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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 16, 7 février 2023, n° 20/08604

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

HSO 31 (SAS), HBC 31 (SAS)

Défendeur :

SELARL GM (Sté), RN PATRI.ONE (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Melin

Conseillers :

Mme Gaffinel, Mme Aldebert

Avoués :

Me Combenegre, Me GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, Me Grelon de l'AARPI LIBRA AVOCATS

Avocats :

Me Ruff, CREPEAUX

CA Paris n° 20/08604

6 février 2023

Par acte en date du 13 novembre 2012, la société REMY [Y] DEVELOPMENT et la société RN PATRI.ONE, dont l'actionnaire unique était M. [R] [Y], ont cédé aux sociétés HBC 31 et HSO 31 75% du capital social des sociétés NOBLADIS et SODIREV, exploitant deux fonds de commerce d'hypermarchés à l'enseigne « LECLERC ». Le prix fixé était pour partie, payable comptant, auquel s'ajoutait un complément de prix éventuel payable par annuités fixes pendant dix ans.

Le 6 décembre 2013 ont été signés les actes de levée de l'option d'achat conclue le 13 novembre 2012, permettant à la SAS HBC 31 et à la SAS HSO 31 d'acquérir 25 % du capital de NOBLADIS et SODIREV. Etait stipulée une clause de complément de prix éventuel calculé en fonction des résultats.

Les actes de cession des actions du 13 novembre 2012, comme les actes de levée d'option d'achat du 6 décembre 2013, imposaient aux sociétés cessionnaires des obligations d'information et de reporting à l'égard de la société RN PATRI.ONE, sanctionnées notamment par l'exigibilité anticipée des échéances de prix fixes et l'octroi d'une clause pénale.

Le 28 juin 2017, la société REMY [Y] DEVELOPMENT et ses filiales ont invoqué la déchéance du terme et le bénéfice de la clause pénale prévue dans les actes de cession des actions et de levée d'option aux motifs, notamment, de manquements aux diverses obligations d'information prévues par les contrats.

A la suite de la notification de l'exigibilité anticipée, les sociétés HBC 31 et HSO 31 ont assigné la société RN PATRI.ONE ainsi que ses filiales par assignation du 21 août 2017, afin de voir juger qu'aucune déchéance du terme ne pouvait intervenir préalablement à la sommation d'exécuter les prétendues obligations concernées dans un délai de 30 jours et que l'ensemble des conventions liant les parties sont en vigueur.

Par assignation du 6 octobre 2017, les sociétés HBC 31 et HSO 31 ont assigné la société RN PATRI.ONE ainsi que ses filiales afin de voir déclarée nulle et non avenue la clause de complément de prix stipulée dans l'acte de levée d'option d'achat des actions NOBLADIS et SODIREV du 6 décembre 2013. Par décision du 15 avril 2019, le tribunal de commerce de Toulouse s'est déclaré incompétent au profit du tribunal arbitral qui avait été saisi par la société RN PATRI.ONE.

Le 21 novembre 2017, le tribunal de commerce de Cannes a ouvert des procédures de sauvegarde au profit des sociétés HBC 31 et HSO 31. Les procédures ont ensuite été transférées au tribunal de commerce de Nice qui, par jugement du 10 juillet 2019, a arrêté les plans de sauvegarde et désigné Me [X] [H] en qualité de commissaire à l'exécution du plan, remplacé par décision du 7 décembre 2020 par la société SELARL GM. La société RN PATRI.ONE a formé tierce-opposition à l'encontre de ces jugements et des jugements modificatifs des plans de sauvegarde. En cours de procédure, les sociétés HBC 31 et HSO 31 ont contesté la déclaration de créances opérée par la société RN PATRI.ONE et notamment la créance de solde de prix fixe en prétendant que cette déclaration aurait été irrégulière au motif que la créance était, en réalité, une créance de prix variable. Le juge commissaire, par une décision du 11 juillet 2019, a jugé la déclaration de créances de solde de prix fixe recevable. Il a estimé qu'il appartenait aux sociétés HBC 31 et HSO 31 de saisir dans un délai d'un mois le juge compétent et a constaté que la créance de clause pénale faisait l'objet d'un litige devant le tribunal arbitral.

Le 17 mai 2018, la société RN PATRI.ONE et ses filiales ont introduit une requête d'arbitrage à l'encontre des sociétés HBC 31 et HSO 31 aux fins d'obtenir la résolution des contrats de cession des actions Nobladis et Sodirev de 2012 et 2013 aux torts des cessionnaires et à titre subsidiaire, de dire bien fondée la mise en 'uvre de l'exigibilité anticipée et de la clause pénale prévue par les contrats de cession.

Le tribunal arbitral, composé de MM. [K] [W] et [P] [I], arbitres, et Mme [D] [L], présidente, a été constitué le 27 juin 2018. L'acte de mission a été signé par toutes les parties et les organes de la procédure, le 11 septembre 2018. Le siège de l'arbitrage a été fixé à [Localité 4].

Les sociétés HSO 31 et HBC 31 ont décliné la compétence du tribunal arbitral pour connaître de ces demandes dont elles ont demandé à titre subsidiaire, le rejet.

Par sentence partielle du 13 mai 2019, le tribunal arbitral s'est déclaré compétent pour connaître de la demande de résolution des actes de cession d'actions en date du 13 novembre 2012 et du 6 décembre 2013 ainsi que des demandes subsidiaires et reconventionnelles qui lui sont liées, a dit ne pas avoir lieu à résolution des actes de cession et qu'il serait statué ultérieurement sur les frais et dépens de la procédure arbitrale.

Par sentence arbitrale finale du 26 mai 2020, le tribunal arbitral a':

1. constaté que la société RN PATRI.ONE a mis en 'uvre, régulièrement, la clause d'exigibilité anticipée des échéances de prix fixe payables à terme, encore impayées, prévues par l'article 5.1 des actes de cession du 13 novembre 2012, soit six échéances restant à payer d'un montant de 3.545.852,12 € pour la société HBC 31 et de 7.361.731,87 € pour la société HSO 31 et que ces sommes sont assorties d'intérêts calculés au taux de l'EURIBOR trois mois majoré de quatre points, à partir du délai de 60 jours de la notification, soit à partir du 21 novembre 2017,

2. sursis à statuer sur la fixation de ces créances dans l'attente de l'arrêt de la cour d'Aix-en-Provence saisie d'un contredit sur les ordonnances du juge-commissaire,

3. jugé que la clause pénale, stipulée à l'article 3.6 des actes de levée d'option du 06 décembre 2013, en cas d'exigibilité anticipée des échéances de prix fixe payable à terme, doit recevoir application et en a fixé le montant à 2 millions d'euros (2.000.000 €),

4. jugé que le consentement du cessionnaire des actions n'a pas été vicié par la violence économique et rejeté l'action en nullité des actes de levée d'option du 06 décembre 2013 exercée par les sociétés HBC 31 et HSO 31,

5. jugé que la clause de «'complément de prix'», à caractère aléatoire, peut jouer à la hausse (résultat positif), comme à la baisse (résultat négatif) lorsque ses conditions de fond et de forme sont remplies, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, et rejeté la demande de versement des sommes de 3.577.783 € présentée par la SAS HSO 31 et de 1.297.878 € présentée par la société HBC 31,

6. rejeté les demandes d'indemnisation des sociétés HBC 31 et HSO 31, au titre de l'organisation de la cession des actions des sociétés NOBLADIS et SODIREV, en deux temps, soit une demande de dommages-intérêts de 4.875.661 € (réduction des échéances de prix)'; de 160.877 € (complément de prix annulé) et de 730.000 € (intégration fiscale) ainsi que de remboursement de 1.000.000 € (encaissement en trop du prix de cession),

7. jugé que le tribunal arbitral est dépourvu du pouvoir de neutraliser la clause d'interdiction de réduction des surfaces commerciales sans autorisation au-delà de 15%,

8. rejeté les demandes d'indemnisation des sociétés HBC 31 et HSO 31, d'un montant de 400.000 €, au titre de nuisances au cours des procédures de sauvegarde,

9. déclaré recevable et bien fondée la demande d'indemnisation de la société RN PATRI.ONE à raison de la multiplication abusive de procès intentés en violation des clauses compromissoires et fixé le montant des dommages-intérêts à 500.000 €,

10. constaté l'existence du préjudice moral subi par M. [Y] et condamné les sociétés cessionnaires HBC 31 et HSO 31 au versement d'un euro symbolique,

11. condamné la société RN PATRI.ONE à verser la somme de 17.219,50 € à la société HBC 31 et la somme de 17.219,50 € à la société HSO 31, au titre du litige [T],

12. dit que les honoraires des arbitres et les frais de l'arbitrage seront pris en charge dans la proportion de 40 % pour les parties demanderesses et de 60 % pour les parties défenderesses, en conséquence, a condamné solidairement les sociétés HBC 31 et HSO 31 à rembourser, dans le respect de cette proportion, les sociétés demanderesses pour la part des honoraires des arbitres dont ces sociétés ont fait l'avance auprès des membres du tribunal arbitral,

13. dit que chaque partie assumera ses propres frais de l'instance et rejeté en conséquence les demandes des parties relatives aux indemnités sollicités au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

14. ordonné l'exécution provisoire de la sentence.

