CA Dijon, 2 e ch. civ., 21 août 2025, n° 24/01365
DIJON
Arrêt
Autre
S.A.R.L. ADYA FINANCES
C/
[S] [U]
expédition et copie exécutoire
délivrées aux avocats le
COUR D'APPEL DE DIJON
2 e chambre civile
ARRÊT DU 21 AOUT 2025
N° RG 24/01365 - N° Portalis DBVF-V-B7I-GRLG
MINUTE N°
Décision déférée à la Cour : ordonnance de référé du 16 octobre 2024,
rendue par le juge des référés du tribunal de commerce de Dijon - RG : 2024003263
APPELANTE :
S.A.R.L. ADYA FINANCES prise en la personne de son représentant légal domicilié de droit audit siège :
[Adresse 3]
[Localité 1]
représentée par Me Paul BROCHERIEUX, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 24
assisté de Me Thomas TISSANDIER membre de la SARL 2T CONSEIL, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 139
INTIMÉ :
Monsieur [S] [U]
né le 13 Septembre 1977 à [Localité 4]
domicilié :
[Adresse 2]
[Localité 1]
représenté par Me Maxence PERRIN, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 108
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 avril 2025 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Marie-Pascale BLANCHARD, Présidente de chambre, et Bénédicte KUENTZ, Conseiller. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la cour étant alors composée de :
Marie-Pascale BLANCHARD, Présidente de Chambre,
Leslie CHARBONNIER, Conseiller,
Bénédicte KUENTZ, Conseiller,
qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Maud DETANG,
DÉBATS : l'affaire a été mise en délibéré au 19 Juin 2025 pour être prorogée au 21 Août 2025,
ARRÊT : rendu contradictoirement,
PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ : par Marie-Pascale BLANCHARD, Présidente de chambre, et par Maud DETANG, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE :
La SARL Adya Finances a été constituée entre M. [W] [T] et M.[S] [U], co-gérants, à égalité de parts.
Elle exerce une activité de holding et à ce titre, détient l'intégralité des actions de la SAS Bono Vox Property, dont MM. [T] et [U] sont également associés et dirigeants, qui exploite une activité d'agence immobilière, de mandataire et d'intermédiaire en assurances sous l'enseigne Pietrapolis Immobilier.
En raison d'un conflit opposant les associés de ces deux structures, un protocole d'accord transactionnel a été régularisé le 22 décembre 2023, entre M. [T] et M. [U], et en présence de la société Adya Finances, prévoyant notamment :
- le rachat par la société, des parts de M. [U] valorisées à hauteur de 110.000 euros, aux fins d'annulation et de réduction du capital social, le paiement du prix étant différé à la date de constatation de cette réduction de capital,
- le versement à M. [U] d'une prime de 19.500 euros net avant le 20 février 2024,
- le remboursement sur justificatifs du compte courant d'associé de M. [U].
Par décision de l'associé unique du 8 mars 2024, il a été constaté la réduction du capital social de la société Adya Finances.
Par courrier du 5 avril 2024, M. [U] a vainement sollicité le paiement des sommes prévues par le protocole.
Par acte de commissaire de justice du 10 avril 2024, il a fait assigner en référé la société Adya Finances devant le tribunal de commerce de Dijon en paiement d'une provision.
Le 14 juin 2024, la société Bono Vox Property, M.[T] et la société Adya Finances ont fait assigner M. [U] et la société Ynanka devant le tribunal de commerce de Dijon en cessation et indemnisation d'actes de concurrence déloyale.
Par une ordonnance de référé en date du 16 octobre 2024, le tribunal de commerce de Dijon a :
- débouté la SARL Adya Finances de son exception d'incompétence ;
- condamné la SARL Adya Finances à verser à M. [U] à titre provisionnel une somme d'un montant de 55.000 euros suite à la réduction de capital de la SARL Adya Finances intervenue le 8 mars 2024, outre les intérêts aux taux légaux à compter de la mise en demeure en date du 5 avril 2024 ;
- constaté son défaut de pouvoir sur la demande de remboursement des frais et du compte-courant de M. [U] ;
- dit n'y avoir lieu à référé ;
- condamné la SARL Adya Finances à payer à M. [U] la somme de 2.500 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- dit le surplus de la demande de 8.000 euros injustifié et en tous cas mal fondé, l'en déboute ;
- dit toutes autres demandes, fins et conclusions des parties injustifiées et en tous cas mal fondés, les en déboute ;
- condamné la SARL Adya Finances en tous les dépens de l'instance, en ce compris les frais de greffe liquidés à la somme visée en page 1 de la présente ordonnance ;
- rappelé que la présente décision est assortie de l'exécution provisoire de droit.
