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Décisions

CA Rennes, ch. etrangers/hsc, 18 août 2025, n° 25/00610

RENNES

Ordonnance

Autre

CA Rennes n° 25/00610

18 août 2025

COUR D'APPEL DE RENNES

N° 366/2025 - N° RG 25/00610 - N° Portalis DBVL-V-B7J-WC6Z

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

O R D O N N A N C E

articles L 741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile

Nous, Sébastien PLANTADE, conseiller à la cour d'appel de RENNES, délégué par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur les articles L.741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assisté de Patricia IBARA, greffière,

Statuant sur l'appel formé par courriel reçu le 18 Août 2025 à 09 heures 43 par la PREFECTURE DU FINISTERE concernant :

M. X se disant [W] [J]

né le 06 Novembre 2002 à [Localité 4] (TUNISIE)

de nationalité Tunisienne

ayant pour avocat Me Léo-paul BERTHAUT, avocat au barreau de RENNES

d'une ordonnance rendue le 17 Août 2025 à 18 heures 10 par le magistrat en charge des rétentions administratives du Tribunal judiciaire de RENNES qui a constaté l'irrégularité de la procédure, dit n'y avoir lieu à la prolongation de la rétention administrative de Monsieur X se disant [W] [J] et condamné la préfecture à verser la somme de 700 euros à Me Léo-paul BERTHAUT, sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991;

En présence du représentant de la PREFECTURE DU FINISTERE, dûment convoquée, Monsieur [C] [L], muni d'un pouvoir, entendu en ses observations

En l'absence du procureur général régulièrement avisé, Monsieur Laurent FICHOT, avocat général, ayant fait connaître son avis par écrit déposé le 18 août 2025 lequel a été mis à disposition des parties.

En présence de Monsieur X se disant [W] [J], assisté de Me Léo-paul BERTHAUT, avocat,

Après avoir entendu en audience publique le 18 Août 2025 à 14 H 30 l'appelant assisté de Monsieur [N] [E], interprète en langue arabe ayant préalablement prêté serment, et son avocat et le représentant du préfet en leurs observations,

Avons mis l'affaire en délibéré et ce jour, avons statué comme suit :

Monsieur [J] [W] fait l'objet d'un arrêté du Préfet du Finistère en date du 28 septembre 2024, portant obligation d'avoir à quitter le territoire français sans délai, notifié le 28 septembre 2024.

Le 12 août 2025, Monsieur [J] [W] s'est vu notifier par le Préfet du Finistère une décision de placement en rétention administrative, au centre de rétention administrative (CRA) de [Localité 3] pour une durée de quatre jours. Monsieur [J] [W] a contesté la légalité de l'arrêté de placement en rétention administrative.

Par requête motivée en date du 15 août 2025, reçue le 15 août 2025 à 21h 55 au greffe du tribunal judiciaire de Rennes, le représentant du préfet du Finistère a saisi le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Rennes d'une demande de prolongation pour une durée de 26 jours de la rétention administrative de Monsieur [J] [W].

Par ordonnance rendue le 17 août 2025, le magistrat du siège du Tribunal judiciaire de Rennes a constaté l'irrégularité de la procédure, dit n'y avoir lieu à prolongation de la rétention administrative de Monsieur [J] [W] et condamné le Préfet du Finistère à payer à Me Léo-Paul BERTHAUT, conseil de l'intéressé moyennant renonciation au bénéfice de l'aide juridictionnelle, la somme de 700 euros au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par déclaration reçue au greffe de la Cour le 18 août 2025 à 09h 43, le Préfet du Finistère a interjeté appel de cette décision.

L'appelant fait valoir, au soutien de sa demande d'infirmation de la décision entreprise, que l'absence de mention de l'habilitation de l'agent à la consultation des fichiers n'emporte pas par elle-même nullité de la procédure, dès lors que l'habilitation de l'agent dont l'identité était connue dans la procédure peut être vérifiée et que d'autres éléments de la procédure permettent de déterminer que l'intéressé se trouvait en situation irrégulière sur le territoire national.