Par sentence arbitrale rectificative du 27 juillet 2020, le tribunal arbitral a':

'' rejeté la demande de sursis à statuer présentée par les sociétés HBC 31 et HSO 31,

'' dit que le 3° point du dispositif de la sentence du 26 mai 2020 est complété et se lit désormais : «'Juge que la clause pénale, stipulée à l'article 3.6 des actes de levée d'option du 06 décembre 2013, en cas d'exigibilité anticipée des échéances de prix fixe payable à terme, doit recevoir application. Le tribunal arbitral fixe le montant à 2 millions d'euros (2.000.000 €). Cette somme est répartie à hauteur de 67,49 % pour HSO 31, soit 1.349.800 € et 32,51 % pour HBC 31, soit 650.200 € '»,

'' Dit que le 9° point de la même sentence est ainsi complété': «'Déclare recevable et bien fondée la demande d'indemnisation de la société RN PATRI.ONE à raison de la multiplication abusive de procès intentés en violation des clauses compromissoires et fixé le montant des dommages-intérêts à 500.000 € répartis à égalité entre les deux sociétés HBC 31 et HSO 31 soit 250 000 € chacune'».

Dans leur déclaration d'appel (RG 20/08607), qui concerne la sentence arbitrale partielle en date du 13 mai 2019, les sociétés HBC 31 et HSO 31 précisent que l'objet de l'appel est :

« d'annuler la sentence arbitrale en ce que le tribunal arbitral : A rejeté l'exception d'incompétence soulevée par les appelantes, N'a pas fait droit à leur demande tendant à : Faire droit à l'exception d'incompétente relative à l'ordre public des procédures collectives au profit du Tribunal de Commerce de Nice, Faire droit à l'exception d'incompétence relative à la clause compromissoire au profit du tribunal de Commerce de Nice. »

Dans leur déclaration d'appel (RG 20/08604), relative à la sentence arbitrale en date du 26 mai 2020, les sociétés HBC 31 et HSO 31 précisent que :

« Il est demandé à la Cour d'annuler le sentence arbitrale en ce qu'elle a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par les sociétés HSO 31 et HBC 31,

N'a pas fait droit à leur demande tendant à : Sur l'exception d'incompétence relative aux demandes indemnitaires des sociétés intimées: Se déclarer incompétent pour prononcer une amende civile de 1.000.000 €, Se déclarer incompétent au profit du Tribunal de Commerce de Nice pour allouer des dommages-intérêts de 500.000 € aux intimées sur le fondement du prétendu préjudice moral de M. [Y] ,

S'est déclaré compétent et a déclaré recevable et bien fondée la demande d'indemnisation de la société RN PATRI.ONE pour procédures abusives et fixé le montant des dommages-intérêts à 500.000 €,

S'est déclaré compétent et a constaté l'existence du préjudice moral de M. [Y] et a condamné les appelantes au versement d'un euro symbolique ».

Par ordonnance sur incident rendue le 6 avril 2021, le magistrat chargé de la mise en état a':

' ordonné la jonction des instances enregistrées sous les numéros RG n°20/08607 et RG n°20/08604,

' déclaré recevable l'intervention de la SELARL GM es qualités, en lieux et place de Maître [X] [H] es qualités,

' rejeté les fins de non-recevoir soulevées par la société RN PATRI.ONE,

' condamné la société RN PATRI.ONE à payer aux sociétés HSO 31 et HBC 31 une somme globale de 8 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

' condamné la société RN PATRI.ONE aux dépens.

Dans leurs dernières conclusions notifiées le 25 janvier 2022, la SAS HSO 31 et la SAS HBC 31 demandent à la cour de':

' Concernant la sentence arbitrale du 13 mai 2019

' Vu les articles 1492,1° et 1520, 1° du code de procédure civile et les clauses compromissoires stipulées dans les actes de cession du 13 novembre 2012 et du 06 décembre 2013,

- annuler la sentence arbitrale du 13 mai 2019 en ce que le tribunal arbitral s'est déclaré compétent pour statuer sur les demandes présentées a' titre subsidiaire par les sociétés RN PATRI.ONE, PATRI.INVEST, PATRI.ECO, PATRI.CAP et PATRI.DEV,

En conséquence, renvoyer les sociétés RN PATRI.ONE, PATRI.INVEST, PATRI.ECO, PATRI.CAP et PATRI.DEV a' mieux se pourvoir,

' Concernant la sentence arbitrale du 26 mai 2020

' Vu les articles 1492,1° et 1520, 1° du code de procédure civile,

- annuler la sentence arbitrale du 26 mai 2020 en ce que le tribunal arbitral s'est déclaré compétent pour statuer sur la demande des sociétés RN PATRI.ONE, PATRI.INVEST, PATRI.ECO, PATRI.CAP et PATRI.DEV de fixer au passif des sociétés HSO 31 et HBC 31 une créance de 1 000 000 € au titre de l'abus du droit d'ester en justice,

- annuler la sentence arbitrale du 26 mai 2020 en ce que le tribunal arbitral s'est déclaré compétent pour statuer sur la demande des sociétés RN PATRI.ONE, PATRI.INVEST, PATRI.ECO, PATRI.CAP et PATRI.DEV de fixer au passif des sociétés HSO 31 et HBC 31 une créance de 5 000 000 € au titre des dommages-intérêts pour préjudice moral de M. [Y] ,

En conséquence, renvoyer les sociétés RN PATRI.ONE, PATRI.INVEST, PATRI.ECO, PATRI.CAP et PATRI.DEV a' mieux se pourvoir.

' Vu les articles 1492,3° et 1520,3° du code de procédure civile,

- annuler la sentence arbitrale du 26 mai 2020 en ce que le tribunal arbitral a statue' sans se conformer a' sa mission en opérant une substitution de base légale et en allouant des dommages-intérêts aux sociétés RN PATRI.ONE, PATRI.INVEST, PATRI.ECO, PATRI.CAP et PATRI.DEV au titre de l'abus du droit d'ester en justice des sociétés HSO 31 et HBC 31,

- annuler la sentence arbitrale du 26 mai 2020 en ce que le tribunal arbitral a statue' sans se conformer a' sa mission en allouant des dommages-intérêts a' M. [Y] au titre de son préjudice moral,

En conséquence,

- renvoyer les sociétés RN PATRI.ONE, PATRI.INVEST, PATRI.ECO, PATRI.CAP et PATRI.DEV a' mieux se pourvoir,

' Vu les articles 1492,4° et 1520, 4° du code de procédure civile,

- annuler la sentence arbitrale du 26 mai 2020 en ce que le tribunal arbitral a méconnu le principe de la contradiction en allouant une somme de 500 000 € aux sociétés RN PATRI.ONE, PATRI.INVEST, PATRI.ECO, PATRI.CAP et PATRI.DEV au titre de la responsabilité extracontractuelle des sociétés HSO 31 et HBC 31 sans inviter les parties a' en débattre,

Statuant a' nouveau,

- débouter les sociétés RN PATRI.ONE, PATRI.INVEST, PATRI.ECO, PATRI.CAP et PATRI.DEV de leurs demandes fins et conclusions,

A titre subsidiaire, si la Cour d'appel estime que les sentences arbitrales annulées sont internationales,

- renvoyer les sociétés RN PATRI.ONE, PATRI.INVEST, PATRI.ECO, PATRI.CAP et PATRI.DEV a' mieux se pourvoir,