Par déclaration au greffe du 31 octobre 2024, la SARL Adya Finances a relevé appel de cette décision.
Par avis du greffe en date du 9 décembre 2024, le conseil de l'appelante a été informé que l'affaire était fixée à l'audience du 10 avril 2025 en application des dispositions de l'article 906 du code de procédure civile.
Prétentions de la SARL Adya Finances :
Par conclusions notifiées le 24 février 2025, la SARL Adya Finances demande à la cour de :
- recevoir la société Adya Finances en son appel et la déclarer bien fondée ;
- infirmer l'ordonnance en ce qu'elle a :
condamné la SARL Adya Finances à verser à M. [U] à titre provisionnel une somme d'un montant de 55.000 euros suite à la réduction de capital de la SARL Adya Finances intervenue le 8 mars 2024, outre les intérêts aux taux légaux à compter de la mise en demeure en date du 5 avril 2024 ;
condamné la SARL Adya Finances à payer à M. [U] la somme de 2.500 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamné la SARL Adya Finances en tous les dépens de l'instance, en ce compris les frais de greffe liquidés à la somme visée en page 1 de la présente ordonnance ;
statuant à nouveau,
- constater que Mme le Président du tribunal de commerce de Dijon statuant en référé a outrepassé ses pouvoirs en raison de nombreuses contestations sérieuses et d'absence d'urgence ;
en conséquence,
- dire n'y avoir lieu à référé ;
- rejeté l'intégralité des demandes de M. [U] ;
en tout état de cause,
- condamner M. [U] à régler à la SARL Adya Finances la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner M. [U] aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Prétentions de M. [U] :
Par conclusions notifiées le 4 mars 2025, M. [U] demande à la cour de :
- confirmer l'ordonnance rendue par le président du tribunal de commerce de Dijon en date du 16 octobre 2024, en ce qu'elle a :
débouté la SARL Adya Finances de son exception d'incompétence ;
condamné la SARL Adya Finances à verser à M. [U] à titre provisionnel une somme d'un montant de 55.000 euros suite à la réduction de capital de la SARL Adya Finances intervenue le 8 mars 2024, outre les intérêts aux taux légaux à compter de la mise en demeure en date du 5 avril 2024 ;
condamné la SARL Adya Finances à payer à M. [U] la somme de 2.500 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamné la SARL Adya Finances en tous les dépens de l'instance, en ce compris les frais de greffe liquidés à la somme visée en page 1 de la présente ordonnance ;
- réformer la décision du président du tribunal de commerce en ce qu'elle a débouté M. [U] de ses demandes suivantes :
- condamner la société Adya Finances à rembourser à M. [U] le remboursement de ses frais et de son compte courant ;
- condamner la société Adya Finances à verser à M. [U] à titre provisionnel et forfaitaire une somme d'un montant de 30.000 suite à sa résistance abusive ;
et statuant à nouveau,
- condamner la société Adya Finances à rembourser à M. [U] le remboursement de ses frais et de son compte courant ;
- condamner la société Adya Finances à verser à M. [U] à titre provisionnel et forfaitaire une somme d'un montant de 30.000 euros suite à sa résistance abusive ;
en tout état de cause,
- condamner la société Adya Finances à verser à M. [U] une somme d'un montant de 8.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la société Adya Finances aux entiers dépens.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux conclusions susvisées pour un exposé complet des moyens développés par les parties au soutien de leurs prétentions.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 1er avril 2025.
MOTIFS DE LA DECISION :
Bien qu'ayant relevé appel de la disposition du jugement qui l'a rejetée, la société Adya Finances ne reprend pas devant la cour l'exception d'incompétence soulevée devant le premier juge, ce qui conduira à la confirmation de la décision sur ce point.
1°) sur la demande de provision au titre du prix de cession :
Conformément aux dispositions de l'article 873 alinea 2 du code de procédure civile, le président du tribunal de commerce peut accorder une provision au créancier, lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable.
Ces dispositions n'érigent pas l' urgence au rang de condition du pouvoir du juge des référés.
