires Heremoana afin d'obtenir réparation des dommages résultant des désordres affectant tant les parties privatives que les parties communes de la résidence.
En sa version applicable au litige, l'article 55 du décret n° 67 ' 223 du 17 mars 1967 était ainsi libellé : le syndic ne peut agir en justice au nom du syndicat sans y avoir été autorisé par une décision de l'assemblée générale. L'article prévoit des exceptions mais aucune d'entre elles n'est invoquée par le syndicat des copropriétaires.
L'autorisation doit faire l'objet d'une résolution expresse, claire et précise, votée en assemblée générale sous l'égide de l'article 24 de la loi du 10 juillet 1965 .L'autorisation doit porter à la fois sur la nature de la procédure autorisée, les personnes concernées et l'objet de la demande. Les désordres doivent être précisés.
En l'espèce : le texte approuvé par l'assemblée générale est le suivant :
'il a été évoqué l'opportunité pour l'ensemble des propriétaires de regrouper la réparation des dommages, l'organisation des travaux la représentation devant le tribunal afin d'éviter des frais, des contrariétés d'organisation et permettre au syndicat des copropriétaires, dans le cadre d'un programme de travaux, d'être le plus efficace possible au moindre prix.
À ce titre, l'assemblée générale autorise le syndic [M] IMMOBILIER pour représenter le SDC HEREMOANA afin d'obtenir réparation des dommages résultant des désordres affectant tant les parties privatives que les parties communes de la résidence et désigne Maître [L] comme conseil.
Aussi, il est précisé que le dessin de cette action ne compromettra en rien les actions déjà engagées à titre privé.'.
Cette résolution ne mentionne pas que le syndicat est autorisé à engager une action au fond devant le tribunal de première instance de Papeete au nom de la copropriété, ni les parties qu'il est autorisé à attraire en justice, ni la nature des désordres concernés.
Cependant, le syndicat des copropriétaires verse aux débats le procès-verbal d'une assemblée générale ordinaire tenue par la copropriété le 10 octobre 2023, et excipe en particulier de la résolution n°11 intitulé « procédure résolution de régularisation », par laquelle l'unanimité des copropriétaires ayant pris part au vote, autorise expressément le syndic à agir en justice devant toute juridiction compétente à l'encontre de la société MEP, son assureur la compagnie Allianz ainsi que toutes les autres entreprises intervenues dont les noms commerciaux sont énumérés, afin d'obtenir réparation des dommages énoncés dans le rapport d'expertise judiciaire de M.[E] ainsi que des rapports amiables de la SARL ATR, du procès-verbal d'huissier du 12 août 2020, etc. concernant les désordres affectant notamment les lots gros 'uvre, charpente couverture étanchéité, menuiseries aluminium, garde corps, peinture, revêtements de sol, électricité, plomberie et chauffe-eau solaire., et ce pour obtenir l'indemnisation des préjudices matériels et immatériels tant pour les propriétaires concernés que pour la copropriété.
Cette autorisation est totalement conforme aux prescriptions de l'article 55 du décret précité.
La compagnie Allianz semble invoquer une forclusion ou prescription qui serait intervenue avant la régularisation puisqu'elle indique in fine de la page 11 de ses conclusions que : 'cette résolution a été votée le 10 octobre 2023. Les demandes du [Adresse 18] n'ont donc été régulièrement formées que dans la requête d'appel du 17 octobre 2023 et pas avant'.
Cependant les conclusions ne précisent pas la nature juridique de la prescription ou forclusion qui pourrait être retenue alors qu'il appartient à la partie qui invoque un tel moyen de le motiver en droit et en fait .
En tout état de cause, la société MEP fait à bon droit observer que la prescription biennale qui s'applique aux actions concernant l'assureur ne concerne pas l'action qui a été introduite par le syndicat des copropriétaires, tiers au contrat d'assurance.
En outre, le syndicat des copropriétaires et Mme [Z] ont engagé une action en responsabilité décennale, et il est manifeste que la prescription - dont l'assureur ne précise d'ailleurs pas le point de départ- a en tout état de cause été suspendue ou même interrompue par les multiples actes de procédure diligentées par les copropriétaires ou par le syndicat des copropriétaires, ordonnances de référé, dépôt de rapports d'expertise judiciaire, assignation en justice intervenus dans le cadre de cette affaire depuis ( a minima) 2016 , et la date de l'assemblée générale du 10 octobre 2023.
Dès lors il convient, statuant après infirmation du jugement de déclarer recevable l'action introduite par le syndicat des copropriétaires à l'encontre de la société MEP . Il s'agira d'une infirmation totale car il est manifeste que l'action du syndicat des copropriétaires et celle de Mme [Z] sont interdépendantes et doivent être jugées conjointement puisque la cause de l'action est commune, s'agissant de désordres de construction d'un seul et même ensemble immobilier.
***
L'article 353 du code de procédure civile dispose qu'en cas d'infirmation du jugement pour toute cause, la cour d'appel peut évoquer l'affaire au fond.
La MEP s'y oppose en se prévalant de la règle du double degré de juridiction mais la cour considère qu'en évoquant le fond de ce dossier déjà très ancien, elle ne prive les parties d'aucun droit et ce, d'autant que sur le plan du droit, elles disposeront de la possibilité de former un pourvoi en cassation contre l'arrêt à intervenir.
- Sur la nullité ou l'inopposabilité des rapports d'expertise judiciaire
La Sarl TCT demande l'annulation des deux rapports d'expertise rendus les 6 septembre 2017 et 9 novembre 2017 au motif qu'elle n'a pas été appelée aux opérations d'expertise . Il sera cependant relevé que ces deux rapports ont été rendus au contradictoire de parties ( MM.[C], SCI ZEPPLINE et SCI FOGA) qui n'ont pas été appelées en cause dans le cadre du présent procès et n'ont donc pas été mises en mesure de présenter leurs moyens de défense à ladite demande d'annulation qui ne peut donc prospérer pour ce motif.
La SARL TCT demande également que ces deux rapports lui soient déclarés inopposables tandis que la compagnie Allianz sollicite qu'une partie des rapports [E] lui soit déclarée inopposable.
La société S3T évoque la nullité des rapports d'expertise dans les motifs de ses conclusions mais non dans leur dispositif qui contient toutes les prétentions recevables des parties.
En tout état de cause, comme l'a justement relevé le tribunal, les trois rapports d'expertise judiciaire déposés par M.[E] ont été versés aux débats et très largement débattus par les parties qui ont pu les critiquer dans leurs conclusions et verser au dossier d'autres pièces pouvant démentir les conclusions de l'expert.
Par conséquent, il y a lieu de rejeter la demande d'annulation ou d'inopposabilité des trois rapports d'expertise judiciaire.
