Livv
Décisions

CA Rouen, ch. des etrangers, 14 août 2025, n° 25/03082

ROUEN

Ordonnance

Autre

CA Rouen n° 25/03082

14 août 2025

N° RG 25/03082 - N° Portalis DBV2-V-B7J-KBL6

COUR D'APPEL DE ROUEN

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DU 14 AOUT 2025

Christelle BACHELET, Conseillère à la cour d'appel de Rouen, spécialement désignée par ordonnance de la première présidente de ladite cour pour la suppléer dans les fonctions qui lui sont spécialement attribuées,

Assistée de Mme DEMANNEVILLE, Greffière ;

Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu l'arrêté du préfet de [Localité 2]-Atlantique en date du 06 décembre 2023 portant obligation de quitter le territoire français pour Monsieur [G] [T] né le 12 Août 1996 à [Localité 1] ;

Vu l'arrêté du préfet de [Localité 2]-Atlantique en date du 08 août 2025 notifié le 09 août 2025 de placement en rétention administrative de Monsieur [G] [T] ;

Vu la requête de Monsieur [G] [T] en contestation de la régularité de la décision de placement en rétention administrative ;

Vu la requête du préfet de [Localité 2]-Atlantique tendant à voir prolonger pour une durée supplémentaire de vingt-six jours la mesure de rétention administrative qu'il a prise à l'égard de Monsieur [G] [T] ;

Vu l'ordonnance rendue le 13 août 2025 à 15h00 par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Rouen, déclarant irrecevable la requête de la Préfecture et disant n'y avoir lieu de prononcer l'une quelconque des mesures prévues par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et ordonnant la remise en liberté de Monsieur [G] [T];

Vu l'appel interjeté par le préfet de la Loire Atlantique, parvenu au greffe de la cour d'appel de Rouen le 13 août 2025 à 18h43 ;

Vu l'avis de la date de l'audience donné par le greffier de la cour d'appel de Rouen :

- aux services du directeur du centre de rétention de [Localité 4],

- à l'intéressé,

- au préfet de [Localité 2]-Atlantique,

- à Me Elie MONTREUIL, avocat au barreau de ROUEN, choisi en vertu de son droit de suite,

- à M. [I] [R], interprète en langue arabe ;

Vu l'avis au ministère public ;

Vu les débats en audience publique, en l'absence du préfet de [Localité 2]-Atlantique, de Monsieur [G] [T] et du ministère public;

Vu les réquisitions écrites du ministère public ;

Me [Localité 3] ayant été entendu ;

****

Décision prononcée par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

****

FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS

La préfecture soutient que le registre qu'elle a transmis comportait l'ensemble des mentions nécessaires dès lors que si M. [T] a effectivement été placé dans une chambre individuelle suite aux violences dont il a été victime et pour sa protection personnelle, pour autant, cette situation ne relève pas du régime de l'isolement sécuritaire et ne devait donc pas être mentionné dans le registre.

Dès lors, elle estime avoir transmis l'ensemble des pièces utiles à l'appui de sa requête et en conteste donc l'irrecevabilité prononcée.

MOTIVATION DE LA DECISION

Sur la recevabilité de l'appel

Il résulte des énonciations qui précédent que l'appel interjeté par le préfet de Loire-Atlantique à l'encontre de l'ordonnance rendue le 13 Août 2025 par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Rouen est recevable.

sur le fond

Aux termes de l'article R742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le juge des libertés et de la détention est saisi aux fins de prolongation de la rétention par simple requête de l'autorité administrative, dans les conditions prévues au chapitre III, avant l'expiration, selon le cas, de la période de quarante-huit heures mentionnée à l'article L. 742-1 ou de la période de prolongation ordonnée en application des articles L. 742-4, L. 742-5, L. 742-6 ou L. 742-7.

La requête est adressée par tout moyen au greffe du tribunal compétent conformément aux dispositions de l'article R. 743-1.

Selon les dispositions de l'article R743-2 alinéas 1 et 2 du même code, à peine d'irrecevabilité, la requête est motivée, datée et signée, selon le cas, par l'étranger ou son représentant ou par l'autorité administrative qui a ordonné le placement en rétention.

Lorsque la requête est formée par l'autorité administrative, elle est accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l'article L. 744-2.