Le procureur général, suivant avis écrit du 18 août 2025, sollicite la confirmation de la décision entreprise, faisant observer que le Préfet ne répond pas au grief subi par l'étranger par le placement en rétention découlant de la consultation du FPR par l'agent, dont l'habilitation n'est pas d'ailleurs rapportée en cause d'appel, et que la procédure doit être considérée comme irrégulière sauf au Préfet à produire avant l'audience cette pièce, selon demande expresse formulée par le procureur général.

Par courrier électronique adressé le 18 août 2025 à 14h36, la préfecture du Finistère a produit la fiche individuelle d'habilitation d'accès aux fichiers, dont le FPR, établie au nom de Monsieur [I] [V], brigadier de police, en date du 03 septembre 2021.

Le représentant du Préfet du Finistère, comparant à l'audience, confirmant la demande d'infirmation de la décision entreprise, développe l'argumentation contenue dans sa déclaration d'appel, ajoutant s'opposer aux autres moyens soulevés devant le premier juge et repris par le conseil de Monsieur [W] en cause d'appel, estimant le placement en local de rétention administrative suffisamment motivé par l'absence de place disponible en centre de rétention, que le transfert en centre de rétention n'est pas tardif, que l'arrêté de placement en rétention est suffisamment motivé quant à l'insuffisance des garanties de représentation de Monsieur [W] qui représente par ailleurs une menace avérée à l'ordre public, et que toutes les diligences consulaires ont été opérées.

Comparant à l'audience, Monsieur [J] [W] n'a pas d'observations à formuler et déclare être dépourvu de passeport.

Le conseil de Monsieur [J] [W] soutient les moyens développés en première instance, tenant d'une part à l'erreur d'appréciation du Préfet dans la prise de décision de placement en rétention administrative et au défaut d'examen de la situation de l'intéressé, qui a respecté la mesure d'assignation à résidence et a communiqué une adresse qui n'a pourtant pas été vérifiée par les services de police, alors que manifestement, dès le début de la garde à vue, le Préfet avait déjà pris sa décision sans avoir procédé aux vérifications requises, et d'autre part tendant à considérer la procédure irrégulière, faute d'habilitation rapportée de l'agent ayant consulté le FPR, la production en cause d'appel et tardivement d'une telle pièce utile ne pouvant être admise, que la requête du Préfet était ainsi irrecevable, alors que rien n'indique que Monsieur [V] serait l'auteur de la consultation dudit fichier, tandis que par ailleurs, le placement en local de rétention est irrégulier comme étant non motivé avec un transfert trop tardif en centre de rétention et que les diligences consulaires n'ont pas été opérées de façon utile, la Tunisie n'ayant pas été relancée avec de nouvelles pièces et la preuve de la saisine effective des autres représentations consulaires n'étant pas avérée. Il est formalisé également une demande au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle.

SUR QUOI :

L'appel est recevable pour avoir été formé dans les formes et délais prescrits.

' Sur le recours en annulation de l'arrêté de placement en rétention administrative

- Sur les moyens tirés du défaut d'examen complet de la situation et de l'erreur manifeste d'appréciation :

Il ressort des dispositions de l'article L741-1 du CESEDA que 'L'autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quatre jours, l'étranger qui se trouve dans l'un des cas prévus à l'article L. 731-1 lorsqu'il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision.

Le risque mentionné au premier alinéa est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l'article L. 612-3 ou au regard de la menace pour l'ordre public que l'étranger représente'.

En outre, selon les dispositions de l'article L 612-3, 'Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants :

1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;

2° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;

3° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après l'expiration de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ;

4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ;

5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ;

6° L'étranger, entré irrégulièrement sur le territoire de l'un des États avec lesquels s'applique l'acquis de Schengen, fait l'objet d'une décision d'éloignement exécutoire prise par l'un des États ou s'est maintenu sur le territoire d'un de ces États sans justifier d'un droit de séjour ;

7° L'étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d'identité ou de voyage ou a fait usage d'un tel titre ou document ;

8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5.'