' Vu les articles 1492, 5° et 1520, 5° du code de procédure civile,

- annuler la sentence arbitrale du 26 mai 2020 contraire a' l'ordre public en ce qu'elle fixe les créances de la société RN PATRI.ONE a' 3 545 852,12 € au passif de la société HBC 31 et 7 361 731,87 € au passif de la société HSO 31, qu'elle a assorti de créances accessoires non évaluées,

- annuler la sentence arbitrale du 26 mai 2020 contraire a' l'ordre public en ce qu'elle a reconnu a' l'encontre des sociétés HBC 31 et HSO 31 une créance d'intérêts assortissant le solde du prix, en violation du principe d'ordre public d'arrêt du cours des intérêts conventionnels dès l'ouverture d'une procédure de sauvegarde (C. com., art. L. 622-28),

Statuant a' nouveau,

- surseoir a' statuer dans l'attente des décisions des juridictions étatiques saisies consécutivement aux ordonnances du juge commissaire du 11 juillet 2019,

A titre subsidiaire, si la Cour d'appel estime que les sentences arbitrales annulées sont internationales, renvoyer les sociétés RN PATRI.ONE, PATRI.INVEST, PATRI.ECO, PATRI.CAP et PATRI.DEV a' mieux se pourvoir,

' Vu les articles 1492, 5° et 1520, 5° du code de procédure civile,

- annuler la sentence arbitrale du 26 mai 2020 contraire a' l'ordre public en ce qu'elle fixe les créances de la société RN PATRI.ONE au titre de l'abus du droit d'ester en justice des sociétés HSO 31 et HBC 31, du préjudice moral de M. [Y] et du remboursement par les sociétés HSO 31 et HBC 31 a' la société RN PATRI.ONE des frais d'arbitrage avancés par cette dernière, et contrevient au droit d'accès au juge des sociétés HSO 31 et HBC 31,

Statuant a' nouveau,

- déclarer les demandes relatives aux dites créances irrecevables en l'absence de déclaration entre les mains de Maitre [H], mandataire judiciaire aux procédures de sauvegarde des sociétés HSO 31 et HBC 31,

A titre subsidiaire, si la Cour d'appel estime que les sentences arbitrales annulées sont internationales,

- renvoyer les sociétés RN PATRI.ONE, PATRI.INVEST, PATRI.ECO, PATRI.CAP et PATRI.DEV a' mieux se pourvoir,

En tout état de cause,

- condamner in solidum les sociétés RN PATRI.ONE, PATRI.INVEST, PATRI.ECO, PATRI.DEV et PATRI.CAP a' payer aux sociétés HSO 31 et HBC 31 la somme de 50 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 04 février 2022, la société RN PATRI.ONE demande à la cour de':

' Sur la nature de l'arbitrage

- dire et juger que l'arbitrage entre la société RN PATRI.ONE et les sociétés HBC 31 et HSO 31 ayant donné lieu à la sentence du 13 mai 2019 et la sentence du 26 mai 2020 revêt un caractère international,

' Sur la sentence du 13 mai 2019

- dire irrecevable et en tous cas, sans objet et inopérante la demande d'annulation de la sentence en ce que le tribunal arbitral s'est déclaré compétent pour statuer sur l'action en résolution,

- dire irrecevable et en tous cas, sans objet et inopérante la prétention selon laquelle le tribunal arbitral n'était pas compétent pour statuer sur la validité du contrat,

- dire mal fondés les moyens développés par les sociétés HBC 31 et HSO 31 afin de contester la compétence du tribunal arbitral pour connaître des demandes subsidiaires des sociétés RN PATRI.ONE et de ses filiales,

En conséquence,

- rejeter les demandes tendant à l'annulation de la sentence du 13 mai 2019 en ce que le tribunal arbitral s'est estimé compétent pour connaître des demandes subsidiaires de la société RN PATRI.ONE,

' Sur la sentence du 26 mai 2020

' Sur la demande relative à la condamnation à des dommages-intérêts pour procédure abusive (article 1520-1° CPC et subsidiairement article 1490,1°)

- dire et juger que le tribunal arbitral était compétent pour statuer sur la demande d'indemnisation pour abus d'ester en justice des sociétés RN PATRI.ONE et filiales,

En conséquence,

- rejeter la demande tendant à l'annulation du chef de la sentence du 26 mai 2020 en ce que le tribunal arbitral s'est estimé compétent pour statuer sur la demande d'indemnisation au titre des procédures abusives,

' Sur la demande relative à la condamnation pour préjudice moral

- dire et juger que le tribunal arbitral était compétent pour statuer sur le préjudice moral de la société RN PATRI.ONE,

- dire et juger que le moyen soulevé tend à la révision de la sentence et est à ce titre irrecevable,

En conséquence,

- rejeter la demande tendant à l'annulation du chef de la sentence du 26 mai 2020 en ce que le tribunal arbitral s'est estimé compétent pour statuer sur la demande d'indemnisation au titre du préjudice moral,

' Sur la demande relative à la condamnation à des dommages-intérêts pour procédure abusive (article 1520-3° CPC et subsidiairement article 1490,3°)

- dire le moyen irrecevable car non compris dans le champ du recours en annulation,

- dire et juger que la première branche du moyen selon lequel le tribunal arbitral aurait statué en équité est irrecevable et mal fondée,

- dire et juger que la seconde branche du moyen selon lequel le tribunal arbitral aurait procédé à une substitution de base légale est irrecevable et mal fondée,

- dire et juger que le tribunal arbitral s'est conformé à sa mission,

En conséquence,

- rejeter les demandes tendant à l'annulation de la sentence du 26 mai 2020 en ce que le tribunal arbitral ne se serait pas conformé à sa mission,

' Sur la demande relative à la condamnation à des dommages-intérêts pour préjudice moral

- dire le moyen irrecevable car non compris dans le champ du recours en annulation,

- dire et juger que le moyen selon lequel le tribunal arbitral aurait statué ultra petita est irrecevable et mal fondé,

- dire et juger que le tribunal arbitral s'est conformé à sa mission,

En conséquence,

- rejeter les demandes tendant à l'annulation de la sentence du 26 mai 2020 en ce que le tribunal arbitral ne se serait pas conformé à sa mission,

' (Vu l'article 1520-4° du CPC et subsidiairement l'article 1490,4°)

- dire le moyen irrecevable car non compris dans le champ du recours en annulation,

- dire et juger que le tribunal arbitral a respecté le principe de la contradiction,

En conséquence,

- rejeter les demandes tendant à l'annulation de la sentence du 26 mai 2020 en ce que le tribunal arbitral n'aurait pas respecté le principe de la contradiction,

' Sur la demande relative à la fixation des créances (article 1520-5° du CPC)

- dire le moyen irrecevable car non compris dans le champ du recours en annulation,

- dire irrecevable la prétention nouvelle, formulée pour la première fois dans les conclusions du 10 janvier 2022 fondée sur la violation de l'ordre public tenant à l'arrêt prétendu du cours des intérêts et la contrariété à l'ordre public,

- le dire irrecevable comme portant atteinte à la chose jugée par les ordonnances du juge commissaire du 11 juillet 2019,

- Dire que le moyen tiré du caractère non déterminé de la créance d'intérêts est nouveau et à ce titre irrecevable et en tous cas mal fondé,

- La dire en toute hypothèse mal fondée,

- dire qu'en toute hypothèse, le moyen manque en fait et en droit,

- dire et juger que la sentence est conforme à l'ordre public,

En conséquence,

- rejeter les demandes tendant à l'annulation de la sentence du 26 mai 2020 en ce que la sentence serait contraire à l'ordre public,

' Sur la demande relative à l'octroi de dommages-intérêts pour procédure abusive (article 1520-5° du CPC)

- dire le moyen irrecevable car non compris dans le champ du recours en annulation,

- dire que le moyen est nouveau à ce titre irrecevable et en tous cas mal fondé,

- dire qu'en toute hypothèse, le moyen manque en fait et en droit,

- dire et juger que la sentence est conforme à l'ordre public,

En conséquence,

- rejeter les demandes tendant à l'annulation de la sentence du 26 mai 2020 en ce que la sentence est contraire à l'ordre public,

' Sur la demande relative au préjudice moral (article 1520-5° du CPC)

