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Décisions

CA Dijon, 2e ch. civ., 21 août 2025, n° 22/00575

DIJON

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

ETABLISSEMENTS I (S.A.R.L.)

Défendeur :

Bouchons Bourguignons (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Blanchard

Conseillers :

Mme Charbonnier, Mme Kuentz

Avocats :

Me Parenty-Baut, Me Buisson, Me Creusvaux, Me Zeitoun

T. com. Dijon, du 10 févr. 2022, n° 2020…

10 février 2022

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par acte notarié du 11 décembre 2019, la SARL Etablissements [I], qui avait pour activité la vente de bouchons en liège essentiellement fabriqués en sous-traitance au Portugal, après triage et dépoussiérage, a cédé à la SAS Bouchons Bourguignons son fonds de commerce pour un prix de 100 000 euros s'appliquant aux éléments incorporels à hauteur de 20 000 euros et au matériel à hauteur de 80 000 euros.

L'acte de cession prévoyait une reprise du stock par le cessionnaire, dont le paiement devait intervenir le 31 décembre 2019.

Par acte notarié du même jour, la société Etablissements [I] a donné à bail dérogatoire à la société Bouchons Bourguignons, pour une durée de trois ans, les locaux à usage de bureaux et d'atelier de production et de stockage dans lesquels elle exerçait son activité, situés [Adresse 3].

Il était prévu le versement d'un loyer de 2 370 euros pour la première année, et de 3 900 euros pour les deuxième et troisième années.

A compter du mois de janvier 2020, la société Bouchons Bourguignons a réclamé à plusieurs reprises la fixation de rendez-vous en vue de la signature de l'état des lieux d'entrée et de remise des certificats de contrôle périodique des installations électriques, ainsi qu'en vue de l'établissement d'un état contradictoire du stock de bouchons, cartons et palettes.

Par courrier du 21 février 2020, la société Axa, assureur de la société Bouchons Bourguignons, a indiqué que le contrôle des installations électriques faisait apparaître de nombreux dysfonctionnements dont certains étaient susceptibles de générer un incendie, précisant à son assurée qu'elle disposait d'un délai de trois mois à compter de la réception du rapport pour remédier aux anomalies.

Par courrier recommandé du 5 mars 2020, la société Bouchons Bourguignons a transmis à la société Etablissements [I] un devis établi par la société Elec'Trum d'un montant de 16 855,20 euros au titre de la mise en conformité des installations électriques, dont elle demandait au bailleur la prise en charge.

Par courrier du 8 septembre 2020, la société Etablissements [I] a communiqué par l'intermédiaire de son conseil un devis réalisé le 2 juin 2020 pour un montant de 6 348,40 euros par M. [J] [D], à qui elle a indiqué donner instruction d'intervenir au plus vite sous réserve des dates de convenance de la société Bouchons Bourguignons.

En l'absence de réalisation des travaux de mise aux normes électriques à la date butoir du 1er octobre 2020, la société Axa a résilié le contrat multirisques de la société Bouchons Bourguignons pour l'échéance du 1er janvier 2021 à 0 heure.

Parallèlement, par lettre recommandée du 17 juillet 2020, la société Etablissements [I], par l'intermédiaire de son conseil, a mis en demeure la société Bouchons Bourguignons de lui régler le montant du stock de marchandises pour 73 130,62 euros, le montant de la taxe foncière et le montant des consommations de gaz et d'électricité pour 6 319,47 euros ainsi que le montant des loyers du 1er avril 2020 au 31 juillet 2020 pour 13 104 euros.

Par acte du 10 décembre 2020, la société Bouchons Bourguignons a fait attraire la société Etablissements [I] devant le tribunal de commerce de Dijon, aux fins de voir prononcer l'annulation de la vente du fonds de commerce du 11 décembre 2019, et prononcer par voie de conséquence la caducité du bail dérogatoire signé le même jour en raison de l'interdépendance des contrats, à titre principal pour violation délibérée par le vendeur de son obligation d'information et dol, à titre subsidiaire sur le fondement de la garantie des vices cachés. A titre très subsidiaire, si le tribunal ne retenait pas l'interdépendance des contrats, il était sollicité le prononcé de la résolution du contrat de bail dérogatoire aux torts exclusifs de la bailleresse pour violation des articles 1719 à 1721 du code civil.

La société Bouchons Bourguignons a en outre conclu à la condamnation de la société Etablissements [I] à lui rembourser le prix de vente, le dépôt de garantie et les loyers versés, ainsi que le montant des factures pour les contrôles des installations électriques, outre l'indemnisation de ses divers préjudices.

La société Etablissements [I] a présenté des demandes reconventionnelles tendant au paiement du stock de marchandises, des consommations de gaz et d'électricité ainsi que de l'arriéré locatif.

Par jugement du 10 février 2022, le tribunal de commerce de Dijon :

- in limine litis, s'est déclaré compétent pour traiter du litige et a déclaré recevable l'action de la SAS Bouchons Bourguignons,

- a déclaré que le contrat de cession de fonds de commerce du 11 décembre 2019 et le contrat de bail dérogatoire portant sur les locaux permettant d'exploiter le dit fonds signé le même jour sont interdépendants,

- a débouté la SAS Bouchons Bourguignons de sa demande d'annulation de la vente du fonds de commerce et de caducité du contrat de bail dérogatoire,

- a débouté la SAS Bouchons Bourguignons de sa demande de remboursement du prix de vente de 100 000 euros, de sa demande de remboursement des loyers de décembre 2019/janvier 2020 et du dépôt de garantie pour 10 955,22 euros,

- a condamné la SARL Etablissements [I] à payer à la SAS Bouchons Bourguignons la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral et de jouissance suite aux manoeuvres dolosives et déloyales de la société Etablissements [I],

- a condamné la SARL Etablissements [I] au paiement de la somme de 1 073,04 euros relative aux factures pour les contrôles des installations électriques,

- a débouté la SAS Bouchons Bourguignons de sa demande de paiement de la somme de 336,50 euros au titre de la mise à disposition d'une secrétaire,

- a débouté la SARL Etablissements [I] de sa demande de paiement de la somme de 73 130,61 euros au titre du stock de marchandises reprises,

- a condamné la SAS Bouchons Bourguignons à payer la somme de 6 319,47 euros au titre des consommations de gaz et d'électricité sur la période du 11 décembre 2019 et jusqu'au 3 juillet 2020,

- a condamné la SAS Bouchons Bourguignons à payer la somme de 24 954 euros au titre de l'arriéré locatif sur la période du 1er avril 2020 au 31 décembre 2020,

- a ordonné la compensation de ces sommes entre les parties,

- a condamné la SARL Etablissements [I] au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- a condamné la SARL Etablissements [I] aux entiers dépens, en ce compris les frais de greffe liquidés à la somme visée en page 2 du jugement,

- a dit que l'exécution provisoire du jugement est de droit, et ne l'a pas écartée,

- a dit toutes autres demandes, fins et conclusions des parties injustifiées et en tous cas mal fondées, et les a rejetées.

Par acte du 9 mai 2022, la SARL Etablissements [I] a relevé appel des chefs de cette décision prononçant des condamnations à son encontre et rejetant ses demandes reconventionnelles.