Par ailleurs, selon les dispositions de l'article L 741-4, 'La décision de placement en rétention prend en compte l'état de vulnérabilité et tout handicap de l'étranger.

Le handicap moteur, cognitif ou psychique et les besoins d'accompagnement de l'étranger sont pris en compte pour déterminer les conditions de son placement en rétention'.

Les dispositions de l'article L 731-1 prévoient en outre que 'L'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants :

1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins de trois ans auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé';

['] L'étranger qui, ayant été assigné à résidence en application du présent article, ou placé en rétention administrative en application des articles L. 741-1 ou L. 741-2, n'a pas déféré à la décision dont il fait l'objet ou, y ayant déféré, est revenu en France alors que cette décision est toujours exécutoire, peut être assigné à résidence sur le fondement du présent article.

Par ailleurs, aux termes de l'article 15-1 de la directive dite retour n° 2008/115/CE du Parlement Européen et du Conseil en date du 16 décembre 2008 "À moins que d'autres mesures suffisantes, mais moins coercitives puissent être appliquées efficacement dans un cas particulier, les Etats membres peuvent uniquement placer en rétention le ressortissant d'un pays tiers qui fait l'objet de procédures de retour afin de préparer le retour et/ou de procéder à l'éloignement en particulier lorsque a) il existe un risque de fuite ou b) le ressortissant concerné d'un pays tiers évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d'éloignement.

Dans son arrêté de placement en rétention administrative en date du 12 août 2025, le Préfet du Finistère expose que Monsieur [J] [W], se disant de nationalité tunisienne, a été placé en garde à vue le 11 août 2025 pour des infractions à la législation sur les stupéfiants, fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans délai, validée par le tribunal administratif, s'est vu rappeler cette obligation à l'issue d'un précédent placement en rétention, a respecté l'obligation de pointage dans le cadre d'une mesure d'assignation à résidence prononcée le 12 décembre 2024, sans pour autant avoir remis à l'administration une pièce d'identité ni fait part de démarches aux fins d'organiser son retour dans son pays d'origine, expose avoir quitté la France pour se rendre en Belgique, sans toutefois en justifier, ne peut attester être entré régulièrement sur le territoire national, n'établit pas avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour, s'est soustrait à l'exécution de la mesure d'éloignement, est dépourvu de document d'identité ou de voyage en cours de validité, a communiqué des renseignements inexacts sur son identité, s'étant prévalu de cinq identités différentes, ne produit aucun justificatif d'hébergement, et qu'à titre subsidiaire, a fait l'objet de condamnations le 05 juin 2019 par le tribunal pour enfants de Saint-Nazaire à la peine de deux mois d'emprisonnement avec sursis, pour des faits d'usage illicite de stupéfiants, le 11 février 2020 par le tribunal correctionnel de Nantes à la peine de deux mois d'emprisonnement pour des faits de violation de domicile, le 23 novembre 2020 par le tribunal correctionnel de Brest à la peine de 6 mois d'emprisonnement pour des faits de vol et tentative de vol et le 17 janvier 2024 par le tribunal correctionnel de Brest à une peine d'amende pour des faits d'usage illicite de stupéfiants, a fait en outre depuis 2018 d'une vingtaine de mesures de garde à vue pour des faits d'atteintes aux biens et infractions à la législation sur les stupéfiants, que son comportement représente ainsi une menace actuelle, réelle et suffisamment grave pour l'ordre public et atteste d'un défaut d'insertion dans la société française, si bien que Monsieur [W] ne présente pas de garanties de représentation propres à prévenir le risque de fuite, qu'il n'est pas opportun qu'il bénéficie d'une assignation à résidence, alors qu'il ne produit aucun élément de nature à ce qu'il puisse être considéré qu'une vulnérabilité ou un handicap quelconque fasse obstacle au placement en rétention.

