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Décisions

CA Paris, Pôle 1 - ch. 11, 14 août 2025, n° 25/04421

PARIS

Ordonnance

Autre

CA Paris n° 25/04421

14 août 2025

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

L. 742-1 et suivants du Code de l'entrée et du séjour

des étrangers et du droit d'asile

ORDONNANCE DU 14 août 2025

(1 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général et de décision : B N° RG 25/04421 - N° Portalis 35L7-V-B7J-CLZAH

Décision déférée : ordonnance rendue le 11 août 2025, à 19h25, par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Meaux

Nous, Michael Humbert, conseiller à la cour d'appel de Paris, agissant par délégation du premier président de cette cour, assisté de Sophie Capitaine, greffier aux débats et au prononcé de l'ordonnance,

APPELANT

LE PREFET DE SEINE [Localité 4]

représenté par Me Adrien Phalippou, du cabinet Centaure, avocat au barreau de Paris

INTIMÉ

M. [M] [H] [D] [N]

né le 06 Janvier 1986 à [Localité 1]

de nationalité égyptienne

Ayant pour conseil choisi Me Ruben Garcia, avocat au barreau de Paris,

LIBRE,

non comparant, convoqué au centre de rétention du Mesnil Amelot, faute d'adresse déclarée,

MINISTÈRE PUBLIC, avisé de la date et de l'heure de l'audience,

ORDONNANCE :

- contradictoire,

- prononcée en audience publique,

- Vu l'ordonnance du 11 août 2025 du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Meaux disant faire droit au moyen d'irrégularité, rejetant la requête du préfet de la Seine Saint Denis, disant n'y avoir lieu à quatrième prolongation de la rétention administrative de M. [M] [H] [D] [N], ordonnant la remise en liberté de M. [M] [H] [D] [N] sous réserve de l'appel du ministère public et rappelant à M. [M] [H] [D] [N] qu'il a l'obligation de se conformer à la mesure d'éloignement ;

- Vu l'appel motivé interjeté le 12 août 2025, à 18h36, par le conseil du préfet de police ;

- Vu l'avis d'audience, donné par courriel le 13 août 2025 à 11h07 à Me Ruben Garcia, avocat au barreau de Paris, conseil choisi qui ne se présente pas ;

- Vu les conclusions et pièces reçues le 14 août 2025 à 07h22 par le conseil de M. [M] [H] [D] [N] ;

- Après avoir entendu les observations du conseil du préfet tendant à l'infirmation de l'ordonnance ;

- Vu les observations de M. [M] [H] [D] [N] assisté de son avocat, qui demande la confirmation de l'ordonnance ;

Monsieur [M] [N] a été placé en rétention administrative suivant arrêté en date du 28 mai 2025.

Par ordonnance du 11 août 2024, le juge tribunal judiciaire de Meaux rejeté la requête du préfet de la SEINE SAINT DENIS sollicitant la 4ème prolongation de la rétention administrative de M. [N] et ordonné la remise en liberté de celui-ci au motif que les mentions du registre ne permettaient pas de s'assurer de la transmission diligente par l'administration d'une demande d'asile déposée par l'intéressé à destination de l'OFPRA.

La préfecture a interjeté appel de cette décision par déclaration en date 12 août 2025 en indiquant que la décision d'irrecevabilité de l' OFPRA en réponse à la demande de M. [N] datait du 11 août 2025 et qu'il s'en déduisait ' compte-tenu des délais de réception et de traitement de la demande ' que cette dernière avait bien été transmise le 6 août par l'administration, soit dès son dépôt par l'intéressé.

En cause d'appel, M. [N] produit des conclusions d'intimé par lesquelles il demande la confirmation de l'ordonnance entreprise aux motifs :

qu'il a été porté atteinte à son droit de voir sa demande d'asile examinée ;

que la procédure est irrégulière en l'absence de registre conforme ;

que la requête est irrecevable à défaut des pièces de l'asile et de l'arrêté de maintien en rétention ;

que la requête irrecevable à défaut de copie actualisée et régulière du registre ;

que sa rétention a été inutilement rallongée du fait du manque de diligences de l'administration dans la transmission de sa demande d'asile.

A l'appui de son argumentation, la préfecture verse au débats la décision d'irrecevabilité d'une demande d'asile concernant M. [N] en date du 11 août 2025. Cette décision mentionne que le CRA du [Localité 2] a transmis la demande de l'intéressé à l'OFPRA qui l'a reçue le 11 août 2025.

SUR QUOI,

Sur les moyens joints tirés de l'absence de diligences de l'administration dans la demande d'asile à l'OFPRA

En vertu du principe de séparation des pouvoirs, il n'appartient pas au juge judiciaire dans le cadre de son contrôle de la mesure de rétention administrative de substituer son avis à celui de l'OFPRA ou du juge administratif sur la nature et le contenu des diligences mises en 'uvre par l'administration pour traiter une demande d'asile déposée par un étranger, même si celui-ci est retenu. Le premier juge a donc méconnu son office lorsqu'il s'est prononcé sur les diligences de l'autorité administrative dans la transmission de la demande d'asile de l'intéressé.