- dire le moyen irrecevable car non compris dans le champ du recours en annulation,

- Dire que le moyen est nouveau à ce titre irrecevable et en tous cas mal fondé,

- Dire qu'en toute hypothèse, le moyen manque en fait et en droit,

- Dire et juger que la sentence est conforme à l'ordre public,

En conséquence,

- rejeter les demandes tendant à l'annulation de la sentence du 26 mai 2020 en ce que la sentence serait contraire à l'ordre public,

' Sur la demande relative aux frais d'arbitrage (article 1520-5° du CPC)

- Dire le moyen irrecevable car non compris dans le champ du recours en annulation,

- dire que le moyen est nouveau à ce titre irrecevable et en tous cas mal fondé,

- dire qu'en toute hypothèse, le moyen manque en fait et en droit,

- dire et juger que la sentence est conforme à l'ordre public,

En conséquence,

- rejeter les demandes tendant à l'annulation de la sentence du 26 mai 2020 en ce que la sentence est contraire à l'ordre public,

En toute hypothèse (article 1504 ' 1518 et suivants du CPC)

- dire que la nullité éventuelle d'un chef de la sentence ne saurait entrainer la nullité de la sentence en sa totalité,

- rejeter les demandes tendant à voir la cour statuer sur le fond du litige,

- renvoyer s'il y a lieu les parties à saisir à nouveau le tribunal arbitral,

Et en conséquence, rejeter l'intégralité des demandes des sociétés HBC 31 et HSO 31 et de la SELARL GM,

- apposer la formule exécutoire sur la sentence arbitrale du 26 mai 2020 rectifiée par la sentence arbitrale en date du 27 juillet 2020 et sur cette dernière sentence en ce qu'elle fait corps avec la sentence finale rendue le 26 mai 2020,

' Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

- condamner les sociétés HBC 31 et HSO 31 au paiement de la somme de 50 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner les sociétés HBC 31 et HSO 31 aux entiers dépens dont distraction au profit de l'AARPI Libra-Avocats.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 24 janvier 2022, la SELARL GM, représentée par Maître [M] [S], mandataire judiciaire et agissant en qualité de mandataire judiciaire et de commissaire à l'exécution du plan des sociétés HBC 31 et HSO 31, demande à la cour de':

- prononcer la mise hors de cause de Maître [X] [H], es-qualités,

- recevoir la SELARL GM, représentée par Maître [S] en son intervention es qualités,

- statuer ce que de droit sur la qualification interne ou internationale de l'arbitrage,

- statuer ce que de droit sur le recours en annulation de la sentence arbitrale du 13 mai 2019,

- faire droit partiellement au recours en annulation de la sentence arbitrale du 26 mai 2020,

- annuler ladite sentence en ce qu'elle a':

' alloué 500 000 euros de dommages et intérêts à RN PATRI.ONE en réparation du préjudice résultant d'actions en justice autres que celle dont le tribunal arbitral était saisi et dont certaines avaient été introduites antérieurement à l'ouverture des procédures collectives alors qu'aucune déclaration de créance n'avait été effectuée de ce chef,

' alloué un euro à RN PATRI.ONE en réparation du préjudice moral subi par M. [Y],

' statué sur les contestations du principal des créances déclarées au passif et des intérêts à échoir y afférents alors que l'instance en vérification des créances était pendant devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence,

' Statuant au fond dans la limite de l'annulation,

- surseoir à statuer sur toute fixation des créances de RN PATRI.ONE jusqu'à ce que la cour d'appel d'Aix-en-Provence ait statué sur l'appel des ordonnances du juge commissaire du 11 juillet 2019,

- déclarer irrecevables et/ou mal fondées les demandes indemnitaires de RN PATRI'.ONE pour procédures abusives et au titre du préjudice moral de M. [Y],

' En tout état de cause,

- dire et juger que les créances indemnitaires éventuellement allouées seront soumises à déclaration au passif en application de l'article L622-24 al.5 du code de commerce,

' Subsidiairement à défaut d'effet dévolutif de l'appel,

- renvoyer les parties à mieux se pourvoi,

- statuer ce que de droit sur les dépens.

La clôture a été prononcée le 22 février 2022.

Motifs

1 clause compromissoire

MOTIFS

A titre liminaire, il est rappelé que le conseiller de la mise en état a déjà statué sur la recevabilité de l'intervention de la Selarl GM, représentée par Maître [S], es-qualités.

1. Sur le caractère international de l'arbitrage

1.1. Moyens des parties

La société RN Patri.ONE soutient que les contrats de cession d'actions comportant la clause compromissoire ont été conclus entre des sociétés luxembourgeoises -les sociétés cédantes- et des société françaises, au Luxembourg avec des paiements effectués au Luxembourg et qu'en conséquence l'arbitrage a un caractère international. Elle souligne que le dispositif des conclusions des sociétés HBC 31 et HSO 31 ne comporte aucune demande de rejet de sa demande tendant à faire juger du caractère international de la sentence.

2 arbitrage international

En réplique, les sociétés HBC 31 et HSO 31 rappellent, dans le corps de leurs conclusions, qu'est une transaction purement française, la cession de parts de sociétés françaises, à une société française, par un citoyen français résidant en France, agissant par l'intermédiaire de sociétés constituées en vue d'une bonne gestion de son patrimoine. Elles en concluent que les sentences arbitrales tranchant les litiges nés d'une telle cession sont internes et soulignent que le tribunal arbitral a d'ailleurs assorti la sentence du 26 mai 2020 de l'exécution provisoire, ce qui n'est possible que dans le cadre d'un arbitrage interne. Elles soutiennent néanmoins que leur recours est valable que l'arbitrage soit interne ou international, les règles applicables prévues aux articles 1492 et 1520 étant identiques.

Le commissaire à l'exécution du plan, tout en s'en rapportant, souligne que les « intérêts du commerce international » visés à l'article 1504 du code de procédure civile comme caractérisant l'arbitrage international exigent un peu plus qu'un simple forum shopping fiscal entre la France et le Luxembourg.

1.2. Réponse de la cour

Selon l'article 1504 du code de procédure civile, est international l'arbitrage qui met en cause des intérêts du commerce international.

Il résulte de cette définition exclusivement économique que l'arbitrage revêt un caractère international lorsque le différend soumis à l'arbitre porte sur une opération qui ne se dénoue pas économiquement dans un seul Etat, peu important la qualité ou la nationalité des parties, la loi applicable au fond du litige ou à la procédure, ainsi que le siège du tribunal arbitral. Cette qualification ne dépend pas de la volonté des parties.

3 sentence arbitrale

En l'espèce, l'opération économique qui est à l'origine du litige porte sur les contrats de cession des actions des sociétés Nobladis et Sodirev par la société RN Patri.One aux sociétés HBC 31 et HSO 31 et les actes de levée d'option.

Il n'est pas contesté que pour réaliser les opérations de cessions, les sociétés HBC 31 et HSO 31, sociétés immatriculées en France, ont effectué des paiements au Luxembourg, siège de la société RN Patri.ONE. Ce transfert de fonds à travers les frontières emporte la qualification d'arbitrage international.

En conséquence, l'article 1493 du code de procédure civile qui prévoit que lorsque la juridiction annule la sentence arbitrale, elle statue sur le fond, n'est pas applicable.

2. Sur la sentence arbitrale partielle du 13 mai 2019': sur le moyen unique tiré de l'incompétence du tribunal arbitral pour statuer sur les demandes présentées à titre subsidiaire par les sociétés RN Patri.ONE (article 1520, 1° du code de procédure civile)

2.1. Moyens des parties

4 tribunal arbitral

Les sociétés HBC 31 et HSO 31 font valoir que le tribunal arbitral s'est déclaré à tort compétent pour statuer sur la résolution des actes de cession et la fixation des créances au passif alors que seul le tribunal de commerce de Nice, ayant à connaître de la procédure collective, était compétent. Elles rappellent en effet que l'égalité des créanciers et l'interdiction des poursuites individuelles qui sont des règles d'ordre public du droit des entreprises en difficulté devaient empêcher le tribunal arbitral de statuer sur les demandes en résolution des contrats de cession d'action qui tendaient en réalité à obtenir le paiement immédiat par la société RN Patri.ONE de sa créance, en dehors de toute procédure collective.

