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Décisions

CA Paris, Pôle 1 ch. 1, 8 mars 2016, n° 14/21974

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

DAMPIERRE (SAS)

Défendeur :

DEMATHIEU BARD CONSTRUCTION (SASU)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Dallery

Conseillers :

Mme Hecq Cauquil, M. Mulliez

Avocats :

Me Monta, Me Boccongibod

CA Paris n° 14/21974

7 mars 2016

Exposé des faits

La SAS DEMATHIEU BARD CONSTRUCTION (DEMATHIEU) et la SAS BRISARD DAMPIERRE (BRISARD) ont conclu une convention de groupement d'entreprises conjointes afin de répondre à un appel d'offres lancé par la SNCF pour l'exécution de travaux de remplacement d'un pont rail sur le canal de Briare.

Des différends sont survenus entre les parties relativement à l'exécution par la société B. de ses obligations.

Le 28 juin 2012, la société DEMATHIEU, sur le fondement de la clause compromissoire contenue dans les conditions générales et particulières de la convention de groupement d'entreprises conjointes, a saisi de ce litige le comité de médiation et d'arbitrage de la Fédération nationale des travaux publics (FNTP), lequel a désigné M. C. en qualité d'arbitre unique.

Celui ci, par une sentence partielle rendue à Paris le 13 mai 2013 a dit que la clause compromissoire était valable et qu'il était compétent pour statuer sur la demande indemnitaire de la société DEMATHIEU.

Par une sentence rendue à Paris le 30 septembre 2014, l'arbitre unique, statuant comme amiable compositeur, a constaté la défaillance de la société B., dit que la société DEMATHIEU n'avait pas commis de faute, condamné la première à payer à la seconde 299.000 euros TTC avec les intérêts au taux légal, et prononcé sur les frais de procédure.

Le 3 novembre 2014, la société B. a formé un recours en annulation des deux sentences.

Par des conclusions notifiées le 2 septembre 2015 elle demande à la cour :

- de les annuler, en invoquant la nullité de la clause compromissoire, la méconnaissance par l'arbitre de sa mission, et le défaut de motivation de la sentence finale,

- de prononcer sur le fond après annulation des sentences,

- de condamner la société DEMATHIEU à lui payer la somme de 20.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par des conclusions notifiées le 22 juillet 2015, la société DEMATHIEU demande à la cour, principalement, de constater que la clause compromissoire est valable, de dire que l'arbitre s'est déclaré à juste titre compétent, de juger que la sentence définitive est motivée et que l'arbitre a statué conformément à sa mission d'amiable compositeur, de débouter en conséquence la société B. de ses demandes de nullité des sentences, subsidiairement, de prononcer sur le fond, et, en toute hypothèse, de condamner la société B. à lui payer 20.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

SUR QUOI :

Sur le premier moyen d'annulation tiré de l'incompétence du tribunal arbitral (article 1492 1° du code de procédure civile) :

La société B. soutient que la clause compromissoire est nulle pour avoir été signée par un de ses salariés dépourvu de pouvoir.

Considérant que les conditions générales de la convention de groupement momentané d'entreprises conjointes, dont l'article 22 prévoit l'arbitrage par un arbitre unique conformément au règlement de la FNTP, ainsi que les conditions particulières de cette convention, dont l'article IX renvoie à l'article 22 précité, ont été signées le 8 février 2011 pour le compte de la société B. par M. Laurent M., alors directeur de l'Agence Brisard Grands Travaux;

Considérant que la société B. fait valoir que M. M., chargé des seuls aspects techniques du dossier, n'avait pas de délégation de pouvoir pour la représenter, qu'il faisait d'ailleurs l'objet d'une instance pendante devant le conseil des prud'hommes de Vesoul au moment où la procédure arbitrale a été engagée et qu'il a ultérieurement rejoint la société DEMATHIEU dont il avait été auparavant l'un des collaborateurs, enfin, que la société DEMATHIEU, qui disposait, pour la conclusion du marché avec la SNCF, du pouvoir de M. Raphaël B., seule personne habilitée à représenter la société B. ne peut alléguer sa croyance en un pouvoir apparent;