Aux termes de conclusions notifiées le 27 mai 2024, la société Etablissements [I] demande à la cour, au visa des articles 1103, 1231-1, 1317, 1641 du code civil, ainsi que des articles 910-4, 564, 565 et 566 du code de procédure civile, de :

- juger recevable et bien fondé son appel et dans les limites de celui-ci y faisant droit,

- confirmer le jugement rendu le 10 février 2022 en ce qu'il a :

débouté la SAS Bouchons Bourguignons de sa demande de résolution [d'annulation] de la vente du fonds de commerce et de caducité du contrat de bail dérogatoire,

débouté la SAS Bouchons Bourguignons de sa demande de résolution de la vente du fonds de commerce et de caducité du contrat de bail dérogatoire,

débouté la SAS Bouchons Bourguignons de sa demande de remboursement du prix de vente de 100 000 euros, de sa demande de remboursement de loyers de décembre 2019/janvier 2020 et du dépôt de garantie pour 10 955,22 euros,

débouté la SAS Bouchons Bourguignons de sa demande en paiement de la somme de 336,50 euros au titre de la mise à disposition d'une secrétaire,

- confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Dijon le 10 février 2022 en ce qu'il a jugé que la SAS Bouchons Bourguignons devait lui rembourser ses consommations de gaz et d'électricité,

- infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Dijon le 10 février 2022 en ce qu'il :

l'a condamnée à payer à la SAS Bouchons Bourguignons la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral et de jouissance suite à ses manoeuvres dolosives et déloyales,

l'a condamnée au paiement de la somme de 1 073,04 euros relative aux factures pour le contrôle des installations électriques,

l'a déboutée de sa demande de paiement de la somme de 73 130,62 euros au titre du stock de marchandises reprises,

l'a condamnée au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

l'a condamnée aux entiers dépens, en ce compris les frais de greffe liquidés à la somme visée en page 2 du jugement, soit 63,36 euros TTC,

a dit que l'exécution provisoire du jugement est de droit, et ne l'a pas écartée,

a dit toutes ses autres demandes, fins et conclusions injustifiées et en tous cas mal fondées et l'en a déboutée,

Statuant à nouveau,

- juger que la preuve de l'existence d'un vice caché n'est pas démontrée,

- juger qu'aucune faute contractuelle n'a été commise par elle,

- juger, subsidiairement, que la SAS Bouchons Bourguignons ne justifie d'aucun préjudice en lien avec le prétendu manquement qu'elle reproche à son bailleur,

En conséquence,

- constater que la demande la SAS Bouchons Bourguignons visant à voir prononcer la résolution du bail dérogatoire liant les parties se trouve dépourvue d'objet dès lors que ledit contrat est aujourd'hui arrivé à son terme,

- juger, en tout état de cause, non fondée la demande de la SAS Bouchons Bourguignons aux fins de voir prononcer aux torts du bailleur la résolution du bail dérogatoire liant les parties dès lors que la locataire a toujours pu exploiter son activité dans les locaux donnés à bail,

- juger irrecevables les demandes de l'intimée visant à voir 'condamner la SARL Ets [I] au paiement de la somme de 31 156 euros HT au titre de la perte d'exploitation consécutive à l'absence de respect de l'obligation de présentation à son acheteur de la clientèle souscrite dans l'acte de vente de fonds de commerce' et à voir 'condamner la SARL Ets [I] au paiement de la somme de 33 003 euros en remboursement des sommes versées à M. [K] en janvier 2022, avec versement d'une indemnité de licenciement d'un montant de 20 658 euros après avoir supporté son salaire toute l'année 2021, pour un coût de 11 995 euros et Mme [Y] en novembre 2020, avec versement d'une indemnité de licenciement de 350 euros suite à l'obligation de quitter les locaux sis [Adresse 2] à [Localité 7] en janvier 2021',

motif pris que ces demandes ne figurent pas dans les premières conclusions de l'intimé signifiées dans le délai de l'article 909 du code de procédure civile et, motif pris subsidiairement, qu'elles constituent des demandes nouvelles,

- débouter purement et simplement la SAS Bouchons Bourguignons de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, notamment de sa demande tendant à voir déclarer irrecevables les prétentions afférentes aux consommations de gaz et d'électricité,

- la déclarer recevable en toutes ses demandes,

- condamner, reconventionnellement, la SAS Bouchons Bourguignons à lui régler les sommes suivantes :

73 130,62 euros au titre du stock des marchandises reprises,

115 314 euros au titre de l'arriéré locatif dû sur la période du 1er janvier 2021 au 31 août 2022 [la période visée est en réalité celle du 1er janvier 2021 au 12 décembre 2022, cf. page 34 des conclusions],

141 600 euros par application de la clause pénale prévue au bail dérogatoire en raison de la non-libération des locaux donnés à bail,

- condamner, a minima, la SAS Bouchons Bourguignons à lui régler la somme de 3 900 euros par mois à compter du 10 décembre 2022 jusqu'à la date de libération totale des locaux,

En tout état de cause,

- condamner la SAS Bouchons Bourguignons à lui régler la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la SAS Bouchons Bourguignons aux entiers dépens.

Aux termes de conclusions notifiées le 29 mai 2024, la société Bouchons Bourguignons demande à la cour de :

- statuer ce que de droit sur la recevabilité de l'appel formé par SARL Etablissements [I] à l'encontre du jugement rendu le 10 février 2022 par le tribunal de commerce de Dijon,

In limine litis,

- ordonner le rabat de l'ordonnance de clôture prononcée le 28 mai 2024 en application des articles 15,16 et 784 du code de procédure civile,

Au fond,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il :

s'est déclaré compétent pour traiter du litige et déclaré recevable son action,

a déclaré que le contrat de cession de fonds de commerce du 11 décembre 2019 et le contrat de bail dérogatoire portant sur les locaux permettant d'exploiter le dit fonds sont interdépendants,

a condamné la SARL Etablissements [I] à lui payer la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral et de jouissance suite aux manoeuvres dolosives et déloyales de la société Etablissements [I],

a condamné la SARL Etablissement [I] au paiement de la somme 1 073,04 euros relatives aux factures pour les contrôles des installations électriques,

a débouté la SARL Etablissements [I] de sa demande en paiement de la somme de 73 130,62 euros au titre du stock de marchandises reprises,

a condamné la SARL Etablissements [I] au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

a condamné la SARL Etablissements [I] aux entiers dépens, en ce compris, les frais de greffe liquidés à la somme visée en page 2 du jugement,

a dit que l'exécution provisoire du jugement est de droit, ne l'a pas écartée,

a dit toutes autres demandes, fins et conclusions de la SARL Etablissements [I] injustifiées et en tout cas mal fondées et l'en a déboutée,

Vu les articles 908 et 910-4 du code de procédure civile,

- déclarer irrecevables d'office les prétentions de la société Etablissements [I] formées par conclusions n°2 signifiées le 23 janvier 2023 visant à voir 'confirmer le jugement rendu le 10 février 2022 ce qu'il a débouté la SAS Bouchons Bourguignons :

de sa demande de résolution de la vente du fonds de commerce et de caducité du contrat de bail dérogatoire,

de sa demande de remboursement du prix de vente de 100 000 euros, de sa demande de remboursement de loyers de décembre 2019/ janvier 2020 et du dépôt de garantie pour 10 955,22 euros,

de sa demande en paiement de la somme de 336,50 euros au titre de la mise à disposition d'une secrétaire',