Il ressort de l'examen de la procédure et des débats et en l'absence de pièces produites que la situation de Monsieur [J] [W] a été examinée de manière suffisamment approfondie par le Préfet du Finistère, qui n'a pas commis d'erreur d'appréciation et a légitimement considéré que l'intéressé ne présentait pas des garanties de représentation suffisantes pour prévenir le risque de fuite, conformément aux dispositions 1) et 8) de l'article L 612-3 précité selon la motivation de la décision querellée de placement en rétention administrative, dans la mesure où l'intéressé ne peut justifier d'une entrée régulière sur le territoire national, ni d'un maintien régulier sur le territoire national, après épuisement des voies de recours contre les décisions administratives prises à son encontre, est dépourvu de tout document d'identité ou de voyage valide, ne peut justifier d'une domiciliation suffisamment effective et pérenne en France, ayant évoqué dans son audition du 12 août 2025 un hébergement au [Adresse 1] à [Localité 2] chez une dénommée [K], sans pouvoir en attester, n'a pas respecté la mesure d'éloignement à laquelle il est assujetti et qui lui a été rappelée à l'issue d'un précédent placement en rétention, de sorte qu'il ne peut présenter des garanties de représentation propres à prévenir le risque de fuite, alors que par ailleurs, de par ses condamnations pour des faits réitérés, avec de nouvelles poursuites décidées à la fin de la garde à vue de l'intéressé pour de nouvelles infractions à la législation sur les stupéfiants et une convocation en justice à venir pour le 09 mars 2026, il constitue une menace à l'ordre public, encore actuelle, récente et suffisamment grave, avec risque de réitération eu égard à la nature des faits, si bien que le Préfet pouvait également justifier sa décision de placement en rétention administrative conformément aux dispositions de l'article L 741-1 précité par ce dernier critère.

Le Préfet a donc ainsi justifié sa décision sans commettre d'erreur d'appréciation quant à l'opportunité de la mesure puisque le risque de fuite était caractérisé, de même que la menace constituée à l'ordre public, alors que le Préfet a examiné par ailleurs de manière précise la situation de l'intéressé au titre de son état de santé, ayant apprécié au vu des déclarations du susnommé, qui n'a pas fait valoir d'élément permettant de le considérer comme une personne vulnérable, et en l'absence de toute pièce produite, que l'état de l'intéressé en fonction des éléments dont il disposait ne s'opposait pas à un placement en rétention administrative.

À cet égard le Préfet a donc ainsi justifié sa décision sans commettre d'erreur d'appréciation quant à l'opportunité de la mesure et en tenant compte de la situation de l'intéressé en fonction des éléments portés à sa connaissance.

Le recours en annulation contre l'arrêté de placement sera ainsi rejeté.

' Sur la régularité de la procédure

- Sur le moyen tiré de l'irrecevabilité de la requête du fait du non-respect des conditions fixées par l'article R743-2 du CESEDA :

L'article R743-2 du CESEDA dispose qu'à peine d'irrecevabilité, la requête est motivée, datée et signée, selon le cas, par l'étranger ou son représentant ou par l'autorité administrative qui a ordonné le placement en rétention.

Lorsque la requête est formée par l'autorité administrative, elle est accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l'article L. 744-2.
Lorsque la requête est formée par l'étranger ou son représentant, la décision attaquée est produite par l'administration. Il en est de même, sur la demande du juge des libertés et de la détention, de la copie du registre.

Il appartient au Juge Judiciaire, en application de l'article 66 de la Constitution, de contrôler par voie d'exception la chaîne des privations de liberté précédant la rétention administrative.

Exceptée la copie du registre, la Loi ne précise pas le contenu des pièces justificatives qui doivent comprendre les pièces nécessaires à l'appréciation par le Juge des Libertés et de la Détention des éléments de fait et de droit permettant d'apprécier la régularité de la procédure servant de fondement à la rétention.