- Sur le bien-fondé de l'action de la copropriété à l'égard de la société MEP
Dès son rapport du 6 septembre 2017, l'expert judiciaire [D] [E] a constaté l'existence d'infiltrations et fissures au plafond des locaux, précisant que les étanchéités présentent des malfaçons et faisant état de travaux n'ayant pas été effectués dans les règles de l'art ( gardes-corps, menuiseries aluminium, hauteur des marches, etc...), constatant en particulier,
- des défauts de mise en oeuvre des bétons relevant du lot 'gros oeuvre' ,
- des manquements commis dans l'exécution du lot 'étanchéité',
- des désordres affectant les menuiseries/aluminium,
- des désordres affectant les gardes-corps, peintures, revêtements de sols, etc...
Comme l'indique ainsi l'expert à juste titre, la société MEP est le maître d'ouvrage responsable a minima sur le niveau de qualité non atteint. La cour relève qu'en son dernier rapport du 4 juin 2018, l'expert note qu'au moins une fissure ( celle de la cage d'escalier menant à l'appartement de la SCI Zeppeline) a évolué et doit être contrôlée rapidement.
Par conséquent, la responsabilité contractuelle de la société MEP à l'égard des acquéreurs des lots de la résidence Heremoana est engagée .
Le syndicat des copropriétaires et Mme [Z] ont engagé une action en responsabilité décennale, et invoquent à titre subsidiaire, la responsabilité contractuelle de droit commun de la société MEP .
S'agissant de la responsabilité décennale , elle est définie par les articles 1792 et suivants du code civil dont il résulte que tout constructeur est responsable de plein droit envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage des dommages qui compromettent la solidité de cet ouvrage qui le rendent impropre à sa destination. Au sens de l'article 1792-1, cette présomption légale s'applique bien à la société MEP qui est le promoteur, constructeur vendeur de la résidence [9] .
L'article 1792-4-1 qui dispose que les constructeurs sont déchargés de leur responsabilité engagée à raison des vices de la construction définis par l'article 1792 se prescrit par 10 ans à compter de la réception des travaux, impose donc comme préalable, que la date de ladite réception soit déterminée : or, c'est à bon droit que le syndicat des copropriétaires demande de fixer la réception judiciaire de l'ouvrage au 19 août 2014 en se référant au diagnostic technique des parties communes déposé par l'expert [F] à cette date, en ce que d'une part, la société MEP indique dans ses conclusions que la résidence a été livrée en 2014 sans plus de précision, et d'autre part, l'ouvrage a bien été réceptionné avec réserves le 19 août 2014, par le syndicat des copropriétaires qui était constitué et qui disposait d'un budget de fonctionnement voté par l'assemblée générale .
- Mais sur la nécessité d'une nouvelle expertise
Cependant, M.[F] qui est également expert judiciaire conclut son diagnostic du 19 août 2014 en indiquant : 'aucune malfaçon majeure n'a été constatée' après avoir fait le constat de désordres ou malfaçons grevant l'ensemble immobilier.
Par ailleurs, les rapports de M.[E] lequel, du reste, avait reçu pour mission d'établir un rapport unique, contiennent des conclusions peu claires voire incertaines sur la gravité des désordres affectant les travaux de sorte que la cour ne dispose pas des éléments qui lui permettraient de définir leur nature juridique et leur imputabilité aux parties appelées en cause . Ces expertises sont également inexploitables en ce qui concerne le montant des travaux de reprise qui devraient éventuellement inclure le coût d'un bureau d'étude, leur durée et les troubles de jouissance qu'ils pourraient causer, étant au surplus, observé qu'une réactualisation s'impose eu égard à l'ancienneté du dernier rapport remontant à 2018.
La cour considère ainsi qu'au regard des motifs ci-dessus et du fait que même le syndicat des copropriétaires s'y perd puisqu'il présente des demandes chiffrées incertaines - au principal 48 712 458 Fcfp et subsidiairement 16 905 000 Fcfp - une nouvelle expertise doit être effectuée au contradictoire des seules parties concernées par le présent procès pour déterminer en premier lieu, la nature juridique des désordres et évaluer le coût des reprises qui seront supportés au principal par la société MEP, et en second lieu, pour trancher les appels en garantie de la compagnie Allianz et des autres constructeurs appelés en cause par la société MEP.
- Sur les frais du procès,
L'avance des frais d'expertise doivent être supportés par le syndicat des copropriétaires de la résidence Heremoana .
En revanche, compte tenu des constatations de l'expert [D] [E] et de M.[F], il apparait que - quelque soit leur fondement juridique - des désordres affectent l'ouvrage livré par la société MEP , il est équitable de la condamner en sa qualité de promoteur constructeur vendeur de l'immeuble à supporter les entiers dépens de la présente procédure et à payer en outre au syndicat des copropriétaires et à Mme [Z] pris ensemble puisqu'ils ont le même avocat, une indemnité de procédure de 500 000 Fcfp au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel, les demandes des autres parties présentées en vertu de l'article 475 '1 du code de procédure pénale devant être rejetées.
