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Décisions

CA Metz, 1re ch., 19 août 2025, n° 23/00197

METZ

Arrêt

Autre

CA Metz n° 23/00197

19 août 2025

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

N° RG 23/00197 - N° Portalis DBVS-V-B7H-F4SE

Minute n° 25/00113

[D], [O] EPOUSE [D]

C/

S.E.L.A.R.L. [5]

Jugement Au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de METZ, décision attaquée en date du 10 Novembre 2022, enregistrée sous le n° 2022/01027

COUR D'APPEL DE METZ

1ère CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 19 AOUT 2025

APPELANTS :

Monsieur Gérard [D]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Patrick VANMANSART, avocat postulant au barreau de METZ et par Me Patrick BUISSON, avocat plaidant du barrea de NANCY

Madame [J] [O] épouse [D]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Patrick VANMANSART, avocat postulant au barreau de METZ et par Me Patrick BUISSON, avocat plaidant du barrea de NANCY

INTIMÉE :

SELARL [5], représentée par son représentant légal,

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Véronique HEINRICH, avocat au barreau de METZ

DATE DES DÉBATS : A l'audience publique du 13 Mars 2025 l'affaire a été mise en délibéré, pour l'arrêt être rendu le 19 Août 2025, en application de l'article 450 alinéa 3 du code de procédure pénale

GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme Cindy NONDIER

COMPOSITION DE LA COUR :

PRÉSIDENT : M. DONNADIEU, Président de Chambre

ASSESSEURS : Mme FOURNEL,Conseillère

M. MAUCHE, Président de chambre

ARRÊT : Contradictoire

Rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par M. Christian DONNADIEU, Président de Chambre et par Mme Hélène BAJEUX, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

M. Gérard [D] et Mme [J] [D], ainsi que différents autres investisseurs, ont, en suite d'un démarchage, conclu avec une société [7] des contrats par lesquels ils confiaient leurs avoirs à cette société qui assurait la gestion d'un portefeuille de valeurs mobilières intitulé « dynamic global fond » composé de valeurs boursières à haut rendement.

Afin de doubler ce rendement chacun des investisseurs a souscrit auprès de la banque suisse [10], devenue [9], un prêt d'un montant équivalent aux avoirs apportés, dont le montant était immédiatement investi dans les mêmes valeurs. En garantie de ce prêt, chaque investisseur donnait en nantissement les titres dans lesquels il avait investi des fonds.

Il était stipulé que dans le cas où la valeur du portefeuille descendait en dessous des sommes restantes dues à la banque au titre des prêts, les investisseurs s'engageaient à augmenter le niveau des garanties faute de quoi la banque était autorisée à faire vendre les titres afin de se rembourser de sa créance sur le prix de vente.

Suite à un crack boursier, les investisseurs, dont la valeur des placements s'était effondrée, ont été informés que leurs titres allaient être vendus par la [8] pour couvrir les créances que celle-ci détenait à leur encontre au titre du remboursement des prêts.

Les investisseurs, dont les époux [D], ont alors assigné la SA [9] devant le tribunal de grande instance de Nancy en nullité des contrats, remboursement des sommes investies et paiement de dommages-intérêts.

Le tribunal a rejeté leurs demandes par jugement du 9 février 2005 en considérant qu'il n'était pas justifié de la compétence des juridictions françaises.

Les investisseurs, dont les époux [D], ont formé contredit à l'encontre de ce jugement et ont également interjeté appel. Les procédures ont été jointes.

Devant la cour d'appel de Nancy, M. et Mme [D] étaient représentés par la SELARL [6], (aujourd'hui SELARL [5]) et avaient Me Buisson comme avocat plaidant.

Par arrêt contradictoire du 18 mars 2014, la cour d'appel de Nancy a déclaré compétente la juridiction française saisie, a dit que la loi française était seule applicable, a déclaré nuls les contrats de prêt et de nantissement conclus entre la [8] et les appelants, a dit que la SA [8] avait manqué à son devoir de mise en garde à l'occasion de la conclusion des contrats de prêt, l'a déclarée responsable des préjudices subis, et avant dire droit a ordonné la réouverture des débats pour inviter les parties à s'expliquer sur le montant des restitutions dues par la [8] en suite de l'annulation des contrats de prêt, et sur le préjudice constitué par une perte de chance de ne pas contracter, causé aux différents appelants par la faute de la [8] ayant manqué à son devoir de mise en garde.

Enfin par arrêt du 23 février 2016, la cour d'appel de Nancy a :

condamné la société [9], au titre des restitutions, à verser certaines sommes à Messieurs [Y] et [S],

Condamné la société [9], au titre de la perte de chance de ne pas contracter, à payer certaines sommes à Messieurs [Y] et [S], représentant la moitié du capital prêté à chacun,

Condamné la société [9] à payer différentes sommes à chacun des appelants au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et mis les dépens à la charge de la SA [8].

En revanche, la cour d'appel a rejeté toutes demandes plus amples, et notamment celles formées par les époux [D].

Pour statuer sur ce dernier point, la cour a relevé, s'agissant du montant des restitutions auxquelles la banque devait procéder en suite de l'annulation des prêts, que les appelants, qui ne se référaient dans leurs dernières écritures à aucune pièce justificative précise, visaient à la suite du dispositif de leurs conclusions un bordereau de pièces qui pour certaines correspondaient en réalité aux comptes de M. [Y], et pour d'autres étaient en réalité des pièces concernant M. [L], qui n'était plus dans la procédure.

De même, s'agissant du préjudice résultant de la perte de chance de ne pas contracter, la cour a relevé que les autres appelants, dont les époux [D], ne produisaient aucune pièce, de sorte qu'elle les a déboutés de leurs demandes.

Estimant que la SELARL [5] avait commis une faute en ne déposant pas les pièces les concernant avec un bordereau régulier, ce qui avait entraîné pour eux un préjudice, en l'occurrence une perte de chance d'obtenir les sommes auxquelles ils pouvaient prétendre, M. et Mme [D] ont, par acte du 8 octobre 2018, assigné devant le tribunal de grande instance de Metz la SELARL précitée, afin de voir reconnaître la faute commise par celle-ci, et évaluer leur perte de chance à 99 % .

Dans leurs dernières conclusions ils réclamaient au titre de leurs différents chefs de préjudice, les sommes de :

67.007,57 euros au titre de la perte de chance de ne pas contracter,

9.625 francs suisses au titre des intérêts des deux prêts de 100.000 Francs suisses,

3.192,50 euros et 5.996,15 francs suisses au titre des frais reconnus par la société [8] elle-même,

avec intérêts de droit à compter de l'arrêt de la cour d'appel du 23 février 2016,

4.331,98 francs suisses représentant le disponible après la vente du portefeuille [7] et jamais reversés aux requérants,

9.000 euros au titre des honoraires qu'ils ont dû régler pour régulariser un pourvoi à l'encontre de l'arrêt de la cour d'appel, en suite de faute de leur mandataire.

Ils réclamaient également 5.000 euros de dommages et intérêts pour résistance abusive, et 3.000 euros au titre de leurs frais irrépétibles.

La SELARL [5] a conclu principalement au débouté, en faisant valoir que le lien de causalité entre la faute qui lui était reprochée et le préjudice allégué n'était pas établi, dès lors notamment que les époux [D] ne lui avaient jamais transmis les pièces qu'elle leur réclamait. De même elle a estimé que ceux-ci n'apportaient pas la preuve de la réalité des différents chefs de préjudice dont ils se prévalaient.

A titre subsidiaire elle a considéré que les époux [D] pourraient tout au plus se prévaloir, sur le fondement de la perte de chance, de la perte d'une chance d'obtenir sa condamnation à leur payer 50 % du montant du capital prêté, cette perte de chance devant elle-même être fixée à 50 % du montant précité soit 50 % de 50.000 francs suisses. Elle a affirmé n'avoir consenti qu'un seul prêt de 100.000 CHF aux époux [D].