En l'espèce, l'absence en première instance de pièce relative à la preuve de l'habilitation de l'agent ayant procédé à la consultation des fichiers de police ou l'absence de la fiche consultée du FPR est sans incidence sur la régularité de la procédure dès lors que la loi n'exige pas la production de cette habilitation et qu'il est admis que la seule mention de cette habilitation en procédure suffit à en établir la preuve (C.Cass Crim 03 avril 2024 n°23-85.513).

En tout état de cause, au regard de la production en cause d'appel par l'appelant de la fiche d'habilitation litigieuse, et ce, avant le début de l'audience relative à l'examen de l'appel visé, il doit être considéré, conformément aux dispositions de l'article 16 du code de procédure civile et de l'article L.743-12 du CESEDA et dans le sens de la décision du 20 mars 2024 de la Cour de Cassation (1ère Civ n°22-22.704) que cette pièce litigieuse, confortée par ailleurs par d'autres éléments de la procédure, qui n'est pas considérée comme une pièce utile, a pu être débattue contradictoirement, de sorte que la requête du Préfet est recevable, aucune pièce utile ne faisant défaut à l'appui de la requête et le moyen sera rejeté.

- Sur le moyen tiré de la consultation irrégulière des fichiers

Aux termes de l'article 5 du Décret n° 2010-569 du 28 mai 2010 relatif au fichier des personnes recherchées :

'I.- Peuvent seuls avoir accès aux données à caractère personnel et informations enregistrées dans le fichier des personnes recherchées, dans le cadre de leurs attributions légales et pour les besoins exclusifs des missions qui leur sont confiées :

1° Les agents des services de la police nationale individuellement désignés et spécialement habilités soit par les chefs des services territoriaux de la police nationale, soit par les chefs des services actifs à la préfecture de police ou, le cas échéant, par le préfet de police, soit par les chefs des services centraux de la police nationale ou, le cas échéant, par le directeur général dont ils relèvent ;

2° Les militaires des unités de la gendarmerie nationale individuellement désignés et spécialement habilités soit par les commandants de groupement, soit par les commandants de la gendarmerie dans les départements et collectivités d'outre-mer et en Nouvelle-Calédonie, soit par les commandants de région, soit par les commandants des gendarmeries spécialisées, soit par le sous-directeur de la police judiciaire ou, le cas échéant, par le directeur général de la gendarmerie nationale ;

3° Les agents des services des douanes individuellement désignés et spécialement habilités soit par les directeurs régionaux des douanes, soit par le chef du service national de douane judiciaire ou, le cas échéant, par le directeur général des douanes et droits indirects ;

4° Les agents des services centraux du ministère de l'intérieur et des préfectures et sous-préfectures individuellement désignés et spécialement habilités, respectivement, par leur chef de service ou par le préfet, et chargés :

a) De l'application de la réglementation relative aux étrangers, aux titres d'identité et de voyages, aux visas, aux armes et munitions et aux permis de conduire ;

b) De la mise en 'uvre des mesures prises en application du 3° de l'article 5 et de l'article 6 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 modifiée relative à l'état d'urgence ;

c) De la mise en 'uvre des mesures prises en application des articles L. 225-1 à L. 225-3 du code de la sécurité intérieure.

5° Les agents du ministère des affaires étrangères, chargés du traitement des titres d'identité et de voyage et de l'instruction des demandes de visa, individuellement désignés et spécialement habilités par le directeur général dont ils relèvent ;

6° Les agents du Conseil national des activités privées de sécurité, individuellement désignés et spécialement habilités par le préfet compétent en application de l'article R. 632-14 du code de la sécurité intérieure ;

7° Les agents du service à compétence nationale dénommé " Unité Information Passagers " et rattaché au ministère chargé du budget, individuellement désignés et spécialement habilités par le directeur de l'unité ;

8° Les agents du service mentionné à l'article L. 561-23 du code monétaire et financier, individuellement désignés et spécialement habilités par le directeur du service ;

9° Les agents du service à compétence nationale dénommé 'service national des enquêtes administratives de sécurité', individuellement désignés et spécialement habilités par le directeur général de la police nationale ;

10° Les agents du service à compétence nationale dénommé 'Commandement spécialisé pour la sécurité nucléaire', individuellement désignés et spécialement habilités par le directeur général de la gendarmerie nationale.