L'ensemble des autres prétentions des parties et des appels en garantie sont réservés dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort ;
Vu l'appel formé par la société MEP et par le syndicat des copropriétaires de la résidence Heremoana et Mme [A] [Z],
Infirme le jugement entrepris,
Statuant à nouveau,
Déclare recevable l'action engagée par le syndicat des copropriétaires de la résidence [9] représenté par son syndic en exercice, et par Mme [Z] à l'égard de la société MEP,
Rejette la demande d'annulation ou d'inopposabilité des rapports d'expertise déposés par M.[D] [E],
Déclare la société MEP responsable des désordres, malfaçons et non-conformités affectant l'ouvrage réceptionné par le syndicat des copropriétaires de la résidence Heremoana et Mme [Z], le 19 août 2014,
Mais vu l'article 84 du code de procédure civile,
Ordonne une nouvelle expertise judiciaire et désigne pour y procéder M.[T] [G], [Adresse 3] - mail : [Courriel 11] - tél.40 42 83 42 /port.87 76 55 66, en qualité d'expert avec pour mission de :
- se rendre sur les lieux résidence Heremoana quartier et [Adresse 14] à [Localité 17] ( Tahiti)
- les parties au présent procès et leurs conseils entendus ou appelés, prendre connaissance des pieces produites et de tout document qu'il estimera utile à l'accomplissement de la mission en particulier les rapports d'expertise de M.[E] et de M.[F] ;
- examiner les désordres allégués affectant les parties communes et les parties privatives de la résidence, et spécialement le bien appartenant à Mme [A] [Z],
- décrire les désordres affectant la construction, dire s'ils rendent la construction impropre a sa destination ou s'ils menacent la solidité de l'ouvrage,
- dire si les travaux ont été réalisés dans les regles de l'art, s'ils sont conformes aux normeset aux accords contractuels, si leur exécution est défectueuse en particulier en ce qui concerne les entreprises appelées en cause dans le cadre du présent procès
- décrire les remèdes appropriés à mettre un terme aux desordrés, chiffrer dans le détail les travaux de remise en état et y ajoutant, au besoin, le coût d'un bureau d'études ou d'un architecte coordonnateur, puis indiquer leur délai d'exécution et les troubles de jouissance qui pourraient en résulter pour la copropriété et Mme [Z],
- donner tous éléments techniques de fait et d'appréciation de nature a permettre à la cour de determiner lesresponsabilités encourues - entendre tout sachant,
- fournir toutes explications complémentaires qui apparaitraient utile aux fins de permettre de determiner les responsabilités et d'évaluer les prejudices en résultant ;
Dit que cette expertise se déroulera dans les formes et conditions prescrites par les articles 140 et suivants du code de procédure civile de la Polynésie francaise, sous le contrôle du magistrat chargé de la mise en état du cabinet B, auquel l'expert fera connaître les éventuelles difficultés faisant obstacle à l'accomplissement de sa mission dans le délai prescrit ;
Dit que l'expert pourra s'adjoindre tout sapiteur de son choix s'il l'estime nécessaire à l'accomplissement de sa mission, à condition d'en joindre l'avis a son rapport conformément aux dispositions de l'article 159 alinéa 3 du code de procedure civile de la Polynésie francaise ;
Fixe à la somme de TROIS CENT MILLE FRANCS PACIFIQUES (300.000 Fcfp ) le montant de la provision à valoir sur la remunération de l'expert qui devra être versée par le [Adresse 19] auprès du Régisseur d'Avances et de Recettes de la cour d'appel de Papeete dans le délai de deux mois suivant la date de mise à disposition du présent arrêt,
Dit que l'expert ne doit pas commencer sa mission avant d'avoir reçu du greffe du tribunal l'avis de cette consignation ;
Dit qu'a défaut de consignation dans le délai et selon les modalités impartis, la désignation de l'expert sera déclarée caduque par ordonnance du juge de la mise en état, sauf à solliciter une prorogation du délai pour consigner ou un relevé de caducité, dans les conditions prévues a l'article 149 du code de procedure civile de la Polynésie francaise ;
Dit qu'en cas d'empêchement ou de refus de l'expert d'accomplir sa mission, il sera pourvu à son remplacement par ordonnance du juge de la mise en état du cabinet B rendue sur simple requéte de la partie la plus diligente ;
Dit qu'après avoir pris connaissance de la procédure et déterminé les opérations nécessaires et leur calendrier, l'expert devra apprécier le montant prévisible des frais de 1' expertise et, s'il se révele que ces demiers seront nettement supérieurs au montant de la provision, en aviser aussitôt le greffe civil de la cour d'appel pour qu'il soit statué sur un éventuel supplément de consignation aprés avoir recueilli les observations des parties ;
Dit que l'expert pourra se faire communiquer toutes pièces et tous documents nécessaires au bon déroulement de sa mission ;
Dit que pour lui permettre de répondre aux dires éventuels des parties, l'expert devra leur faire parvenir suffisamment à l'avance un pré- rapport de ses opérations ;
Dit que l'expert donnera un avis motivé sous la forme d'un rapport écrit qui devra être déposé au greffe de la cour d'appel de Papeete en double exemplaire dans le délai de quatre mois suivant l'acceptation de sa mission, en y joignant les observations écrites ou réclamations des parties si elles le demandent, et en faisant mention dans ce cas de la suite qu'il leur aura été donnée ;
Précise qu'une copie du rapport sera adressée à l'avocat de chaque partie, et qu'une mention en sera faite dans l'exemplaire original déposé à la cour ;
Condamne la société Mep à supporter les entiers dépens de la présente instance d'appel et à payer au syndicat des copropriétaires de la résidence Heremoana et à Mme [Z] pris ensemble, une indemnité de procédure de 500 000 Fcfp au titre des frais irrépétibles,
Réserve l'ensemble des autres prétentions des parties,
Prononcé à [Localité 15], le 14 août 2025.
La greffière, La présidente,
signé : M. OPUTU-TERAIMATEATA signé : M.F. BRENGARD
MFB -------------
Copie authentique délivrée à :
- Me De Gary
- Me Jacquet
- Me Houbouyan
- Me Mikou
- Me Millet
- Me grattirola
- l'expert (M.[T] [G])
- La Régie
le14.08.2025
REPUBLIQUE FRANCAISE
COUR D'APPEL DE PAPEETE
Chambre Civile
Audience du 14 août 2025
N° RG 23/00293 ;
Décision déférée à la cour : jugement n° 312, n° RG 16/00420 rendu par le tribunal civil de première instance de Papeete le 22 juin 2023 ;
Sur appel formé par requête déposée et enregistrée au greffe de la cour d'appel le 18 octobre 2023 ;
Appelants :
Mme [A] [Z], née le [Date naissance 2] 1959 à [Localité 13], de nationalité française, demeurant [Adresse 7] ;
Le [Adresse 19], représenté par son syndic, la SARL FIRST IMMOBILIER, exerçant sous l'enseigne 'GESCO', immatriculée au Rcs de [Localité 15] sous le n° TPI 23165B B, n° Tahiti F 40 531, dont le siège social est [Adresse 6], prise en la personne de son représentant légal ;
Représentés par Me Florence de GARY, avocate au barreau de Papeete ;
Intimées :
La société M.E.P, Eurl immatriculée au Rcs de [Localité 15] sous le numéro TPI 113B, représentée par son gérant M. [K] [R], dont le siège social est sis [Adresse 8] ;
Représentée par Me Thierry JACQUET, avocat au barreau de Papeete ;
La compagnie d'assurances ALLIANZ - délégation de Polynésie, dont le siège social est sis [Adresse 12] ;
Ayant pour avocat la Selarl M&H, représentée par Me Ivan HOUBOUYAN, avocat au barreau de Papeete ;
De la cause :
La Société Tahitienne des Techniques du Toit (S3T), dont le siège est sis [Adresse 4], prise en la personne de son représentant légal ;
Ayant pour avocat la Selarl Tiki Legal, représentée par Me Mourad MIKOU, avocat au barreau de Papeete ;
La Société PACIFIC ALU, dont le siège est sis à [Adresse 16], prise en la personne de son représentant légal ;
Assignée à personne le 9 avril 2024 ;
La société TAHITI CONTROLE TECHNIQUE, dont le siège social est sis [Adresse 1], prise en la personne de son représentant légal ;
Ayant pour avocat la la Selarl MVA, représentée par Me Thibaud MILLET, avocat au barreau de Papeete ;
M. [P] [B], dont le siège est sis [Adresse 5] ; es qualité de liquidateur judiciaire de :
La société PGB CONSTRUCTION, assignée le 11 avril 2024 ;
L'entreprise CABINET IIHI ARCHITECTURE, assignée le 11 avril 2024 ;
Représenté par Me Miguel GRATTIROLA, avocat au barreau de Papeete ;
Ordonnance de clôture du 21 février 2025 ;
Composition de la cour :
La cause a été débattue et plaidée en audience publique du 10 avril 2025 devant Mme BRENGARD, présidente de chambre faisant fonction de présidente, Mme MARTINEZ, conseillère et Mme BOUDRY, vice-présidente placée auprès de la première présidente qui ont délibéré conformément à la loi ;
Greffière lors des débats : Mme OPUTU-TERAIMATEATA ;
Arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 264 du code de procédure civile de Polynésie française ;
Signé par Mme BRENGARD, présidente et par OPUTU-TERAIMATEATA, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
A R R E T,
EXPOSÉ DU LITIGE
Suivant acte authentique du 24 décembre 2010, la société MEP a acquis un terrain à [Localité 17], sur lequel se réservant le lot 'gros-oeuvre', elle a fait édifier un ensemble immobilier dénommé résidence [9] composé de trois bâtiments A à C qui ont été revendus par lots.