Vu les dispositions des articles 1103, 1104, 1112-1, 1130, 1131, 1137, 1583, 1641, 1644, 1645, 1719, 1721, 1220 du code civil et L. 441-9 du code de commerce,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il :

l'a déboutée :

de sa demande d'annulation de la vente du fonds de commerce et de caducité du contrat de bail dérogatoire,

de sa demande de résolution de la vente de commerce et de caducité du contrat de bail dérogatoire,

de sa demande de remboursement du prix de vente de 100 000 euros, de sa demande de remboursement de loyers de décembre 2019/ janvier 2020 et du dépôt de garantie pour 10 955,22 euros,

de sa demande en paiement de la somme de 336,50 euros au titre de la mise à disposition d'une secrétaire,

l'a condamnée à payer :

la somme de 6 319,47 euros au titre des consommations de gaz et d'électricité sur la période du 11 décembre 2019 et jusqu'au 3 juillet 2020,

la somme de 24 954 euros au titre de l'arriéré locatif allant du 1er avril au 31 décembre 2020,

a dit toutes ses autres demandes, fins et conclusions injustifiées et tout cas mal fondées et l'en a déboutée,

- la recevoir en son appel incident et statuant à nouveau,

- à titre principal, prononcer l'annulation de la vente du fonds de commerce du 11 décembre 2019 à effet rétroactif au 11 décembre 2019 pour violation délibérée par le vendeur de son devoir d'information,

- à titre subsidiaire, prononcer la résolution de la vente du fonds de commerce du 11 décembre 2019 à effet rétroactif au 11 décembre 2019 aux torts exclusifs du vendeur,

- en conséquence, prononcer la caducité du contrat de bail dérogatoire du 11 décembre 2019 à effet rétroactif à cette date portant sur les locaux sis [Adresse 4] dans lesquels était exploité ledit fond de commerce jusqu'au 1er janvier 2021 en raison de l'interdépendance des contrats judiciairement acquise suivant jugement du tribunal de commerce de Dijon du 10 février 2022,

- à titre très subsidiaire, si la cour ne faisait pas droit aux demandes précitées, prononcer la résolution du contrat de bail dérogatoire du 11 décembre 2019 aux torts exclusifs de l'appelante à effet rétroactif au 11 décembre 2019 pour violation délibérée de ses obligations de délivrance et d'assurer au locataire une jouissance paisible suivie de la résiliation du contrat d'assurance des locaux par Axa à compter du 1er janvier 2021,

Quel que soit le fondement juridique qui sera retenu par la cour,

- condamner la SARL Etablissements [I] :

au remboursement du prix de vente, soit 100 000 euros,

et au remboursement des loyers de décembre/janvier et du dépôt de garantie, soit 10 955,22 euros,

- condamner la SARL Etablissements [I] au paiement des intérêts au taux légal sur les sommes précitées à compter du courrier officiel de son conseil en date du 29 juillet 2020 valant mise en demeure restée infructueuse,

- débouter la SARL Etablissements [I] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

Concernant les demandes nouvelles de l'appelante,

Vu les dispositions des articles 910-4, 564, 565 et 566 du code de procédure civile, la théorie de l'estoppel, les dispositions combinées des articles 1103, 1104, 1583, 1719, 1721, 1220 du code civil, l'absence de jouissance des locaux sis [Adresse 2] à [Localité 7] et son départ depuis le 1er janvier 2021 par la faute exclusive du bailleur,

- déclarer tout aussi irrecevable que mal fondée la société Etablissements [I] en sa demande de paiement de la somme de 115 314 euros et au titre de 'l'arriéré locatif dû sur la période du 1er janvier 2021 au 31 août 2022', et celle de '3 900 euros par mois à compter du 10 décembre 2022 jusqu'à la date de libération totale des locaux',

- déclarer tout aussi irrecevables que mal fondées les demandes de la société Etablissements [I] formées pour la première fois les 23 et 27 mai 2024 visant à :

confirmer le jugement du 10 février 2022 en ce qu'il a soi-disant jugé qu'elle devait rembourser à la société Etablissements [I] ses consommations de gaz et d'électricité,

la condamner au paiement de la somme de 141 600 euros par application de la clause pénale prévue au bail dérogatoire,

- à titre subsidiaire, fixer la clause pénale à un euro symbolique,

- débouter la SARL Etablissements [I] de toutes demandes plus amples ou contraires,

Concernant ses demandes nouvelles,

Vu les articles 564, 565 et 566 du code de procédure civile,

- prononcer à titre infiniment subsidiaire la résiliation du contrat de bail dérogatoire aux torts exclusifs de l'appelant à compter du 1er janvier 2021 sur le fondement des articles 1719, 1720 et 1721 du code civil, compte tenu de l'absence de jouissance des locaux sis [Adresse 2] à [Localité 7] et de son départ depuis le 1er janvier 2021 par la faute exclusive du bailleur,

- condamner la SARL Etablissements [I] au paiement de la somme de 31 156 euros HT au titre de la perte d'exploitation consécutive à l'absence de respect de l'obligation de présentation à son acheteur de la clientèle souscrite dans l'acte de vente du fonds de commerce,

- condamner la SARL Etablissements [I] au paiement de la somme de 33 003 euros en remboursement des sommes versées à M. [K] à hauteur de 32 653 euros et à Mme [Y] à hauteur de 350 euros suite à l'obligation de quitter les locaux sis [Adresse 5] à [Localité 7] en janvier 2021,

- condamner la SARL Etablissements [I] au paiement de la somme supplémentaire de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Etablissements [I] aux intérêts légaux sur les sommes précitées,

- condamner la même aux dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de la SCP Beziz Cleon Charlemagne Creusvaux, avocats à la cour conformément à l'article 699 du code de procédure civile,

- à titre encore plus subsidiaire, si la cour devait entrer même partiellement en voie de condamnation à son encontre, confirmer le jugement en ce qu'il a ordonné la compensation entre les créances respectives des parties.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions susvisées pour un exposé complet des moyens des parties.

La clôture de la procédure a été prononcée le 28 mai 2024.

Par des notes en délibéré reçues les 8 et 15 juillet 2024, les parties ont présenté leurs observations sur la notion de perte de chance susceptible d'être appliquée au préjudice d'exploitation allégué par la société Bouchons Bourguignons consécutivement au non-respect par la société Etablissements [I] de son obligation de présentation de la clientèle.

MOTIFS

Sur la demande de révocation de l'ordonnance de clôture

Compte tenu de la notification de nouvelles conclusions par la société Etablissements [I] le 27 mai 2024, soit la veille de l'ordonnance de clôture, et afin d'assurer le respect du contradictoire dès lors que ces écritures appelaient une réponse, il convient d'ordonner la révocation de ladite ordonnance.

La clôture de l'instruction est fixée au jour de l'audience, avant les plaidoiries.

Les conclusions n°4 notifiées par la société Bouchons Bourguignons le 29 mai 2024 sont donc recevables.

Sur la recevabilité des demandes de confirmation de la société Etablissements [I]

La société Bouchons Bourguignons demande à la cour de déclarer irrecevables les prétentions de la société Etablissements [I] formées par conclusions n°2 signifiées le 23 janvier 2023 visant à voir confirmer le jugement rendu le 10 février 2022 ce qu'il a débouté la SAS Bouchons Bourguignons de diverses demandes, et ce, au motif que l'appelante n'aurait pas présenté ces demandes dans ses premières écritures déposées dans le délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel, comme l'impose l'article 910-4 du code de procédure civile, dans sa rédaction applicable au présent litige.

