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Décisions

CA Paris, 18e ch. c, 20 mars 2008, n° 07/03711

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

AIR FRANCE (SA)

Défendeur :

M. Y

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Taillandier

Conseillers :

Mme Métadieu, Mme Bezio

Avoué :

Me Delcourt

CA Paris n° 07/03711

19 mars 2008

Exposé des faits

LA COUR,

Statuant sur l'appel formé par la société AIR FRANCE à l'encontre de l'ordonnance de référé en date du 23 avril 2007 par laquelle le conseil de prud'hommes de BOBIGNY, statuant en formation de départage, a ordonné à cette société de rétablir M. Ahmed Y... dans ses conditions d'emploi de magasinier initiales et l'a condamnée, de plus, à verser à M. Y... la somme de 1.000 € en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Vu les conclusions remises et soutenues par la société AIR FRANCE à l'audience du 13 février 2008 dans lesquelles l'appelante sollicite l'infirmation de l'ordonnance entreprise, en faisant valoir l'absence de trouble manifestement illicite et l'existence d'une contestation sérieuse à laquelle se heurtent les prétentions de M. Y... - la société AIR FRANCE réclamant en conséquence la condamnation de M. Y... à lui rembourser la somme de 1.000 € qu'elle a versée à ce dernier en exécution provisoire de la décision déférée, et la condamnation de M. Y... à lui payer la somme de 1.000 € en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Vu les écritures développées à la barre par M. Y... qui conclut à la confirmation des condamnations prononcées à son profit par les premiers juges et qui, formant appel incident, demande à la Cour de condamner en outre, la société AIR FRANCE à lui verser les sommes de 8.679, 62 € à titre de provision sur les salaires qui lui sont dus (depuis le 1e avril 2006 jusqu'au mois d'avril 2007) et la somme de 6.000 € à titre d'indemnité provisionnelle, pour violation par la société AIR FRANCE des dispositions de la loi du 7 janvier 1981 protectrice des salariés victimes d'accidents du travail et discrimination envers un salarié victime d'un accident du travail, outre la somme de 1.200 € en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile en sus de celle que lui a allouée de ce chef, le conseil de prud'hommes ;

Motifs

SUR CE, LA COUR

Considérant qu'il résulte des pièces et conclusions des parties que M. Y... a été engagé selon contrat à durée indéterminée du 20 novembre 2000, par la société AIR FRANCE en qualité de manutentionnaire fret 1, niveau 3, coefficient 188 ; qu'à compter du 1er janvier 2005, il est devenu magasinier fret 1, niveau A5, coefficient 223 ;

que M. Y... a subi divers accidents du travail, avec arrêts du travail corrélatifs, entre 2000 et 2006, dont le dernier est survenu le 1er février 2006 ; qu'à l'issue de ce dernier arrêt, M. Y... a fait l'objet d'une visite de reprise du médecin du travail, en date du 23 février 2006, à l'issue de laquelle, ce médecin a conclu, dans la fiche de visite, que M. Y... était apte à reprendre son poste de travail ;

que malgré cet avis, la société AIR FRANCE, soucieuse, dit-elle, de le préserver de la survenance d'un nouvel accident du travail, a affecté M. Y... à un poste autre que le sien, précédemment,- ne comportant pas, en particulier, d' "horaire décalé" ; que la disparition de cet horaire décalé entraînait, du même coup, pour M. Y... la perte de la prime spécifique qui correspondait à la sujétion de cet horaire variable, incluant des horaires de nuit ;

que M. Y... s'est immédiatement opposé à une telle modification qui, soutenait -il dans une lettre du 6 juillet 2006 ne pouvait intervenir sans son accord et s'avérait contraire aux conclusions du médecin du travail ;

que, malgré l'opposition, ainsi exprimée, du salarié, cette proposition de modification,- prévue par la société AIR FRANCE pour une période provisoire de 9 mois-, a cependant été mise en oeuvre, M. Y... bénéficiant du versement d'une prime dégressive, dite "prime biseau", sensée compenser la perte de rémunération que subissait le salarié, du fait de la disparition de la prime pour horaires décalés ;

Considérant que c'est dans ces conditions que, le 8 août 2006, M. Y... a saisi en référé le conseil de prud'hommes, afin d'être rétabli dans le poste de travail qu'il occupait lors de son dernier accident du travail et de voir condamner la société AIR FRANCE à lui verser, outre le montant des salaires qu'il a perdus depuis sa nouvelle affectation d'avril 2006, une provision à valoir sur les dommages et intérêts pour non-respect par son employeur des dispositions de la loi du 7 avril 1981, protectrice des salariés, accidentés du travail et traitement discriminatoire à son égard, fondé sur sa qualité d'accidenté du travail ;