Le 13 mai 2013, Mme [A] [Z] a ainsi acquis en l'état futur d'achèvement les lots n° 15,32 et 33 constituant un appartement et des dépendances.
***
Le syndicat des copropriétaires a été constitué par une assemblée générale de copropriétaires du 15 mai 2014 qui a voté également un budget pour l'année 2014/2015 puis le 19 août 2014, la copropriété a fait procéder à un diagnostic technique des parties communes de la résidence [9] au contradictoire de la société MEP par l'expert M.[O] [F] qui indique que l'ensemble immobilier est en cours de finition et énumère des réserves.
Le 4 octobre 2014,un procès-verbal a été dressé et signé pour constaterl'achèvement des travaux et la livraison des lots 15,32 et 33, avec des réserves, Mme [Z] donnant l'ordre au notaire de solder le prix d'achat des biens livrés.
Suivant lettre recommandée avec avis de réception en date du 24 octobre 2014 qu'elle a adressé à la société MEP, Mme [Z] a dressé une liste de malfaçons et non-conformités qu'elle déclarait avoir constatées dans son appartement, puis, sur ordonnance du 9 juin 2016, elle a été autorisée à inscrire une hypothèque judiciaire provisoire sur l'immeuble pour avoir sûreté de sa créance provisoirement évaluée à la somme de 1'526'000 Fcfp .
***
Le juge des référés saisi par d'autres acquéreurs de lots de la résidence [Adresse 10] et par le syndicat des copropriétaires a rendu trois ordonnances désignant l'expert judiciaire M. [D] [E] architecte DPLG pour donner son avis technique sur les désordres affectant la résidence [9], et étendant les opérations d'expertise à de nouvelles parties. L'expert a rendu trois rapports d'expertise les 6 septembre et 9 novembre 2017 puis le 4 juin 2018.
***
Entre temps, par requête enregistrée le 25 juillet 2016 et suivie d'un acte d'huissier délivré le 21 juillet 2016, Mme [Z] a introduit une action au fond devant le tribunal civil de première instance de Papeete à l'égard de la société MEP promoteur immobilier, sur le fondement des articles 1641-1 et 1646-1 du Code civil, pour obtenir le paiement de la somme principale de 1'526'000 Fcfp ainsi que la validation de l'hypothèque judiciaire.
Cette procédure a été jointe à l'instance introduite par le syndicat des copropriétaires de la résidence [9] représenté par son syndic en exercice, la société Gesco, par requête du 20 mars 2019 tendant à obtenir la condamnation solidaire de la société MEP et de son assureur Allianz à lui payer une somme de 16.905.000 Fcfp en réparation des dommages causés à l'immeuble, sur le fondement du rapport d'expertise judiciaire.
Par suite des appels en cause ou par intervention volontaire, les parties au procès sont :
' la société Tahiti Controle Technique (société TCT), bureau technique,
' la société Tahitienne des Techniques du Toit ( société S3T) chargée du lot étanchéité,
' la société PGB Construction ayant exécuté le lot gros-oeuvre, représentée par son liquidateur judiciaire, Me [P],
' le cabinet d'architecture IIHI Architecture représenté par son liquidateur judiciaire, Me [P],
' la société Pacific Alu exécutante du lot concernant la pose des structures en aluminium.
' la compagnie d'assurances Allianz en qualité d'assureur dommage ouvrage de la société MEP.
***
Suivant jugement n° 312 réputé contradictoire rendu le 22 juin 2023 (RG 16/00 420), le tribunal civil de première instance de Papeete,
' faisant droit à l'exception de nullité soulevée in limine litis par la compagnie d'assurances Allianz, a déclaré irrecevable l'action introduite par le syndicat des copropriétaires de la résidence [9] à l'encontre de la société M EP, pour défaut de qualité à agir,
' a dit que par voie de conséquence, il n'y avait pas lieu de statuer sur les appels en garantie formés par la société MEP à l'encontre des sociétés S3T, Pacific Alu, Iihi Architecture, PGB Construction, bureau de contrôle TCT et sur l'appel en garantie de la compagnie Allianz,
' a déclaré Mme [A] [Z] recevable et bien fondée à solliciter la réparation du préjudice matériel de jouissance supporté par elle du fait des désordres décennaux affectant l'ouvrage dont elle est propriétaire,
' a déclaré la société MEP responsable sur le fondement de l'article 1792 du code civil du trouble de jouissance subi par Mme [Z],
' par suite a condamné la société MEP à payer à Mme [Z] la somme de 5 millions Fcfp en indemnisation dudit préjudice immatériel,
' a débouté Mme [Z] de ses demandes tendant la réparation d'un préjudice moral et à une prise d'hypothèque définitif sur le lot n° 12 de la résidence,
' a déclaré irrecevable les appels en garantie formés par la société MEP à l'encontre des autres intervenant à l'acte de construire,
' a dit que la garantie de la société d'assurances Allianz ne se trouvait pas due dans le cas de la réparation du trouble de jouissance supporté par Mme [Z],
' a débouté Mme [Z] de ses demandes à l'égard de la société d'assurances Allianz,
' a condamné la société MEP à payer à Mme [Z] la somme de 200'000 Fcfp en application des dispositions de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française,
' a ordonné l'exécution provisoire du jugement,
' a condamné la société MEP aux dépens.