Par jugement du 10 novembre 2022, le tribunal judiciaire de Metz a :

Jugé que la SELARL [5] prise en la personne de son représentant légal a commis un manquement à son devoir de diligence née du contrat de mandat ad Iitem conclu par elle en sa qualité d'avocat postulant avec Monsieur Gérard [D] et Madame [J] [O] épouse [D] aux 'ns de représenter ces derniers lors de la procédure d'appel diligentée par devant la Cour d'appel de Nancy au terme de laquelle cette dernière a statué par arrêt du 23 février 2016 sur le litige les opposant à la société [8],

Dit en conséquence que la SELARL [5] engage sa responsabilité contractuelle à l'égard de Monsieur Gérard [D] et de Madame [J] [O] épouse [D],

Déclaré en conséquence la SELARL [5] entièrement responsable du préjudice subi par Monsieur Gérard [D] et par Madame [J] [O] épouse [D] né de la perte de chance d'obtenir la condamnation de la société [8] à les indemniser du préjudice né de la perte de chance de ne pas contracter,

Fixé le préjudice né de la perte de chance de ne pas contracter à hauteur de la somme de 50.000 francs suisses,

Évalué la perte de chance de Monsieur Gérard [D] et par Madame [J] [O] épouse [D] à hauteur de 99%,

En conséquence :

Condamné la SELARL [5] à payer à Monsieur Gérard [D] et à Madame [J] [O] épouse [D] la contrevaleur en euros à la date du présent jugement de la somme de 49.500 francs suisses (quarante-neuf mille cinq cents francs suisses) en réparation de leur préjudice né de la perte de chance d'obtenir une décision favorable s'agissant de l'indemnisation du chef de préjudice né de la perte de chance de ne pas contracter, outre intérêts au taux légal à compter du présent jugement et jusqu'à complet paiement,

Rejeté le surplus de la demande de Monsieur Gérard [D] et de Madame [J] [O] épouse [D] en indemnisation du préjudice né de la perte de chance d'obtenir une décision favorable s'agissant de l'indemnisation du chef de préjudice né de la perte de chance de ne pas contracter,

Débouté Monsieur Gérard [D] et Madame [J] [O] épouse [D] de leur demande en indemnisation des chefs de préjudice nés des intérêts et des frais de contrat de prêt,

Débouté Monsieur Gérard [D] et Madame [J] [O] épouse [D] de leur demande en indemnisation du chef de préjudice né de la créance du solde disponible après-vente de leur portefeuille [7],

Condamné la SELARL [5] à payer à Monsieur Gérard [D] et à Madame [J] [O] épouse [D] la somme de 4.500 euros (quatre mille cinq cents euros) en indemnisation du préjudice né des frais exposés au titre du pourvoi en cassation formé par eux à l'encontre de l'arrêt de la Cour d'appel de Nancy en date du 23 février 2016 ;

Rejeté le surplus de Ia demande de Monsieur Gérard [D] et de Madame [J] [O] épouse [D] en indemnisation du préjudice né des frais exposés au titre du pourvoi en cassation formé par eux à l'encontre de la Cour d'appel de Nancy en date du 23 février 2016,

Débouté Monsieur Gérard [D] et Madame [J] [O] épouse [D] de leur demande en indemnisation pour résistance abusive,

Condamné la SELARL [5] à payer à Monsieur Gérard [D] et à Madame [J] [O] épouse [D] la somme de 2.000 euros (deux mille euros) en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejeté la demande de la SELARL [5] formée en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamné la SELARL [5] aux dépens,

Prononcé l'exécution provisoire de la présente décision.

Pour statuer ainsi les premiers juges, retenant que les parties avaient été liées par une convention de mandat, ont rappelé les motifs énoncés par la cour d'appel de Nancy pour rejeter les prétentions des époux [D], à savoir le fait que dans leurs dernières conclusions ceux-ci ne se référaient à aucune pièce justificative, et que les pièces produites et figurant dans leur bordereau concernaient d'autres parties.

Examinant les dernières conclusions prises par le conseil des époux [D] devant la cour d'appel de Nancy, les premiers juges ont effectivement constaté que les pièces visées au bordereau annexé à ces conclusions ne concernaient pas les époux [D], de sorte que leur avocat avait bien manqué à son devoir de diligence en produisant des pièces manifestement étrangères aux époux [D], ce qu'il avait d'ailleurs admis dans une correspondance.

S'agissant des préjudices allégués, le tribunal a rappelé que seul un préjudice en relation de causalité directe avec le manquement commis pouvait ouvrir droit à réparation, qu'en l'espèce le préjudice allégué était constitué par la perte d'une chance d'obtenir réparation, et qu'un tel dommage ne pouvait être constitué que s'il était démontré que l'action présentait une chance sérieuse de succès.

Quant au préjudice né de la perte de chance de ne pas contracter, le tribunal a relevé certaines contradictions et disparités dans les montants réclamés par les demandeurs, en soulignant en outre que le montant réclamé au titre de la perte de chance devant la cour d'appel de Nancy, soit 123.900,48 euros, n'était pas le même que celui réclamé actuellement, et que les conclusions prises devant la cour d'appel de Nancy à propos tant des versements effectués par les demandeurs que des dates de ceux-ci, étaient également différentes des explications données dans la présente procédure. Le tribunal a ensuite constaté à la lecture des conclusions prises devant la cour d'appel de Nancy, que la somme réclamée par les époux [D] au titre de la perte de chance de ne pas contracter, correspondait en réalité aux montant versés au titre des placements financiers, ce alors que l'arrêt du 23 février 2016, se référant aux termes de l'arrêt du 18 mars 2014, avait expressément mentionné que le préjudice résultant de la perte de chance de ne pas contracter concernait exclusivement la souscription des contrats de prêt, la société [8] n'étant tenue d'un devoir de mise en garde qu'à propos du prêt consenti aux époux [D], et non à propos des placements réalisés par eux chez [7].

Le tribunal en a ainsi conclu que le rejet de la demande d'indemnisation au titre de la perte de chance de ne pas contracter, trouvait au premier chef son siège, non pas dans le manquement du conseil des demandeurs, mais dans le fait que leur prétention au titre des sommes versées dans les contrats d'investissement ne pouvaient prospérer.

Le tribunal a cependant observé que la cour d'appel de Nancy avait choisi de ne motiver le rejet des prétentions que sur le défaut de production des pièces, ce dont il s'évince qu'en présence de celle-ci elle aurait examiné l'éventualité d'une perte de chance, et a ensuite constaté que, nonobstant les demandes de M. [Y] également fondées sur une perte de chance de ne pas contracter les contrats de placement litigieux, la cour pour lui accorder une indemnité, avait motivé sa décision en se référant aux deux contrats de prêt souscrits par ce dernier et versés aux débats, et en fonction de la perte de chance retenue, l'avait indemnisé à hauteur de la moitié du capital de chaque contrat de prêt. Il a encore relevé que la [8] ne contestait pas réellement l'existence d'un contrat de prêt portant sur une somme de 100.000 Francs suisses, que le bordereau produit avec les conclusions antérieures à l'arrêt du 19 mars 2014 faisait référence à un courrier mentionnant l'existence d'un prêt, et non de deux, et qu'au vu de ces éléments il pouvait être considéré que la preuve de l'existence d'un tel contrat de prêt et de son montant était rapportée.

Le tribunal a également déduit de ce premier bordereau que la pièce n° 1-2 consistant dans le courrier précité, avait nécessairement été en possession de l'avocat des époux [D], mais que pour autant celui-ci ne l'avait pas à nouveau communiquée de sorte que cette erreur était bien la cause exclusive du dommage, la SELARL ne pouvant tirer argument du fait que les époux [D] n'avaient pas répondu à ses sollicitations ultérieures.