II.- Sont destinataires des données à caractère personnel et informations enregistrées, dans le cadre de leurs attributions légales :

1° Les autorités judiciaires ;

2° Les organismes de coopération internationale en matière de police judiciaire et les services de police étrangers, dans les conditions prévues à l'article L. 235-1 du code de la sécurité intérieure ;

3° Les agents de police municipale, à l'initiative des agents des services de la police nationale ou des militaires des unités de la gendarmerie nationale aux fins et dans les limites fixées à l'article 12 des annexes IV-I et IV-II du code général des collectivités territoriales, dans le cadre des recherches des personnes disparues.

Afin de parer à un danger pour la population, les services de la police nationale et les unités de la gendarmerie nationale peuvent, à titre exceptionnel, transmettre oralement aux agents de police municipale certaines informations relatives à une personne inscrite dans le présent fichier ;

4° Les agents du service gestionnaire du fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes aux fins de consultation des seules fiches concernant le fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes ;

5° Les agents du service gestionnaire du fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions terroristes aux fins de consultation des seules fiches concernant le fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions terroristes ;

6° Les agents des services spécialisés de renseignement du ministère de la défense, individuellement désignés et spécialement habilités par les directeurs de ces services, aux seules fins de prévention des actes de terrorisme et dans la limite du besoin d'en connaître'.

De plus, l'article 15-5 du code de procédure pénale dispose que « seuls les personnels spécialement et individuellement habilités à cet effet peuvent procéder à la consultation de traitement au cours d'une enquête ou d'une instruction. La réalité de cette habilitation spéciale et individuelle peut être contrôlée à tout moment par un magistrat, à son initiative ou à la demande d'une personne intéressée. L'absence de la mention de cette habilitation sur les différentes pièces de procédure résultant de la consultation de ces traitements n'emporte pas, par elle-même, nullité de la procédure ».

Il est admis que la seule mention de cette habilitation en procédure suffit à en établir la preuve (C.Cass Crim 03 avril 2024 n°23-85.513).

Toutefois, la Cour de Cassation a estimé (Crim 26 novembre 2024 n°24-81.450) qu'il appartenait à la Chambre de l'instruction, le cas échéant en ordonnant un supplément d'information, de vérifier la réalité de l'habilitation spéciale et individuelle de l'agent ayant procédé aux consultations.

Enfin, selon une jurisprudence assez récente (Civ.1ère 23-23.860 du 04 juin 2025), il est indiqué que si c'est à tort que le premier président n'a pas recherché, comme il le lui était demandé, si l'agent du service de police ayant consulté le fichier des personnes recherchées était expressément habilité à cet effet, l'ordonnance n'encourt pas pour autant la censure, dès lors que le premier président a constaté que, indépendamment de cette consultation, d'autres éléments figurant à la procédure, notamment des échanges avec la préfecture avaient permis de déterminer que l'étranger se trouvait en situation irrégulière sur le territoire national et faisait l'objet d'une mesure d'éloignement et de fonder les procédures de garde à vue et de rétention.

En l'espèce, il ressort de l'examen de la procédure que dans le cadre d'une procédure de flagrance, suite au constat d'une transaction manifeste portant sur des produits stupéfiants, Monsieur [J] [W] a fait l'objet d'un contrôle d'identité par les fonctionnaires de police du commissariat de police de [Localité 2], a décliné son identité et sa nationalité tunisienne. Selon les mentions du procès-verbal d'interpellation, l'agent de police judiciaire [I] [V] a procédé à une consultation du Fichier des Personnes Recherchées (FPR), qui a révélé six fiches portant sur des obligations de quitter le territoire national et des interdictions de retour en date du 20 septembre 2022, 26 novembre 2023 et 28 septembre 2024, sans mention sur le procès-verbal de l'habilitation de l'agent pour procéder en particulier à la consultation du fichier des personnes recherchées (FPR).