LA PROCÉDURE EN APPEL
Suivant requête enregistrée au greffe de la cour d'appel le 9 octobre 2023, la société MEP a déclaré relever appel du jugement entrepris mais uniquement en ce qu'il l'a condamnée au paiement d'une somme de 5 millions de francs à Mme [Z] en réparation de sa perte de jouissance, et en ses dernières conclusions récapitulatives n°2 reçues le 30 décembre 2024, elle demande à la cour, de :
' Confirmer le jugement sur l'irrecevabilité de l'action engagée par le syndicat des copropriétaires,
' subsidiairement, renvoyer la cause et les parties devant le tribunal pour respecter le double degré de juridiction,
' Sur le fond, ordonner à l'expert de compléter son rapport en procédant une réunion contradictoire de l'ensemble des parties et en soumettant un rapport unique en conformité avec la mission confiée par l'ordonnance du 16 octobre 2017,
Subsidiairement, débouter le syndicat des copropriétaires de toutes ses demandes,
' Condamner le cabinet d'architecture Ihii Mod et le bureau de contrôle TCT à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre,
' Condamner les entreprises intervenant à la construction à la garantir pour leur part des condamnations prononcées à son encontre à hauteur des sommes suivantes :
' société S3T la somme de 1'060'000 Fcfp
' société PGB la somme de 10'080'000 Fcfp
' société Pacific Alu la somme de 550'000 Fcfp,
' Condamner la compagnie Allianz à couvrir l'ensemble des dommages matériels entrant dans le champ d'application de l'article 1792 du Code civil,
' Débouter le syndicat des copropriétaires de sa demande de validation d'hypothèque et ordonner la mainlevée de l'hypothèque judiciaire,
' Lui allouer une somme de 500'000 Fcfp au titre des frais irrépétibles outre les dépens.
En suite de sa requête d'appel enregistrée le 18 octobre 2023, le [Adresse 19] représenté par son syndic, la SARL First Immobilier exerçant à l'enseigne Gesco, et [A] [Z] entendent dans ses dernières conclusions récapitulatives et responsives n° 2 du 30 décembre 2024, voir la cour, statuant après réformation du jugement ayant déclaré son action irrecevable,
Déclarer leur action recevable,
Vu les articles 1646- 1 et 1792 et suivants du code civil, la police d'assurance souscrite entre la société MEP et la compagnie d'assurances Allianz, à titre subsidiaire, vu les articles 1147 et 1134 du Code civil,
Prononcer la réception judiciaire à la date du 19 août 2014 avec les réserves mentionnées dans le rapport [F],
Condamner solidairement la société MEP et la compagnie Allianz à lui verser les sommes suivantes :
' 48'712'458 Fcfp et subsidiairement 16'905'000 Fcfp à valoir sur l'indemnisation des préjudices matériels,
' 5 millions Fcfp sous réserve d'une revalorisation de ce montant, pour chaque lot de la résidence concerné par les désordres, à savoir les appartements n° 3,4, 6, 9 et 16 pour les plus impactés, à valoir sur l'indemnisation des préjudices immatériels,
Ordonner une expertise complémentaire ou une nouvelle expertise pour évaluer les dommages, et subsidiairement, s'il était fait droit au moyen de nullité ou d'inopposabilité des rapports d'expertise précédent, ordonner une expertise avec mission pour l'expert de prendre connaissance des expertises antérieures de l'expert [E],
Confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société MEP à payer à Mme [Z] la somme de 5 millions en indemnisation de son dommage immatériel,
Subsidiairement, si l'action du syndicat des copropriétaires était déclarée irrecevable, condamner solidairement la société MEP et la compagnie d'assurances Allianz à payer à Mme [Z], en indemnisation de son dommage matériel la somme de 1'875'000 Fcfp sous réserve d'une revalorisation de la créance dans le cas d'une expertise complémentaire,
Valider l'hypothèque judiciaire renouvelée le 28 novembre 2022 et autoriser Mme [Z] à prendre une inscription d'hypothèque définitive sur le lot n°12 de la résidence [9],
Condamner solidairement la société MEP et la compagnie d'assurances Allianz à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 800'000 Fcfp, et à Mme [Z] la somme de 400'000 Fcfp en application des dispositions de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française, outre les entiers dépens comprenant les frais des différentes expertises.
***
Ces deux dossiers d' appel enregistrés sous les n° RG 23/293 et 23/307 ont été joints sous le n°RG 23/293.
***
Par conclusions récapitulatives du 11 octobre 2024, la SARL Tahiti Contrôle Technique (TCT) entend voir la cour,
In limine litis, annuler les deux rapports d'expertise rendus le 6 septembre 2017 dans les affaires ([C] ' 16/00321) et le 9 novembre 2017 (SCI Zeppline, SCI Foga ' 16/00031), ou à tout le moins les dire inopposables à la concluante,
Au fond, confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à statuer sur les appels en garantie formés par la société MEP notamment à l'égard de la concluante du fait de l'irrecevabilité de l'action engagée par le syndicat des copropriétaires Heremoana,
Rejeter en tout état de cause la demande de garantie formulée par la société MEP à son égard puis condamner celle-ci à verser une indemnité de procédure de 800'000 Fcfp au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel, outre les entiers dépens qui devront rester à sa charge.
Suivant conclusions en défense n° 3 enregistrées le 14 février 2025, la société Tahitienne des Techniques du Toit S3T entend voir confirmer le jugement en toutes ses dispositions puis condamner la société MEP à lui verser une somme de 300'000 Fcfp au titre des frais irrépétibles et des dépens, avec distraction d'usage.
En ses conclusions récapitulatives et en réponse reçue le 13 février 2025, la compagnie Allianz conclut en demandant à la cour, de :
Confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action du syndicat des copropriétaires,
Déclarer irrecevable comme prescrite l'action du syndicat des copropriétaires en exécution de la police d'assurance dommages ouvrage,
En tout état de cause, dire inopposables à la concluante, les parties des rapports [E] concernant les parties privatives autres que les lots de la SCI Christnel ou relatives aux parties communes,
Débouter le syndicat des copropriétaires, Mme [Z] et la société MEP de toute demande à son égard,
Condamner in solidum ces trois parties à lui verser une somme de 1'100'000 Fcfp au titre de l'article 407 du code de procédure civile, et à supporter les entiers dépens dont distraction.