Il a considéré que si cette pièce avait à nouveau été produite, la preuve de l'existence d'un prêt de 100.000 francs suisses aurait été rapportée, et qu'en l'espèce les époux [D] avaient du fait du manquement de leur conseil, perdu une chance très sérieuse de se faire indemniser de leur perte de chance de ne pas contracter, au regard des motifs adoptés par la cour d'appel de Nancy pour indemniser certains demandeurs. En revanche il a estimé que rien dans les documents produits, n'établissait que le montant du prêt souscrit aurait été de 125.152 euros tels que réclamés, et qu'il n'était pas davantage rapporté la preuve de l'existence de deux prêts successifs de 100.000 CHF

Le tribunal a dès lors estimé que la chance pour les époux [D] d'obtenir une indemnisation égale à 50 % du capital emprunté, soit 50 % de 100.000 francs suisses, était de 99 %, de sorte que leur perte de chance pouvait être évaluée à 99 % du montant de 50.000 francs suisses, soit 49.500 francs suisses.

S'agissant de la demande en restitution des frais et intérêts exposés au titre des contrats de prêt annulés, le tribunal a constaté que les sommes aujourd'hui réclamées par les époux [D] à leur adversaire étaient différentes de celle réclamée devant la cour d'appel de Nancy, puisque, dans leurs dernières conclusions devant cette cour, les époux [D] avaient réclamé, au titre de ces restitutions, la somme de 125.152 euros, correspondant aux versements effectués par eux au titre des fonds investis sous déduction de la somme versée par la société [8], alors que dans son arrêt du 18 mars 2014 la cour avait expressément énoncé que les appelants n'étaient pas fondés à réclamer au titre des restitutions consécutives à l'annulation des contrats de prêt, le remboursement des fonds investis par l'intermédiaire de la société [7], motivation reprise dans son arrêt du 23 février 2016 pour rejeter la demande des époux [D] sur ce point. Le tribunal en a déduit que le rejet de cette demande trouvait au premier chef son siège, non dans le manquement du conseil des époux [D], mais dans le fait que la prétention qu'ils élevaient ne pouvait prospérer.

Quant au fait que la société [8], dans ses conclusions, avait demandé qu'il lui soit donné acte du montant des intérêts, frais et commissions perçus de chacun des emprunteurs, le tribunal a observé, d'une part que cette somme n'était pas détaillée alors que les époux [D] réclamaient actuellement encore des intérêts supplémentaires, et d'autre part que la cour d'appel de Nancy avait considéré que les tableaux récapitulatifs produits par la [8], qui n'étaient corroborés par aucune pièce, n'avaient pas force probante. Il a également constaté que les condamnations à restitution prononcées au bénéfice d'autres demandeurs, l'avaient été sur la base des pièces produites par ceux-ci et non sur la base du tableau précité.

Le tribunal en a conclu que la preuve d'une perte de chance d'obtenir condamnation de la [8] à des restitutions, nécessitait pour les époux [D] de démontrer que le quantum allégué par cette société se trouvait corroboré par les pièces qu'ils auraient pu eux-mêmes produire si leur conseil n'avait pas manqué à son obligation de diligence.

Sur ce point le tribunal a constaté qu'actuellement les époux [D] ne produisaient aucun élément de nature à démontrer l'existence et le quantum des frais prélevés pouvant donner lieu à restitution, et ne prouvaient pas davantage qu'ils disposaient lors de la procédure d'appel litigieuse, des éléments permettant d'établir une telle preuve, et qu'ils auraient bien transmis ceux-ci à leur conseil.

Quant aux intérêts également mis en compte, le tribunal a constaté de même, que les époux [D] ne démontraient pas leur quantum ni leur paiement, et ne démontraient pas davantage avoir transmis à leur conseil des pièces probantes sur ces points malgré le courrier qui leur avait été envoyé, ce alors que les condamnations prononcées au bénéfice de M. [Y] et M. [S] l'avaient été sur la base des tableaux et relevés de compte produits par eux. Il en a conclu que les demandeurs ne démontraient ni l'existence et le quantum de leur préjudice, ni le lien causal avec les manquements imputés à leur conseil.

S'agissant de la somme de 4.331,98 euros réclamée au titre du solde du prix de vente du portefeuille [7], le tribunal a constaté que les demandeurs ne fournissaient aucune preuve de l'existence et du montant d'un tel solde, et a rappelé qu'en tout état de cause, l'arrêt du 23 février 2016, se référant en cela au précédent arrêt du 18 mars 2014, avait expressément rejeté toute demande relative au contrat d'investissement de sorte que les époux [D] étaient mal fondés à réclamer une telle somme à la SA [8].

Quant à la demande en indemnisation du préjudice né du coût des honoraires supportés par les époux [D] en raison du pourvoi en cassation formé par eux à l'encontre de l'arrêt de la cour d'appel, le tribunal a retenu, au vu des énonciations du pourvoi et des arguments développés à l'encontre de cet arrêt, que le pourvoi, qui contestait les motivations retenues par la cour pour rejeter leurs demandes, ne s'expliquait que par la faute commise par leur conseil de sorte que le lien de causalité était démontré. Il a cependant observé que les époux [D] avaient confié leurs intérêts à la même étude d'avocats à la cour de cassation, pour le pourvoi initié par leurs soins et pour celui initié par la SA [8], et que la facture fondant leur demande ne distinguait pas les honoraires d'avocat en lien avec l'une ou l'autre des procédures. Il a dès lors considéré que seul 50 % de la somme de 9.000 euros pouvait concerner les honoraires en rapport avec le pourvoi formé par les époux [D] eux-mêmes, de sorte qu'il a condamné la SELARL d'avocats au paiement de la somme de 4.500 euros.

Le tribunal a enfin rejeté la demande de dommages-intérêts pour résistance abusive, en observant que les époux [D] imputaient cette résistance à l'assureur de la SELARL, et qu'en tout état de cause la simple opposition à leurs diverses demandes ne caractérisait pas une résistance abusive.

Par déclaration du 26 janvier 2023, M. Gérard [D] et Mme [J] [O] épouse [D] ont interjeté appel de ce jugement aux fins d'annulation subsidiairement d'infirmation, en ce qu'il a :

fixé le préjudice né de la perte de chance de ne pas contracter à hauteur de la somme de 50.000 francs suisses et condamné la SELARL [5] prise en la personne de son représentant légal, à payer à M. [D] et à Mme [D] la contrevaleur en euros à la date du jugement de la somme de 49.500 euros alors que c'était un montant supérieur qui était réclamé,

rejeté le surplus de la demande des époux [D] en indemnisation du préjudice né de la perte de chance d'obtenir une décision favorable s'agissant de l'indemnisation du chef du préjudice né de la perte de chance de ne pas contracter,

débouté les époux [D] de leur demande en indemnisation des chefs de préjudice nés des intérêts et des frais de contrats de prêt,

Débouté les époux [D] de leur demande en indemnisation du chef de préjudice né de la créance du solde disponible après la vente de leur portefeuille [7].