Du reste, c'est de manière erronée que le conseil de M. [N] prétend que sa rétention aurait été prolongée par l'administration au-delà du temps strictement nécessaire par défaut de transmission de sa demande d'asile puisque la durée de la rétention administrative avait été fixée à l'issue de la troisième prolongation et courrait donc, en l'espèce, jusqu'au 10 août 2025. De la même manière, M. [N] est mal fondé à soutenir qu'il a été privé de son droit de formuler une demande d'asile puisque, d'une part, il a bien obtenu une décision de l'OFPRA en réponse à sa demande et que, d'autre part, cette demande a été déclarée irrecevable. A titre surabondant, la Cour souligne que cette irrecevabilité a sanctionné le dépôt tardif de la requête par M. [N] qui devait la présenter un délai de 5 jours à compter à compter du début de sa rétention, soit à compter du 28 mai 2025 pour ce qui le concerne.

En conséquence, il convient de réformer la décision attaquée sur ce point.

Sur l'irrecevabilité de la demande du préfet pour défaut de présentation d'une copie actualisée du registre

Il résulte de l'article L.744-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'autorité administrative, d'une part, tient à jour un registre relatif aux personnes retenues, d'autre part, tient à la disposition des personnes qui en font la demande les éléments d'information concernant les date et heure du début du placement de chaque étranger en rétention, le lieu exact de celle-ci ainsi que les date et heure des décisions de prolongation.

Aux termes de l'article R.743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que lorsque la requête est formée par l'autorité administrative, elle est accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l'article L. 744-2 précité. Il est constant que ce registre doit être 'actualisé' pour être pertinent.

L'absence de production d'une copie actualisée du registre équivaut à l'absence de production du registre.

S'agissant en outre des informations devant être contenues dans le registre, il n'existe aucune liste ni dans la partie législative ni dans la partie réglementaire du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile déclinant précisément ce que recouvrent les notions susvisées tenant aux « conditions de (') placement ou de (') maintien en rétention ».

En revanche, il peut être rappelé que l'arrêté du 6 mars 2018 portant autorisation du registre de rétention prévu à l'article L. 553-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « logiciel de gestion individualisée des centres de rétention administrative » (LOGICRA) en son article 2 dispose que :

« Le registre et le traitement mentionnés à l'article 1er enregistrent des données à caractère personnel et informations, figurant en annexe du présent arrêté, et relatives :

- à l'étranger placé en rétention administrative et, le cas échéant, aux enfants mineurs l'accompagnant;

- à la procédure administrative de placement en rétention administrative ;

- aux procédures juridictionnelles mises en 'uvre au cours de la rétention ;

- à la fin de la rétention et à l'éloignement. »

et son annexe (données à caractère personnel et informations enregistrées dans les traitements) en son III 1° prévoit que figurent « Concernant les procédures juridictionnelles mises en 'uvre au cours de la rétention :

Contentieux administratif : type de recours, juridiction saisie, date et heure de l'audience, décision, appel ».

Ce texte, opposable à l'administration, est clair, même s'il doit aussi être noté qu'il obéit à une autre finalité tenant au contenu du registre au regard des données autorisées à être traitées informatiquement.

En ce domaine, il appartient au juge de vérifier, in concreto et dans chaque espèce, qu'il dispose des informations utiles au contrôle qu'il doit exercer sans imposer, pour autant, un formalisme excessif à l'administration, mais aussi que le registre a été renseigné afin de répondre au second objectif tenant au contrôle d'autres instances de la privation de liberté en cours, ce qui constitue également un droit pour la personne retenue.

En l'espèce, il ressort de la lecture des pièces produites que la copie du registre communiquée au magistrat du siège en charge du contrôle des mesures restrictives et privatives de liberté ne fait pas état de la date de transmission à l'OFPRA de la demande d'asile déposée le 6 août 2025. Si l'administration soutient qu'elle a nécessairement transmis cette demande avant le 11 août 2025, date de la décision de l'OFPRA, force est de constater que la date de transmission est effectivement manquante.

Ce moyen consistant en une fin de non-recevoir, il n'impose pas la démonstration d'un grief.

Dès lors, sans qu'il soit nécessaire de statuer sur les autres moyens soulevés par l'intimé, et faute de registre actualisé constituant une pièces justificatives utiles, la requête de l'administration sera déclarée irrecevable. En conséquence,

il y a lieu de confirmer la décision entreprise par substitution de motifs.

PAR CES MOTIFS

CONFIRMONS l'ordonnance ;

ORDONNONS la remise immédiate au procureur général d'une expédition de la présente ordonnance.

Fait à [Localité 3] le 14 août 2025 à

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

REÇU NOTIFICATION DE L'ORDONNANCE ET DE L'EXERCICE DES VOIES DE RECOURS:

Pour information:

L'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition.

Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d'attente ou la rétention et au ministère public.

Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.

Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.

Le préfet ou son représentant

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