La société Pacific Alu, l'entreprise cabinet d'architecture IIHI Architecture et Maître [P] ès qualités de liquidateur de PGB Construction régulièrement cités, n'ont pas constitué avocat.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité de l'action du syndicat des copropriétaires,
En sa décision, le tribunal a, faisant droit aux conclusions de la compagnie d'assurance Allianz, déclaré, irrecevable l'action du syndicat des copropriétaires aux motifs que l'autorisation donnée par la résolution n° 12 de l'assemblée générale des copropriétaires du 28 juin 2018 n'est pas suffisamment précise pour conférer une telle autorisation et que cette irrégularité n'a jamais été régularisée au sens de l'article 55 du décret 67-223 du 17 mars 1967 pris en application de la loi 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété.
Le syndicat des copropriétaires fait valoir que le tribunal ne pouvait statuer sur l'exception d'irrecevabilité de son action car le juge de la mise en état , statuant par ordonnance n° RG 16/00420 du 26 août 2020, avait déjà déclaré valable l'habilitation donnée au syndic.Cependant, si ladite ordonnance mentionne dans ses motifs que l'autorisation donnée au syndic par l'assemblée générale parait conforme aux prévisions de l'article 55 du décret du 17 mars 1967, le dispositif qui pourrait seul avoir autorité de chose jugée, ne comporte aucune décision concernant le rejet du moyen de nullité, encore que comme le dit justement le tribunal, en Polynésie française les ordonnances de la mise en état n'ont pas au principal, autorité de chose jugée en vertu de l'article 61 du code de procédure civile applicable sur ce territoire. .
Selon le code de procédure civile de Polynésie française, le défaut d'habilitation du syndic d'agir en justice au nom du syndicat constitue une fin de non-recevoir puisqu'elle tend à faire déclarer que ledit syndicat est irrecevable pour défaut de droit d'agir ( article 45 ) mais qui est susceptible d'être régularisée si l'irrecevabilité a disparu quand le juge statue ( art.49) et même à hauteur d'appel dans la mesure où la fin de non-recevoir peut être proposée en tout état de cause.
***
En l'espèce, le syndic représentant le syndicat des copropriétaires Heremoana a cru pouvoir justifier sa qualité à agir, en produisant le procès-verbal de l'assemblée générale du 28 juin 2018 notamment de la délibération n° 12 intitulée autorisation à donner au syndicat [M] Immobilier pour représenter le syndicat des copropriétaires Heremoana afin d'obtenir réparation des dommages résultant des désordres affectant tant les parties privatives que les parties communes de la résidence.
En sa version applicable au litige, l'article 55 du décret n° 67 ' 223 du 17 mars 1967 était ainsi libellé : le syndic ne peut agir en justice au nom du syndicat sans y avoir été autorisé par une décision de l'assemblée générale. L'article prévoit des exceptions mais aucune d'entre elles n'est invoquée par le syndicat des copropriétaires.
L'autorisation doit faire l'objet d'une résolution expresse, claire et précise, votée en assemblée générale sous l'égide de l'article 24 de la loi du 10 juillet 1965 .L'autorisation doit porter à la fois sur la nature de la procédure autorisée, les personnes concernées et l'objet de la demande. Les désordres doivent être précisés.
En l'espèce : le texte approuvé par l'assemblée générale est le suivant :
'il a été évoqué l'opportunité pour l'ensemble des propriétaires de regrouper la réparation des dommages, l'organisation des travaux la représentation devant le tribunal afin d'éviter des frais, des contrariétés d'organisation et permettre au syndicat des copropriétaires, dans le cadre d'un programme de travaux, d'être le plus efficace possible au moindre prix.
À ce titre, l'assemblée générale autorise le syndic [M] IMMOBILIER pour représenter le SDC HEREMOANA afin d'obtenir réparation des dommages résultant des désordres affectant tant les parties privatives que les parties communes de la résidence et désigne Maître [L] comme conseil.
Aussi, il est précisé que le dessin de cette action ne compromettra en rien les actions déjà engagées à titre privé.'.
Cette résolution ne mentionne pas que le syndicat est autorisé à engager une action au fond devant le tribunal de première instance de Papeete au nom de la copropriété, ni les parties qu'il est autorisé à attraire en justice, ni la nature des désordres concernés.
Cependant, le syndicat des copropriétaires verse aux débats le procès-verbal d'une assemblée générale ordinaire tenue par la copropriété le 10 octobre 2023, et excipe en particulier de la résolution n°11 intitulé « procédure résolution de régularisation », par laquelle l'unanimité des copropriétaires ayant pris part au vote, autorise expressément le syndic à agir en justice devant toute juridiction compétente à l'encontre de la société MEP, son assureur la compagnie Allianz ainsi que toutes les autres entreprises intervenues dont les noms commerciaux sont énumérés, afin d'obtenir réparation des dommages énoncés dans le rapport d'expertise judiciaire de M.[E] ainsi que des rapports amiables de la SARL ATR, du procès-verbal d'huissier du 12 août 2020, etc. concernant les désordres affectant notamment les lots gros 'uvre, charpente couverture étanchéité, menuiseries aluminium, garde corps, peinture, revêtements de sol, électricité, plomberie et chauffe-eau solaire., et ce pour obtenir l'indemnisation des préjudices matériels et immatériels tant pour les propriétaires concernés que pour la copropriété.
Cette autorisation est totalement conforme aux prescriptions de l'article 55 du décret précité.
La compagnie Allianz semble invoquer une forclusion ou prescription qui serait intervenue avant la régularisation puisqu'elle indique in fine de la page 11 de ses conclusions que : 'cette résolution a été votée le 10 octobre 2023. Les demandes du [Adresse 18] n'ont donc été régulièrement formées que dans la requête d'appel du 17 octobre 2023 et pas avant'.
Cependant les conclusions ne précisent pas la nature juridique de la prescription ou forclusion qui pourrait être retenue alors qu'il appartient à la partie qui invoque un tel moyen de le motiver en droit et en fait .
En tout état de cause, la société MEP fait à bon droit observer que la prescription biennale qui s'applique aux actions concernant l'assureur ne concerne pas l'action qui a été introduite par le syndicat des copropriétaires, tiers au contrat d'assurance.
En outre, le syndicat des copropriétaires et Mme [Z] ont engagé une action en responsabilité décennale, et il est manifeste que la prescription - dont l'assureur ne précise d'ailleurs pas le point de départ- a en tout état de cause été suspendue ou même interrompue par les multiples actes de procédure diligentées par les copropriétaires ou par le syndicat des copropriétaires, ordonnances de référé, dépôt de rapports d'expertise judiciaire, assignation en justice intervenus dans le cadre de cette affaire depuis ( a minima) 2016 , et la date de l'assemblée générale du 10 octobre 2023.