Une contestation sérieuse est caractérisée lorsque l'un des moyens de défense opposé aux prétentions du demandeur n'apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision qui pourrait intervenir sur ce point si les parties en saisissait le juge du fond.
Il n'est pas discuté entre les parties qu'en vertu du protocole du 22 décembre 2023, la société Adya devait verser à M. [U] une somme de 110.000 euros au titre du prix de vente de ses parts sociales et qu'un premier versement de 55.000 euros étant intervenu depuis l'assignation, la demande de paiement provisionnel ne porte plus que sur une somme de 55.000 euros que la débitrice retient sur un compte Carpa.
La société Adya Finances oppose à la demande de provision d'une part la violation des obligations de loyauté et de bonne foi résultant du protocole en raison de la commission par M. [U] d'actes de concurrence déloyale soit directement, soit au travers de la société Ynanka qu'il a créée ; d'autre part la surévaluation du prix de rachat des parts au regard du résultat déficitaire de l'exercice comptable de la société Bono Vox clos le 31 décembre 2023.
Elle se prévaut en outre d'une créance à l'encontre de M.[U] au titre de la rémunération que ce dernier s'est octroyé sans décision des associés ;
M. [U] soutient pour sa part qu'en l'absence de clause de révision du prix, la société Adya Finances ne peut se prévaloir des pertes subies sur l'exercice comptable ayant précédé la cession et relève qu'aucune action pour dol n'a été engagée contre lui.
Il conteste les actes de concurrence déloyale qui lui sont imputés et fait valoir que l'instance engagée à ce sujet concerne les sociétés Bono Vox Property et Ynanka, qu'elle ne peut donner lieu à compensation avec le solde du prix de cession et que les autres créances invoquées par la société Adya Finances ne sont pas établies.
Il considère que les clauses du protocole d'accord transactionnel, qui a autorité de chose jugée entre les parties, font obstacle à toute action de M.[T], qui se trouve dépourvu d'intérêt et de qualité à agir.
Selon les termes du protocole d'accord transactionel intervenu le 22 décembre 2023, MM. [T] et [U] sont notamment convenus d'autoriser et de procéder :
- au rachat par la société Adya Finances des 17.500 parts détenues par M. [U] pour un montant de 110.000 euros payable au jour de la constatation de la réduction de capital,
- au versement à M.[U] d'une prime exceptionnelle de 29.000 euros brut avant déduction des charges sociales à hauteur de 9500 euros, soit 19.500 euros nets, au plus tard le 20 février 2024,
- au remboursement du compte courant d'associé de M. [U] apparaissant dans les comptes de la société Adya Finances au moment de la réduction du capital social, sur justificatifs et après échanges entre conseils et expert-comptables des structures.
Si, les parties au protocole se sont expressément engagées (titre IV, article 3) à «une obligation particulière de bonne foi et de loyauté dans l'interprétation et l'exécution de la présente transaction», celle-ci ne comporte aucune stipulation interdisant à M. [U] l'exercice des activités d'agent immobilier et d'intermédiaire en assurances.
De plus, il ressort des pièces que le grief de concurrence déloyale développé à l'encontre de M. [U] et/ou de sa société Ynanka ne concerne que la seule société d'exploitation Bono Vox et que l'éventuelle créance indemnitaire qui peut en résulter, ne peut profiter qu'à cette dernière et non à sa holding, la société Adya Finances.
Il en résulte que la société Adya Finances ne peut valablement se prévaloir d'une potentielle compensation pour retenir le paiement du solde du prix de cession des parts sociales.
Pour ce qui est du grief de surévaluation de ce prix, aucun des éléments produits ne permet d'en apprécier le caractère sérieux.
En conséquence, l'ordonnance sera confirmée en ce qu'elle a condamné la société Adya Finances au paiement provisionnel de 55.000 euros, dont l'exigibilité n'est par ailleurs pas contestée.
2°) sur la demande de provision au titre du solde du compte courant d'associé et des frais :
Pour s'opposer à cette prétention de M. [U], la société Adya Finances fait valoir que :
- la demande en paiement de M. [U] n'est pas chiffrée,
- elle-même ne formule plus, à hauteur d'appel, de demandes sur les sommes restant dues par M. [U].
Si le protocole transactionnel prévoyait bien le remboursement du compte courant d'associé de M.[U], il le conditionnait à la présentation de justificatifs.
