CA Paris, Pôle 5 ch. 16, 20 mai 2025, n° 24/08190
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
DU MONT HERON (SCEA)
Défendeur :
STOPHYTRA (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Dupuy
Conseillers :
Mme Lambling, Mme Hermite
Avocats :
Me Bellichach, Me Ruther, Me Schwab, Me Degehet
I/ Faits et procédure
1. La cour est saisie d'un recours en annulation contre la sentence arbitrale rendue le 19 mars 2024 par M. [P] [T] (président du tribunal arbitral), M. [Z] [I] (co-arbitre) et Mme [W] [M] (co-arbitre) dans un litige opposant Mme [X] [C] et la société SCEA DU MONT HERON à la société S.A.S. STOPHYTRA.
2. La société SAS STOPHYTRA (ci-après dénommée la défenderesse), est une société qui a pour objet social le négoce en grains et produits agricoles.
3. La SCEA du MONT HERON, dont le gérant est M. [R] [N], et Mme [X] [C] épouse [N], (ci-après, les demanderesses au recours) sont, respectivement, une société civile d'exploitation agricole et un entrepreneur individuel, spécialisés dans le secteur d'activité de la culture de céréales (à l'exception du riz), de légumineuses et de graines oléagineuses.
4. La société SAS STOPHYTRA soutient avoir conclu sept contrats soit avec Mme [C] (3 contrats), soit avec la SCEA du MONT HERON (4 contrats) relatifs à des engagements de livraison pour la récolte 2022, qu'elle énumère comme suit :
- Avec la SCEA DU MONT HERON, le 29 juin 2021, contrat d'achat n° CA 36/22 portant sur 300 tonnes de blé à 200 euros la tonne ;
- Avec la SCEA DU MONT HERON, le 28 juillet 2021, contrat d'achat n° CA 59/22 portant sur 150 tonnes d'orge planet à 206,60 euros la tonne ;
- Avec la SCEA DU MONT HERON, le 17 août 2021, contrat d'achat n° CA 92/22 portant sur 200 tonnes d'orge planet à 235 euros la tonne ;
- Avec la SCEA DU MONT HERON, le 23 août 2021, contrat d'achat combo n° CM 00016/2022 portant sur 22 lots (1100 tonnes) de blé à 210'/245' prime 3,9'/T et '/lot des frais de courtage ;
- Avec Mme [C], le 29 juin 2021, contrat d'achat CA 35/22 portant sur 100 tonnes de blé à 200 euros la tonne ;
- Avec Mme [C], le 17 août 2021, contrat d'achat CA 93/22 portant sur 100 tonnes d'orge planet brasserie à 235 euros la tonne ;
- Avec Mme [C], le 23 août 2021, contrat achat combo CM 00017/2022 portant sur 6 lots (300 tonnes) de blé à 210'/245' prime 3,9'/T et 15'/lot des frais de courtage.
5. Le 15 octobre 2022, la défenderesse adressait un premier courrier recommandé à la SCEA du MONT HERON lui rappelant ses engagements de livraison pour les contrats CA 36/22 CA 59/22 CA 92/22 et CM 00016/2022 qu'elle joignait à son envoi. Elle adressait un second courrier à Mme [C] lui rappelant les termes de ses engagements pour les contrats 17/2022, CA 93/22 et CA 35/22, également joints à cet envoi.
6. Le 4 novembre 2022, les demanderesses adressaient par l'intermédiaire de leur conseil deux courriers recommandés rédigés en des termes identiques, contestant être engagés par les contrats transmis, ces derniers étant non signés, et alléguant qu'un contrat transmis serait un faux pour mentionner en son verso des conditions générales d'achat au 21 juillet 2021 alors que le contrat en cause était daté du 29 juin 2021.
7. Aucune marchandise n'a été livrée par la SCEA DU MONT HERON ni par Mme [C] pour l'ensemble des contrats litigieux.
8. La société SAS STOPHYTRA a saisi la Chambre Arbitrale Internationale de [Localité 6] le 12 mai 2023 sur le fondement de la clause compromissoire prévue par ses conditions générales d'achat, dont l'article 15 prévoit :
Toute contestation survenant entre acheteur et vendeur ayant conclu le présent contrat, sera jugée en dernier ressort par arbitrage organisé par la Chambre Arbitrale Internationale de [Localité 6], [Adresse 4]), conformément au règlement de celle-ci que les parties déclarent connaître et accepter.