Il importe de rappeler que le législateur ne donne pas de définition des pièces justificatives utiles. Il est toutefois considéré qu'il s'agit des pièces nécessaires à l'appréciation par le juge des libertés et de la détention des éléments de fait et de droit dont l'examen lui permet d'exercer pleinement ses pouvoirs. Les dispositions légales sanctionnent le défaut de dépôt d'une pièce justificative concomitamment à la requête préfectorale en prolongation par l'irrecevabilité de la demande. Par ailleurs, il ne peut être suppléé à l'absence du dépôt des pièces justificatives utiles par leur seule communication à l'audience, sauf s'il est justifié de l'impossibilité de joindre les pièces à la requête.

L'article L. 744-2 du CESEDA dispose qu'il est tenu, dans tous les lieux de rétention, un registre mentionnant l'état civil des personnes retenues, ainsi que les conditions de leur placement ou de leur maintien en rétention. Le registre mentionne également l'état civil des enfants mineurs accompagnant ces personnes ainsi que les conditions de leur accueil.

Selon l'article L. 743-9, le magistrat du siège du tribunal judiciaire, saisi aux fins de prolongation de la rétention, rappelle à l'étranger les droits qui lui sont reconnus et s'assure, d'après les mentions figurant au registre prévu à l'article L. 744-2 émargé par l'intéressé, que celui-ci a été, dans les meilleurs délais suivant la notification de la décision de placement en rétention, pleinement informé de ses droits et placé en état de les faire valoir à compter de son arrivée au lieu de rétention.

Le juge tient compte des circonstances particulières liées notamment au placement en rétention simultané d'un nombre important d'étrangers pour l'appréciation des délais relatifs à la notification de la décision, à l'information des droits et à leur prise d'effet.

L'autorité administrative tient à la disposition des personnes qui en font la demande les éléments d'information concernant les date et heure du début du placement de chaque étranger en rétention, le lieu exact de celle-ci ainsi que les date et heure des décisions de prolongation.

Il résulte par ailleurs des dispositions de l'article 2 de l'arrêté du 6 mars 2018 portant autorisation du registre de rétention d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé logiciel de gestion individualisée des centres de rétention administrative et de son annexe que le registre de rétention enregistrent les données à caractère personnel et comportent un certain nombre d'informations expressément mentionnées, et notamment le 'compte rendu des incidents au centre de rétention (date, heure, circonstances) : mise à l'écart, dates de début et de fin de la mise à l'écart et avis de cette mesure aux autorités judiciaires et administratives compétentes, nom, prénom, grade et numéro d'identification de l'agent ayant décidé la mise à l'écart, date et heures d'une demande d'examen médical et, le cas échéant, date et heure de l'examen médical et des mesures prescrites nécessitant l'intervention d'un agent du centre de rétention administrative'.

Aussi, il est constant que toute requête en prolongation de la rétention administrative d'un étranger doit, à peine d'irrecevabilité, être accompagnée d'une copie de ce registre actualisé. L'absence de production avec la requête du préfet de cette copie est sanctionnée par l'irrecevabilité de la requête, cette irrecevabilité pouvant être accueillie sans que celui qui l'invoque ait à justifier d'un grief.

En l'espèce, il n'est pas contesté que M. [T] a été placé dans une chambre individuelle suite aux violences dont il a été victime et pour sa protection personnelle, aussi, et alors qu'il résulte de l'annexe précité que le compte-rendu des incidents ne se limite pas aux 'placements à l'isolement sécuritaire' mais doit au contraire faire apparaître tout incident ayant conduit à une mise à l'écart, ce qui comprend celle résultant de violences subies, il y a lieu de confirmer l'ordonnance rendue le 13 août 2025.

Néanmoins, il n'apparaît pas inéquitable de débouter M. [T] de sa demande formulée sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 dans la mesure où l'aide juridictionnelle à laquelle il peut prétendre couvre suffisamment les frais engagés.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par ordonnance réputée contradictoire et en dernier ressort,

Déclare recevable l'appel interjeté par le préfet de Loire-Atlantique à l'encontre de l'ordonnance rendue le 13 août 2025 par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Rouen, déclarant irrecevable la requête de la Préfecture et disant n'y avoir lieu de prononcer l'une quelconque des mesures prévues par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et ordonnant la remise en liberté de Monsieur [G] [T];

Confirme l'ordonnance susvisée en toutes ses dispositions ;

Déboute Monsieur [G] [T] de sa demande fondée sur l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Fait à [Localité 5], le 14 août 2025 à 15h00.

LE GREFFIER, LE CONSEILLER,

NOTIFICATION

La présente ordonnance est immédiatement notifiée contre récépissé à toutes les parties qui en reçoivent une expédition et sont informées de leur droit de former un pourvoi en cassation dans les deux mois de la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.

© LIVV - 2025

 

[email protected]

CGUCGVMentions légalesPlan du site