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de leurs dernières conclusions du 11 avril 2024, les époux [D] demandent à voir, au visa des articles 1231-1 et 1231-2 du code civil :

« Confirmer le jugement en ce qu'il a dit que la SELARL [5] a commis une faute dans l'exercice du mandat qui lui avait été confié dans la procédure pendante devant la Cour d'appel de Nancy contre la [8]

Constater que cette faute n'est pas contestée et a été expressément reconnue par courrier du 3 mars 2016

Dire et juger qu'en ne déposant pas les pièces avec un bordereau régulier à l'appui des conclusions déposées dans l'intérêt des époux [D], la requise est directement responsable du préjudice subi par les époux [D], à savoir le débouté de leurs demandes et le Tribunal observera que les co-appelants de cette procédure qui ont déposé un bordereau régulier ont obtenu gain de cause et qu'il n°y a donc pas de discussion possible sur la perte de chance occasionnée aux époux [D]

En conséquence évaluer la perte de chance à 99 %

Confirmer le jugement sur les frais irrépétibles et sur les dépens

Infirmer pour le surplus et sur le quantum

Condamner la SELARL [5] à payer aux époux [D] au titre de l'indemnisation du préjudice subi à la suite de cette faute une somme de 450.000 FF, soit 81.864,03 CHF, à la date de l'envoi, soit le 26.00.99, outre la contre-valeur en euros de 2 x 100.000 CHF : 2 = 100.000 CHF à la date de l'arrêt à intervenir au titre de la perte de chance de ne pas contracter, lesdites sommes avec intérêts à compter de l'arrêt du 23 février 2016

Condamner l'intimée à payer les sommes de 3192,50 euros et 5996,15 francs suisses au titre des frais reconnus par la [8] elle-même avec intérêts de droit à compter de l'arrêt de la cour d'appel du 23 février 2016 ainsi que la somme de 433l,98 francs suisses représentant le disponible après la vente du portefeuille [7] et jamais reversé aux requérants

Condamner la SELARL intimée à régler la somme de 9.000 euros qui correspond aux honoraires qu'ont dû régler les époux [D] pour régulariser un pourvoi contre la décision querellée défavorable faisant suite à la faute de leur mandataire

Condamner la SELARL requise à 5000 euros de dommages et intérêts pour résistance abusive et injusti'ée

Condamner la requise à la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel et aux entiers dépens d'appel.

Au soutien de leur appel, les époux [D] exposent qu'ils n'ont pas conclu un mais deux emprunts successifs de 100.000 francs suisses chacun auprès de la SA [8] et ont, en sus des sommes déjà placées auprès de la société [7], investi également directement auprès de la SA [8] une deuxième somme de 450.000 francs français. Ils en veulent pour preuve les ordres de paiement et les contrats de crédit qu'ils produisent. Ils maintiennent qu'il y a bien eu deux contrats de prêt, l'un en novembre 1999 et l'autre le 27 octobre 2000 destiné à augmenter les placements réalisés chez [7], de sorte que si la SELARL d'avocats avait produit les pièces qu'ils lui avaient remise, la cour les aurait indemnisés de la perte de chance de ne pas contracter ces emprunts, à hauteur de deux fois 50.000 Francs suisses soit 100.000 CHF.

Ils font valoir qu'en l'espèce la faute de la SELARL d'avocats, qui n'a produit aucune pièce en suite du premier arrêt de la cour d'appel de Nancy, est constituée et n'est d'ailleurs pas contestée, et que le lien de causalité entre cette faute et le préjudice précité est également certain au vu des condamnations obtenues par les co-appelants.

De même ils font valoir que la cour d'appel de Nancy a rejeté les sommes reconnues dans ses écritures par la [8] au titre des frais et intérêts prélevés, mais a fait droit aux demandes de restitution au vu des sommes prélevées dont les co-appelants justifiaient. Compte tenu de la reconnaissance manifestée par la [8] qui a valeur d'aveu judiciaire, ils s'estiment fondés à réclamer les sommes de 3.192,60 € et 5.996,15 €.

Quant à la réparation du préjudice né de la perte de chance de ne pas contracter, ils font valoir que la cour d'appel de Nancy dans son arrêt du 18 mars 2014, a retenu que la SA [8] avait manqué à son obligation de mise en garde, et a énoncé que les préjudices étaient constitués de la perte de chance de ne pas contracter les prêts et les investissements réalisés par l'intermédiaire de la société [7] au moyen des sommes prêtées.

Ils soulignent le rôle central de la SA [8] qui est à l'origine de la proposition de placement qui leur a été faite et était incontestablement le maître d''uvre de l'opération, et exposent que le premier virement de 450.000 francs qu'ils ont effectué au bénéfice de la SA [8] a été investis dans un compte titre, ainsi qu'il résulte des termes du contrat de prêt du 28 novembre 1999.

Par la suite ils ont effectué un deuxième virement de 450.000 francs français au profit de la société [7] courant novembre 1999 et soutiennent avoir souscrit un second prêt auprès de la SA [8] le 27 novembre 2000.

Compte tenu du rôle joué par la SA [8] et de son manquement au devoir de conseil, ils estiment que les pertes imputables à ce manquement sont constituées des 450.000 FF versés à la [8], et des deux prêts de 100.000 francs suisses contractés auprès de cette banque.

Ils considèrent comme certain que si les pièces déjà communiquées avant l'arrêt avant dire droit de la cour, avaient à nouveau été visées dans le bordereau ultérieur et communiquées, ils auraient obtenu de la cour les indemnisations réclamées et soutiennent par conséquent que, quelle que soit l'erreur d'appréciation commise ultérieurement par la cour dans son arrêt du 23 février 2016, c'est bien la faute commise par leur conseil qui est à l'origine du défaut de toute indemnisation à leur profit.

En réponse aux arguments de la SA [8] contestant leur avoir consenti deux prêts, les époux [D] affirment ultérieurement qu'il a bien existé deux prêts, le premier consenti le 17 novembre 1999 et le second le 26 novembre 1999, ayant fait l'objet ultérieurement d'un renouvellement avec modification du taux d'intérêts.

Ils soulignent le fait que, lorsque les placements se sont effondrés, la SA [8] s'est payée en priorité en vendant les titres, sans même leur restituer le reliquat. Ils affirment à ce sujet qu'il existait un disponible de 4.331,98 francs suisses qui ne leur a jamais été reversé, ainsi qu'il résulte du courrier et de l'extrait de compte émanant de la société [7].

Ils indiquent enfin que, au regard de la motivation de l'arrêt de la cour d'appel, ils ont été dans l'obligation de former eux-mêmes un pourvoi devant la cour de cassation, et affirment que les honoraires afférents à ce seul pourvoi se sont élevés à 9.000 euros. Ils soutiennent, en réponse aux observations de la SELARL, que ces honoraires sont sans rapport avec l'autre procédure diligentée par la SA [8] elle-même devant la cour de cassation.

Enfin ils font valoir que la compagnie d'assurance qui garantit Me Leinster ne leur a jamais fait la moindre offre et a retardé, par un incident inutile, la date des plaidoiries ce qui constitue une résistance abusive et justifie l'allocation de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts.

Par ses dernières conclusions du 17 juin 2024, la SELARL [5], demande à la cour de :

Au visa de l'article 562 du code de procédure civile :

Juger que la Cour n'est pas saisie par l'effet dévolutif de l'appel des demandes des époux [D] concernant

l'infirmation du jugement et la condamnation de la SELARL [5] à leur verser la somme de 450 000 FF soit 80 864,03 CHF « à la date de l'envoi soit le 26. 00. 99 »

La somme de 9000 € correspondant « aux honoraires qu'ils ont dû régler pour régulariser un pourvoi à l'encontre de la décision querellée défavorable »

5000 € de dommages-intérêts pour résistance abusive et injustifiée

Déclarer ces demandes irrecevables

Débouter Monsieur Gérard [D] et Madame [J] [O] épouse [D] de leur appel et de toutes leurs demandes, fins et conclusions en tant que dirigées à l'encontre de la SELARL [5], représentée par son représentant légal

Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et particulièrement en ce qu'il a :

fixé le préjudice né de la perte de chance de ne pas contracter à hauteur de la somme de 50.000 CHF

évalué la perte de chance de Monsieur Gérard [D] et par Madame [J] [O] épouse [D] à hauteur de 99%

En conséquence :

condamné la SELARL [5] prise en la personne de son représentant légal à payer à Monsieur Gérard [D] et à Madame [J] [O] épouse [D] la contre-valeur en euros à la date du jugement de la somme de 49.500 CHF (quarante-neuf mille cinq cents francs suisses) en réparation de leur préjudice né de la perte de chance d'obtenir une décision favorable s'agissant de l'indemnisation du chef préjudice né de la perte de chance de ne pas contracter

rejeté le surplus de la demande de Monsieur Gérard [D] et de Madame [J] [O] épouse [D] en indemnisation du préjudice né de la perte de chance d'obtenir une décision favorable s'agissant de l'indemnisation du chef de préjudice né de la perte de chance de ne pas contracter

débouté Monsieur Gérard [D] et Madame [J] [O] épouse [D] de leur demande en indemnisation des chefs de préjudice nés des intérêts et des frais de contrat de prêt,

débouté Monsieur Gérard [D] et Madame [J] [O] épouse [D] de leur demande en indemnisation du chef de préjudice né de la créance du solde disponible après-vente de leur portefeuille [7]

rejeté le surplus de la demande de Monsieur Gérard [D] et de Madame [J] [O] épouse [D] en indemnisation du préjudice né des frais exposés au titre du pourvoi en cassation formé par eux à l'encontre de l'arrêt de la Cour d'appel de Nancy en date du 23 février 2016

débouté Monsieur Gérard [D] et de Madame [J] [O] épouse [D] de leur demande en indemnisation pour résistance abusive.