Mais considérant que l'action devant le conseil des prud'hommes de Vesoul a été engagée le 19 mars 2012; qu'à la date à laquelle la convention de groupement a été signée en novembre 2010, aucun différend n'existait entre la société B. et la société DEMATHIEU ou entre la société B. et M. M.; que la circonstance qu'un pouvoir de M. Raphaël B. ait été joint au dossier de passation du marché avec la SNCF, pouvoir au demeurant superflu dans la mesure où sa qualité de président de la société par actions simplifiée avait pour effet d'investir légalement l'intéressé de la représentation de la personne morale, n'excluait nullement qu'un directeur de la société ait reçu une délégation aux fins de signature de la convention de groupement;

Considérant que la croyance de la société DEMATHIEU à l'existence d'un tel pouvoir pouvait légitimement résulter du fait que peu de temps auparavant, au cours du second semestre de l'année 2010, M. M. avait été signataire pour le compte de la société B. d'un autre marché (passerelle de Villetaneuse), dont la société B. ne prétend nullement qu'il ne l'aurait pas engagée;

Considérant, au demeurant, que si la société B. soutient que la clause compromissoire contenue dans la convention de groupement est nulle faute de pouvoir du signataire, elle se prévaut, dans ses conclusions au fond des autres stipulations de cette même convention dont elle admet donc l'efficacité;

Considérant que la société DEMATHIEU ayant pu légitimement considérer que le signataire représentait la société B., le moyen tiré du défaut de pouvoir ne peut qu'être écarté;

Sur le deuxième moyen d'annulation tiré de la méconnaissance par l'arbitre de sa mission (article 1492 3° du code de procédure civile) :

La société B. soutient que l'arbitre n'a jugé ni en droit ni en équité, dès lors qu'il n'a pas relevé l'irrégularité de la mise en demeure qui lui a été délivrée le 29 mars 2011 par la société DEMATHIEU sans que celle ci ait été elle même mise en demeure par le maître de l'ouvrage, comme le contrat l'exigeait.

Considérant que la sentence énonce en page 10 que les faits de l'espèce correspondent à une résiliation partielle à l'initiative du mandataire et non à une résiliation de l'ensemble du marché par le maître de l'ouvrage; qu'ils ne sont donc pas régis par les articles 2.43 et 80.2 du CCCG, qu'invoque la société B., mais par l'article 17, dont les conditions de mise en oeuvre ont été respectées; qu'ainsi, contrairement à ce que prétend la société B., c'est par référence aux stipulations contractuelles que l'arbitre a écarté l'argument de la société B. avant d'évaluer en équité le montant de l'indemnité;

Que le moyen, sous couvert d'une méconnaissance par l'arbitre de sa mission, tend à une révision au fond de la sentence qui n'est pas permise au juge de l'annulation; qu'il ne peut qu'être écarté;

Sur le troisième moyen d'annulation tiré du défaut de motivation de la sentence (article 1492 6° du code de procédure civile) :

La société B. soutient que l'arbitre s'est abstenu de motiver sa décision, d'une part, sur l'agrément de son remplaçant, la société Berthold, avant même la résiliation du marché, d'autre part, sur le quantum du préjudice de la société DEMATHIEU.

Considérant, sur le premier point, que l'arbitre, a répondu, en page 12 de la sentence que la société B. ne rapportait pas la preuve que sa défaillance soit la conséquence de sa mise à l'écart prématurée au profit de la société Berthold; que, sur le second point, la sentence analyse, en ses pages 13 et 14, les frais et les surcoûts résultant de la défaillance de la société B. avant de fixer en équité le montant des dommages intérêts à 250.000 euros HT; que, dès lors, le moyen manque en fait;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le recours doit être rejeté;

Sur l'article 700 du code de procédure civile :

Considérant que la société B., qui succombe, ne saurait bénéficier des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et sera condamnée sur ce fondement à payer à la société DEMATHIEU la somme de 20.000 euros;

Dispositif

PAR CES MOTIFS :

Rejette le recours en annulation des sentences rendues entre les parties le 13 mai 2013 et le 30 septembre 2014.

Condamne la société BRISARD DAMPIERRE aux dépens, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, et au paiement de la somme de 20.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Rejette toute autre demande.

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