Elles soutiennent également que les règles qui donnent compétence au tribunal saisi de la procédure de sauvegarde, prévues à l'article R662-3 du code de commerce sont d'ordre public, qu'en soumettant au tribunal arbitral la résolution des actes de cession et la fixation des créances au passif, les sociétés RN PATRI.ONE ont, de fait, privé le tribunal de la procédure collective de son office alors qu'il lui appartenait, au regard des règles d'ordre public du droit des entreprises en difficulté, de déterminer s'il convenait de conférer à une « juridiction privée » le pouvoir de trancher le sort des sociétés en sauvegarde et de fixer leur passif.

5 compétence du juge commissaire

En outre, les sociétés HBC 31 et HSO 31 considèrent que la vérification et la fixation des créances au passif de la procédure relevaient exclusivement de la compétence du juge commissaire (article L 624-2 du code de commerce), que si le tribunal arbitral a admis que l'articulation devait être faite d'abord avec les pouvoirs du juge-commissaire qui pouvait seul admettre les créances au passif (sentence arbitrale du 13.05.2019, p.29), il n'en a pas tiré les conséquences en statuant sur les demandes subsidiaires de la société RN PATRI.ONE relatives à la résiliation anticipée des contrats de cession d'actions, alors que la procédure de contestation des créances était pendante devant le juge-commissaire qui n'a rendu ses ordonnances que le 11 juillet 2019. Elles ajoutent que le tribunal arbitral a méconnu la compétence d'ordre public du juge-commissaire et est à l'origine d'un conflit positif de compétence puisque le juge commissaire s'est déclaré lui aussi compétent pour statuer sur les créances déclarées par la société RN PATRI.ONE.

6 clause compromissoire

Elles soutiennent par ailleurs que les demandes subsidiaires de la société RN PATRI.ONE relatives au complément de prix et à la clause pénale n'entraient pas dans le périmètre de la clause compromissoire dès lors que leur mise en 'uvre contribue à la détermination du prix, laquelle était expressément exclue du champ de la clause compromissoire. Elles précisent que le prix de cession des actions SODIREV et NOBLADIS était variable jusqu'au 30 juin 2023 conformément aux stipulations des contrats de cession du 13 novembre 2012 et 6 décembre 2013 et payable à terme et que trancher la question du bien-fondé de la mise en 'uvre de la déchéance du terme par RN PATRI.ONE revient à déterminer et figer le prix de cession des actions censé varier jusqu'en 2023. Elles ajoutent que la clause a expressément exclu la compétence du tribunal arbitral pour statuer sur toute contestation relative au prix de cession et que la clause compromissoire ne s'applique pas au litige survenu dans le cadre de la procédure collective du cessionnaire.

Elles invoquent également l'inopposabilité de la clause compromissoire aux organes de la procédure agissant dans l'intérêt de la collectivité des créanciers dès lors qu'ils n'y ont jamais souscrit.

Enfin, elles considèrent que le tribunal arbitral n'a pas été saisi sur le fondement de la clause compromissoire applicable au litige. Elles estiment que les société RN PATRI.ONE ont saisi les arbitres sur le fondement la clause d'arbitrage stipulée dans les actes de cession de 2012 et 2013 alors que seule la clause d'arbitrage stipulée dans les statuts des sociétés HSO 31 et HBC 31 était applicable, ce que la société RN PATRI.ONE avait admis devant le tribunal de commerce de Nice.

La société RN PATRI.ONE, en premier lieu, soutient que le recours des sociétés HBC 31 et HSO 31 est limité à l'incompétence prétendue du tribunal arbitral pour connaître de ses demandes subsidiaires. Elle précise toutefois que le tribunal a justifié sa compétence concernant l'action en résolution dès lors qu'elle n'a pas sollicité le paiement d'une dette antérieure à la procédure collective.

Elle rappelle, en second lieu, que le tribunal arbitral a pris le soin de s'assurer qu'aucune règle de la procédure collective n'était méconnue, qu'il a rappelé le principe de la suspension des poursuites et les limites prévues par l'article L622-21 du code de commerce et a conclu, pour se déclarer compétent, que ni l'action en résolution (hors du champ du présent recours) ni la demande au titre de l'exigibilité anticipée et de la clause pénale ne tendaient au paiement d'une somme d'argent.

7 compétence du tribunal arbitral

Elle ajoute que les sociétés HBC 31 et HSO 31 ne peuvent se prévaloir de l'ouverture d'une procédure de sauvegarde pour contester la compétence du tribunal arbitral, dès lors que les demandes ne rentrent pas dans le champ d'application du droit des procédures collectives et qu'en raison de la nature contractuelle du litige, le tribunal arbitral était bien compétent, le fait que la procédure engagée puisse avoir une influence d'ordre économique sur la procédure collective et notamment sur le montant de l'actif ou du passif n'étant pas de nature à rendre le tribunal du contrat incompétent.

S'agissant de la prétendue compétence exclusive du juge-commissaire pour statuer sur l'exigibilité anticipée et la mise en 'uvre de la clause pénale, elle fait valoir qu'en application de l'article 1506 qui renvoie aux articles 1448 et 1465 du code de procédure civile, le tribunal arbitral est compétent pour statuer sur le principe et la fixation du montant de la créance. Elle considère que la clause compromissoire produit tous ses effets, si la créance a été régulièrement déclarée et que le créancier s'est soumis à la procédure de vérification des créances, ce qui est le cas en l'espèce.

8 application de la clause compromissoire

Sur l'application de la clause compromissoire, elle rappelle, en premier lieu, que si la détermination du prix est exclue du champ de l'arbitrage, l'interprétation des clauses du contrat, y compris celles concernant le prix et notamment le paiement du prix ne sont en rien exclues de l'arbitrage, que la clause pénale et la clause d'exigibilité anticipée ne relèvent pas de la détermination du prix mais de l'exécution du contrat et qu'à ce titre, le tribunal était compétent pour statuer sur ces demandes.

Elle ajoute, en second lieu, que la procédure collective ne remet pas en cause l'existence et l'exécution des obligations, autres que de paiement, prévues par le contrat et que la clause compromissoire est applicable quelle que soit la situation du débiteur.

9 recours à l arbitrage

Le commissaire à l'exécution du plan estime que la procédure collective n'exclut pas le recours à l'arbitrage, les règles impératives s'imposant alors à l'arbitre. Il considère que la mise en 'uvre d'une clause d'exigibilité anticipée ou l'application de clauses pénales contractuelles, quand bien même elles auraient pour effet de diminuer le gage commun des créanciers et/ou de compromettre les chances de sauvegarde ou de redressement de l'entreprise, ne relèvent pas de la compétence du « tribunal de la faillite ».

S'agissant du moyen tiré de la compétence du juge-commissaire, il soutient qu'il manque en fait dès lors que le tribunal arbitral a reconnu qu'il était tenu au respect des « principes de la procédure collective » qu'il a spécialement réservé « les pouvoirs du juge-commissaire » et ses « prérogatives ».

Quant au périmètre de la clause compromissoire, il considère que les différends sur la validité, l'interprétation ou l'application des clauses déterminant le prix étaient sans doute exclus de l'arbitrage, et s'interroge sur le point de savoir si l'appréciation de la déchéance du terme et l'exigibilité anticipée, ou le pouvoir modérateur du juge sur la clause pénale, relèvent ou non stricto sensu de « la détermination du prix » ou logiquement, d'un arbitrage comptable.

2.2. Réponse de la cour

En vertu de l'article 1520,1° du code de procédure civile, le recours en annulation contre une sentence arbitrale internationale est ouvert lorsque le tribunal arbitral s'est déclaré à tort compétent ou incompétent.

10 demande d annulation de la sentence

Il appartient au juge de l'annulation de contrôler la décision du tribunal arbitral sur sa compétence, qu'il se soit déclaré compétent ou incompétent, en recherchant tous les éléments de droit ou de fait permettant d'apprécier la portée de la convention d'arbitrage.

La cour n'est saisie d'une demande d'annulation de la sentence du 13 mai 2019 qu'en ce que le tribunal s'est déclaré compétent pour statuer les demandes présentées à titre subsidiaire par la société RN PATRI.ONE.