Il sera toutefois rappelé qu'en application de l'article 562 du code de procédure civile, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs du dispositif du jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent.

En conséquence, une demande de confirmation de certains chefs du jugement, qui n'a pas pour effet de saisir la cour desdits chefs, n'est pas concernée par l'application de l'article 910-4 ancien du code de procédure civile.

Sur la demande d'annulation de la vente du fonds de commerce pour manquement au devoir d'information

L'article 1112-1 du code civil dispose que 'celle des parties qui connaît une information dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre doit l'en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant.

Néanmoins, ce devoir d'information ne porte pas sur l'estimation de la valeur de la prestation.

Ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties.

Il incombe à celui qui prétend qu'une information lui était due de prouver que l'autre partie la lui devait, à charge pour cette autre partie de prouver qu'elle l'a fournie.

Les parties ne peuvent ni limiter, ni exclure ce devoir.

Outre la responsabilité de celui qui en était tenu, le manquement à ce devoir d'information peut entraîner l'annulation du contrat dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants'.

Selon l'article 1130 du code civil, 'l'erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu'ils sont de telle nature que, sans eux, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes.

Leur caractère déterminant s'apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné.'

L'article 1137 du même code précise que 'le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des man'uvres ou des mensonges.

Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie.

Néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation.'

La société Bouchons Bourguignons, appelante incidente, s'estime victime d'un défaut d'information de la part de la société Etablissements [I] au sens de l'article 1112-1 du code civil, qualifiable de dol au sens de l'article 1137 du même code, justifiant l'annulation de la vente du fonds de commerce réalisée le 11 décembre 2019.

Elle fait en effet grief à la venderesse de lui avoir dissimulé des informations revêtant pour elle une importance déterminante, et tenant à :

- la non-conformité des installations électriques, ayant eu pour conséquence la résiliation du contrat d'assurance,

- l'état du stock de bouchons, non conforme et invendable,

- la perte des trois principaux clients bordelais, qui constituaient 20 % du chiffre d'affaires en 2018,

- l'existence d'un litige avec le sous-traitant portugais.

S'agissant de la non-conformité des installations électriques, celle-ci est avérée au vu du rapport de vérification établi par Qualiconsult Exploitation le 19 février 2020, qui mentionne l'existence de risques d'incendie et d'explosion.

Il est également établi que, en l'absence de réalisation des travaux destinés à remédier aux anomalies constatées dans le certificat Q 18, la société Axa a été amenée à résilier le contrat d'assurance des locaux à compter du 1er janvier 2021.

Pour autant, cette situation ne peut donner lieu à annulation de la vente pour dol qu'à charge pour la société Bouchons Bourguignons de démontrer :

- d'une part, que l'existence du bail constituait un élément déterminant de son consentement à l'acquisition du fonds de commerce,

- d'autre part, que le vendeur a, intentionnellement et en connaissance de cause, gardé le silence sur les défauts affectant le local donné à bail.

Sur le premier point, ainsi que le souligne la société Etablissements [I], le bail n'avait été conclu que pour trois ans, et se trouvait donc exclu du statut des baux commerciaux. Or, la société Bouchons Bourguignons ne s'explique pas sur la contradiction entre l'importance déterminante que pouvait revêtir pour elle le bail lorsqu'elle a acquis le fonds de commerce, et l'incertitude de son droit au maintien dans les lieux passé un délai de trois ans.

Par ailleurs, s'il est avéré que la société Etablissements [I] s'est abstenue de remettre à la société Bouchons Bourguignons le formulaire Q 18 relatif au contrôle des installations électriques sous trente jours, comme elle s'y était engagée dans le contrat de bail, cette circonstance ne suffit pas à caractériser sa connaissance de l'existence et de l'étendue des désordres affectant l'installation électrique, et donc sa volonté de tromper sa cocontractante à ce sujet.

S'agissant du stock de bouchons, la société Bouchons Bourguignons soutient qu'aucun accord n'a pu intervenir entre les parties sur leur cession à défaut d'inventaire contradictoire et d'accord sur le prix. Se prévalant des attestations de Mme [B] et de M. [K], anciens salariés de la société venderesse qu'elle a gardés à son service, elle fait en outre valoir que ces bouchons étaient particulièrement anciens et de piètre qualité, situation dont le dirigeant de la société Etablissements [I] avait conscience mais qui lui a sciemment été dissimulée.

L'absence d'accord des parties sur la consistance précise et la valeur du stock de bouchons à la date de la vente du fonds de commerce ne saurait toutefois être constitutive d'un dol imputable au vendeur, dans la mesure où elle était connue de l'acquéreur puisque actée dans le contrat de vente, lequel prévoyait une fixation contradictoire du stock à intervenir entre les parties, et un paiement au plus tard le 31 décembre 2019.

De même, la mauvaise qualité des bouchons, attestée par les salariés, ne saurait être considérée comme ayant vicié le consentement de l'acquéreur, dès lors qu'elle ne faisait pas obstacle à l'exploitation du fonds au moyen de l'achat de nouveaux stocks, et que le prix de vente du fonds n'avait au surplus pas été déterminé en tenant compte de leur valeur, qui devait faire l'objet d'une fixation ultérieure.

La société Bouchons Bourguignons fait par ailleurs état de 'la perte dès 2020 des trois principaux clients bordelais, lesquels représentaient 20 % du chiffre d'affaires en 2018', sans autre explication.

Au vu des indications contenues dans le jugement dont appel et dans les conclusions de la société Etablissements [I], la société Bouchons Bourguignons fait en réalité grief à la venderesse de ne pas l'avoir informée de l'importance du poids des clients bordelais dans le chiffre d'affaires.

C'est toutefois par des justes motifs, que la cour adopte, que le tribunal de commerce a relevé que le chiffre d'affaires des trois derniers exercices était indiqué dans l'acte de cession, et que, alors qu'aucune obligation légale ne pèse sur le vendeur de fournir la répartition de son chiffre d'affaires, il appartenait à l'acquéreur de se renseigner sur les caractéristiques de la clientèle.

La société Bouchons Bourguignons reproche enfin à la société Etablissements [I] de ne pas l'avoir informée de l'existence d'un litige avec un client (la SCEV [Adresse 9]) et avec son fournisseur portugais.

Elle n'explique toutefois pas en quoi la connaissance de cette situation était déterminante de son consentement, alors même que, comme relevé par les premiers juges, il n'en est résulté pour elle aucune conséquence financière, en l'absence de reprise des dettes antérieures à la cession.

Dès lors, à défaut pour la société Bouchons Bourguignons de démontrer le défaut de transmission par sa cocontractante d'informations qui présentaient un caractère déterminant sur son consentement à la signature du contrat de cession du fonds de commerce, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée de sa demande d'annulation dudit contrat, et de caducité du contrat de bail dérogatoire.

Sur l'action rédhibitoire fondée sur la garantie des vices cachés

L'article 1641 du code civil dispose que 'le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus'.

L'article 1643 précise qu''il est tenu des vices cachés, quand même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n'ait stipulé qu'il ne sera obligé à aucune garantie'.