Eu égard aux circonstances de la cause, condamner Monsieur Gérard [D] et Madame [J] [O] épouse [D] aux dépens d'appel et à verser à la SELARL [5], représentée par son représentant légal, la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du CPC.

La SELARL [5] fait tout d'abord valoir que l'appel interjeté par M. et Mme [D] était limité à certains chefs critiqués du jugement dont appel, ainsi qu'il résulte de leur déclaration, de sorte qu'en application de l'article 562 du code de procédure civile, la cour n'est saisie que de ces chefs et n'est pas saisie des demandes supplémentaires figurant dans les conclusions ultérieures des appelants, relativement aux sommes de 450.000 FF, 9.000 euros, et 5.000 euros à titre de dommages-intérêts.

Sur le fond, la SELARL d'avocats fait valoir que les époux [D] n'avaient conclu qu'un seul emprunt de 100.000 euros avec la SA [8], et non deux, et ne démontrent toujours pas aujourd'hui la réalité de ce second emprunt. Elle observe qu'il résulte clairement du contrat en date du 27 octobre 2000 que celui-ci vient remplacer le contrat de crédit du 26 novembre 1999 ainsi qu'il résulte du terme « Ersetzt Kreditvertrag ». Elle se réfère de même à l'assignation initiale délivrée par les époux [D] à la [8], qui ne fait état que d'un seul contrat.

Elle observe encore que les appelants ne détaillent pas quelles auraient été les pièces qui auraient dû être transmises à la cour pour obtenir indemnisation à hauteur de 100.000 CHF ou même 50.000 CHF, et que de même ceux-ci ne lui ont transmis aucune autre pièce justificative supplémentaire postérieurement à l'arrêt du 18 mars 2014, pour justifier des frais et intérêts qui leur auraient été prélevés.

Elle fait valoir par ailleurs que l'évaluation d'une perte de chance doit se faire en replaçant les demandeurs dans la situation dans laquelle ils se seraient trouvés si le fait dommageable ne s'était pas produit, et considère qu'en l'espèce si le fait dommageable ne s'était pas produit, il n'est cependant nullement démontré que les époux [D] auraient obtenu les sommes qu'ils réclament actuellement, la preuve sur ce point leur incombant, et estime que le préjudice dont se prévalent les appelants ne lui est pas intégralement imputable.

S'agissant de la demande d'un montant de 450.000 FF au titre d'un placement auprès de la société [7], l'intimée rappelle ainsi qu'il avait été définitivement jugé par le premier arrêt de la cour d'appel de Nancy que l'annulation des contrats de crédit passés avec les investisseurs n'entraînait que la caducité des contrats de nantissement mais était en revanche sans effet sur les placements financiers souscrits auprès de la société [7], qui avait agi à titre personnel et n'était pas en la cause.

Elle en conclut que les époux [D] ne pouvaient réclamer à la SA [8] le remboursement des fonds investis par l'intermédiaire de la société [7], outre qu'il n'a pas été interjeté appel du débouté sur ce point. Elle estime que par ce biais les époux [D] tentent de remettre en cause l'arrêt de la cour d'appel de Nancy.

Quant aux intérêts et frais auxquels les emprunteurs pouvaient prétendre en suite de l'annulation du prêt, la SELARL Leinster, Wisniewski, Mouton et Lagarrigue rappelle que les époux [D] ne démontrent pas lui avoir transmis les documents justificatifs qui leur ont pourtant été réclamés.

Observant que la SA [8] avait reconnu devoir certaines sommes qui n'auraient donc pas dû faire débat, la SELARL relève que la cour d'appel a pourtant écarté cette reconnaissance et n'a fait droit qu'aux demandes accompagnées de pièces justificatives, aussi bien pour les frais bancaires que pour les intérêts prélevés.

Quant à la perte de chance de ne pas contracter l'emprunt de 100.000 CHF, la SELARL rappelle qu'il appartient aux appelants de justifier de ce que, en présence des documents régulièrement produits, ils auraient obtenu les sommes qu'ils réclamaient. Elle observe à cet égard que les demandes formulées par les époux [D] dans le cadre de la présente instance ne correspondent pas aux demandes qui auraient été susceptibles d'être présentées, voire admises, devant la cour d'appel de Nancy, puisque les époux [D] n'auraient pu prétendre qu'à 50 % de la somme de 100.000 CHF.

Bien qu'estimant critiquable la motivation retenue par la cour d'appel de Nancy pour rejeter cette demande, puisque le contrat de crédit avait déjà été produit ce qui avait permis à la cour de l'annuler, la SELARL d'avocats indique qu'elle accepte sur ce point la décision du premier juge, allouant aux époux [D] la somme de 49.500 francs suisses à titre d'indemnisation de leur perte de chance.

Quant à la demande d'une somme de 9.000 euros au titre des honoraires déboursés à l'occasion d'un pourvoi, l'intimée rappelle qu'il n'a pas été interjeté appel sur ce point, et conclut au surplus à la confirmation du jugement, en considérant qu'elle ne peut être tenue pour responsable du pourvoi effectué par la [8], pour lequel les époux [D] ont également engagé des frais, sans qu'il soit démontré que la facture produite ne concernerait que les honoraires déboursés à l'occasion de leur propre pourvoi.

De même elle rappelle que la demande en dommages-intérêts a été rejetée par le tribunal sans qu'il soit fait appel sur ce point, et estime en tout état de cause qu'il n'existe de sa part aucune résistance abusive.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est référé aux conclusions précitées pour un plus ample exposé des moyens et arguments des parties.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 10 octobre 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, la cour rappelle qu'en application de l'article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions des parties. Par prétentions il faut entendre une demande en justice tendant à ce que soit tranché un point litigieux. Dès lors la cour ne répondra aux demandes de « dire et juger » qu'à la condition qu'elles ne soient pas une simple réitération des moyens énoncés dans le corps des conclusions, mais constituent une prétention au sens précité.

I- Sur les fins de non-recevoir

Aux termes de l'article 562 du code de procédure civile, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément.

Antérieurement à l'entrée en vigueur, le 1er septembre 2024, du décret du 29 décembre 2023, l'actuel article 915-2 du code civil ne pouvait recevoir application, et la cour n'est en conséquence actuellement saisie que des chefs de jugement expressément critiqués dans l'acte d'appel, à savoir les dispositions par lesquelles le tribunal a :

fixé le préjudice né de la perte de chance de ne pas contracter à hauteur de la somme de 50.000 francs suisses et condamné la SELARL [5] prise en la personne de son représentant légal, à payer à M. [D] et à Mme [D] la contrevaleur en euros à la date du jugement de la somme de 49.500 euros alors que c'était un montant supérieur qui était réclamé,

rejeté le surplus de la demande des époux [D] en indemnisation du préjudice né de la perte de chance d'obtenir une décision favorable s'agissant de l'indemnisation du chef du préjudice né de la perte de chance de ne pas contracter,

débouté les époux [D] de leur demande en indemnisation des chefs de préjudice nés des intérêts et des frais de contrats de prêt,

Débouté les époux [D] de leur demande en indemnisation du chef de préjudice né de la créance du solde disponible après la vente de leur portefeuille [7].