9. Le 14 juin 2023, par courrier électronique, les demanderesses ont contesté la compétence du tribunal arbitral indiquant ne pas avoir signé de contrat et que la clause compromissoire leur était inopposable.
10. Par sentence du 19 mars 2024, la Chambre Arbitrale Internationale de [Localité 6] a statué en ces termes :
SUR LA COMPETENCE
- Rejette l'exception d'incompétence soulevée par les parties défenderesses ;
- En conséquence, se reconnait compétent pour statuer sur le litige entre les Parties
SUR LE FOND
- Constate que les 7 (SEPT) contrats suivants ont été valablement conclus entre la SA STOPHYTRA et :
o La SCEA DU MONT HERON, le 29 juin 2021, contrat d'achat n° CA 36/22 portant sur 300 tonnes de blé à 200 euros la tonne ;
o La SCEA DU MONT HERON, le 28 juillet 2021, contrat d'achat n° CA 59/22 portant sur 150 tonnes d'orge planet à 206,60 euros la tonne ;
o La SCEA DU MONT HERON, le 17 août 2021, contrat d'achat n° CA 92/22 portant sur 200 tonnes d'orge planet à 235 euros la tonne ;
o La SCEA DU MONT HERON, le 23 août 2021, contrat d'achat combo n° CM 00016/2022 portant sur 22 lots (1100 tonnes) de blé à 210'/245' prime 3,9'/T et '/lot des frais de courtage ;
o Mme [C], le 29 juin 2021, contrat d'achat CA 35/22 portant sur 100 tonnes de blé à 200 euros la tonne ;
o Mme [C], le 17 août 2021, contrat d'achat CA 93/22 portant sur 100 tonnes d'orge planet brasserie à 235 euros la tonne ;
o Mme [C], le 23 août 2021, contrat achat combo CM 00017/2022 portant sur 6 lots (300 tonnes) de blé à 210'/245' prime 3,9'/T et 15'/lot des frais de courtage.
- Constate que la SCEA DU MONT HERON et Mme [C] ont agi de façon coordonnée vis-à-vis de la SAS STOPHYTRA ;
- Constate que la SCEA DU MONT HERON et Mme [C] ont manqué à leurs obligations contractuelles, aucune marchandise n'ayant été livrée à la SAS STOPHYTRA
EN CONSEQUENCE,
- Juge que la SCEA DU MONT HERON et Mme [C] sont en défaut à la date du 15 novembre 2022 sur l'ensemble des contrats litigieux ;
EN CONSEQUENCE,
- Condamne la SCEA DU MONT HERON à payer à la SAS STOPHYTRA la somme de 82 500 euros au titre du contrat 00016/2022, la somme de 20 250 euros au titre du contrat CA 59/22, la somme de 36 000 euros au titre du contrat CA 36/22 et la somme de 23 000 euros au titre du contrat CA 92/22, soit un total de 161 750 euros, augmentés des intérêts légaux à compter de la date de la présente sentence et jusqu'à complet paiement.
- Condamne Mme [C] à payer à la SAS STOPHYTRA la somme de 22 500 euros au titre du contrat 00017/2022, la somme de 12 000 euros au titre du contrat CA 35/22 et la somme de 11 500 euros au titre du contrat CA 93/22, soit un total de 46 000 euros, augmentés des intérêts légaux à compter de la date de la présente sentence et jusqu'à complet paiement.
11. La SCEA DU MONT HERON et Mme [C] ont introduit un recours en annulation de cette sentence devant la cour de céans par déclaration du 19 avril 2024.