L'acheteur a alors le choix, conformément aux dispositions de l'article 1644, 'de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix'.

Enfin, selon l'article 1645, si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur.

La société Bouchons Bourguignons soutient en l'espèce que la société Etablissements [I] a volontairement dissimulé avant la vente :

- la non-conformité des installations électriques ayant eu pour conséquence un refus par Axa d'assurer les locaux au-delà du 1er janvier 2021,

- le fait que le stock de bouchons était non conforme, et invendable.

Sur le premier point, il convient de rappeler que la mise en oeuvre de la garantie des vices cachés est subordonnée à la constatation d'un défaut inhérent à la chose vendue elle-même.

Or, les défauts invoqués par la société Bouchons Bourguignons affectent l'installation électrique de l'immeuble dans lequel est exploité le fonds de commerce ' immeuble qui a fait l'objet d'un contrat de location distinct du contrat de cession du fonds de commerce ', et non le fonds de commerce lui-même.

Au surplus, quand bien même il serait considéré que l'état des locaux était inclus dans l'accord de cession au motif que, nécessaires à l'exploitation du fonds, ils faisaient l'objet d'un engagement du vendeur, il sera relevé qu'en vertu de l'acte de cession, 'le cessionnaire prendra le fonds avec tous ses éléments corporels et incorporels en dépendant dans l'état où le tout se trouve actuellement sans recours contre le cédant pour quelque cause que ce soit'.

Or, la société Bouchons Bourguignons ne peut efficacement invoquer la présomption de connaissance des vices pesant sur le vendeur professionnel, susceptible de faire obstacle à l'application de la clause d'exonération de la garantie des vices cachés, dès lors que la qualité d'importateur et de vendeur de bouchons de la société Etablissements [I] ne lui conférait pas de compétences particulières en matière d'installations électriques.

En conséquence, et dès lors qu'il n'est pas établi que la venderesse aurait sciemment dissimulé à son acquéreur la non-conformité de l'installation électrique des locaux dans lesquels était exploité le fonds de commerce, la clause d'exclusion de garantie fait de plus fort obstacle à l'exercice par ce dernier de l'action rédhibitoire prévue à l'article 1644 du code civil.

S'agissant de la mauvaise qualité des bouchons constituant le stock de marchandises compris dans le fonds de commerce cédé, il a déjà été relevé que celle-ci est établie, et que le dirigeant de la société Etablissements [I] l'a volontairement dissimulée à la société Bouchons Bourguignons.

Pour autant, il ne peut être considéré que les défauts affectant le stock de bouchons auraient rendu le fonds de commerce impropre à l'usage auquel il était destiné, alors même que l'activité de l'acquéreur telle que décrite dans son objet social impliquait en tout état de cause d'acheter, traiter et revendre de nouvelles marchandises, ce qu'elle ne conteste pas avoir fait.

De même, la société Bouchons Bourguignons ne saurait prétendre qu'elle n'aurait accepté de payer qu'un moindre prix si elle avait eu connaissance de cette situation, puisque le prix du stock de bouchons n'était pas inclus dans le prix de cession de 100 000 euros mais devait s'y ajouter, à concurrence d'un montant à déterminer entre les parties avant le 31 décembre 2019.

Il convient ainsi de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Bouchons Bourguignons de sa demande de résolution de la vente du fonds de commerce, ainsi que de caducité du contrat de bail dérogatoire.

Sur la demande de résolution ou de résiliation du contrat de bail pour manquement du bailleur à ses obligations

En vertu de l'article 1719 du code civil, 'le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière :

1° De délivrer au preneur la chose louée [...] ;

2° D'entretenir cette chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée ;

3° D'en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail [...]'.

L'article 1721 du même code précise qu''il est dû garantie au preneur pour tous les vices ou défauts de la chose louée qui en empêchent l'usage, quand même le bailleur ne les aurait pas connus lors du bail.

S'il résulte de ces vices ou défauts quelque perte pour le preneur, le bailleur est tenu de l'indemniser'.

S'il n'était pas fait droit à ses demandes d'annulation ou de résolution de la vente du fonds de commerce et de caducité du bail, la société Bouchons Bourguignons conclut, sur le fondement de ces dispositions, à la résolution du contrat de bail dérogatoire aux torts de la bailleresse à effet au 11 décembre 2019, ou subsidiairement, à sa résiliation au 1er janvier 2021.

Elle fait en effet grief à la société Etablissements [I] de ne pas lui avoir fourni le certificat Q18 relatif au contrôle des installations électriques, formalité qu'elle s'était engagée à réaliser dans un délai de trente jours dans le contrat de bail du 11 décembre 2019. Elle reproche également à la bailleresse de ne pas avoir réalisé les travaux de mise en conformité des installations électriques et de raccordement des machines exigés par la société Axa, ce qui l'a obligée à quitter les locaux au 1er janvier 2021, compte tenu de la résiliation de son contrat d'assurance.

Cette demande n'est pas dépourvue d'objet par l'arrivée du terme du contrat de bail dérogatoire, comme le soutient la société Etablissements [I], compte tenu de son caractère rétroactif et de ses conséquences en termes de paiement des loyers ainsi que de droit à indemnisation pour le preneur.

La société Etablissements [I] conteste par ailleurs tout manquement à ses obligations, et ajoute qu'en tout état de cause, la société Bouchons Bourguignons a toujours pu exploiter son activité dans les locaux donnés à bail.

Il convient toutefois de relever que la bailleresse n'a pas respecté son obligation contractuelle de fournir le certificat Q18 avant le 10 décembre 2020, obligeant la société Bouchons Bourguignons à se substituer à elle.

C'est dans ces conditions qu'il a été constaté par la société Qualiconsult Exploitation, le 19 février 2020, l'existence de multiples non-conformités affectant tant l'installation électrique au sens strict que le raccordement des machines, générant un risque d'incendie et d'explosion.

La société Bouchons Bourguignons s'est alors rapprochée de la société Elec'Trum, qui a établi le 5 mars 2020 un devis de mise en conformité de l'ensemble de ces défauts, pour un montant de 16 855,20 euros TTC.

Toutefois, alors même que la société Bouchons Bourguignons lui a communiqué le rapport Qualiconsult Exploitation dès le 24 février 2020, puis l'a mise en demeure à plusieurs reprises de réaliser les travaux de levée des réserves visées dans le certificat Q18, conformément aux exigences de son assureur, la société Etablissements [I] n'a dans un premier temps apporté aucune réponse concrète à ces demandes.

Elle a fait procéder le 2 juin 2020 à l'établissement d'un nouveau devis par M. [D], pour un montant de 6 348,40 euros au titre des seuls travaux dont elle s'estimait redevable (hors raccordement des machines), devis qu'elle n'a communiqué à sa locataire que le 8 septembre 2020.

Or, même en tenant pour acquis que les obligations de la société Etablissements [I] se limitaient aux travaux détaillés dans le devis [D], le court délai entre la transmission dudit devis et le 1er octobre 2020, date butoir fixée par la société Axa pour la levée des réserves mentionnées dans le certificat Q18, n'aurait pas permis la réalisation des travaux dans les temps, et ce alors que la bailleresse était informée des difficultés depuis plus de sept mois, et aurait même dû l'être depuis janvier 2020 si elle avait respecté ses engagements contractuels.