A la lecture de la sentence du 13 mai 2019, les demandes subsidiaires de la société RN PATRI.ONE étaient de voir constater la validité de la clause de prix contenue dans les contrats de levée d'option d'achat du 6 décembre 2013, de déclarer acquise la clause d'exigibilité anticipée par la société RN PATRI.ONE et de déclarer les sociétés HBC 31 et HSO 31 redevables à l'égard de la société RN PATRI.ONE du solde de la partie fixe du prix et des éventuels compléments de prix non encore versés ainsi que de la clause pénale figurant au sein desdits contrats et en conséquence de fixer les montants dus à 10 637 557,56 euros à l'encontre de la société HBC 31 et de 22 085195,614 euros à l'encontre de la société HSO 31.

11 compétence du tribunal arbitral

Il n'appartient donc pas à cette cour d'apprécier la compétence du tribunal arbitral pour statuer sur la demande principale de résolution des différents contrats de cessions de titres, cette demande n'étant d'ailleurs pas formulée dans le dispositif des conclusions des sociétés HBC 31 et HSO 31 mais seulement dans leurs motifs.

a) Sur la compétence du tribunal arbitral pour statuer malgré la procédure collective

L'article R 662-3 du code de commerce dispose que':

«'Sans préjudice des pouvoirs attribués en premier ressort au juge-commissaire, le tribunal saisi d'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire connaît de tout ce qui concerne la sauvegarde, le redressement et la liquidation judiciaires, l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif, la faillite personnelle ou l'interdiction prévue à l'article L. 653-8, à l'exception des actions en responsabilité civile exercées à l'encontre de l'administrateur, du mandataire judiciaire, du commissaire à l'exécution du plan ou du liquidateur qui sont de la compétence du tribunal judiciaire.'»

12 compétence exclusive du tribunal

Comme le relève à juste titre la société RN PATRI.ONE, pour se déclarer compétent, le tribunal arbitral a rappelé la nécessaire articulation du droit de l'arbitrage et du droit des entreprises en difficulté, en soulignant que le livre VI du code de commerces sur «'les difficultés des entreprises'»' est d'ordre public et que la procédure de sauvegarde relève de la compétence exclusive du tribunal de commerce lorsque le débiteur exerce une activé commerciale.

Il a, ensuite, estimé sans porter atteinte à une règle d'ordre public qu'il était «'compétent pour connaître d'actions ayant leur source dans le contrat conclu par les parties et sur lesquelles la survenance de la procédure collective n'a pas d'influence'».

En outre, le tribunal s'est à juste titre déclaré «'compétent pour connaître de toutes actions qui ne tendent pas au paiement d'une somme d'argent ou à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent dans la mesure où il respecte les principes de la procédure collective et notamment, ceux du droit d'option réservée à l'administrateur judiciaire sur la continuation des contrats en cours et de l'admission des créances déclarées de la compétence exclusive du juge-commissaire.'».

Par ailleurs, dès lors que le tribunal a réservé «'les pouvoirs du juge-commissaire'» les sociétés HBC 31 et HSO 31 échouent à démontrer que le tribunal s'est déclaré à tort compétent en violant les prérogatives du juge-commissaire.

b) Sur la compétence du tribunal arbitral limitée par la clause compromissoire

L'article 16 des contrats régularisés le 13 novembre 2012 concernant la vente de 75% des actions SODIREV et de NOBLADIS et l'article 7 de la convention du 6 décembre 2013 concernant la cession des 25% résiduels de SODIREV et NOBLADIS stipulent :

« Tout différend qui pourrait survenir à l'occasion de l'interprétation ou de l'exécution du présent contrat (à l'exception de la détermination du prix de cession), sera soumis à l'arbitrage dans les conditions ci-après... ».

Il en résulte comme l'a admis le tribunal arbitral qu'il ne peut connaître de «'la détermination du prix de cession'».

Il ressort de l'article 4 de l'acte de cession du 13 novembre 2012 (tant des actions Nobladis que Sodirev) que le prix était constitué d'une partie fixe dont une échéance payée comptant et de dix échéances annuelles de 582 816 euros («'échéances de prix fixe à terme'») et d'un complément de prix défini à l'article 4.2 versé sous forme d'une échéance annuelle exigible et payable le 2 décembre 2013.

13 exigibilité anticipée

A l'article 5.1 «'exigibilité anticipée ' clause pénale'» de cet acte, il est prévu que la société RN PATRI.ONE peut, «'en cas de survenance de certains événements, comportements, faits ou circonstances définis ayant des répercussions sur le bon et parfait respect des dispositions afférentes à la partie de prix payable à terme et au complément de prix, après mise en demeure des sociétés HBC 31 et HSO 31,

- exiger le paiement par anticipation du solde de la partie fixe du prix (échéances de prix fixe à terme actualisées non encore versées par le cessionnaire au cédant) ;

- exiger le paiement au titre du complément de prix pour le cas où il n'aurait pas encore été versé'».

Il ressort de l'article 5.1 qu'en cas d'exigibilité anticipée, les échéances de prix fixe payable à terme dont le montant est déterminé deviennent exigibles. En conséquence, la déchéance du terme n'affecte pas la détermination du prix tel que fixé dans l'acte de cession.

En revanche, les articles relatifs à l'exigibilité anticipée et la clause pénale prévues aux actes de levée d'option, auxquels se référent expressément les parties sont libellés différemment.

L'article 3 de l'acte de levée d'option d'achat portant sur le prix prévoit que celui-ci est composé de deux éléments, d'une part, une partie fixe, payé comptant, et d'autre part, un complément de prix payable en dix échéances annuelles calculées conformément à l'article 3.2 en fonction du résultat d'exploitation.

Aux termes de l'article 3.5 «'exigibilité anticipée'», en cas de survenance de l'un des comportements, faits, événements ou circonstances tels qu'envisagées dans le contrat ayant des répercussions sur le bon et parfait respect des dispositions afférentes au complément de prix'», la société RN PATRI.ONE pourra':

«- 'exiger le paiement du solde des échéances de prix fixe à terme prévues à la cession d'actions signée le 13 novembre 2012

- exiger le paiement au titre de la clause pénale ci-après stipulée (article 3.6) d'un complément de prix forfaitaire.'»

L'article 3.6 «'clause pénale'» stipule que :

«'pour le cas de mise en jeu par le soussigné de première part de la clause d'exigibilité anticipée (article 3.5), le soussigné de deuxième part devra à titre de clause pénale irréductible et forfaitaire, une somme égale à l'addition :

14 complément de prix

de l'ensemble des Echéances de Prix Fixe à Terme non encore versées au soussigné de première part, converties en euros de l'année de perception, et ce au titre de la cession d'action signée le 13 novembre 2012 et rappelées ci-dessus,

la moyenne des trois dernières échéances de complément de prix positives [...] multipliée par le nombre d'échéances de complément de prix restant à courir.

la somme résultant de cette addition étant expressément et forfaitairement affectée du coefficient suivant [']

En tout état de cause, cette somme affectée des coefficients ci-dessus ne pourra en aucune manière être retenue pour un montant inférieur à deux fois la somme des Echéances de prix Fixe à terme actualisés non encore versées.'»

Si comme le rappelle la société RN PATRI.ONE, une clause pénale ne constitue pas un élément du prix de cession, le juge ne peut s'arrêter à la qualification de clause pénale donnée par les parties pour en conclure que les sommes due en application de celle-ci ne participent pas à la détermination du prix. Or, en l'espèce, il convient de relever en premier lieu que les dispositions relatives à l'exigibilité anticipée et à la clause pénale sont insérées à l'article relatif au prix. En second lieu, la somme due en cas d'exigibilité anticipée est variable en fonction de certains éléments et vient compenser l'absence de versement des échéances annuelles par les sociétés HBC 31 et HSO 31 dues jusqu'en juin 2023 au titre tant des échéances de prix fixe que du complément de prix. Comme le relèvent les sociétés HBC 31 et HSO 31, faire application des clauses relatives à «'l'exigibilité anticipée'» et à «'la clause pénale'» revient à fixer le prix qui se substitue alors au prix de cession convenu.

Il s'ensuit que les demandes subsidiaires de la société RN PATRI.ONE relatives à la validité de la clause d'exigibilité anticipée du prix et à la clause pénales, en ce que leur mise en 'uvre affecte la détermination du prix, sont exclues du champs d'application de la clause compromissoire. Le tribunal arbitral était incompétent pour statuer ces demandes. La sentence est annulée en ce que le tribunal s'est déclaré compétent pour connaître des demandes subsidiaires.