Il s'ensuit qu'alors qu'aucune mention d'habilitation de l'agent ayant procédé à la consultation du FPR ne figure à la procédure, il est rappelé que le contrôle de ladite habilitation tel que prévu par la loi, d'office ou sur sollicitation d'une partie, constitue, aux termes de l'article précité, une simple faculté pour le juge et non une obligation et qu'en tout état de cause, la situation irrégulière de Monsieur [W] sur le territoire national, fondant la décision de placement en rétention, est établie par d'autres éléments tels que le défaut de production par l'intéressé se disant de nationalité tunisienne de tout document d'identité ou de voyage ou de titre lui conférant une autorisation à séjourner sur le territoire national, les nombreuses pièces relatives à la précédente procédure de rétention administrative et les déclarations en garde à vue de l'intéressé, qui a reconnu sa situation irrégulière et l'absence de toute preuve de son départ allégué de France.

En tout état de cause, la production en cause d'appel de la fiche d'habilitation de l'agent de police judiciaire [I] [V] à la consultation en particulier du FPR, sans que la consultation effective par ledit agent compte tenu de la rédaction du procès-verbal d'interpellation, ne puisse être raisonnablement remise en question, permet d'établir la régularité de la consultation du fichier de police.

Par suite, le moyen sera rejeté comme étant inopérant, de sorte que la Cour considère qu'il convient d'infirmer l'ordonnance dont appel.

- Sur le moyen tiré de la violation de l'article R.744-8 du CESEDA

L'article R.744-8 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) dispose : 'Lorsqu'en raison de circonstances particulières, notamment de temps ou de lieu, des étrangers retenus en application du présent titre ne peuvent être placés immédiatement dans un centre de rétention administrative, le préfet peut les placer dans des locaux adaptés à cette fin, dénommés "locaux de rétention administrative" régis par la présente sous-section'.

Aucune disposition légale ou réglementaire n'exige que la préfecture justifie des circonstances particulières pour lesquelles un étranger retenu n'a pas pu être placé immédiatement dans un centre de rétention administrative et l'ayant conduit à le placer provisoirement dans un local de rétention administrative. Les motifs de cette orientation relèvent de l'appréciation de l'autorité administrative et, en l'absence d'éléments démontrant que lesdites circonstances particulières considérées n'étaient pas satisfaites, il doit être présumé qu'elles l'étaient. Ainsi, il ne saurait être fait grief à la préfecture d'avoir placé le susnommé au local de rétention administrative de [Localité 2] au moment de son placement en rétention, notifié le 12 août 2025 à 12h.

En tout état de cause, il résulte clairement de l'examen de la procédure et des échanges de courriels joints, alors que le Préfet du Finistère a expressément indiqué dans l'arrêté de placement en rétention le motif l'ayant contraint à privilégier dans un premier temps le placement en local de rétention administratif, à savoir l'absence de place disponible en centre de rétention administrative au 12 août 2025, que les délais de route commandaient opportunément un placement initial au local de rétention administrative et il n'est nullement prouvé que l'intéressé aurait subi une quelconque atteinte à ses droits, au sens de l'article L.743-12 du CESEDA, du fait de son passage dans un local de rétention administrative alors qu'une personne morale agréée et des associations habilités interviennent dans les locaux de rétention administrative au même titre que dans les centre de rétention administrative et que la personne est mise en mesure dans chacun des lieux de rétention en question d'exercer les différents droits dont bénéficie l'étranger retenu. En outre, le transfert de Monsieur [W] en centre de rétention ne saurait être considéré comme tardif dès lors que le placement en local de rétention n'a pas excédé les délais prévus par les dispositions de l'article R744-9 du CESEDA.