N'ont en revanche pas été frappées d'appel les chefs de jugement ayant :

Condamné la SELARL [5] à payer à Monsieur Gérard [D] et à Madame [J] [O] épouse [D] la somme de 4.500 euros (quatre mille cinq cents euros) en indemnisation du préjudice né des frais exposés au titre du pourvoi en cassation formé par eux à l'encontre de l'arrêt de la Cour d'appel de Nancy en date du 23 février 2016 ;

Rejeté le surplus de Ia demande de Monsieur Gérard [D] et de Madame [J] [O] épouse [D] en indemnisation du préjudice né des frais exposés au titre du pourvoi en cassation formé par eux à l'encontre de la Cour d'appel de Nancy en date du 23 février 2016,

Débouté Monsieur Gérard [D] et Madame [J] [O] épouse [D] de leur demande en indemnisation pour résistance abusive,

Sont par conséquent hors de la saisine de la cour, et partant irrecevables, les demandes tendant à obtenir paiement d'une somme de 9.000 euros au titre des honoraires réglés par les époux [D] pour régulariser un pourvoi, ce qui implique l'infirmation du chef du jugement leur ayant alloué la somme de 4.500 euros à ce titre, et tendant à obtenir paiement de la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, ce qui implique l'infirmation du rejet dont cette demande avait fait l'objet en première instance.

S'agissant en revanche de la somme de 450.000 FF finalement réclamée par les époux [D] en sus de la somme de 100.000 CHF, au titre de la perte de chance de ne pas contracter, il résulte bien de leurs conclusions qu'ils réclament ainsi pour partie des sommes ne correspondant pas au contrat de prêt initialement invoqué, mais à leur investissement.

Tel était cependant également le cas en première instance, puisque dans leurs dernières conclusions notifiées le 28 avril 2022, les époux [D] exposaient avoir « perdu leur mise d'origine soit 450.000 FF ou 67.077,57 euros ». S'ils réclamaient finalement une somme de 67.007,57 euros, ceci ne résulte apparemment que d'une erreur de plume, et la somme réclamée était bien en rapport avec la perte des 450.000 FF.

En outre le jugement de première instance était bel et bien critiqué, dans l'acte d'appel, à raison de la somme allouée au titre de cette perte de chance de ne pas contracter, de sorte que la cour est bien saisie de ce point en litige, et le simple fait que les époux [D] aient sur ce point modifié et augmenté leurs conclusions, ne suffit pas à les rendre irrecevables.

Seront donc déclarées irrecevables les demande tendant à la condamnation de la SELARL Leinster, Wisniewski, Mouton et Lagarrigue, à payer aux époux [D] les sommes de 9.000 euros au titre des honoraires réglés pour l'introduction d'un pourvoi, et de 5.000 euros pour résistance abusive.

II- Sur le fond

La cour constate que la réalité d'une faute imputable à la SELARL Leinster, Wisniewski, Mouton et Lagarrigue n'est pas contestée.

Cette faute, compte tenu des termes de l'arrêt de la cour d'appel de Nancy du 23 février 2016, consiste à n'avoir pas produit les pièces correspondant aux demandes des époux [D], pourtant initialement produites avant intervention de l'arrêt avant dire droit du 18 mars 2014, outre le fait que dans le corps de ses écritures la SELARL d'avocats « ne se réfère à aucune pièce justificative précise ».

L'appréciation de la responsabilité de la SELARL [5] dont l'omission a engendré une perte de chance, nécessite de déterminer quelles étaient les chances pour les époux [D] d'obtenir paiement des différentes sommes qu'ils réclamaient, au vu des pièces qui auraient dû normalement être soumises à la cour.

Ces pièces sont en premier lieu constituées par celles figurant au bordereau annexé aux conclusions de la SERLARL d'avocats notifiées le 19 février 2013, et numérotées de 1-1 à 1-11.

Dans le cadre de l'actuelle procédure, ces pièces sont produites, avec une seconde numérotation, à l'exception de la pièce n° 1-4 (qui n'avait d'intérêt que dans le cadre de la discussion relative à la compétence et au lieu de signature des contrats) et des pièces 1-7 et 1-11.

Par ailleurs, devaient être également versées aux débats les pièces obtenues par le conseil des époux [D] en suite notamment de son courrier du 16 septembre 2014 par lequel il leur indiquait qu'il convenait de « répondre à l'invitation de la cour qui en page 10 dans son précédent arrêt estime que vous n'êtes fondés qu'à réclamer à la société [8] la restitution des intérêts et des différents frais réglés en exécution des contrats de prêt », et qu'il convenait également « de verser aux débats toutes pièces justifiant les versements effectués ainsi que les frais supportés ; un tableau sera le bienvenu ».

La cour observe que les époux [D] ne contredisent pas la SELARL [5], lorsque celle-ci affirme qu'aucune pièce supplémentaire ne lui a jamais été communiquée, et en tout état de cause les appelants ne justifient nullement de la communication à leur avocat de nouvelles pièces postérieurement à l'arrêt du 18 mars 2014, ce alors même que les conclusions ultérieures prises par d'autres co-investisseurs, qui auront par la suite partiellement gain de cause, leur étaient communiquées.

Dès lors qu'il n'est ni justifié ni même affirmé que d'autres pièces auraient été communiquées postérieurement à l'arrêt du 18 mars 2014, la faute commise par la SELARL d'avocat consiste uniquement à ne pas avoir à nouveau communiqué les pièces numérotées 1-1 à 1-11 qu'elle détenait, et donc à ne pas s'y être référée dans ses conclusions.

S'agissant du défaut de communication du contrat, la cour observe qu'une cour d'appel ne statue qu'au vu des pièces qui lui sont communiquées, et non sur la base de ses souvenirs ou connaissances personnelles, ce d'autant moins que la composition de la chambre civile de la cour d'appel de Nancy avait entièrement changé entre les deux arrêts.

La critique faite à la cour d'appel de Nancy, qui n'a pas tenu compte d'une communication antérieure d'un contrat dont elle ne disposait plus, ne peut donc être retenue.

Il en résulte par conséquent que l'appréciation de ce qui pouvait être décidé par la cour d'appel de Nancy en l'absence de toute faute de la part de la SELARL intimée, doit être faite en se référant aux pièces qui pouvaient être transmises à la cour par le conseil des époux [D], et le cas échéant par référence aux pièces qui lui étaient soumises par la SA [8] elle-même, et dont certaines figurent aujourd'hui dans les pièces produites par les appelants ( pièces n° 44, 50, 51, 52, 67,68 et 29 de la SA [8], correspondant au bordereau également produit).

En revanche, la cour n'a pas à apprécier les conséquences de la faute de l'intimée, et la réalité ou l'importance du préjudice subi par les époux [D], en se référant à des pièces qui n'étaient pas en la possession de la SELARL [5] et que celle-ci ne pouvait donc communiquer à la cour.

De même, la cour de céans n'a pas à apprécier le bien-fondé de la décision de la cour d'appel de Nancy, quels que soient les arguments contraires énoncés et les pièces actuellement produites par les appelants, et l'appréciation de leur perte de chance ne se fera que par référence à la motivation adoptée par cette cour d'appel.

Sur les sommes réclamées au titre de la perte de chance de ne pas contracter, soit les sommes de 450.000 FF et la contrevaleur en euros à la date de l'arrêt à intervenir de 2 fois 100.000 CHF

Il résulte effectivement de la lecture de l'arrêt de la cour d'appel de Nancy en date du 18 mars 2014, que si cette cour, après avoir annulé les contrats de crédit conclus en France par la SA [8], banque suisse, a précisé que cette annulation ne s'étendait pas aux contrats de placements financiers qui étaient distincts, elle a en revanche, s'agissant du non-respect par la [8] de son devoir de mise en garde, considéré eu égard à l'implication de cette banque, que ce devoir portait « sur les risques particuliers de l'opération, liés non seulement à la souscription du prêt mais surtout aux investissements qu'ils réalisaient ».

