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CA Lyon, retentions, 23 août 2025, n° 25/06945

LYON

Ordonnance

Autre

CA Lyon n° 25/06945

23 août 2025

N° RG 25/06945 - N° Portalis DBVX-V-B7J-QQV2

Nom du ressortissant :

[L] [Y]

[Y]

C/

PREFET DE L'ISERE

COUR D'APPEL DE LYON

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DU 23 AOUT 2025

statuant en matière de Rétentions Administratives des Etrangers

Nous, Antoine MOLINAR-MIN, conseiller à la cour d'appel de Lyon, délégué par ordonnance de madame la première présidente de ladite Cour en date du 29 juillet 2025 pour statuer sur les procédures ouvertes en application des articles L.342-7, L. 342-12, L. 743-11 et L. 743-21 du code d'entrée et de séjour des étrangers en France et du droit d'asile,

Assisté de Ouided HAMANI, greffier,

En l'absence du ministère public,

En audience publique du 23 Août 2025 dans la procédure suivie entre :

APPELANT :

M. [L] [Y]

né le 06 Novembre 1985 à [Localité 3] (COTE D'IVOIRE)

de nationalité Ivoirienne

Actuellement retenu au Centre de rétention administrative 1 de [Localité 6] [Localité 7]

comparant et assisté de Maître Camille DACHARY, avocat au barreau de LYON, commis d'office

ET

INTIME :

M. PREFET DE L'ISERE

[Adresse 1]

[Adresse 4]

[Localité 2]

non comparant, régulièrement avisé, représenté par Maître Morgane MORISSON CARDINAUD, avocate au barreau de LYON substituant Me Jean-Paul TOMASI, avocat au barreau de LYON

Avons mis l'affaire en délibéré au 23 Août 2025 à 14H00 et à cette date et heure prononcé l'ordonnance dont la teneur suit :

FAITS ET PROCÉDURE

[L] [Y], né le 6 novembre 1985 à [Localité 3] (Côte d'Ivoire), de nationalité ivoirienne, a été placé en rétention administrative à compter du 18 août 2025 et conduit au centre de rétention administrative de [Localité 6] ' [Localité 7] afin de permettre l'exécution de l'arrêté d'expulsion pris le concernant par le préfet du Rhône le 9 mai 2025.

Saisi par requête de [L] [Y] reçue le 20 août 2025 à 12h14 d'une contestation de la régularité de la décision ordonnant son placement en rétention administrative, et d'une demande du préfet du Rhône que soit prolongée la mesure de rétention mise en 'uvre par requête déposée le 20 août 2025 à 14h03, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon, par ordonnance du 21 août 2025 à 16h08, a ordonné la jonction des deux procédures, déclaré régulière et recevable la requête formée par [L] [Y], rejeté les moyens d'irrecevabilité, déclaré la requête en prolongation du préfet du Rhône recevable, déclaré la procédure et la décision de placement en rétention administrative prononcée à l'encontre du requérant régulière et a ordonné la prolongation de cette mesure pour une durée de vingt-six jours.

[L] [Y] a relevé appel de cette ordonnance par transmission électronique reçue au greffe de la présente juridiction le 22 août 2025 à 15h42.

Les parties ont été convoquées à l'audience du 23 août 2025 à 10h30.

A l'audience, [L] [Y], assisté de son conseil, a sollicité l'infirmation de l'ordonnance déférée, que soit constatées l'irrecevabilité de la requête en prolongation et l'irrégularité de la mesure de placement en rétention prise par le préfet du Rhône le 18 août 2025 et que soit ordonnée sa remise en liberté.

Le préfet du Rhône, représenté, a conclu à la confirmation de l'ordonnance déférée.

MOTIVATION

Sur la recevabilité de l'appel :

L'appel de [L] [Y], relevé dans les formes et délais prévus par les dispositions des articles L. 743-21, R. 743-10 et R. 743-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doit être déclaré recevable.

Sur la recevabilité de la requête en prolongation de la rétention :

L'article R. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose qu'à peine d'irrecevabilité, la requête en prolongation de l'autorité administrative qui a ordonné le placement en rétention doit être accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l'article L. 744-2 de ce code.