Le moyen est donc inopérant en toutes ses dispositions.

- Sur le moyen tiré de l'insuffisance des diligences de la préfecture

L'article L.741-3 du CESEDA dispose qu'un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration exerce toute diligence à cet effet et par décisions en du 9 juin 2010, la Cour de Cassation a souligné que l'autorité préfectorale se devait de justifier de l'accomplissement de ces diligences dès le placement en rétention, ou, au plus tard, dès le premier jour ouvrable suivant l'organisation de la rétention.

En l'espèce, Monsieur [J] [W] a été placé en rétention administrative le 12 août 2025 à 12h à l'issue de sa garde à vue et il ressort de la procédure que l'intéressé étant dépourvu de document d'identité ou de passeport valide, le Préfet du Finistère a sollicité dès le 12 août 2025, par courrier électronique adressé à 15h 32, les autorités consulaires libyennes aux fins d'éventuelle identification et délivrance d'un laissez-passer consulaire, joignant des pièces justificatives dont les empreintes digitales et des photographies et précisant que l'intéressé invoquait constamment sa nationalité tunisienne, alors que les autorités tunisiennes n'avaient pas reconnu l'intéressé. Le même jour, selon des modalités similaires, le Préfet a sollicité les autorités consulaires égyptiennes. Le Préfet a joint à la procédure ses précédentes diligences auprès des autorités consulaires de Tunisie, Maroc et Algérie, pays qui ont répondu ne pouvoir donner une issue favorable à la requête sur la base de la comparaison des empreintes digitales. Le Préfet attend désormais la réponse des autorités consulaires saisies.

Il s'ensuit que toutes les diligences ont bien été effectuées par le Préfet dans la mise en 'uvre de la mesure d'éloignement, avec une demande d'identification et de délivrance des documents de voyage en cours, sans qu'il ne puisse être reproché au Préfet une insuffisance de diligences ou une absence de saisine réelle des autorités consulaires libyennes et égyptiennes, dès lors que les courriels joints n'ont pas été rejetés et que le Préfet atteste avoir suffisamment relancé les autorités tunisiennes depuis 2020, et Monsieur [W] étant dépourvu de tout document d'identité ou de voyage valide, il est rappelé que l'administration préfectorale ne peut être tenue pour responsable du temps jugé nécessaire par les autorités consulaires pour répondre à ses sollicitations, le principe de souveraineté des Etats faisant en effet obstacle au contrôle d'une autorité étrangère par une institution française.

Le moyen sera ainsi rejeté en toutes ses composantes.

En conséquence, il y a lieu d'ordonner la prolongation de la rétention de Monsieur [J] [W], à compter du 15 août 2025, pour une période d'un délai maximum de vingt-six jours dans des locaux non pénitentiaires.

Il n'y a pas lieu en outre à condamner le préfet du Finistère sur la base des dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle et la demande sur le fondement des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle sera rejetée.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement,

Déclarons l'appel recevable,

Infirmons l'ordonnance du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Rennes en date du 17 août 2025,

Statuant à nouveau,

Faisons droit à la requête du Préfet du Finistère et ordonnons la prolongation de la rétention administrative de Monsieur [J] [W] à compter du 15 août 2025, pour une période d'un délai maximum de vingt-six jours dans des locaux non pénitentiaires.

Disons n'y avoir lieu à condamner le préfet du Finistère sur la base des dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle et rejetons la demande formée au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991,

Laissons les dépens à la charge du trésor public.

Fait à [Localité 3], le 18 Août 2025 à 17 heures.

LE GREFFIER, PAR DÉLÉGATION, LE CONSEILLER,

Notification de la présente ordonnance a été faite ce jour à M. X se disant [W] [J], à son avocat et au préfet,

Le Greffier,

Cette ordonnance est susceptible d'un pourvoi en cassation dans les deux mois suivant la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.

Communication de la présente ordonnance a été faite ce même jour au procureur général.

Le Greffier,

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