Les manquements de la société Etablissements [I] à ses obligations de délivrance et d'entretien des locaux donnés à bail, s'ils n'ont pas eu de conséquences immédiates sur l'exploitation du fonds de commerce, ont abouti à la résiliation du contrat d'assurance avec effet au 1er janvier 2021, empêchant la société Bouchons Bourguignons de poursuivre son activité dans les locaux donnés à bail.

Il convient en conséquence de prononcer la résiliation du bail, aux torts de la société Etablissements [I], à compter du 1er janvier 2021.

Dans la mesure où, bien qu'il soit fait droit à sa demande subsidiaire de résiliation du bail, la société Bouchons Bourguignons n'invoque pas la caducité de la vente du fonds de commerce, sa demande tendant à voir consacrer l'interdépendance de ces deux contrats est sans objet.

Sur les demandes financières de la société Bouchons Bourguignons

- Sur le remboursement du prix de vente du fonds de commerce :

Dès lors qu'il n'a pas été fait droit aux prétentions de la société Bouchons Bourguignons tendant à l'annulation, et subsidiairement à la résolution, de la vente du fonds de commerce, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté cette dernière de sa demande tendant au remboursement de la somme de 100 000 euros correspondant au prix de vente.

- Sur le remboursement du contrôle de l'installation électrique :

Il a été relevé ci-dessus que, alors que la société Etablissements [I] s'était engagée à fournir le formulaire Q18 relatif au contrôle des installations électriques dans un délai d'un mois à compter de la date de la signature du contrat de bail, elle n'a pas rempli son obligation, contraignant la société Bouchons Bourguignons à se substituer à elle pour faire établir ce contrôle.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Etablissements [I] à payer à la société Bouchons Bourguignons la somme de 1 073,04 euros relative aux factures pour les contrôles des installations électriques.

- Sur le remboursement des loyers et du dépôt de garantie :

Dans la mesure où le contrat de bail n'a pas été déclaré caduc, et où il n'a été résilié qu'à compter du 1er janvier 2021, la société Bouchons Bourguignons était bien redevable des loyers de décembre 2019 et de janvier 2020.

Par ailleurs, la demande au titre de la restitution du dépôt de garantie est prématurée, dans la mesure où, ainsi qu'explicité ci-dessous, la société Bouchons Bourguignons ne justifie pas avoir intégralement restitué les locaux donnés à bail, circonstance rendant exigible la restitution du dépôt de garantie sous réserve de compensation éventuelle avec les loyers impayés et les frais de réparation des dégradations imputables au locataire.

Il y a en conséquence lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Bouchons Bourguignons de sa demande en remboursement des loyers et du dépôt de garantie à hauteur de 10 955,22 euros.

- Sur la demande de dommages et intérêts :

Il sera d'abord relevé que, alors que la société Bouchons Bourguignons avait présenté sa demande de dommages et intérêts au visa des articles 1103, 1104 ainsi que 1231-1 du code civil, le tribunal de commerce, retenant l'existence d'un vice caché, lui a alloué la somme sollicitée de 50 000 euros sur le fondement des articles 1641 et 1645 du code civil, 'en réparation du préjudice moral et de jouissance suite aux manoeuvres dolosives et déloyales de la société Etablissements [I]'.

A hauteur de cour, la société Bouchons Bourguignons conclut à la confirmation du jugement de ce chef, au visa des dispositions du code civil afférentes au dol et aux vices cachés, mais également à la responsabilité contractuelle, en faisant état du préjudice moral et de jouissance qu'elle a subi.

Il ne saurait y avoir lieu à indemnisation d'un préjudice susceptible de découler des manoeuvres déloyales imputées à la société Etablissements [I], dès lors qu'il n'a pas été retenu l'existence d'un dol ou d'une dissimulation de vices cachés par cette dernière au sens des articles 1137 ainsi que 1641 et suivants du code civil.

Sur la question particulière de l'état des bouchons, la société Bouchons Bourguignons n'a subi aucun préjudice matériel dès lors que, comme explicité ci-dessous, aucun paiement ne pourra lui être réclamé à ce titre.

Le manquement de la société Etablissements [I] à ses obligations de délivrance et d'entretien des locaux donnés à bail est en revanche établi.

Si la société Bouchons Bourguignons invoque l'existence d'un préjudice moral, celui-ci ne pourrait être constitué, s'agissant d'une société commerciale, que par une atteinte à son image ou à sa réputation, non invoquée en l'espèce.

En revanche, l'existence d'un trouble de jouissance est avérée. Outre les démarches qu'elle a supportées en raison du défaut de réalisation par la bailleresse du contrôle des installations électriques, la société Bouchons Bourguignons a été contrainte, en l'absence de mise aux normes de celles-ci, de déménager dans de nouveaux locaux, et ce avant l'expiration du bail dérogatoire de trois ans, susceptible en cas d'accord des parties d'ouvrir droit ultérieurement au bénéfice de la propriété commerciale.

Ce préjudice sera réparé par l'allocation de dommages et intérêts à hauteur de 15 000 euros.

- Sur la demande au titre de la mise à disposition d'une secrétaire :

La société Bouchons Bourguignons conclut à l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée de sa demande en paiement de la somme de 336,50 euros au titre de la mise à disposition d'une secrétaire, sans toutefois solliciter la condamnation de la société Etablissements [I] au paiement de ladite somme.

En tout état de cause, elle ne produit aucune pièce susceptible de justifier de sa créance à ce titre.

Le jugement entrepris ne pourra donc qu'être confirmé de ce chef.

- Sur les demandes au titre de la perte d'exploitation et du remboursement des sommes versées aux salariés :

La société Bouchons Bourguignons conclut à la condamnation de la société Etablissements [I] à lui payer :

- la somme de 31 156 euros HT au titre de la perte d'exploitation consécutive à l'absence de respect de son obligation, souscrite dans l'acte de vente du fonds de commerce, de lui présenter la clientèle,

- la somme de 33 003 euros en remboursement des sommes versées à M. [K] (32 653 euros) et Mme [Y] (350 euros) suite à l'obligation de quitter les locaux pris à bail en janvier 2021.

La société Etablissements [I] conclut à l'irrecevabilité de ces demandes, sur le fondement de l'article 910-4 alinéa 1er du code de procédure civile, qui dispose dans sa rédaction applicable au présent litige qu''à peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. L'irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures'.

Elle souligne à juste tire que la société Bouchons Bourguignons n'a pas présenté ses demandes indemnitaires dans ses premières conclusions notifiées le 24 octobre 2022, mais seulement dans ses conclusions n°2 du 1er juin 2023.

La société Bouchons Bourguignons invoque en réplique l'alinéa 2 de l'article 910-4 selon lequel, 'néanmoins, et sans préjudice de l'alinéa 2 de l'article 802, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait'.

Toutefois, la perte d'exploitation alléguée pouvait être constatée dans les mois qui ont suivi la cession du fonds de commerce ; de même, le versement de diverses sommes aux salariés, dont il est soutenu qu'il serait consécutif au changement de locaux, est intervenu en novembre 2020 pour Mme [Y], et en janvier 2022 pour M. [K], soit antérieurement à la notification des premières conclusions.