Et l'article L. 744-2 prévoit qu'il doit être tenu dans tous les lieux de rétention, un registre mentionnant l'état civil des personnes retenues, ainsi que les conditions de leur placement ou de leur maintien en rétention, ce registre devant également mentionner l'état civil des enfants mineurs accompagnant ces personnes ainsi que les conditions de leur accueil, de même que les éléments d'information concernant les date et heure du début du placement de chaque étranger en rétention, le lieu exact de celle-ci ainsi que les date et heure des décisions de prolongation.

Dès lors, ainsi que justement retenu par le premier juge, il ne ressort d'aucune disposition législative ou réglementaire que les recours initiés en référé et au fond par [L] [Y] à l'encontre de l'arrêté préfectoral d'expulsion du 9 mai 2025, soit antérieurement à la mesure de rétention contestée, aurait à figurer au registre actualisé visé par les dispositions précitées de l'article L. 744-2.

En effet, l'arrêté du 6 mars 2018 « portant autorisation du registre de rétention prévu l'article L. 553-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « logiciel de gestion individualisée des centres de rétention administrative » (LOGICRA) » porte autorisation, pour l'administration, de mettre en 'uvre des traitements automatisés de données à caractère personnel, parmi lesquelles ne figurent pas les procédures juridictionnelles mises en 'uvre antérieurement au cours de la rétention.

Au demeurant, [L] [Y] ne peut valablement tirer aucun grief, sur le fondement des dispositions précitées, de ce que l'intégralité des données à caractère personnel dont la collecte est autorisée par l'arrêté précité n'aurait pas été reproduite dans le registre visé à l'article L. 744-2 et dont la copie actualisée doit être jointe à la requête en prolongation.

Il s'ensuit que la décision déférée, en ce qu'elle a écarté la fin de non-recevoir élevée par [L] [Y] de ce chef, doit être confirmée.

Sur la régularité du placement en rétention :

[L] [Y] fait valoir oralement à l'audience, et pour la première fois en cause d'appel, que son placement en rétention serait irrégulier en ce qu'il fait suite à un retrait illicite par l'administration pénitentiaire, à compter du 13 août 2025, de la mesure de semi-liberté qui lui avait été accordée par jugement exécutoire du 9 mai précédent du juge de l'application des peines de [Localité 5].

Or, il convient de relever que, même à les supposer établis, ce que ne permet pas de considérer l'absence de toute pièce justificative produite par le retenu au soutien de ses affirmations, les éléments avancés par [L] [Y] ne seraient pas de nature à entacher d'irrégularité la décision de placement en rétention administrative, prise à l'issue de la pleine et entière exécution de la peine d'emprisonnement ferme à laquelle il avait en dernier lieu été condamné.

Sur le moyen pris de l'insuffisance de la motivation de la décision de placement en rétention administrative et du défaut d'examen de la situation individuelle

Il résulte de l'article L. 741-6 du CESEDA que la décision de placement en rétention est écrite et motivée. Cette motivation se doit de retracer les motifs positifs de fait et de droit qui ont guidé l'administration pour prendre sa décision, ce qui signifie que l'autorité administrative n'a pas à énoncer, puis à expliquer, pourquoi elle a écarté les éléments favorables à une autre solution que la privation de liberté.

Pour autant, l'arrêté doit expliciter la raison ou les raisons pour lesquelles la personne a été placée en rétention au regard d'éléments factuels pertinents liés à la situation individuelle et personnelle de l'intéressé, et ce au jour où l'autorité administrative prend sa décision, sans avoir à relater avec exhaustivité l'intégralité des allégations de la personne concernée.

