CA Paris, 1re ch. - C, 31 janvier 2008, n° 06/07787
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Ivoirienne de Raffinage (Sté)
Défendeur :
Teekay Shipping Norway AS (Sté), Bona Shipholding Ltd (Sté), Teekay Shipping Canada Ltd (Sté), Standard Steamship Owner's Protection and Indemnity Association (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Périé
Conseillers :
M. Matet, M. Hascher
Avoués :
SCP Fisselier-Chiloux-Boulay, SCP Monin - D’Auriac de Brons
Avocats :
Me Cordier, Me Ollu
Exposé des faits
Le 26 avril 2006, la société Ivoirienne de Raffinage a fait appel de l'ordonnance rendue le 15 mars 2006 par le président du tribunal de grande instance de Paris ayant déclaré exécutoire en France une sentence prononcée le 31 octobre 2005 à Abidjan d'après le règlement d'arbitrage de la Cour commune de justice de l'arbitrage ('CCJA') de l'OHADA par MM S. et F., arbitres, Delebecque, président qui :
1° : rejette la demande des parties visant à écarter des débats certaines pièces,
2° : se déclare compétent pour connaître de l'action en responsabilité de la Société Ivoirienne de Raffinage (SIR) à l'encontre de :
- la société Bona Shipholding Ltd, propriétaire du navire Teekay Foutain,
- M. A., capitaine du navire,
- la société Teekay Fountain Shipping Norway As, manager du navire,
- la société Teekay Fountain Shipping Canada Ltd ;
3° : se déclare non compétent pour connaître de l'action de la SIR à l'encontre
- du Club de Protection : Steamship Owner's Protection and Indemnité Association,
- de la société WAIBS, consignataire du navire,
- et de la société TCI Africa CI ;
et renvoie, par conséquent, la SIR à mieux se pourvoir à l'égard de ces personnes ;
4° : déclare recevable l'action en responsabilité engagée par la SIR à l'encontre de la société Bona Shipholding Ltd, du capitaine L. et des sociétés
Teekay Fountain Norway As et Teekay Fountain Canada Ltd ;
5° : déclare non fondée l'action en responsabilité engagée par la SIR à l'encontre de la société Teekay
Norway AS et de la société Teekay Canada Ltd, en ce qu'aucune garde ni aucune faute n'a été démontrée à leur égard ;
6° : dit que l'événement du 3 juillet 2000, à l'origine des dommages subis à la fois par la SIR et par les défendeurs, s'explique par plusieurs facteurs tenant au fait du navire, à l'existence de courants et au caractère inapproprié du terminal pour le type de navire en cause dans les circonstances climatiques exceptionnelles du moment ;
7° : décide que la responsabilité de ces dommages subis par la SIR incombe,
partiellement, compte tenu de la faute imputable à la SIR, à la société Bona Shipholding ;
8° : précise que la société Bona Shipholding, s'exonère partiellement de sa responsabilité en l'état de la faute de la SIR ayant contribué à la réalisation de l'événement dans une proportion fixée à deux tiers ;
9° : met hors de cause le capitaine A., commandant le navire Teekay Foutain ;
10° : dit que les préjudices subis par la SIR, pour les montants reconnus admissibles par le Tribunal, seront supportés à hauteur de un tiers par la société Bona Shipholding Ltd ;
11° : condamne en conséquence la société Bona Shipholding Ltd à payer à la SIR la somme de : deux cent quarante trois mille cent vingt trois euros (243.623 euros) ;
12° : dit que cette somme produira intérêts au taux légal à compter de la demande d'arbitrage ;
13° : prononce la capitalisation de ces intérêts ;
14° : dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;
15° : déclare recevable la demande reconventionnelle en responsabilité introduite par la société Bona Shipholding Ltd à l'encontre de la SIR ;
16° : déclare cette demande reconventionnelle fondée en ce qu'elle émane de la société Bona Shipholding Ltd ;
17° : déclare cette demande reconventionnelle irrecevable et non fondée en cequ'elle émane des sociétés Teekay Norway AS et Teekay Canada Ltd, ainsi que du capitaine A. ;
18° : décide que la SIR devra réparer le préjudice subi par la société Bona Shipholding Ltd, pour les montants reconnus admissibles par le Tribunal, dans une proportion de deux tiers ;
19° : condamne en conséquence la SIR à payer aux sociétés Bona S. Ltd, la somme de cent soixante quatorze mille trois cent quatre vingt huit euros
(174 388 euros) ;
20° : dit que cette somme produira intérêts au taux légal à compter du 4 mai 2005 ;
21° : dit que les frais et honoraires d'arbitrage seront supportés dans des proportions identique d'une part par la SIR, d'autre part par la société Bona Shipholding Ltd ;
22° : liquide ces frais et honoraires à la somme de : cent cinquante quatre millions six cent dix neuf mille trois cent cinquante deux francs C.F.A. (154 619 352 F.CFA) ;
23° : rejette toutes les autres demandes et prétentions des parties'.
