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Décisions

CA Aix-en-Provence, retention administrative, 16 août 2025, n° 25/01618

AIX-EN-PROVENCE

Ordonnance

Autre

CA Aix-en-Provence n° 25/01618

16 août 2025

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

CHAMBRE 1-11, Rétention Administrative

ORDONNANCE

DU 16 AOUT 2025

N° RG 25/01618

N° Portalis DBVB-V-B7J-BPDSB

Copie conforme

délivrée le 16 Août 2025 par courriel à :

- l'avocat

- le préfet

- le CRA

- le MS/TJ

- le retenu

- le MP

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance rendue par le magistrat désigné pour le contrôle des mesures d'éloignement et de rétention de [Localité 5] en date du 15 Août 2025 à 10h47.

APPELANT

Monsieur X se disant [W] [J]

né le 20 Octobre 1993 à [Localité 8] (TUNISIE), de nationalité Tunisienne,

alias [O] [J], né le 1er septembre 1996 à [Localité 9] (TUNISIE)

alias [O] [X], né le 15 octobre 1996 à TUNIS(TUNISIE)

comparant,

Assisté de Maître Maeva LAURENS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, commis d'office.

et de Monsieur [R] [C], interprète en arabe, inscrit sur la liste des experts de la cour d'appel d'Aix-en-Provence.

INTIMÉE

LA PREFECTURE DES HAUTES ALPES

Avisée, non représentée

MINISTÈRE PUBLIC

Avisé, non représenté

******

DÉBATS

L'affaire a été débattue en audience publique le 16 Août 2025 devant Mme Claire OUGIER, Présidente de chambre à la cour d'appel déléguée par le premier président par ordonnance, assistée de Madame Maria FREDON, greffière,

ORDONNANCE

Par décision réputée contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Août 2025 à 16h55,

Signée par Mme Claire OUGIER, Présidente de chambre et Madame Maria FREDON, geffière,

PROCÉDURE ET MOYENS

Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) ;

Vu l'arrêté portant obligation de quitter le territoire national pris le 20 novembre 2023 par la PREFECTURE DES HAUTES ALPES, notifié le même jour à 12h38 ;

Vu la décision de placement en rétention prise le 18 juillet 2025 par la PREFECTURE DES HAUTES ALPES notifiée le même jour à 06h30;

Vu l'ordonnance du 15 Août 2025 rendue par le magistrat désigné pour le contrôle des mesures d'éloignement et de rétention décidant le maintien de Monsieur X se disant [W] [J] dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire ;

Vu l'appel interjeté le 16 Août 2025 à 10h33 par Monsieur X se disant [W] [J] ;

Monsieur X se disant [W] [J] a comparu et a été entendu en ses explications. Il indique n'avoir rien à dire et ne souhaite pas prendre la parole.

Son avocate a été régulièrement entendue. Elle conclut à l'absence de diligences suffisantes de l'administration tenant la saisine d'autorités consulaires sur un site qui n'est pas celui du centre de rétention où est placé l'appelant, et demande en conséquence la mainlevée de la mesure.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La recevabilité de l'appel contre l'ordonnance du magistrat désigné pour le contrôle des mesures d'éloignement et de rétention n'est pas contestée et les éléments du dossier ne font pas apparaître d'irrégularité.

L'article R.742-1 du CESEDA dispose que le magistrat du siège du tribunal judiciaire est saisi aux fins de prolongation de la rétention par simple requête de l'autorité administrative, dans les conditions prévues au chapitre III, avant l'expiration, selon le cas, de la période de quatre jours mentionnée à l'article L.742-1 ou de la période de prolongation ordonnée en application des articles L.742-4, L.742-5, L.742-6 ou L.742-7.

A cette fin et à peine d'irrecevabilité, selon l'article R.743-2 du même code, la requête est motivée, datée et signée, selon le cas, par l'étranger ou son représentant ou par l'autorité administrative qui a ordonné le placement en rétention, à savoir le préfet de département ou de police à [Localité 7] en application de l'article R.741-1. Dans ce cas la requête est accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l'article L.744-2.

Ce dernier énonce qu'il est tenu, dans tous les lieux de rétention, un registre mentionnant l'état civil des personnes retenues, ainsi que les conditions de leur placement ou de leur maintien en rétention. Le registre mentionne également l'état civil des enfants mineurs accompagnant ces personnes ainsi que les conditions de leur accueil. L'autorité administrative tient à la disposition des personnes qui en font la demande les éléments d'information concernant les date et heure du début du placement de chaque étranger en rétention, le lieu exact de celle-ci ainsi que les date et heure des décisions de prolongation.