M.[U] ne chiffre pas sa demande en paiement et ne fournit aucun justificatif de sa créance, les états financiers de la société Adya Finances n'étant pas versés aux débats.
Dans ces conditions, il ne saurait être fait droit à sa demande et l'ordonnance sera confirmée en ce qu' elle a dit n'y avoir lieu à référé sur ce chef de demande.
3°) sur la demande de provision au titre de dommages-intérêts pour résistance abusive :
M. [U] considère que la société Adya Finances ayant exécuté l'ordonnance de référé sans même contester l'exécution provisoire, elle n'avait aucun intérêt à relever appel de la décision, le juge du fond ayant été saisi, et que son recours est abusif.
La société Adya Finances réplique qu'elle n'a fait qu'agir en défense de ses intérêts et de ceux de sa filiale et que sa prétention indemnitaire n'est pas de la compétence du juge des référés.
Il est de principe que l'exercice d'une action en justice ou d'une voie de recours constitue un droit fondamental qui ne peut dégénérer en abus sanctionné par l'octroi de dommages et intérêts que par l'effet d'une faute qu'il appartient au demandeur de caractériser.
L'exécution provisoire de droit de l'ordonnance de référé impose à l'appelant d'exécuter la décision de première instance qu'il entend contester, sous peine de radiation de son appel, de sorte que cette exécution, à laquelle il ne peut se soustraire qu'en cas d'impossibilité d'exécuter ou de conséquences manifestement excessives, ne peut en aucun cas constituer une reconnaissance du droit de son adversaire, ni le constituer fautif dans l'exercice de son recours.
Compte tenu des éléments du litige, il n'y a donc pas lieu à référé sur une demande, même provisionnelle, à des dommages et intérêts et la décision de première instance sera confirmée en ce qu'elle a débouté M.[U] de ce chef de demande.
PAR CES MOTIFS :
Confirme l'ordonnance du juge des référés du tribunal de commerce de Dijon en date du 16 octobre 2024 ;
Y ajoutant,
Condamne la SARL Adya Finances aux dépens de l'instance d'appel ;
Condamne la SARL Adya Finances à payer à M. [S] [U] la somme complémentaire en cause d'appel de 1000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Le greffier, Le président,
C/
[S] [U]
expédition et copie exécutoire
délivrées aux avocats le
COUR D'APPEL DE DIJON
2 e chambre civile
ARRÊT DU 21 AOUT 2025
N° RG 24/01365 - N° Portalis DBVF-V-B7I-GRLG
MINUTE N°
Décision déférée à la Cour : ordonnance de référé du 16 octobre 2024,
rendue par le juge des référés du tribunal de commerce de Dijon - RG : 2024003263
APPELANTE :
S.A.R.L. ADYA FINANCES prise en la personne de son représentant légal domicilié de droit audit siège :
[Adresse 3]
[Localité 1]
représentée par Me Paul BROCHERIEUX, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 24
assisté de Me Thomas TISSANDIER membre de la SARL 2T CONSEIL, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 139
INTIMÉ :
Monsieur [S] [U]
né le 13 Septembre 1977 à [Localité 4]
domicilié :
[Adresse 2]
[Localité 1]
représenté par Me Maxence PERRIN, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 108
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 avril 2025 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Marie-Pascale BLANCHARD, Présidente de chambre, et Bénédicte KUENTZ, Conseiller. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la cour étant alors composée de :
Marie-Pascale BLANCHARD, Présidente de Chambre,
Leslie CHARBONNIER, Conseiller,
Bénédicte KUENTZ, Conseiller,
qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Maud DETANG,
DÉBATS : l'affaire a été mise en délibéré au 19 Juin 2025 pour être prorogée au 21 Août 2025,
ARRÊT : rendu contradictoirement,
PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ : par Marie-Pascale BLANCHARD, Présidente de chambre, et par Maud DETANG, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE :
La SARL Adya Finances a été constituée entre M. [W] [T] et M.[S] [U], co-gérants, à égalité de parts.
Elle exerce une activité de holding et à ce titre, détient l'intégralité des actions de la SAS Bono Vox Property, dont MM. [T] et [U] sont également associés et dirigeants, qui exploite une activité d'agence immobilière, de mandataire et d'intermédiaire en assurances sous l'enseigne Pietrapolis Immobilier.