La société Ivoirienne de Raffinage conclut à l'incompétence du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris et au sursis à statuer dans l'attente de la décision de la cour d'appel d'Abidjan saisie d'un recours contre la sentence et à l'infirmation de l'ordonnance d'exequatur rendue en violation de l'ordre public international (article 1502-5° du NCPC) et notamment des dispositions impératives de la convention bilatérale entre la France et la Côte d'Ivoire. Elle demande de condamner les sociétés Bona Shipholding, T. Norway T. Canada, Standard Steamship Owner's Protection and Indemnity Association et M. A., capitaine du navire Teekay Fountain à lui verser une somme de 20.000 € à titre de dommages intérêts pour procédure abusive, une somme de 40.000 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et à supporter les dépens.
Les sociétés Bona Shipholding, T. Norway, T. Canada, Standard Steamship Owner's Protection and Indemnity Association et M. A., capitaine du navire Teekay Fountain, demandent de confirmer l'ordonnance d'exequatur, de condamner la société Ivoirienne de Raffinage à leur payer la somme de 50.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, la somme de 60.000 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
Motifs
SUR CE LA COUR :
1 tribunal de grande instance
Sur la compétence du juge de l'exequatur du tribunal de grande instance de Paris :
2 sentence arbitrale
Considérant que si, comme le remarque la société Ivoirienne de Raffinage, l'article 1477 du nouveau code de procédure civile, auquel l'article 1500 de ce même code se réfère globalement pour l'exequatur des sentences arbitrales rendues à l'étranger en matière d'arbitrage international, énonce que la sentence arbitrale n'est susceptible d'exécution forcée qu'en vertu d'une décision émanant du tribunal de grande instance dans le ressort duquel la sentence a été rendue, ce texte ne concerne pas cependant les sentences rendues à l'étranger, sa rédaction s'expliquant dans le contexte des dispositions du nouveau code de procédure civile sur l'arbitrage interne où il figure ;
Qu'à l'égard d'une sentence rendue à l'étranger, le choix de Paris pour demander l'exequatur est approprié, hors de toute fraude dont l'existence n'est alléguée par quiconque ;
Que l'exception d'incompétence est rejetée ;
Sur le sursis à statuer :
3 demande de surseoir à statuer
Considérant que la société Ivoirienne de Raffinage demande de surseoir à statuer dans l'attente de la décision de la cour d'appel d'Abidjan qu'elle a saisie d'un recours en annulation contre la sentence ;
4 sentence
Mais considérant que, quelle que soit la compétence de la cour d'appel d'Abidjan pour connaître d'un recours dirigé contre une sentence rendue sous les auspices du règlement d'arbitrage de la CCTA qui, ainsi que le soulignent les intimés, prévoit la procédure et les conditions pour en contester la validité devant cette même Cour, la sentence internationale, qui n'est rattachée à aucun ordre juridique étatique, comme celle rendue dans le contexte du traité de l'OHADA, est une décision de justice internationale dont la régularité est examinée au regard des règles applicables dans le pays où sa reconnaissance et son exécution sont demandées, que l'article 1502 du nouveau code de procédure civile n'envisageant pas comme cause de refus d'exécution, l'annulation de la sentence à l'étranger, la décision à intervenir de la juridiction ivoirienne étant sans effet en France, la demande de sursis à statuer est rejetée ;
5 ordonnance d exequatur
Sur l'appel de l'ordonnance d'exequatur et la contrariété de la reconnaissance et de l'exécution de la sentence à l'ordre public international (article 1502 -5° du nouveau code de procédure civile) :
6 ordonnance d exequatur
Considérant que la société Ivoirienne de Raffinage ne s'expliquant pas sur les motifs qui justifient autrement son appel, il convient de confirmer l'ordonnance d'exequatur, étant en tout état de cause observé que la Convention de New York du 10 juin 1958, à laquelle l'Accord de coopération en matière de justice du 24 avril 1961 entre la France et la Côte d'Ivoire renvoie pour la reconnaissance et l'exécution des sentences arbitrales étrangères, réserve l'application d'un droit interne, tel le droit français, plus favorable ;
7 dommages et intérêts pour procédure abusive
Sur les dommages et intérêts pour procédure abusive ou dilatoire, les dépens et l'article 700 du nouveau code de procédure civile :
Considérant que les intimés ne s'expliquant pas sur le préjudice qu'ils disent avoir subi en raison de l'appel de la société Ivoirienne de Raffinage pas plus que sur les éléments de nature à caractériser la nature fautive ou dilatoire de l'appel, leur demande est repoussée, comme celle de l'appelante qui succombe ;
8 code de procédure civile
Considérant que la société Ivoirienne de Raffinage supporte les dépens sans pouvoir prétendre à une indemnité sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile au titre duquel elle est condamnée à verser aux intimés une somme de 60.000 € ;
Dispositif
PAR CES MOTIFS
Rejette l'exception d'incompétence,
Dit n'y avoir lieu à surséance,
Confirme l'ordonnance d'exequatur de la sentence,
Condamne la société Ivoirienne de Raffinage à verser une somme de 60.000 € aux sociétés Bona Shipholding, T. Norway T. Canada, Standard Steamship Owner's Protection and Indemnity Association et M. A., capitaine du navire Teekay Fountain,
Rejette toute autre demande,
Condamne la société Ivoirienne de Raffinage aux dépens et admet la SCP Monin d'Auriac de Brons, avoué, au bénéfice du droit prévu par l'article 699 du nouveau code de procédure civile ;