1 trouble manifestement illicite

Considérant que la société AIR FRANCE prétend qu'elle n'a causé aucun trouble manifestement illicite à M. Y... en affectant celui-ci, lors de sa reprise en avril 2006, au poste précédemment mentionné, dès lors que cette modification ne concernait que les conditions du contrat de travail de M. Y... et non, le contrat de travail lui-même ; qu'elle n'avait donc point besoin de l'accord de l'intéressé ;

que la société AIR FRANCE ajoute que le trouble allégué est d'autant moins établi que cette modification était temporaire, a reçu l'accord du médecin du travail, n'avait aucune incidence sur la rémunération de M. Y... compte tenu du versement de la "prime biseau" et avait pour raison d'être sa seule volonté de préserver le salarié d'un nouvel accident du travail ;

2 visite médicale de reprise

Mais considérant qu'il n'est pas discuté que lors de la visite médicale de reprise du 23 février 2006, faisant suite à l'arrêt, consécutif à son accident du travail du 1er février 2006, M. Y... a été reconnu, par le médecin du travail, apte sans aucune restriction à reprendre le poste qu'il occupait jusqu'alors ;

que néanmoins par lettre remise en mains propres, datée du 30 mars 2006, que M. Y... a refusé de signer, la société AIR FRANCE a confié à ce dernier "une mission temporaire de 9 mois" -prolongée par la suite- "en horaires administratifs" afin, écrivait-elle dans cette lettre, de permettre à M. Y... de prendre du recul par rapport à ses activités actuelles afin de le protéger encore plus favorablement, compte tenu de ses divers accidents du travail antérieurs ;

3 code du travail

Or considérant que l'article L 122-32- 4 du code du travail énonce : "(...) le salarié s'il est déclaré apte par le médecin du travail, retrouve son emploi ou un emploi similaire assorti d'une rémunération équivalente" ;

Et considérant que si la société AIR FRANCE soutient que le poste auquel elle a ainsi affecté M. Y... le 30 mars 2006, était similaire à celui que ce dernier occupait lors de son accident du 1er février 2006, la Cour constate que l'appelante ne prétend nullement que, pendant l'arrêt de travail de M. Y..., le poste de l'intimé a été pourvu ou supprimé, alors que ce n'est que dans ces hypothèses que l'article L 122-32-4 précité envisage que l'employeur puisse attribuer au salarié un emploi "similaire", assorti d'une rémunération équivalente -le principe prioritaire étant, aux termes de ce texte, -énoncés plus haut- que le salarié "retrouve son emploi", si, donc, celui-ci existe toujours, lors de la reprise ;

que la modification de poste imposée dans ces conditions à M. Y... par la société AIR FRANCE, conformément à la lettre de mission du 30 mars 2006 -à laquelle le salarié s'est, immédiatement et à plusieurs reprises, opposé- constitue en conséquence une violation flagrante des dispositions d'ordre public de l'article L 122-32-4 précité, sans qu'il soit, ici besoin de déterminer si la modification litigieuse visait les conditions de travail ou le contrat de travail du salarié ;

que c'est dès lors à bon droit, que les premiers juges ont ordonné la réintégration de M. Y... au poste qui était le sien avant son accident du travail survenu le 1er février 2006 ; que l'ordonnance entreprise sera sur ce point confirmée ;

Et considérant que le conseil de prud'hommes doit aussi être approuvé d'avoir renvoyé devant le juge du fond l'appréciation des autres demandes de M. Y..., relatives à un rappel de salaires et aux dommages et intérêts réclamés pour discrimination et non-respect de la loi du 7 janvier 1981 ; qu'en effet, pour les unes, ces prétentions reposent sur des comptes et des calculs contestés par la société AIR FRANCE que la Cour n'est pas en mesure d'arbitrer d'évidence, tandis que les autres concernant la responsabilité de l'appelante résultant de l'inobservation des textes applicables en la cause, suppose une analyse de la bonne ou de la mauvaise foi de l'intéressée qui excède la limites des pouvoirs confiés au juge des référés ;

Considérant qu'en vertu de l'article 700 du code de procédure civile, il y a lieu d'allouer à M. Y... la somme de 1.200 € qu'il requiert, en sus de celle que lui ont accordée au même titre les premiers juges ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS

CONFIRME en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise ;

CONDAMNE la société AIR FRANCE aux dépens d'appel et au paiement au profit de M. Y... de la somme de 1.200 € (mille deux cents euros) en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile.

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