En raison d'un conflit opposant les associés de ces deux structures, un protocole d'accord transactionnel a été régularisé le 22 décembre 2023, entre M. [T] et M. [U], et en présence de la société Adya Finances, prévoyant notamment :
- le rachat par la société, des parts de M. [U] valorisées à hauteur de 110.000 euros, aux fins d'annulation et de réduction du capital social, le paiement du prix étant différé à la date de constatation de cette réduction de capital,
- le versement à M. [U] d'une prime de 19.500 euros net avant le 20 février 2024,
- le remboursement sur justificatifs du compte courant d'associé de M. [U].
Par décision de l'associé unique du 8 mars 2024, il a été constaté la réduction du capital social de la société Adya Finances.
Par courrier du 5 avril 2024, M. [U] a vainement sollicité le paiement des sommes prévues par le protocole.
Par acte de commissaire de justice du 10 avril 2024, il a fait assigner en référé la société Adya Finances devant le tribunal de commerce de Dijon en paiement d'une provision.
Le 14 juin 2024, la société Bono Vox Property, M.[T] et la société Adya Finances ont fait assigner M. [U] et la société Ynanka devant le tribunal de commerce de Dijon en cessation et indemnisation d'actes de concurrence déloyale.
Par une ordonnance de référé en date du 16 octobre 2024, le tribunal de commerce de Dijon a :
- débouté la SARL Adya Finances de son exception d'incompétence ;
- condamné la SARL Adya Finances à verser à M. [U] à titre provisionnel une somme d'un montant de 55.000 euros suite à la réduction de capital de la SARL Adya Finances intervenue le 8 mars 2024, outre les intérêts aux taux légaux à compter de la mise en demeure en date du 5 avril 2024 ;
- constaté son défaut de pouvoir sur la demande de remboursement des frais et du compte-courant de M. [U] ;
- dit n'y avoir lieu à référé ;
- condamné la SARL Adya Finances à payer à M. [U] la somme de 2.500 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- dit le surplus de la demande de 8.000 euros injustifié et en tous cas mal fondé, l'en déboute ;
- dit toutes autres demandes, fins et conclusions des parties injustifiées et en tous cas mal fondés, les en déboute ;
- condamné la SARL Adya Finances en tous les dépens de l'instance, en ce compris les frais de greffe liquidés à la somme visée en page 1 de la présente ordonnance ;
- rappelé que la présente décision est assortie de l'exécution provisoire de droit.
Par déclaration au greffe du 31 octobre 2024, la SARL Adya Finances a relevé appel de cette décision.
Par avis du greffe en date du 9 décembre 2024, le conseil de l'appelante a été informé que l'affaire était fixée à l'audience du 10 avril 2025 en application des dispositions de l'article 906 du code de procédure civile.
Prétentions de la SARL Adya Finances :
Par conclusions notifiées le 24 février 2025, la SARL Adya Finances demande à la cour de :
- recevoir la société Adya Finances en son appel et la déclarer bien fondée ;
- infirmer l'ordonnance en ce qu'elle a :
condamné la SARL Adya Finances à verser à M. [U] à titre provisionnel une somme d'un montant de 55.000 euros suite à la réduction de capital de la SARL Adya Finances intervenue le 8 mars 2024, outre les intérêts aux taux légaux à compter de la mise en demeure en date du 5 avril 2024 ;
condamné la SARL Adya Finances à payer à M. [U] la somme de 2.500 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamné la SARL Adya Finances en tous les dépens de l'instance, en ce compris les frais de greffe liquidés à la somme visée en page 1 de la présente ordonnance ;
statuant à nouveau,
- constater que Mme le Président du tribunal de commerce de Dijon statuant en référé a outrepassé ses pouvoirs en raison de nombreuses contestations sérieuses et d'absence d'urgence ;
en conséquence,
- dire n'y avoir lieu à référé ;
- rejeté l'intégralité des demandes de M. [U] ;
en tout état de cause,
- condamner M. [U] à régler à la SARL Adya Finances la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner M. [U] aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Prétentions de M. [U] :
Par conclusions notifiées le 4 mars 2025, M. [U] demande à la cour de :
- confirmer l'ordonnance rendue par le président du tribunal de commerce de Dijon en date du 16 octobre 2024, en ce qu'elle a :
débouté la SARL Adya Finances de son exception d'incompétence ;