Dès lors il convient, statuant après infirmation du jugement de déclarer recevable l'action introduite par le syndicat des copropriétaires à l'encontre de la société MEP . Il s'agira d'une infirmation totale car il est manifeste que l'action du syndicat des copropriétaires et celle de Mme [Z] sont interdépendantes et doivent être jugées conjointement puisque la cause de l'action est commune, s'agissant de désordres de construction d'un seul et même ensemble immobilier.
***
L'article 353 du code de procédure civile dispose qu'en cas d'infirmation du jugement pour toute cause, la cour d'appel peut évoquer l'affaire au fond.
La MEP s'y oppose en se prévalant de la règle du double degré de juridiction mais la cour considère qu'en évoquant le fond de ce dossier déjà très ancien, elle ne prive les parties d'aucun droit et ce, d'autant que sur le plan du droit, elles disposeront de la possibilité de former un pourvoi en cassation contre l'arrêt à intervenir.
- Sur la nullité ou l'inopposabilité des rapports d'expertise judiciaire
La Sarl TCT demande l'annulation des deux rapports d'expertise rendus les 6 septembre 2017 et 9 novembre 2017 au motif qu'elle n'a pas été appelée aux opérations d'expertise . Il sera cependant relevé que ces deux rapports ont été rendus au contradictoire de parties ( MM.[C], SCI ZEPPLINE et SCI FOGA) qui n'ont pas été appelées en cause dans le cadre du présent procès et n'ont donc pas été mises en mesure de présenter leurs moyens de défense à ladite demande d'annulation qui ne peut donc prospérer pour ce motif.
La SARL TCT demande également que ces deux rapports lui soient déclarés inopposables tandis que la compagnie Allianz sollicite qu'une partie des rapports [E] lui soit déclarée inopposable.
La société S3T évoque la nullité des rapports d'expertise dans les motifs de ses conclusions mais non dans leur dispositif qui contient toutes les prétentions recevables des parties.
En tout état de cause, comme l'a justement relevé le tribunal, les trois rapports d'expertise judiciaire déposés par M.[E] ont été versés aux débats et très largement débattus par les parties qui ont pu les critiquer dans leurs conclusions et verser au dossier d'autres pièces pouvant démentir les conclusions de l'expert.
Par conséquent, il y a lieu de rejeter la demande d'annulation ou d'inopposabilité des trois rapports d'expertise judiciaire.
- Sur le bien-fondé de l'action de la copropriété à l'égard de la société MEP
Dès son rapport du 6 septembre 2017, l'expert judiciaire [D] [E] a constaté l'existence d'infiltrations et fissures au plafond des locaux, précisant que les étanchéités présentent des malfaçons et faisant état de travaux n'ayant pas été effectués dans les règles de l'art ( gardes-corps, menuiseries aluminium, hauteur des marches, etc...), constatant en particulier,
- des défauts de mise en oeuvre des bétons relevant du lot 'gros oeuvre' ,
- des manquements commis dans l'exécution du lot 'étanchéité',
- des désordres affectant les menuiseries/aluminium,
- des désordres affectant les gardes-corps, peintures, revêtements de sols, etc...
Comme l'indique ainsi l'expert à juste titre, la société MEP est le maître d'ouvrage responsable a minima sur le niveau de qualité non atteint. La cour relève qu'en son dernier rapport du 4 juin 2018, l'expert note qu'au moins une fissure ( celle de la cage d'escalier menant à l'appartement de la SCI Zeppeline) a évolué et doit être contrôlée rapidement.
Par conséquent, la responsabilité contractuelle de la société MEP à l'égard des acquéreurs des lots de la résidence Heremoana est engagée .
Le syndicat des copropriétaires et Mme [Z] ont engagé une action en responsabilité décennale, et invoquent à titre subsidiaire, la responsabilité contractuelle de droit commun de la société MEP .
S'agissant de la responsabilité décennale , elle est définie par les articles 1792 et suivants du code civil dont il résulte que tout constructeur est responsable de plein droit envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage des dommages qui compromettent la solidité de cet ouvrage qui le rendent impropre à sa destination. Au sens de l'article 1792-1, cette présomption légale s'applique bien à la société MEP qui est le promoteur, constructeur vendeur de la résidence [9] .
L'article 1792-4-1 qui dispose que les constructeurs sont déchargés de leur responsabilité engagée à raison des vices de la construction définis par l'article 1792 se prescrit par 10 ans à compter de la réception des travaux, impose donc comme préalable, que la date de ladite réception soit déterminée : or, c'est à bon droit que le syndicat des copropriétaires demande de fixer la réception judiciaire de l'ouvrage au 19 août 2014 en se référant au diagnostic technique des parties communes déposé par l'expert [F] à cette date, en ce que d'une part, la société MEP indique dans ses conclusions que la résidence a été livrée en 2014 sans plus de précision, et d'autre part, l'ouvrage a bien été réceptionné avec réserves le 19 août 2014, par le syndicat des copropriétaires qui était constitué et qui disposait d'un budget de fonctionnement voté par l'assemblée générale .
- Mais sur la nécessité d'une nouvelle expertise
Cependant, M.[F] qui est également expert judiciaire conclut son diagnostic du 19 août 2014 en indiquant : 'aucune malfaçon majeure n'a été constatée' après avoir fait le constat de désordres ou malfaçons grevant l'ensemble immobilier.
Par ailleurs, les rapports de M.[E] lequel, du reste, avait reçu pour mission d'établir un rapport unique, contiennent des conclusions peu claires voire incertaines sur la gravité des désordres affectant les travaux de sorte que la cour ne dispose pas des éléments qui lui permettraient de définir leur nature juridique et leur imputabilité aux parties appelées en cause . Ces expertises sont également inexploitables en ce qui concerne le montant des travaux de reprise qui devraient éventuellement inclure le coût d'un bureau d'étude, leur durée et les troubles de jouissance qu'ils pourraient causer, étant au surplus, observé qu'une réactualisation s'impose eu égard à l'ancienneté du dernier rapport remontant à 2018.
La cour considère ainsi qu'au regard des motifs ci-dessus et du fait que même le syndicat des copropriétaires s'y perd puisqu'il présente des demandes chiffrées incertaines - au principal 48 712 458 Fcfp et subsidiairement 16 905 000 Fcfp - une nouvelle expertise doit être effectuée au contradictoire des seules parties concernées par le présent procès pour déterminer en premier lieu, la nature juridique des désordres et évaluer le coût des reprises qui seront supportés au principal par la société MEP, et en second lieu, pour trancher les appels en garantie de la compagnie Allianz et des autres constructeurs appelés en cause par la société MEP.
- Sur les frais du procès,
L'avance des frais d'expertise doivent être supportés par le syndicat des copropriétaires de la résidence Heremoana .