Elle a ensuite dans son dispositif, dit que la société [8] a manqué à son devoir de mise en garde à l'occasion de la conclusion des contrats de prêt, et invité les parties à s'expliquer sur le préjudice, constitué d'une perte de chance de ne pas contracter, causé aux différents appelants par la faute de la société [8] qui a manqué à son devoir de mise en garde.

La cour constate que dans son arrêt du 23 février 2016, la cour d'appel de Nancy a finalement estimé, sur le préjudice résultant de la perte de chance de ne pas contracter, que ce préjudice ne concernait que la souscription des contrats de prêt et non des contrats de placements financiers souscrits auprès de la société [7]. Cette motivation n'est pas spécifique aux époux [D], mais concerne l'ensemble des investisseurs, appelants devant la cour d'appel de Nancy.

Outre le fait que la somme de 450.000 FF aujourd'hui réclamée constitue la totalité du montant d'un des placements réalisés par M. et Mme [D], et non un préjudice calculé sur une perte de chance, il résulte de la constatation qui précède, que même en présence des justificatifs de ce placement, la cour d'appel de Nancy statuant par son arrêt du 23 février 2016, n'aurait accordé aucun montant au titre de la perte de chance de ne pas souscrire les placements litigieux, ainsi qu'elle l'a d'ailleurs fait pour les autres co-appelants et notamment pour Messieurs [Y] et [S] malgré les justificatifs produits par ceux-ci.

Les époux [D] ne peuvent donc soutenir que, si leur conseil avait produit leurs pièces, lesquelles comprenaient effectivement des ordres de paiement, ils auraient obtenu un montant quelconque au titre de la perte de chance de ne pas effectuer un placement financier, que ce soit directement auprès de la société [8] ainsi qu'ils le soutiennent, ou auprès de la société [7].

Ainsi la faute commise par leur conseil n'est pas en lien de causalité avec la décision prise par la cour d'appel de Nancy sur ce point.

En revanche, la cour de Nancy, considérant que la perte de chance concernait la possibilité de ne pas souscrire les contrats de prêt, a examiné les contrats produits respectivement par M. [Y] et M. [S].

Il en résulte par conséquent que, si le ou les contrats souscrits par les époux [D] avaient été soumis à la cour, celle-ci aurait pu leur allouer, ainsi qu'elle l'a fait pour Messieurs [S] et [Y], 50 % du montant emprunté dès lors qu'elle avait chiffré à 50 % la chance qu'avaient les emprunteurs, s'ils avaient été correctement informés, de ne pas souscrire les emprunts litigieux.

S'agissant du nombre de contrats souscrits par les époux [D], il résulte de l'examen de l'assignation délivrée le 10 mai 2004 à la société [8] par ceux-ci, que cette assignation ne contient en réalité aucun renseignement sur ce point, dès lors que le ou les contrats spécifiquement conclus par les époux [D] ne sont pas évoqués, et qu'en réalité dès ce stade M. et Mme [D] entendaient réclamer la « restitution des fonds versés » soit 134.204 euros, en suite de l'annulation des conventions passées.

Il en est de même des conclusions prises devant la cour d'appel de Nancy et signifiées le 19 février 2013, par lesquelles il est toujours sollicité restitution des sommes « indûment perçues à titre d'investissement », et des conclusions postérieures à l'arrêt du 18 mars 2014, dans lesquelles la perte de chance de ne pas contracter est toujours fixée par les époux [D] par référence aux sommes investies.

Aucune indication n'était donc donnée à la cour d'appel de Nancy alléguant l'existence, non pas d'un mais de deux contrats de prêt.

Il résulte du bordereau de pièces annexé aux conclusions des époux [D] du 19 février 2013, que ceux-ci produisaient en pièce 1-2 une « lettre [8] du 27 octobre 2000 + contrat », le terme « contrat » étant bien utilisé au singulier.

Cette pièce, actuellement insérée dans la pièce n° 24, consiste effectivement en un exemplaire de crédit daté du 27 octobre 2000, portant sur un montant de 100.000 CHF. Ainsi que le relève la SELARL d'avocats, il est cependant explicitement mentionné dans ce document « ersetzt Kreditvertrag von 26.11.1999 », soit « remplace le contrat de crédit du 26.11.1999 ».

Les époux [D] soutiennent successivement dans leurs conclusions avoir conclu un premier crédit le 26 novembre 1999 et un second le 27 octobre 2000, puis avoir conclu un premier crédit le 17 novembre 1999 ainsi qu'un second le 26 novembre 1999, ultérieurement prolongé par le contrat du 27 octobre 2000 à un taux différent.

Ils produisent effectivement en pièce n° 24 (laquelle comporte en réalité plusieurs documents) un contrat de crédit émanant de la société [8], daté du 17 novembre 1999, antérieurement numérotée 1-3 dans la procédure devant la cour d'appel de Nancy (« lettre [8] du 17 mars 1999 ») et semblant comporter deux feuillets, l'un contenant les indications spécifiques au prêt consenti à M. Gérard [D] seul, et l'autre contenant des indications plus générales, dont la traduction figure en pièce 22 des appelants, ainsi que des signatures.

Ils produisent également dans leur pièce n° 22, un crédit émanant de la société [8], daté du 26 novembre 1999, adressé à M. et Mme [D], portant également sur un montant de 100.000 CHF. Ce document, imprimé en recto/ verso, était également la pièce n° 50 de la société [8] produite devant la cour d'appel de Nancy ainsi qu'il peut être vérifié sur son bordereau, et intitulée « mise à disposition d'un crédit de 100.000 Francs suisses par la [8] à M. et Mme [D] ». Il comporte sur sa deuxième page des informations plus générales ainsi que les signatures des deux époux et du représentant du prêteur. La cour observe que la société [8] ne produisait qu'un seul contrat de crédit concernant les époux [D], alors qu'elle en produisait bien deux concernant M. [Y].

L'examen de ces deux crédits fait apparaître que la deuxième page, contenant des informations générales et notamment une référence à un acte de nantissement général du 17 novembre 1999, ainsi que les signatures des emprunteurs, est exactement identique dans les deux documents des 17 et 26 novembre 1999, en particulier quant à la date manuscrite et quant aux signatures.

Par ailleurs, le document daté du 17 novembre 1999 porte la mention « COPY », et ne concerne que M. Gérard [D], alors que la seconde page produite pour ce même document porte les signatures des deux époux, ce qui est contradictoire, et une mention manuscrite « Bâle 5.12.99 » exactement similaire à celle figurant sur la deuxième page du contrat du 26 novembre 1999, en particulier quant à la surcharge figurant sur un chiffre.

La cour constate par conséquent que, s'il lui est produit le début de deux contrats ou projets de contrat distincts, seul l'un d'entre eux est à destination des deux époux [D] qui ont l'un comme l'autre signé, et en tout état de cause, seul un exemplaire de signatures, valant acceptation d'un seul contrat, est produit.

En l'absence de toute preuve d'une signature distincte de M. [D] en suite de la transmission du document daté du 17 novembre 1999, la cour n'a actuellement la preuve de la signature que d'un seul contrat, daté du 26 novembre 1999 et adressé aux deux époux qui ont l'un et l'autre signé le 5 décembre 1999.

Enfin la traduction par la SELARL intimée des termes « ersetzt Kreditvertrag von 26.11.1999 » n'est pas contestée et apparaît exacte, de sorte que le contrat du 27 octobre 2000 signé par les deux époux [D] s'est bien substitué au premier contrat du 26 novembre 1999, le taux d'intérêt ayant changé mais non le montant du capital déjà prêté.