3. Sur la sentence arbitrale du 26 mai 2020

Au regard de l'annulation partielle de la sentence du 13 mai 2019, il y a lieu d'annuler par voie de conséquence les points 1, 2, 3 et 5 de la sentence finale en ce qu'ils ont un lien de dépendance avec la disposition annulée de la sentence partielle.

3.1. Sur le moyen tiré de l'incompétence du tribunal arbitral pour statuer sur les demandes nouvelles de la société RN Patri.One (article 1520, 1° du code de procédure civile)

15 abus du droit d ester en justice

a) Moyens des parties

Les sociétés HBC 31 et HSO 31 soutiennent que le tribunal arbitral n'était pas compétent pour statuer sur les demandes nouvelles formées par les sociétés RN PATRI.ONE, dans leur mémoire du 17 juin 2019, tendant à fixer au passif des sociétés HSO 31 et HBC 31 une créance de 1 000 000 € au titre de l'abus du droit d'ester en justice, et de 5 000 000 € au titre des dommages-intérêts pour préjudice moral de M. [Y].

Elles exposent ensuite que la demande de la société RN PATRI.ONE de voir condamner les sociétés HBC 31 et HSO 31 pour abus du droit d'ester en justice était fondée sur l'article 32-1 du code de procédure civile et que c'est à tort que le tribunal arbitral l'a requalifiée en dommages-intérêts.

16 compétence du tribunal arbitral

Elles font valoir enfin que cette demande, qu'il s'agisse d'une demande de dommages-intérêts comme l'a requalifiée d'office à tort le tribunal arbitral ou d'une demande d'amende civile comme initialement qualifiée par la société RN PATRI.ONE, ne pouvait relever de la compétence du tribunal arbitral dès lors qu'elle portait sur des faits étrangers à l'arbitrage et notamment sur d'hypothétiques abus commis non pas au cours de la procédure arbitrale elle-même mais devant des juridictions étatiques. Elles soulignent que le comportement sanctionné par le tribunal ne se rattache manifestement pas à une mauvaise exécution du contrat mais à leur responsabilité extracontractuelle et n'entrait donc pas à ce titre dans le champ d'application de la clause compromissoire.

Par ailleurs, elles soutiennent que la demande de condamnation pour préjudice moral subi par M. [Y] qui n'est ni partie aux contrats de cession ni partie à la procédure d'arbitrage ne concerne en rien la clause compromissoire, M. [Y] étant une personne distincte de la personnalité morale de la la société RN PATRI.ONE.

La société RN PATRI.ONE soutient que le tribunal arbitral était compétent pour sanctionner le comportement procédural des sociétés HBC 31 et HSO 31. Elle considère que la multiplication des procédures devant les juridictions étatiques, en violation flagrante de la clause compromissoire contenue dans les actes de cession constitue un abus de droit d'ester en justice, que ni les sociétés HBC 31et HSO 31 ni la SELARL GM n'ont contesté cette analyse et la compétence du tribunal arbitral pour connaître d'une demande dommages-intérêts pour procédure abusive dans leurs premières conclusions.

Elle prétend qu'en réalité, sous couvert d'une prétendue incompétence, les sociétés HBC 31 et HSO 31, et la SELARL GM, sollicitent la révision de la décision du tribunal arbitral en ce qu'il aurait fait une « mauvaise interprétation » de l'article 32-1 du code de procédure civile.

Elle rappelle que dans ses écritures, la société RN PATRI.ONE s'est référée à l'article 32-1 du code de procédure civile pour caractériser le comportement procédural abusif des sociétés HBC 31 et HSO 31 et qu'en aucun cas RN PATRI.ONE n'a soutenu que sa demande d'indemnisation constituait une « amende civile » au sens de l'article 32-1 du code de procédure civile.

S'agissant de la condamnation des sociétés HBC 31 et HSO 31 en réparation du préjudice moral subi par M. [Y], elle fait valoir qu'aucune condamnation n'a été prononcée au profit de M. [Y], personne physique mais que le tribunal arbitral a estimé qu'en raison de la nature de la société (société patrimoniale) ayant pour seul actionnaire et dirigeant M. [Y], l'atteinte portée à l'image de ce dernier préjudiciait à la société RN PATRI.ONE et que le préjudice moral subi par la société RN PATRI.ONE, compte tenu du caractère personnel de la société, était in fine assimilable aux atteintes portées contre la personne de son dirigeant et actionnaire unique.

Le commissaire à l'exécution du plan considère que le tribunal arbitral ne pouvait se prononcer que sur le caractère éventuellement abusif de la procédure qu'il avait à connaître et non sur les autres procédures, qui plus est engagées devant les juridictions étatiques.

b) Réponse de la cour

Le tribunal a condamné les sociétés HBC 31 et HSO 31 à verser à la société RN PATRI.ONE des dommages-intérêts pour procédure abusive en retenant que les sociétés HBC 31 et HSO 31 avaient multiplié les actions exercées devant les juridictions du fond et que «'l'abus consiste dans la méconnaissance des clauses compromissoires insérées dans les actes de cession'».

Il a également condamné les sociétés HBC 31 et HSO 31 au versement d'un euro symbolique en réparation du préjudice moral subi par M. [Y]

La clause compromissoire stipulée aux contrats de cession prévoit que « Tout différend qui pourrait survenir à l'occasion de l'interprétation ou de l'exécution du présent contrat (à l'exception de la détermination du prix de cession), sera soumis à l'arbitrage dans les conditions ci-après... ».

Il n'est pas contesté que les demandes de dommages-intérêts formées par la société RN Patri.One sont des demandes nouvelles qui ne figuraient pas dans la mission du tribunal, telle que rappelée dans la sentence partielle.

17 clause compromissoire

Le tribunal arbitral s'est reconnu compétent pour connaître des demandes de dommages-intérêts pour procédures abusives intentées en violation de la clause compromissoire insérée dans les actes de cession en relevant que la clause compromissoire lui donnait compétence pour connaître de l'interprétation et de l'exécution des actes de cession et qu'il suffisait que le litige ait un lien avec le contrat.

S'agissant de l'allocation de dommages-intérêt pour procédure abusive, c'est à bon droit que le tribunal arbitral a retenu que la violation invoquée de la clause compromissoire avait un lien suffisant avec les actes de cession pour justifier sa compétence. Le grief invoqué par les sociétés HBC 31 et HSO 31 tend en réalité à réviser la sentence. Or, il n'appartient pas au juge de l'annulation de vérifier le bien ou le mal fondé de la sentence, ni de s'assurer de la pertinence du raisonnement suivi par les arbitres. Le moyen développé de ce chef par les demandeurs au recours est rejeté.

En revanche, le tribunal n'était pas compétent pour réparer le préjudice moral subi par M. [Y] qui n'était pas partie à l'arbitrage. La sentence est annulée en ce qu'elle a constaté l'existence du préjudice moral subi par M. [Y] et condamné les sociétés cessionnaires HBC 31 et HSO 31 au versement d'un euro symbolique.

3.2. Sur le moyen tiré de la violation par le tribunal de sa mission (article 1520, 3° du code de procédure civile)

a) Moyens des parties

En premier lieu, les sociétés HBC 31 et HSO 31 soutiennent que le tribunal n'a pas statué en droit comme le lui impartissait l'acte de mission mais en équité et ultra pétita sur les demandes d'amende civile et de réparation du préjudice moral de M. [Y]. Elles relèvent que pour allouer des dommages-intérêts à 500 000 euros à la société RN PATRI.ONE pour procédure abusive, le tribunal n'a pas évalué le préjudice causé par chaque procédure et s'est borné à constater que la société RN PATRI.ONE avait engagé des frais pour assurer sa défense dans le cadre des différents procès.

En second lieu, elles considèrent que les arbitres ont opéré une substitution de base légale qui n'entrait pas dans le périmètre de leur mission en modifiant le fondement légal de la demande de RN PATRI.ONE, qui procédait de l'article 32-1 du code de procédure civile, pour lui substituer l'article 1240 du code civil et en requalifiant la demande, constitutive d'une "amende civile" selon RN PATRI.ONE (puisque fondée sur l'article 32-1 du code de procédure civile), en dommages-intérêts.