Selon les dispositions de l'article L. 743-9 du CESEDA le magistrat du siège du tribunal judiciaire, saisi aux fins de prolongation de la rétention, rappelle à l'étranger les droits qui lui sont reconnus et s'assure, d'après les mentions figurant au registre prévu à l'article L. 744-2 émargé par l'intéressé, que celui-ci a été, dans les meilleurs délais suivant la notification de la décision de placement en rétention, pleinement informé de ses droits et placé en état de les faire valoir à compter de son arrivée au lieu de rétention. Le juge tient compte des circonstances particulières liées notamment au placement en rétention simultané d'un nombre important d'étrangers pour l'appréciation des délais relatifs à la notification de la décision, à l'information des droits et à leur prise d'effet.

Il résulte de la combinaison de ces textes que le registre doit être mis à jour et que la non-production d'une copie actualisée, permettant un contrôle de l'effectivité de l'exercice des droits reconnus à l'étranger au cours de la mesure de rétention, constitue une fin de non-recevoir. Celle-ci doit être accueillie sans que celui qui l'invoque ait à justifier d'un grief dès lors que le juge ne peut s'assurer que l'étranger a été en mesure d'exercer les droits qui lui sont reconnus par les articles L. 744-4 et suivants du CESEDA.

Le paragraphe IV de l'annexe de l'arrêté du 6 mars 2018 portant autorisation du registre de rétention et d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé «logiciel de gestion individualisée des centres de rétention administrative» (LOGICRA) prévoit notamment que sont enregistrées dans les traitements au titre des données à caractère personnel concernant la fin de la rétention et l'éloignement les informations suivantes :

1° Demande de laissez-passer consulaire, consulat saisi, date de la demande d'identification ou de présentation consulaire, type de présentation, motif de non-présentation, date de I'entretien, moyen de transport utilisé, résultat de I'entretien, délivrance du laissez-passer consulaire, date de délivrance, date et fin de validité du laissez-passer consulaire;

2° Réservation du moyen de transport national et international: date prévisionnelle de départ, moyen de transport utilisé, pays de destination, demande de routing, escorte;

3° Fin de la rétention: date et motif de la fin de rétention.

En l'espèce, l'appelant soulève le défaut d'actualisation du registre de rétention dans la mesure où les diligences consulaires n'y sont pas mentionnées.

Toutefois les diligences consulaires effectuées par l'administration ne constituent nullement des droits au sens des articles L. 744-4 et suivants du CESEDA, dont le défaut de mention dans le registre de rétention rendrait irrecevable la requête en prolongation de la mesure de rétention, s'agissant au surplus d'une question de fond en application de l'article L741-3 du même code.

Pour le surplus l'intéressé ne précise pas quelles sont les pièces utiles qui seraient manquantes

En conséquence il y aura lieu de rejeter la fin de non recevoir tirée du défaut de mention des diligences consulaires dans le registre de rétention et de production de pièces utiles.

Surabondamment, il doit être observé que le simple examen de la copie du registre tel que joint à la requête permettait de constater qu'y sont mentionnées tant la saisine des autorités consulaires tunisiennes le 18 juillet 2025 aux fins d'obtention d'un laissez-passer, que la relance encore effectuée auprès de ces autorités le 6 août 2025.

Le moyen soulevé dans la déclaration d'appel était donc dénué de tout fondement.

Selon l'article L.742-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile - dans sa version en vigueur depuis la loi n°2004-42 du 26 janvier 2024, le juge peut être à nouveau saisi, après la première période de prolongation aux fins de nouvelle prolongation, dans les cas suivants :

« 1° en cas d'urgence absolue ou de menace pour l'ordre public,

2° lorsque l'impossibilité d'exécuter la décision d'éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l'intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l'obstruction volontaire faite à son éloignement,

3° lorsque la décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison :

a) du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé ou lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement pour procéder à l'exécution de la décision d'éloignement,

b) de l'absence de moyens de transport. »

La prolongation de la rétention court alors « à compter de l'expiration de la précédente période de rétention et pour une nouvelle période d'une durée maximale de trente jours. La durée maximale de la rétention n'excède alors pas soixante jours ».

Ces dispositions doivent s'articuler avec celles de l'article L.741-3 du même code, selon lesquelles il appartient au juge judiciaire d'apprécier la nécessité du maintien en rétention et de mettre fin à la rétention administrative lorsque les circonstances de droit ou de fait le justifient, un étranger ne pouvant être placé ou maintenu en rétention « que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration exerce toute diligence à cet effet ».