12. La clôture a été prononcée le 14 janvier 2025 et l'affaire appelée à l'audience de plaidoiries du 20 février 2025.
II/ Prétentions des parties
13. Dans leurs dernières conclusions notifiées le 9 janvier 2025, les demanderesses demandent à la cour de :
- Déclarer recevable et bien fondé le recours en annulation de la SCEA DU MONT HERON et de Madame [X] [C] ;
- Déclarer que la clause compromissoire est inopposable à la SCEA DU MONT HERON et à Madame [X] [C] ;
- Déclarer que le tribunal arbitral s'est déclaré à tort compétent ;
- Déclarer également que le tribunal arbitral a été irrégulièrement constitué.
En conséquence,
- Prononcer l'annulation de la sentence arbitrale rendue le 19 mars 2024 et débouter la SAS STOPHYTRA de l'ensemble de ses demandes ;
- Débouter également la SAS STOPHYTRA de sa demande de renvoi devant la chambre arbitrale internationale de [Localité 6].
En tout état de cause,
- Déclarer que la SCEA DU MONT HERON et Madame [X] [C] ne sont pas engagées contractuellement avec la SAS STOPHYTRA ;
- Déclarer que la SAS STOPHYTRA n'a subi aucun préjudice.
En conséquence,
- Débouter la SAS STOPHYTRA de l'ensemble de ses demandes dirigées à l'encontre de SCEA DU MONT HERON et de Madame [X] [C] ;
- Condamner la SAS STOPHYTRA à régler à la SCEA DU MONT HERON et à Madame [X] [C] à chacune la somme de 20 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner la SAS STOPHYTRA aux dépens d'appel qui devront comprendre les frais de l'arbitrage.
14. Dans ses conclusions notifiées le 20 décembre 2024, la défenderesse demande à la cour de :
- Déclarer mal fondée la SCEA DU MONT HERON et [X] [C] en leur appel ;
- Débouter la SCEA DU MONT HERON et [X] [C] de leur recours en annulation et ce faisant le rejeter ;
- Confirmer que le tribunal arbitral était valablement saisi du litige entre d'une part la société STOPHYTRA et d'autre par la SCEA DU MONT HERON et [X] [C] ;
- Confirmer que leur condamnation solidaire sinon in solidum était valable du fait de l'unicité du litige ;
- Confirmer la sentence arbitrale n° 3388, rendue le 19 mars 2024, par la Chambre arbitrale internationale de [Localité 6] en toutes ses dispositions ;
- Conférer l'exequatur à la sentence arbitrale n° 3388, rendue le 19 mars 2024 rendue sous l'égide de Chambre arbitrale internationale de [Localité 6].
Y ajoutant,
- Condamner solidairement sinon in solidum [X] [C] et la SCEA DU MONT HERON à payer à la société par actions simplifiées STOPHYTRA la somme de 30.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, à hauteur de Cour.
Subsidiairement, si par l'impossible la Cour devait faire droit à l'annulation de la sentence arbitrale n° 3388 prononcée par la Chambre arbitrale internationale de [Localité 6],
- Renvoyer le litige entre la société STOPHYTRA et d'une part la SCEA DU MONT HERON et d'autre part [X] [C] devant la chambre arbitrale de [Localité 6], conformément notamment à l'article 31 du règlement de la chambre internationale de [Localité 6].
Très subsidiairement, si par l'impossible la Cour devait faire droit à l'annulation de la sentence arbitrale n° 3388 prononcée par la Chambre arbitral internationale de [Localité 6] et souhaitait juger le litige qui lui est soumis,
- Déclarer recevables les demandes introduites par la société par actions simplifiées STOPHYTRA.
- Constater l'existence du contrat CA 00016/22, entre la société par actions simplifiées STOPHYTRA et la SCEA DU MONT HERON ;
- Condamner la société SCEA DU MONT HERON à payer à la société par actions simplifiées STOPHYTRA la somme de 82.500,00 euros au titre du préjudice économique sur l'inexécution fautive du contrat BLE COMBO 210/245- 00016/2022, outre les intérêts au taux directeur de la BCE, majoré de 10 points, ou à défaut, au taux légal, et ce à compter de la décision de la chambre arbitrale à intervenir.
- Condamner la SCEA DU MONT HERON à payer à la société par actions simplifiées STOPHYTRA la somme de 5.000 euros au titre de dommages intérêts pour exécution déloyale du contrat BLE COMBO 210/245- 00016/2022.