Au vu de l'ensemble des documents qui lui sont actuellement soumis, la cour considère que la preuve de l'existence de deux contrats distincts n'est pas rapportée, non plus que la preuve de ce que deux contrats auraient bien été soumis à l'examen de la cour d'appel de Nancy.

En revanche il n'est pas contesté que, si les documents figurant au bordereau de pièces annexé aux conclusions du 19 février 2013 avaient bien été transmis à la cour d'appel, celle-ci aurait eu la preuve de l'existence d'un contrat de prêt portant sur un montant de 100.000 CHF et aurait en conséquence, ainsi qu'elle l'a fait pour Messieurs [Y] et [S], alloué aux époux [D] une somme de 50.000 CHF, correspondant à la perte de chance subie par ceux-ci de ne pas signer ce contrat.

Les premiers juges ont à juste titre considéré que, si ce document avait été produit, la probabilité pour que la cour statue ainsi était particulièrement élevée, et l'ont justement fixée à 99 %, allouant ainsi à M. et Mme [D] des dommages-intérêts à hauteur de la contrevaleur en euros au jour du jugement de 49.500 francs suisses, en réparation de leur préjudice né de la perte de chance d'obtenir une décision favorable quant à l'indemnisation du préjudice né de la perte de chance de ne pas contracter l'emprunt litigieux.

La SELARL [5] ne conteste pas ce chef du jugement et n'a pas interjeté appel.

Le jugement dont appel est donc confirmé sur ce point.

Sur la demande en paiement des frais et intérêts en suite de l'annulation du contrat de crédit

Les sommes actuellement réclamées par les époux [D] sont celles que la société [8] elle-même indiquait avoir perçues des appelants, selon des tableaux récapitulatifs versés aux débats.

La cour ne peut que constater que la cour d'appel de Nancy dans son arrêt du 23 février 2016, a jugé que ces seuls documents n'étaient pas probants dès lors qu'ils n'étaient corroborés par aucune pièce.

Elle n'a donc fait droit qu'aux demandes des investisseurs appelants qui lui avaient eux-mêmes fournis des tableaux récapitulatifs accompagnés d'extraits de compte.

Il n'appartient pas à la cour de céans de statuer différemment, mais uniquement d'apprécier les conséquences de cette motivation sur les demandes des époux [D].

Il résulte de cette motivation que M. et Mme [D] n'auraient pu obtenir gain de cause sur leurs demandes au titre des frais et intérêts que si leur conseil avait été en mesure de produire des justificatifs, aussi bien des frais que des intérêts perçus sur le prêt annulé.

A cet égard, il est rappelé que dans un courrier du 16 septembre 2014, le conseil des époux [D] leur avait adressé un courrier en les invitant à prendre connaissance des conclusions d'ores et déjà rédigées pour le compte de M. [S] et de M. [Y], en leur précisant que la cour ne les estimait fondés qu'à réclamer la restitution des intérêts et des frais réglés à la banque en exécution des contrats de prêt, et en leur demandant de verser aux débats « toutes pièces justifiant les versements effectués ainsi que les frais supportés », ajoutant que « un tableau serait bienvenu ».

Un nouveau courrier leur était adressé le 14 octobre 2014, aux fins d'approbation du projet de conclusions rédigées pour leur compte.

Les époux [D] n'allèguent pas, et encore moins ne prouvent, qu'ils auraient communiqué des extraits de compte et tableaux récapitulatifs à leur conseil en suite des courriers précités.

Au vu des pièces actuellement communiquées et de l'intitulé du bordereau de pièces du 19 février 2013 qui ne fait aucune allusion à des justificatifs de frais ou d'intérêts, il n'est nullement établi que de tels justificatifs figuraient déjà dans les pièces dont disposait la SELARL d'avocats, étant observé que si tel avait été le cas il n'aurait pas été nécessaire de demander ultérieurement aux époux [D] de communiquer ces pièces.

Enfin aucune des pièces actuellement versée aux débats, hors celle produite par la société [8] et écartée par la cour de Nancy, ne justifie des montants actuellement réclamés, que ce soit au titre des intérêts ou des frais perçus.

Les époux [D] ne prouvent pas par conséquent que la faute de leur conseil a eu pour conséquence de les priver d'une chance quelconque d'obtenir paiement, par la société [8], d'intérêts ou de frais dont ils n'ont jamais justifié.

Le jugement dont appel doit donc être confirmé sur ce point.

Sur la demande en paiement de la somme de 4.331,98 francs suisses au titre du disponible après la vente du portefeuille [7]

Les époux [D] fondent actuellement leur demande sur un courrier de la société [7] en date du 09 juillet 2001, accompagné d'un relevé de compte faisant apparaître sur l'une de ses lignes un montant positif de 4.331,98 euros. Il s'agit de leur actuelle pièce n° 14 « lettre de Packaline du 9.7.2001 avec extrait de compte justifiant de la vente des titres ».

A l'examen du bordereau de pièces annexé aux conclusions des époux [D] en date du 19 février 2013, la cour constate qu'aucune des pièces produites ne concernait une lettre de la société [7] en date du 09 juillet 2001 non plus qu'un relevé de compte annexé. L'actuelle pièce n°14 ne comporte d'ailleurs aucune autre numérotation, contrairement aux pièces actuellement produites et qui étaient déjà produites en février 2013.

Il n'est pas davantage allégué ni prouvé que cette lettre du 9 juillet 2001 aurait été par la suite produite à la SELARL [5].

Enfin, s'agissant en l'occurrence d'un solde que la société [7] tenait à la disposition des époux [D], et dont on ne sait à qui il a été reversé, il n'est pas démontré que la responsabilité de la société [8] pouvait être engagée.

Il n'est donc pas démontré qu'en l'absence de la faute commise par le conseil des époux [D] la cour d'appel de Nancy aurait fait droit à leur demande au titre des frais et intérêts prélevés.

Le jugement dont appel est donc également confirmé sur ce point.

III- Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le sens de la présente décision conduit à confirmer la décision de première instance pour ce qui concerne le sort des dépens et la condamnation des époux [D] au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

A hauteur d'appel les époux [D] qui succombent, supporteront les entiers dépens.

Il est en outre équitable d'allouer à la SELARL Leinster, Mouton, Wisniewski, Lagarrigue, en remboursement des frais irrépétibles exposés à hauteur d'appel, une somme de 2.000 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Constate qu'elle n'a été saisie d'aucun appel concernant les dispositions du jugement du 10 novembre 2022 ayant :

Condamné la SELARL [5] à payer à Monsieur Gérard [D] et à Madame [J] [O] épouse [D] la somme de 4.500 euros (quatre mille cinq cents euros) en indemnisation du préjudice né des frais exposés au titre du pourvoi en cassation formé par eux à l'encontre de l'arrêt de la Cour d'appel de Nancy en date du 23 février 2016 ;

Rejeté le surplus de Ia demande de Monsieur Gérard [D] et de Madame [J] [O] épouse [D] en indemnisation du préjudice né des frais exposés au titre du pourvoi en cassation formé par eux à l'encontre de la Cour d'appel de Nancy en date du 23 février 2016,

Débouté Monsieur Gérard [D] et Madame [J] [O] épouse [D] de leur demande en indemnisation pour résistance abusive,

Déclare en conséquence irrecevables les demandes figurant aux dernières conclusions des époux [D] et tendant à la condamnation de la SELARL [5], à leur payer les sommes de 9.000 euros au titre des honoraires réglés pour régulariser un pourvoi et 5.000 euros à titre de dommages-intérêts,

Confirme pour le surplus en toutes ses dispositions le jugement déféré,

Y ajoutant,

Condamne M. Gérard [D] et Mme [J] [O] épouse [D] aux entiers dépens d'appel,

Condamne M. Gérard [D] et Mme [J] [O] épouse [D] à verser à la SELARL [5], la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel.

La Greffière Le Président de chambre

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