Par ailleurs, l'invocation par la société Bouchons Bourguignons des articles 565 et 566 du code de procédure civile est inopérante, ces dispositions se rapportant à la présentation, à hauteur de cour, de nouvelles prétentions qui n'auraient pas été formulées en première instance, et non à la concentration temporelle des prétentions prévue à l'article 910-4 du code de procédure civile.

Ainsi, les demandes présentées au titre de la perte d'exploitation et de l'indemnisation des salariés seront déclarées irrecevables.

Sur les demandes reconventionnelles de la société Etablissements [I]

Sur la demande de paiement du stock de marchandises

L'acte de vente du fonds de commerce stipule que ce fonds comprend notamment 'un stock de marchandises fixé contradictoirement entre les parties', et précise que 'le paiement des marchandises sera effectué au plus tard le 31 décembre 2019, directement entre les parties'.

La société Etablissements [I] conclut à la condamnation de la société Bouchons Bourguignons à lui payer la somme de 73 130,62 euros au titre de ce stock de marchandises (bouchons et matières premières).

Elle soutient que celui-ci a fait l'objet d'un inventaire contradictoire entre M. [U] [I] et la responsable administrative de la société Etablissements [I], dont le contrat a été transféré au profit de la société Bouchons Bourguignons, et ajoute que cet inventaire a été remis au notaire rédacteur au moment de la signature de l'acte de cession.

Elle verse aux débats un 'Bon d'inventaire n°INV0000014' daté du 28 novembre 2019, qui ne revêt toutefois pas un caractère contradictoire puisque, même en tenant pour acquise la participation de la responsable administrative de la société Etablissements [I] à son établissement, cette dernière n'était pas, à cette date, salariée de la société Bouchons Bourguignons. Par la suite, aucun inventaire contradictoire n'a été établi, malgré la relance de l'acquéreur.

La société Etablissements [I] fait par ailleurs valoir que son stock a donné lieu à indemnisation par l'assureur de la société Bouchons Bourguignons à concurrence de 38 384,93 euros, au titre de la perte de marchandises consécutive à un incendie ayant affecté l'atelier en juin 2020.

La société Bouchons Bourguignons réplique que les bouchons dont elle a obtenu l'indemnisation correspondent non pas au stock de la venderesse, dont elle rappelle le mauvais état, mais à des bouchons neufs qu'elle a acquis courant 2020.

Elle justifie de ses affirmations par la production de l'état de son stock remis à la compagnie d'assurance avec les factures d'achat entre janvier et mai 2020, pour un montant total supérieur à 65 000 euros.

En conséquence, compte tenu de l'absence d'établissement d'un inventaire contradictoire imputable à la société Etablissements [I], qui aurait permis aux parties de s'accorder sur un prix, à laquelle s'ajoute la vétusté du stock attestée par les anciens salariés de la venderesse, c'est à juste titre que le tribunal de commerce a débouté cette dernière de sa demande en paiement.

Sur la demande de paiement de l'arriéré locatif et de la clause pénale

- Sur les sommes réclamées jusqu'au 31 décembre 2020 :

La société Bouchons Bourguignons conclut à l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il l'a condamnée au paiement d'une somme de 24 954 euros au titre de l'arriéré locatif sur la période du 1er avril 2020 au 31 décembre 2020, en faisant état des manquements de la bailleresse à ses obligations contractuelles.

Il a toutefois été retenu que, malgré l'absence de fourniture du formulaire Q18 par la bailleresse, la société Bouchons Bourguignons avait pu exploiter son fonds dans les locaux donnés à bail, et ce jusqu'au 1er janvier 2021, date à laquelle le bail a été résilié aux torts de la société Etablissements [I].

La société Bouchons Bourguignons était ainsi redevable des loyers d'avril à décembre 2020, dont elle ne conteste pas ne pas s'être acquittée, justifiant la confirmation de la condamnation prononcée à ce titre.

- Sur les sommes réclamées à compter du 1er janvier 2021 :

Sur la recevabilité des demandes

S'agissant de la demande en paiement de l'arriéré de loyers entre le 1er janvier 2021 et le 12 décembre 2022, elle ne saurait être déclarée irrecevable au seul motif qu'elle n'a pas été présentée en première instance, la bailleresse ayant simplement actualisé ses prétentions, ainsi que l'autorise l'article 565 du code de procédure civile.

En revanche, dans la mesure où le contrat de bail a été résilié à compter du 1er janvier 2021, il convient de restituer à cette prétention son exacte qualification, à savoir, une demande en paiement d'une indemnité d'occupation.

En ce qui concerne la demande présentée au titre de la clause pénale, il convient tout d'abord de rappeler que la société Etablissements [I] se prévaut de la stipulation insérée au paragraphe 'Fin de bail - Remise des clefs', prévoyant que 'si les lieux loués n'étaient pas effectivement rendus libres du fait du preneur pour la date d'expiration du présent bail, ce dernier supportera une astreinte de 300 euros (300,00 eur) par jour de retard, sans que ce règlement l'autorise à différer son départ'.

Cette clause pénale tend à l'indemnisation du préjudice subi par le bailleur en cas de non-libération complète des lieux par le locataire postérieurement à la cessation du bail.

Son application est réclamée par la société Etablissements [I] à compter de la date de restitution des clés, intervenue le 12 décembre 2022.

La société Bouchons Bourguignons considère que la demande présentée à ce titre est irrecevable sur le fondement des dispositions de l'article 910-4 alinéa 1er du code de procédure civile.

Il est exact que cette prétention n'était pas présentée dans les premières conclusions de l'appelante notifiées le 2 août 2022, qui ne visaient qu'une condamnation au paiement de 102 954 euros au titre l'arriéré de loyers arrêté au 31 août 2022, la société Etablissements [I] considérant que le contrat de bail était alors toujours en cours.

Cette demande est toutefois recevable, sur le fondement du 2ème alinéa de l'article précité, dès lors qu'elle est justifiée par l'évolution du litige postérieurement à l'établissement des premières conclusions, et en particulier par la remise des clés des locaux par la locataire, retenue par la société Etablissements [I] comme le point de départ de l'application de la clause pénale.

Sur le bien fondé des demandes

La société Bouchons Bourguignons s'oppose aux demandes de paiement en faisant valoir qu'elle a été contrainte de quitter le local en janvier 2021 par la faute du bailleur, mais qu'elle a laissé les machines dans les lieux dans l'attente de la décision arbitrant sa demande d'annulation de la vente du fonds de commerce, incluant le matériel. Elle indique à cet égard que quatre machines sont scellées au sol, et que le déménagement du matériel se serait élevé à plus de 15 000 euros. Elle précise que c'est dans ce contexte que les parties sont tombées d'accord pour faire établir un état des lieux avec remise du trousseau de clés, en présence de leurs huissiers de justice respectifs, le 12 décembre 2022.

La société Etablissements [I] réplique que le déménagement des machines n'était nullement impossible, et que, dès lors que la société Bouchons Bourguignons a délibérément choisi de pas vider les locaux donnés à bail, elle devra en assumer les conséquences.

Il est exact que le déménagement des machines, bien que coûteux, était possible, étant précisé qu'en cas d'annulation ou de résolution de la vente du fonds de commerce ' demandes auxquelles il n'a pas été fait droit ', la société Bouchons Bourguignons aurait pu réclamer à la société Etablissements [I] le remboursement des frais exposés. La demande de la bailleresse est donc fondée dans son principe.