condamné la SARL Adya Finances à verser à M. [U] à titre provisionnel une somme d'un montant de 55.000 euros suite à la réduction de capital de la SARL Adya Finances intervenue le 8 mars 2024, outre les intérêts aux taux légaux à compter de la mise en demeure en date du 5 avril 2024 ;
condamné la SARL Adya Finances à payer à M. [U] la somme de 2.500 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamné la SARL Adya Finances en tous les dépens de l'instance, en ce compris les frais de greffe liquidés à la somme visée en page 1 de la présente ordonnance ;
- réformer la décision du président du tribunal de commerce en ce qu'elle a débouté M. [U] de ses demandes suivantes :
- condamner la société Adya Finances à rembourser à M. [U] le remboursement de ses frais et de son compte courant ;
- condamner la société Adya Finances à verser à M. [U] à titre provisionnel et forfaitaire une somme d'un montant de 30.000 suite à sa résistance abusive ;
et statuant à nouveau,
- condamner la société Adya Finances à rembourser à M. [U] le remboursement de ses frais et de son compte courant ;
- condamner la société Adya Finances à verser à M. [U] à titre provisionnel et forfaitaire une somme d'un montant de 30.000 euros suite à sa résistance abusive ;
en tout état de cause,
- condamner la société Adya Finances à verser à M. [U] une somme d'un montant de 8.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la société Adya Finances aux entiers dépens.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux conclusions susvisées pour un exposé complet des moyens développés par les parties au soutien de leurs prétentions.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 1er avril 2025.
MOTIFS DE LA DECISION :
Bien qu'ayant relevé appel de la disposition du jugement qui l'a rejetée, la société Adya Finances ne reprend pas devant la cour l'exception d'incompétence soulevée devant le premier juge, ce qui conduira à la confirmation de la décision sur ce point.
1°) sur la demande de provision au titre du prix de cession :
Conformément aux dispositions de l'article 873 alinea 2 du code de procédure civile, le président du tribunal de commerce peut accorder une provision au créancier, lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable.
Ces dispositions n'érigent pas l' urgence au rang de condition du pouvoir du juge des référés.
Une contestation sérieuse est caractérisée lorsque l'un des moyens de défense opposé aux prétentions du demandeur n'apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision qui pourrait intervenir sur ce point si les parties en saisissait le juge du fond.
Il n'est pas discuté entre les parties qu'en vertu du protocole du 22 décembre 2023, la société Adya devait verser à M. [U] une somme de 110.000 euros au titre du prix de vente de ses parts sociales et qu'un premier versement de 55.000 euros étant intervenu depuis l'assignation, la demande de paiement provisionnel ne porte plus que sur une somme de 55.000 euros que la débitrice retient sur un compte Carpa.
La société Adya Finances oppose à la demande de provision d'une part la violation des obligations de loyauté et de bonne foi résultant du protocole en raison de la commission par M. [U] d'actes de concurrence déloyale soit directement, soit au travers de la société Ynanka qu'il a créée ; d'autre part la surévaluation du prix de rachat des parts au regard du résultat déficitaire de l'exercice comptable de la société Bono Vox clos le 31 décembre 2023.
Elle se prévaut en outre d'une créance à l'encontre de M.[U] au titre de la rémunération que ce dernier s'est octroyé sans décision des associés ;
M. [U] soutient pour sa part qu'en l'absence de clause de révision du prix, la société Adya Finances ne peut se prévaloir des pertes subies sur l'exercice comptable ayant précédé la cession et relève qu'aucune action pour dol n'a été engagée contre lui.
Il conteste les actes de concurrence déloyale qui lui sont imputés et fait valoir que l'instance engagée à ce sujet concerne les sociétés Bono Vox Property et Ynanka, qu'elle ne peut donner lieu à compensation avec le solde du prix de cession et que les autres créances invoquées par la société Adya Finances ne sont pas établies.
Il considère que les clauses du protocole d'accord transactionnel, qui a autorité de chose jugée entre les parties, font obstacle à toute action de M.[T], qui se trouve dépourvu d'intérêt et de qualité à agir.
