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Décisions

CE, 7e et 2e sous-sect. réunies, 19 avril 2013, n° 352750

CONSEIL D'ÉTAT

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Syndicat mixte des aéroports de Charente

Défendeur :

Ryanair Limited (Sté), Airport Marketing Services Limited (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Rapporteur :

M. Frédéric Dieu

Avocats :

SCP BARTHELEMY, MATUCHANSKY, VEXLIARD, SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO

CE n° 352750

18 avril 2013

1. Considérant que les requêtes visées ci-dessus présentent à juger des questions semblables ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

2. Considérant, d'une part, que les marchés publics sont au nombre des contrats qui relèvent d'un régime administratif d'ordre public ; que, dans l'hypothèse où le litige né de l'exécution ou de la rupture d'un tel contrat, conclu entre une personne morale de droit public française et une personne de droit étranger, est soumis à l'arbitrage et donne lieu à une sentence arbitrale rendue en France, le recours dirigé contre cette sentence, qui implique le contrôle de sa conformité aux règles impératives du droit public français auxquelles sont nécessairement soumis de tels contrats, relève de la compétence du juge administratif et est porté devant le Conseil d'Etat en application de l'article L. 321-2 du code de justice administrative ; que, dans le cas où la sentence arbitrale a été rendue par une juridiction siégeant à l'étranger, la juridiction administrative française est en revanche incompétente pour connaître d'un recours dirigé contre cette sentence ;

3. Considérant, d'autre part, que, quel que soit le siège de la juridiction arbitrale qui a statué sur un litige né d'un tel contrat, le juge administratif est toujours compétent pour connaître d'une demande tendant à l'exequatur de la sentence, dont l'exécution forcée ne saurait être autorisée si elle est contraire à l'ordre public ; qu'une telle demande relève en premier ressort du tribunal administratif en application de l'article L. 311-1 du code de justice administrative ;

4. Considérant que le syndicat mixte des aéroports de Charente (SMAC), regroupant le département de la Charente, les chambres de commerce et d'industrie d'Angoulême et de Cognac, la communauté d'agglomération du grand Angoulême ainsi que la communauté de communes de Braconne et Charente et la communauté de communes de Cognac, a conclu le 8 février 2008 avec la société Ryanair Limited et la société Airport Marketing Services Limited, sa filiale à 100 %, deux conventions ayant pour objet le développement d'une liaison aérienne régulière entre les aéroports de Londres-Stansted et d'Angoulême à compter du printemps 2008 ; que ces conventions, expressément soumises au droit français, comportaient cependant une stipulation imposant le recours à l'arbitrage auprès de la cour d'arbitrage international de Londres, pour tout différend non résolu à l'amiable " découlant de ou en relation avec la Convention, y compris toute question concernant son existence, sa validité ou sa résiliation " ; que, par lettre du 17 février 2010, la société Ryanair a notifié au SMAC sa décision de supprimer la ligne aérienne entre Londres et Angoulême, mettant également fin, par voie de conséquence, à la seconde convention, dite " de services marketing " conclue par le SMAC avec la société Airport Marketing Services ; que, saisie par les sociétés Ryanair et Airport Marketing Services, la cour d'arbitrage international de Londres, par une sentence avant-dire droit rendue le 22 juillet 2011, s'est déclarée compétente pour connaître du litige opposant les sociétés au SMAC et a en conséquence refusé de surseoir à statuer jusqu'à ce que le tribunal administratif de Poitiers, également saisi par le syndicat, se soit prononcé sur le même litige ; que, par une sentence au fond du 18 juin 2012, la même juridiction arbitrale a confirmé la validité de la résiliation des conventions ; que les requêtes du SMAC tendent à l'annulation de la sentence arbitrale du 22 juillet 2011, subsidiairement à ce qu'il soit constaté que cette sentence arbitrale ne peut être reconnue ni exécutée en France, ainsi qu'à l'annulation de la sentence du 18 juin 2012 ;

Sur les conclusions principales :

5. Considérant que les deux conventions du 8 février 2008 ont été conclues par le syndicat mixte afin de répondre à un besoin de développement de l'aéroport dont il est propriétaire, qui n'accueillait alors qu'environ 10 000 passagers par an pour une capacité de 200 000 passagers ; que ces conventions, constitutives d'un même engagement contractuel conclu pour une durée de cinq ans, ont accordé à la société Ryanair une réduction significative des redevances aéroportuaires et versé à sa filiale à 100 %, la société Airport Marketing Services, la somme de 925 000 euros au titre des trois premières années d'exécution du contrat ; qu'en contrepartie, le groupe Ryanair a ouvert une liaison aérienne avec Londres de trois vols par semaine entre avril et octobre et s'est engagé a assurer une promotion de la Charente au soutien de sa propre offre aérienne ; que cet ensemble contractuel, conçu pour répondre aux besoins de la personne publique moyennant un prix versé à son cocontractant, est constitutif d'un marché public de services au sens de l'article 1er du code des marchés publics ;

6. Considérant qu'il résulte cependant de ce qui a été dit au point 2 qu'il n'appartient pas au juge administratif de connaître des recours dirigés contre les sentences rendues le 22 juillet 2011 et 18 juin 2012 par la cour d'arbitrage international de Londres ; que les conclusions présentées sur ce point par le SMAC doivent dès lors être rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître ;

Sur les conclusions subsidiaires dirigées contre la sentence avant-dire droit du 22 juillet 2011 :

7. Considérant que, s'il résulte de ce qui a été dit au point 3 qu'il appartiendrait au juge administratif de connaître d'une demande tendant à l'exequatur de la sentence rendue par cette juridiction arbitrale siégeant à Londres sur le litige relatif au marché public passé par le syndicat mixte avec les sociétés Ryanair Limited et Airport Marketing Services Limited, les conclusions de ce dernier tendant à ce que le Conseil d'Etat constate que la sentence du 22 juillet 2011 ne peut être reconnue ni exécutée en France, sont en tout état de cause prématurées en l'absence de toute demande tendant à l'exequatur de cette sentence ; que, par suite, elles sont manifestement irrecevables et doivent être rejetées ;

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge des sociétés Ryanair Limited et Airport Marketing Services, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, la somme que demande le syndicat mixte des aéroports de Charente au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au même titre par les sociétés Ryanair Limited et Airport Marketing Services ;

D E C I D E :
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Article 1er : Les conclusions des requêtes du syndicat mixte des aéroports de Charente tendant à l'annulation des sentences rendues les 22 juillet 2011 et 18 juin 2012 par la cour d'arbitrage international de Londres sont rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.
Article 2 : Le surplus des conclusions du syndicat mixte des aéroports de Charente est rejeté.
Article 3 : Les conclusions présentées par les sociétés Ryanair Limited et Airport Marketing Services Limited en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au syndicat mixte des aéroports de Charente, à la société Ryannair Limited et à la société Airport Marketing Services Limited.

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