- Constater l'existence du contrat CA 59/22, entre la société par actions simplifiées STOPHYTRA et la SCEA DU MONT HERON.
- Condamner la société SCEA DU MONT HERON à payer à la société par actions simplifiées STOPHYTRA la somme de 20.250,00 euros au titre du préjudice économique sur l'inexécution fautive du contrat PLANET CA 59/22, outre les intérêts au taux directeur de la BCE, majoré de 10 points, ou à défaut, au taux légal, et ce à compter de la décision de la chambre arbitrale à intervenir.
- Condamner la SCEA DU MONT HERON à payer à la société par actions simplifiées STOPHYTRA la somme de 5.000 euros au titre de dommages intérêts pour exécution déloyale du contrat PLANET CA 59/22.
- Constater l'existence du contrat CA 36/22, entre la société par actions simplifiées STOPHYTRA et la SCEA DU MONT HERON.
- Condamner la SCEA DU MONT HERON à payer à la société par actions simplifiées STOPHYTRA la somme de 36.000,00 euros au titre du préjudice économique sur l'inexécution fautive du contrat CA 36/22, outre les intérêts au taux directeur de la BCE, majoré de 10 points, ou à défaut, au taux légal, et ce à compter de la décision de la chambre arbitrale à intervenir.
- Condamner la société DU MONT HERON à payer à la société par actions simplifiées STOPHYTRA la somme de 5.000 euros au titre de dommages intérêts pour exécution déloyale du contrat PLANET CA 36/22.
- Constater l'existence du contrat CA 92/22, entre la société par actions simplifiées STOPHYTRA et la SCEA DU MONT HERON.
- Condamner la SCEA DU MONT HERON à payer à la société par actions simplifiées STOPHYTRA la somme de 23.000,00 euros au titre du préjudice économique sur l'inexécution fautive du contrat CA 92/22, outre les intérêts au taux directeur de la BCE, majoré de 10 points, ou à défaut, au taux légal, et ce à compter de la décision de la chambre arbitrale à intervenir.
- Condamner la SCEA DU MONT HERON à payer à la société par actions simplifiées STOPHYTRA la somme de 5.000 euros au titre de dommages intérêts pour exécution déloyale du contrat PLANET CA 92/22.
- Constater l'existence d'un contrat entre la société par actions simplifiées STOPHYTRA et [X] [C], ce qui concerne 300 T BLE COMBO 210/245- 00017/2022- COMBOS débouclé le 27/10/2021.
- Condamner [X] [C] à payer à la société par actions simplifiées STOPHYTRA la somme de 22.500,00 euros au titre du préjudice économique sur l'inexécution fautive du contrat portant sur les 300 T BLE COMBO 210/245- 00017/2022- COMBOS débouclé le 27/10/2021, outre les intérêts au taux directeur de la BCE, majoré de 10 points, ou à défaut, au taux légal, et ce à compter de la décision de la chambre arbitrale à intervenir.
- Condamner [X] [C] à payer à la société par actions simplifiées STOPHYTRA la somme de 5.000,00 euros au titre de dommages intérêts pour exécution déloyale du contrat portant les 300 T BLE COMBO 210/245- 00017/2022- COMBOS débouclé le 27/10/2021.
- Constater l'existence d'un contrat entre la société par actions simplifiées STOPHYTRA et [X] [C], ce qui concerne 100 tonnes orge brassicole PLANET- CA 93/22.
- Condamner [X] [C] à payer à la société par actions simplifiées STOPHYTRA la somme de 11.500,00 euros au titre du préjudice économique sur l'inexécution fautive du contrat portant sur les 100 tonnes orge brassicole PLANET- CA 93/22, outre les intérêts au taux directeur de la BCE, majoré de 10 points, ou à défaut, au taux légal, et ce à compter de la décision de la chambre arbitrale à intervenir.
- Condamner [X] [C] à payer à la société par actions simplifiées STOPHYTRA la somme de 5.000,00 euros au titre de dommages intérêts pour exécution déloyale du contrat portant les 100 tonnes orge brassicole PLANET- CA 93/22.