[L] [Y] soutient dans sa requête d'appel que l'arrêté de placement en rétention du préfet de l'Isère est insuffisamment motivé en droit et en fait en ce qu'il ne fait pas état de sa situation personnelle et familiale sur le territoire français ;

L'arrêté du préfet de l'Isère retient pourtant au titre de sa motivation que :

- [L] [Y] ne présente pas de garanties de représentation suffisantes en ce qu'il est dépourvu de tout document d'identité ainsi que de tout document transfrontière, ne peut justifier d'une adresse stable et effective en France, du fait notamment de la mesure d'emprisonnement qu'il était alors en train d'exécuter sous le régime de la semi-liberté,

- la présence de l'intéressé sur le territoire national représente une menace pour l'ordre public en ce qu'il a été interpellé à de multiples reprises, tout particulièrement pour des faits violents et/ou en lien avec son intempérance, entre 2014 et 2023, et rappelle que [L] [Y] a été condamné le 29 août 2022 et le 21 septembre 2023 par le tribunal correctionnel de Chambéry à des peines comportant notamment des peines d'emprisonnement ferme de durées significatives ;

- [L] [Y] ne dispose d'aucune ressource légale propre sur le territoire français, se déclare célibataire, et ne justifie pas de ses affirmations selon lesquelles il supporte effectivement la charge financière et éducative de ses trois enfants mineurs ;

- les difficultés de santé dont fait état [L] [Y] pourront efficacement être prises en charge au sein du centre de rétention administrative de [Localité 6] ' [Localité 7].

Et il ne ressort pas des pièces qu'il produit aux débats que les services de la préfecture de l'Isère auraient eu connaissance, à la date de la décision contestée, des démarches qu'il avait entreprises afin de reprendre un lien avec ses trois enfants mineurs, ni des contributions financières qu'il a estimé devoir verser pour leur éducation au cours des derniers mois, à la mesure des ressources issues de son travail en détention, et dont il justifie à l'occasion de la présente instance. Il ne ressort pas plus des éléments alors portés à la connaissance du préfet de l'Isère que [L] [Y] aurait, préalablement à la décision contestée, fait part ' ni a fortiori justifié ' de son projet d'hébergement à sa sortie de détention, l'attestation fournies à cet égard étant d'ailleurs postérieures à la mesure contestée.

Il apparaît ainsi que, comme l'a constaté le premier juge, le préfet de l'Isère avait bien réalisé un examen sérieux et a pris en considération les éléments alors connus de la situation personnelle de [L] [Y] pour motiver son arrêté de manière suffisante et circonstanciée.

Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation ne pouvait donc être accueilli.

Sur le moyen pris de l'erreur d'appréciation des garanties de représentation

L'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : « L'autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quarante-huit heures, l'étranger qui se trouve dans l'un des cas prévus à l'article L. 731-1 lorsqu'il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision.

Le risque mentionné au premier alinéa est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l'article L. 612-3 » ;

Il convient de rappeler, là-encore, que la régularité de la décision administrative s'apprécie au jour de son édiction, au regard des éléments de fait connus de l'administration à cette date et l'obligation de motivation ne peut s'étendre au-delà de l'exposé des éléments qui sous-tendent la décision en cause.

Le conseil de [L] [Y] soutient que l'autorité administrative a commis une erreur manifeste d'appréciation s'agissant de ses garanties de représentation en mettant en avant sa situation familiale, ainsi que les démarches d'insertion très significatives mises en 'uvre à l'occasion de sa détention.

Il n'est pourtant pas établi par les nombreuses pièces justificatives versées que l'autorité administrative aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en retenant l'existence d'une menace caractérisée pour l'ordre public au regard des faits violents répétés dont s'est rendu coupable [L] [Y] à l'encontre de la mère de ses trois jeunes enfants, mais également la grande fragilité de ses garanties de représentation à sa sortie de détention, en l'absence de tout élément en sa possession concernant les démarches d'insertion effectivement entreprises par l'intéressé.

Cette mesure de contrainte n'apparaissait donc en rien disproportionnée au regard des éléments connus et légitimement retenus par l'administration à la date de sa décision.

Ce moyen ne pouvait donc pas plus être accueilli ;

L'ordonnance entreprise doit par conséquent être confirmée.

PAR CES MOTIFS :

Déclarons recevable l'appel formé par [L] [Y] le 22 août 2025 ;

Confirmons l'ordonnance prononcée à l'égard de [L] [Y] par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon le 21 août 2025 (requête n°25/03210) ;

Le greffier, Le conseiller délégué,

Ouided HAMANI Antoine MOLINAR-MIN

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