En l'espèce, X se disant [W] [J] ne dispose d'aucun document de voyage ni d'identité et il dissimule délibérément son identité puisqu'il est également signalisé sous divers autres noms et prénoms.

Il est l'objet d'un arrêté lui faisant obligation de quitter le territoire national avec interdiction de retour pendant un an qui lui a été dûment notifié le 20 novembre 2023, interdiction prolongée de deux ans par arrêté du 17 juillet 2024 également notifié.

Il n'a pas à ce jour remis à un service de police ou à une unité de gendarmerie l'original de son passeport, de telle sorte qu'une assignation à résidence ne peut être ordonnée par le juge, par application des dispositions de l'article L.743-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Il ne justifie de plus d'aucune adresse ni domicile stables en France, ne démontre aucune activité professionnelle et ne dispose d'aucun revenu ni possibilité de financement pour assurer son retour dans son pays.

Il est l'objet d'une mesure d'éloignement en vigueur, telle que précitée, et qui fait obstacle à sa présence sur le sol français.

La délivrance d'un laissez-passer ou tout autre document de voyage suppose que la nationalité et donc l'identité de l'intéressé aient été formellement établies. En l'état d'une personne dépourvue de pièces d'identité et de droit au séjour, les recherches propres à identifier l'origine et la nationalité de celle-ci sont incontournables et retardent d'autant la délivrance du titre de voyage.

Force est de constater que malgré les diligences démontrées par l'administration, la mesure d'éloignement n'a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé.

C'est à tort qu'il est argué d'un manque de diligences de l'administration puisque celle-ci a bien au contraire saisi les autorités consulaires de Tunisie dont le retenu se déclare ressortissant dès le lendemain de son placement en rétention et qu'une relance a été adressée à ces autorités par l'administration le 6 août 2025.

Le Préfet n'ayant aucun pouvoir de contrainte sur les autorités consulaires étrangères, il ne peut lui être reproché le temps pris par celles-ci pour leur réponse.

Enfin, quel que soit le site de leur saisine, les autorités consulaires saisies sont à même de donner suite à la demande d'identification.

Il s'en déduit qu'il y a lieu de dire et juger que l'administration n'a pas failli à ses obligations et qu'il est établi, en l'état de la dernière relance, que la délivrance des documents de voyage doit intervenir à bref délai.

Les circonstances et conditions exigées par l'article L.742-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont donc satisfaites.

Aucun élément ne justifiant une mainlevée de la rétention, la requête en prolongation de la rétention administrative étant fondée en droit, et cette prolongation demeurant justifiée et nécessaire aux fins qu'il puisse être procédé effectivement à son éloignement, c'est à bon droit que le premier juge y a fait droit et son ordonnance doit être confirmée.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par décision réputée contradictoire en dernier ressort, après débats en audience publique,

Confirmons l'ordonnance du magistrat désigné pour le contrôle des mesures d'éloignement et de rétention en date du 15 Août 2025.

Les parties sont avisées qu'elles peuvent se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation, signé par un avocat au conseil d'Etat ou de la Cour de cassation.

La greffière La présidente

Reçu et pris connaissance le :

Monsieur X se diasant [W] [J]

Assisté d'un interprète

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-11, Rétentions Administratives

[Adresse 6]

Téléphone : [XXXXXXXX02] - [XXXXXXXX03] - [XXXXXXXX01]

Courriel : [Courriel 4]

Aix-en-Provence, le 16 Août 2025

À

- LA PREFECTURE DES HAUTES ALPES

- Monsieur le directeur du centre de rétention administrative de [Localité 5]

- Monsieur le procureur général

- Monsieur le greffier du Magistrat du siège du tribunal judiciaire chargé du contrôle des mesures privatives et restrictives de libertés de MARSEILLE

- Maître Maeva LAURENS

NOTIFICATION D'UNE ORDONNANCE

J'ai l'honneur de vous notifier l'ordonnance ci-jointe rendue le 16 Août 2025, suite à l'appel interjeté par :

Monsieur X se disant [W] [J]

né le 20 Octobre 1993 à [Localité 8] (TUNISIE), de nationalité Tunisienne

Je vous remercie de m'accuser réception du présent envoi.

Le greffier,

VOIE DE RECOURS

Nous prions Monsieur le directeur du centre de rétention administrative de bien vouloir indiquer au retenu qu'il peut se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation.

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