En revanche, s'agissant de son montant, il convient de rappeler que les locaux donnés à bail ne pouvaient, compte tenu des non-conformités multiples affectant l'installation électrique, faire l'objet d'une remise en location en l'état, le bien n'étant pas assurable.

Or, même postérieurement à la restitution des clés par le locataire, la société Etablissements [I] ne justifie pas avoir fait procéder aux travaux de mise aux normes qui s'imposaient, et qui étaient un préalable nécessaire à la reprise de la location du bien. En outre, le défaut de libération des locaux n'était que partiel, le bien se composant, en plus de la partie ateliers, de bureaux d'une superficie de l'ordre de 235 m2 qui auraient pu faire l'objet d'une exploitation distincte.

En considération de ces éléments, l'indemnité d'occupation due par la société Bouchons Bourguignons sera évaluée à la somme de 300 euros par mois.

Pour la période comprise entre le 1er janvier 2021 et le 12 décembre 2022, la société Bouchons Bourguignons sera en conséquence tenue de s'acquitter d'un montant total de 7 016,13 euros.

En ce qui concerne la période postérieure au 12 décembre 2022, la clause pénale réclamée par la société Etablissements [I] à concurrence de 300 euros par jour doit être considérée comme manifestement excessive au sens des dispositions de l'article 1231-5 du code civil.

Pour les motifs retenus ci-dessus dans le cadre de l'évaluation de l'indemnité d'occupation, il convient de réduire le montant de cette clause pénale à 300 euros par mois. Cette somme sera due par la société Bouchons Bourguignons à compter du 13 décembre 2022 et jusqu'à la libération complète des locaux.

Sur la demande au titre des factures de gaz et d'électricité

La société Bouchons Bourguignons conclut à l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il l'a condamnée au paiement de la somme de 6 319,47 euros au titre des consommations de gaz et d'électricité sur la période du 11 décembre 2019 jusqu'au 3 juillet 2020.

Elle indique avoir réclamé en vain à la société Etablissements [I] la signature de l'état des lieux d'entrée, qui devait inclure un relevé des compteurs, et précise que les contrats d'abonnement (eau, gaz, électricité) sont tous restés au nom de la bailleresse. Elle ajoute que certaines factures communiquées par la société Etablissements [I] concernent une période antérieure à son entrée en jouissance. Pour le surplus, elle signale que les factures produites n'ont pas donné lieu à refacturation à son nom et au prorata de ses consommations personnelles après établissement d'un relevé contradictoire, et ce alors qu'une partie de l'immeuble était occupée par d'autres locataires.

Il est avéré que, en contradiction avec les stipulations du contrat de bail et malgré les relances de la locataire, il n'a été procédé à aucun état des lieux d'entrée, qui aurait permis d'effectuer un relevé contradictoire des compteurs de gaz et d'électricité.

Dans ces conditions, il ne saurait être tenu compte de la facture de gaz du 19 février 2020 d'un montant de 3 535,59 euros, qui constitue une facture de régularisation des consommations depuis le dernier relevé effectué en août 2019 et ne permet donc pas de connaître la consommation de la société Bouchons Bourguignons à compter de sa prise de possession des locaux.

En revanche, la demande en paiement de la somme de 3 090,35 euros au titre de la facture de gaz du 16 août 2020 est fondée, dès lors qu'elle tient compte de la consommation réelle relevée depuis le mois de février 2020.

S'agissant de la consommation d'électricité, c'est à juste titre que le tribunal de commerce a pris en compte les huit factures EDF établies entre le 6 février 2020 et le 8 juillet 2020, pour un montant total de 2 783,88 euros, dès lors que celles-ci portent sur des consommations relevées entre le 5 janvier 2020 et le 3 juillet 2020.

La société Bouchons Bourguignons ne justifie par ailleurs pas de ses allégations aux termes desquelles, alors qu'elle n'occupait qu'une superficie de 1 600 m2 sur les 4 000 m2 environ que comptait l'immeuble, il n'aurait existé qu'un seul compteur général pour l'ensemble des locataires. Il ressort au contraire de ses explications qu'aucune consommation n'a été mise en évidence par le compteur électrique situé dans ses bureaux entre le 15 janvier 2021 et le 12 décembre 2022, impliquant que ce compteur ne concernait pas d'autres locataires.

En conséquence, les demandes de la société Etablissements [I] au titre de la consommation de gaz et d'électricité sont fondées à concurrence de la somme totale de 3 090,35 + 2 783,88 = 5 874,23 euros.

Pour le surplus, si la société Etablissements [I] a fait état dans ses écritures d'une réactualisation de sa demande à hauteur de 12 889,46 euros (électricité) et 9 289,42 euros (gaz), la cour ne pourra que constater qu'elle n'est pas saisie de cette prétention, qui ne figure pas dans le dispositif de ses conclusions.

Sur les frais de procès

Dans la mesure où chacune des parties succombe partiellement en ses prétentions, il convient de laisser à chacune d'elles la charge des dépens qu'elle a exposés en première instance et en appel.

Il n'y a dès lors pas lieu de faire droit à leurs demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Ordonne la révocation de l'ordonnance de clôture et fixe la clôture de l'instruction à la date de l'audience,

Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a :

- condamné la société Etablissements [I] à payer à la société Bouchons Bourguignons :

la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral et de jouissance,

la somme de 6 319,47 euros au titre des consommations de gaz et d'électricité sur la période du 11 décembre 2019 jusqu'au 3 juillet 2020,

- condamné la société Etablissements [I] au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens,

Déclare sans objet la demande afférente au constat de l'interdépendance des contrats de vente du fonds de commerce et de bail souscrits le 11 décembre 2019,

Confirme le jugement entrepris pour le surplus de ses dispositions critiquées,

Statuant à nouveau sur les dispositions infirmées et ajoutant,

Prononce la résiliation, aux torts de la société Etablissements [I], du bail dérogatoire portant sur les locaux situés [Adresse 3], à compter du 1er janvier 2021,

Condamne la société Etablissements [I] à payer à la société Bouchons Bourguignons la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice de jouissance,

Déclare irrecevables les demandes de la société Bouchons Bourguignons au titre :

- de la perte d'exploitation consécutive au non-respect de l'obligation de présentation de la clientèle,

- des sommes versées aux salariés suite à l'obligation de quitter les locaux sis [Adresse 2] à [Localité 7] en janvier 2021,

Déclare recevables les demandes de la société Bouchons Bourguignons au titre du paiement de l'arriéré locatif à compter du 1er janvier 2021, et de la clause pénale à compter de la date de remise des clés,

Condamne la société Bouchons Bourguignons à payer à la société Etablissements [I] :

- la somme de 7 016,13 euros au titre de l'indemnité d'occupation due entre le 1er janvier 2021 et le 12 décembre 2022,

- la somme de 300 euros par mois au titre de la clause pénale stipulée au contrat de bail, à compter du 13 décembre 2022 et jusqu'à la libération complète des locaux,

Condamne la société Bouchons Bourguignons à payer à la société Etablissements [I] la somme de 5 874,23 euros au titre de la consommation de gaz et d'électricité,

Laisse à chacune des parties la charge des dépens qu'elle a exposés en première instance et en appel,

Déboute les parties de leurs demandes présentées en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

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