Selon les termes du protocole d'accord transactionel intervenu le 22 décembre 2023, MM. [T] et [U] sont notamment convenus d'autoriser et de procéder :
- au rachat par la société Adya Finances des 17.500 parts détenues par M. [U] pour un montant de 110.000 euros payable au jour de la constatation de la réduction de capital,
- au versement à M.[U] d'une prime exceptionnelle de 29.000 euros brut avant déduction des charges sociales à hauteur de 9500 euros, soit 19.500 euros nets, au plus tard le 20 février 2024,
- au remboursement du compte courant d'associé de M. [U] apparaissant dans les comptes de la société Adya Finances au moment de la réduction du capital social, sur justificatifs et après échanges entre conseils et expert-comptables des structures.
Si, les parties au protocole se sont expressément engagées (titre IV, article 3) à «une obligation particulière de bonne foi et de loyauté dans l'interprétation et l'exécution de la présente transaction», celle-ci ne comporte aucune stipulation interdisant à M. [U] l'exercice des activités d'agent immobilier et d'intermédiaire en assurances.
De plus, il ressort des pièces que le grief de concurrence déloyale développé à l'encontre de M. [U] et/ou de sa société Ynanka ne concerne que la seule société d'exploitation Bono Vox et que l'éventuelle créance indemnitaire qui peut en résulter, ne peut profiter qu'à cette dernière et non à sa holding, la société Adya Finances.
Il en résulte que la société Adya Finances ne peut valablement se prévaloir d'une potentielle compensation pour retenir le paiement du solde du prix de cession des parts sociales.
Pour ce qui est du grief de surévaluation de ce prix, aucun des éléments produits ne permet d'en apprécier le caractère sérieux.
En conséquence, l'ordonnance sera confirmée en ce qu'elle a condamné la société Adya Finances au paiement provisionnel de 55.000 euros, dont l'exigibilité n'est par ailleurs pas contestée.
2°) sur la demande de provision au titre du solde du compte courant d'associé et des frais :
Pour s'opposer à cette prétention de M. [U], la société Adya Finances fait valoir que :
- la demande en paiement de M. [U] n'est pas chiffrée,
- elle-même ne formule plus, à hauteur d'appel, de demandes sur les sommes restant dues par M. [U].
Si le protocole transactionnel prévoyait bien le remboursement du compte courant d'associé de M.[U], il le conditionnait à la présentation de justificatifs.
M.[U] ne chiffre pas sa demande en paiement et ne fournit aucun justificatif de sa créance, les états financiers de la société Adya Finances n'étant pas versés aux débats.
Dans ces conditions, il ne saurait être fait droit à sa demande et l'ordonnance sera confirmée en ce qu' elle a dit n'y avoir lieu à référé sur ce chef de demande.
3°) sur la demande de provision au titre de dommages-intérêts pour résistance abusive :
M. [U] considère que la société Adya Finances ayant exécuté l'ordonnance de référé sans même contester l'exécution provisoire, elle n'avait aucun intérêt à relever appel de la décision, le juge du fond ayant été saisi, et que son recours est abusif.
La société Adya Finances réplique qu'elle n'a fait qu'agir en défense de ses intérêts et de ceux de sa filiale et que sa prétention indemnitaire n'est pas de la compétence du juge des référés.
Il est de principe que l'exercice d'une action en justice ou d'une voie de recours constitue un droit fondamental qui ne peut dégénérer en abus sanctionné par l'octroi de dommages et intérêts que par l'effet d'une faute qu'il appartient au demandeur de caractériser.
L'exécution provisoire de droit de l'ordonnance de référé impose à l'appelant d'exécuter la décision de première instance qu'il entend contester, sous peine de radiation de son appel, de sorte que cette exécution, à laquelle il ne peut se soustraire qu'en cas d'impossibilité d'exécuter ou de conséquences manifestement excessives, ne peut en aucun cas constituer une reconnaissance du droit de son adversaire, ni le constituer fautif dans l'exercice de son recours.
Compte tenu des éléments du litige, il n'y a donc pas lieu à référé sur une demande, même provisionnelle, à des dommages et intérêts et la décision de première instance sera confirmée en ce qu'elle a débouté M.[U] de ce chef de demande.
PAR CES MOTIFS :
Confirme l'ordonnance du juge des référés du tribunal de commerce de Dijon en date du 16 octobre 2024 ;
Y ajoutant,
Condamne la SARL Adya Finances aux dépens de l'instance d'appel ;
Condamne la SARL Adya Finances à payer à M. [S] [U] la somme complémentaire en cause d'appel de 1000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Le greffier, Le président,