La société RN PATRI.ONE soutient que ce moyen nouveau est irrecevable et tend à réviser la sentence au fond. Elle ajoute en tout état de cause que les arbitres ne se sont pas placés sur le terrain de l'équité, que la sentence est motivée en droit et que le tribunal arbitral après avoir exposé de manière détaillée en quoi, en l'espèce, le droit d'agir en justice avait dégénéré en abus, a pris le soin de caractériser le préjudice subi.

Le commissaire à l'exécution du plan considère ce moyen non fondé.

b) Réponse de la cour

Selon l'article 1520, 3°, du code de procédure civile, le recours en annulation est ouvert si le tribunal a statué sans se conformer à la mission qui lui avait été confiée.

Pour allouer des dommages-intérêts à hauteur de 500.000 euros, le tribunal arbitral a rappelé qu'il «'n'était pas demandé au Tribunal de condamner les sociétés HBC 31 et HSO 31 au paiement d'une amende mais au versement de dommages-intérêts pour exercice de procédures abusives.'»,'que «'l'article 32-1 évoque l'amende civile sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés'» et que «'l'octroi de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait d'une multiplication des actions en justice est indépendant d'une condamnation à une amende civile'»( page 54, 2) de la sentence). Il a donc rappelé le fondement légal sur lequel il lui était demandé de statuer, sans procéder à une substitution de base légale.

Il a par la suite détaillé la faute commise par les sociétés HBC 31 et HSO 31 et le préjudice subi par la société RN PATRI.ONE en indiquant':

« Cette faute est génératrice d'un préjudice matériel avéré puisqu'elle a conduit la société RN PATRI.ONE à engager des dépenses liées aux procès qui lui ont été faits pour organiser sa défense alors que nombre de procédures pouvaient être rassemblées devant la juridiction arbitrale.

[']

Aussi, bien que l'exercice de voies de recours légales contre des jugements relatifs à la procédure de sauvegarde, même jugées mal fondées, n'excuse pas la violation réitérée de clauses compromissoires librement acceptées, le Tribunal arbitral estime qu'il faut en tenir compte dans la détermination des dommages-intérêts dus à la société RN.PATRI.ONE.'»

18 violation du principe de la contradiction

Le tribunal a donc statué en droit et non en équité. Sous couvert du grief de violation de la mission du tribunal, les sociétés HBC 31 et HSO 31 demandent à la cour d'apprécier le raisonnement des arbitres et l'évaluation retenue, ce que la cour ne peut faire sous peine de réviser la sentence. Le moyen est rejeté.

3.3. Sur le moyen tiré de la violation du principe de la contradiction (article 1520, 4° du code de procédure civile)

a) Moyens des parties

Les sociétés HBC 31 et HSO 31 soutiennent que le tribunal arbitral a méconnu le principe de la contradiction en requalifiant la demande de la société RN PATRI.ONE en dommages-'intérêts, alors qu'elle avait fondé ses demandes sur l'amende civile dont la nature et le régime sont différents de ceux de la responsabilité extracontractuelle, sans inviter les parties a' en débattre.

La société RN PATRI.ONE fait valoir qu'elle n'a pas sollicité une amende civile mais des dommages-intérêts, sur le terrain de la responsabilité extracontractuelle de droit commun.

Le commissaire à l'exécution du plan considère ce moyen non fondé.

b) Réponse de la cour

#19 annulation de la sentence

Il ressort de la sentence que la société RN PATRI.ONE a clairement sollicité des dommages-intérêts pour procédures abusives en se fondant sur l'article 32-1 du code de procédure civile lequel permet l'octroi de dommages-intérêts sur le fondement délictuel et que les sociétés HBC 31 et HSO 31 ont répliqué, de sorte que le tribunal n'a pas méconnu le principe de la contradiction. Le moyen est rejeté.

3.4. Sur le moyen tiré de la violation de l'ordre public des procédures collectives concernant les frais d'arbitrage (article 1520, 5° du code de procédure civile)

a) Moyens des parties

La société RN Patri.One fait valoir que ce moyen est irrecevable car non compris dans le champ du recours en annulation en application de l'article 562 du code de procédure civile.

b) Réponse de la cour

Aux termes de l'article 1527 du code de procédure civile, les recours en annulation de la sentence sont formés, instruits et jugés selon les règles relatives à la procédure contentieuse prévues aux articles 900 à 930-1.

Il résulte de l'article 901 que la déclaration d'appel comporte les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible et que seule la déclaration d'appel opère la dévolution des chefs critiqués du jugement.

Le recours des sociétés HBC 31 et HSO 31 est ainsi libellé':

« Il est demandé à la Cour d'annuler le sentence arbitrale en ce qu'elle a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par les sociétés HSO 31 et HBC 31, n'a pas fait droit à leur demande tendant à : Sur l'exception d'incompétence relative aux demandes indemnitaires des sociétés intimées: Se déclarer incompétent pour prononcer une amende civile de 1.000.000 €, Se déclarer incompétent au profit du Tribunal de Commerce de Nice pour allouer des dommages-intérêts de 500.000 € aux intimées sur le fondement du prétendu préjudice moral de M. [Y] ,

S'est déclaré compétent et a déclaré recevable et bien fondée la demande d'indemnisation de la société RN PATRI.ONE pour procédures abusives et fixé le montant des dommages-intérêts à 500.000 €,

S'est déclaré compétent et a constaté l'existence du préjudice moral de M. [Y] et a condamné les appelantes au versement d'un euro symbolique ».

Ainsi, la cour n'est pas saisie d'une demande d'annulation de la sentence en ce qu'elle a fixé les créances de la société RN PATRI.ONE au titre des frais d'arbitrage.

4. Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

La société RN PATRI.ONE, succombant à l'instance, est condamnée aux dépens et à verser aux sociétés HBC 31 et HSO 31 la somme de 50. 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dispositif

PAR CES MOTIFS

Dit que l'arbitrage a un caractère international,

Annule la sentence arbitrale partielle du 13 mai 2019'en ce que le tribunal arbitral s'est déclaré compétent pour connaître des demandes subsidiaires formées par la société RN PATRI.ONE,

Annule par voie de conséquence, la sentence du 26 mai 2020 en ce qu'elle';

- 1. Constaté que la société RN PATRI.ONE a mis en 'uvre, régulièrement, la clause d'exigibilité anticipée des échéances de prix fixe payables à terme, encore impayées, prévues par l'article 5.1 des actes de cession du 13 novembre 2012, soit six échéances restant à payer d'un montant de 3.545.852,12 € pour la société HBC 31 et de 7.361.731,87 € pour la société HSO 31 et que ces sommes sont assorties d'intérêts calculés au taux de l'EURIBOR trois mois majoré de quatre points, à partir du délai de 60 jours de la notification, soit à partir du 21 novembre 2017,

- 2. Sursis à statuer sur la fixation de ces créances dans l'attente de l'arrêt de la cour d'Aix-en-Provence saisie d'un contredit sur les ordonnances du juge-commissaire,

- 3. Jugé que la clause pénale, stipulée à l'article 3.6 des actes de levée d'option du 06 décembre 2013, en cas d'exigibilité anticipée des échéances de prix fixe payable à terme, doit recevoir application et en a fixé le montant à 2 millions d'euros (2.000.000 €),

- 5. Jugé que la clause de «'complément de prix'», à caractère aléatoire, peut jouer à la hausse (résultat positif), comme à la baisse (résultat négatif) lorsque ses conditions de fond et de forme sont remplies, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, et rejeté la demande de versement des sommes de 3.577.783 € présentée par la SAS HSO 31 et de 1.297.878 € présentée par la société HBC 31,

Annule la sentence du 26 mai 2020 en ce qu'elle a':

10. Constaté l'existence du préjudice moral subi par M. [Y] et condamné les sociétés cessionnaires HBC 31 et HSO 31 au versement d'un euro symbolique,

Rejette, pour le reste, le recours en annulation formée à l'encontre de la sentence du 26 mai 2020,

Dit que la cour n'est pas saisie d'une demande d'annulation de la sentence en ce qu'elle a fixé les créances de la société RN PATRI.ONE au titre des frais d'arbitrage.

Condamne la société RN PATRI.ONE à verser aux sociétés SAS HBC 31 et SAS HSO 31 la somme de 50.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société RN PATRI.ONE aux dépens.

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