En revanche, compte tenu des constatations de l'expert [D] [E] et de M.[F], il apparait que - quelque soit leur fondement juridique - des désordres affectent l'ouvrage livré par la société MEP , il est équitable de la condamner en sa qualité de promoteur constructeur vendeur de l'immeuble à supporter les entiers dépens de la présente procédure et à payer en outre au syndicat des copropriétaires et à Mme [Z] pris ensemble puisqu'ils ont le même avocat, une indemnité de procédure de 500 000 Fcfp au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel, les demandes des autres parties présentées en vertu de l'article 475 '1 du code de procédure pénale devant être rejetées.
L'ensemble des autres prétentions des parties et des appels en garantie sont réservés dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort ;
Vu l'appel formé par la société MEP et par le syndicat des copropriétaires de la résidence Heremoana et Mme [A] [Z],
Infirme le jugement entrepris,
Statuant à nouveau,
Déclare recevable l'action engagée par le syndicat des copropriétaires de la résidence [9] représenté par son syndic en exercice, et par Mme [Z] à l'égard de la société MEP,
Rejette la demande d'annulation ou d'inopposabilité des rapports d'expertise déposés par M.[D] [E],
Déclare la société MEP responsable des désordres, malfaçons et non-conformités affectant l'ouvrage réceptionné par le syndicat des copropriétaires de la résidence Heremoana et Mme [Z], le 19 août 2014,
Mais vu l'article 84 du code de procédure civile,
Ordonne une nouvelle expertise judiciaire et désigne pour y procéder M.[T] [G], [Adresse 3] - mail : [Courriel 11] - tél.40 42 83 42 /port.87 76 55 66, en qualité d'expert avec pour mission de :
- se rendre sur les lieux résidence Heremoana quartier et [Adresse 14] à [Localité 17] ( Tahiti)
- les parties au présent procès et leurs conseils entendus ou appelés, prendre connaissance des pieces produites et de tout document qu'il estimera utile à l'accomplissement de la mission en particulier les rapports d'expertise de M.[E] et de M.[F] ;
- examiner les désordres allégués affectant les parties communes et les parties privatives de la résidence, et spécialement le bien appartenant à Mme [A] [Z],
- décrire les désordres affectant la construction, dire s'ils rendent la construction impropre a sa destination ou s'ils menacent la solidité de l'ouvrage,
- dire si les travaux ont été réalisés dans les regles de l'art, s'ils sont conformes aux normeset aux accords contractuels, si leur exécution est défectueuse en particulier en ce qui concerne les entreprises appelées en cause dans le cadre du présent procès
- décrire les remèdes appropriés à mettre un terme aux desordrés, chiffrer dans le détail les travaux de remise en état et y ajoutant, au besoin, le coût d'un bureau d'études ou d'un architecte coordonnateur, puis indiquer leur délai d'exécution et les troubles de jouissance qui pourraient en résulter pour la copropriété et Mme [Z],
- donner tous éléments techniques de fait et d'appréciation de nature a permettre à la cour de determiner lesresponsabilités encourues - entendre tout sachant,
- fournir toutes explications complémentaires qui apparaitraient utile aux fins de permettre de determiner les responsabilités et d'évaluer les prejudices en résultant ;
Dit que cette expertise se déroulera dans les formes et conditions prescrites par les articles 140 et suivants du code de procédure civile de la Polynésie francaise, sous le contrôle du magistrat chargé de la mise en état du cabinet B, auquel l'expert fera connaître les éventuelles difficultés faisant obstacle à l'accomplissement de sa mission dans le délai prescrit ;
Dit que l'expert pourra s'adjoindre tout sapiteur de son choix s'il l'estime nécessaire à l'accomplissement de sa mission, à condition d'en joindre l'avis a son rapport conformément aux dispositions de l'article 159 alinéa 3 du code de procedure civile de la Polynésie francaise ;
Fixe à la somme de TROIS CENT MILLE FRANCS PACIFIQUES (300.000 Fcfp ) le montant de la provision à valoir sur la remunération de l'expert qui devra être versée par le [Adresse 19] auprès du Régisseur d'Avances et de Recettes de la cour d'appel de Papeete dans le délai de deux mois suivant la date de mise à disposition du présent arrêt,
Dit que l'expert ne doit pas commencer sa mission avant d'avoir reçu du greffe du tribunal l'avis de cette consignation ;
Dit qu'a défaut de consignation dans le délai et selon les modalités impartis, la désignation de l'expert sera déclarée caduque par ordonnance du juge de la mise en état, sauf à solliciter une prorogation du délai pour consigner ou un relevé de caducité, dans les conditions prévues a l'article 149 du code de procedure civile de la Polynésie francaise ;
Dit qu'en cas d'empêchement ou de refus de l'expert d'accomplir sa mission, il sera pourvu à son remplacement par ordonnance du juge de la mise en état du cabinet B rendue sur simple requéte de la partie la plus diligente ;
Dit qu'après avoir pris connaissance de la procédure et déterminé les opérations nécessaires et leur calendrier, l'expert devra apprécier le montant prévisible des frais de 1' expertise et, s'il se révele que ces demiers seront nettement supérieurs au montant de la provision, en aviser aussitôt le greffe civil de la cour d'appel pour qu'il soit statué sur un éventuel supplément de consignation aprés avoir recueilli les observations des parties ;
Dit que l'expert pourra se faire communiquer toutes pièces et tous documents nécessaires au bon déroulement de sa mission ;
Dit que pour lui permettre de répondre aux dires éventuels des parties, l'expert devra leur faire parvenir suffisamment à l'avance un pré- rapport de ses opérations ;
Dit que l'expert donnera un avis motivé sous la forme d'un rapport écrit qui devra être déposé au greffe de la cour d'appel de Papeete en double exemplaire dans le délai de quatre mois suivant l'acceptation de sa mission, en y joignant les observations écrites ou réclamations des parties si elles le demandent, et en faisant mention dans ce cas de la suite qu'il leur aura été donnée ;
Précise qu'une copie du rapport sera adressée à l'avocat de chaque partie, et qu'une mention en sera faite dans l'exemplaire original déposé à la cour ;
Condamne la société Mep à supporter les entiers dépens de la présente instance d'appel et à payer au syndicat des copropriétaires de la résidence Heremoana et à Mme [Z] pris ensemble, une indemnité de procédure de 500 000 Fcfp au titre des frais irrépétibles,
Réserve l'ensemble des autres prétentions des parties,
Prononcé à [Localité 15], le 14 août 2025.
La greffière, La présidente,
signé : M. OPUTU-TERAIMATEATA signé : M.F. BRENGARD