- Constater l'existence d'un contrat entre la société par actions simplifiées STOPHYTRA et [X] [C], ce qui concerne 100 tonnes blé matif décembre 22 à 200 euros/T- CA 35/22.
- Condamner [X] [C] à payer à la société par actions simplifiées STOPHYTRA la somme de 12.000,00 euros au titre du préjudice économique sur l'inexécution fautive du contrat portant sur les 100 tonnes blé matif décembre 22 à 200 euros/T- CA 35/22, outre les intérêts au taux directeur de la BCE, majoré de 10 points, ou à défaut, au taux légal, et ce à compter de la décision de la chambre arbitrale à intervenir.
- Condamner [X] [C] à payer à la société par actions simplifiées STOPHYTRA la somme de 5.000,00 euros au titre de dommages intérêts pour exécution déloyale du contrat portant les 100 tonnes blé matif décembre 22 à 200 euros/T- CA 35/22.
- Condamner solidairement sinon in solidum [X] [C] et la SCEA DU MONT HERON à payer à la société par actions simplifiées STOPHYTRA la somme de 30.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, à hauteur de Cour. Subsidiairement, et si la Cour ne devait pas retenir la solidarité de paiement de [X] [C] et la SCEA DU MONT HERON au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner [X] [C] à payer à la société par actions simplifiées STOPHYTRA la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- Condamner la SCEA DU MONT HERON à payer à la société par actions simplifiées STOPHYTRA la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- Condamner la SCEA DU MONT HERON et Madame [X] [C] aux entiers dépens dont le recouvrement sera poursuivi par la SELARL 2H AVOCATS, en la personne de Maître Audrey SCHWAB, en application des dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
Motifs
III/ Motifs de la décision
Les demanderesses au recours invoquent deux moyens d'annulation tirés de la compétence de la chambre arbitrale internationale de Paris, et de l'impartialité du tribunal arbitral.
1. Sur le moyen tiré de la compétence de la chambre arbitrale internationale de [Localité 6]
Enoncé des moyens des parties
15. Les demanderesses au recours soutiennent que :
- Il appartient à la SAS STOPHYTRA qui invoque l'existence d'une clause compromissoire de rapporter la preuve d'une part de la remise effective des contrats aux cocontractantes et d'autre part de l'acceptation des contrats et des conditions générales d'achat en produisant des contrats signés par le représentant de la SCEA DU MONT HERON et par Mme [X] [C]. Or, les contrats qui ont été versés aux débats par la SAS STOPHYTRA sont des photocopies, ne comportant aucune signature des demanderesses au recours, et il n'est pas justifié de leur remise, et partant, de la communication des conditions générales d'achat dont la défenderesse se prévaut.
- L'existence de relations antérieures entre les parties est inopérante puisque les contrats invoqués au soutien de cette affirmation, auxquels a fait référence le tribunal arbitral, datant de 2012 et de 2015, ne comportent pas leur signature. Il n'est pas plus justifié de leur remise effective, ni de la connaissance par les demanderesses au recours de leurs conditions générales.
- En outre, à ce dernier égard, la SAS STOPHYTRA a versé aux débats trois contrats d'achats douteux, en date du 18 janvier 2012 et du 29 juin 2021 s'agissant de commandes alléguées auprès de la SCEA DU MONT HERON, et en date du 29 juin 2021 s'agissant de Mme [C], faisant état de conditions générales d'achat postérieures à la date des contrats en cause, en se bornant à alléguer pour justifier de cette incohérence, du fonctionnement de son logiciel, lequel aurait pour conséquence de dater les conditions générales d'achat du jour de l'impression du contrat.
- La circonstance que le recours à un arbitrage est un usage " très largement répandu dans le commerce des céréales " est inopérante, en l'absence de clause compromissoire opposable aux demanderesses, étant relevé à titre d'exemple que la défenderesse travaille avec la société SOLAGRI, dont les conditions générales de vente ne mentionnent aucune clause compromissoire.
- La clause compromissoire invoquée ne figure pas sur le site internet de la SAS STOPHYTRA, comme cela résulte du procès-verbal de constat établi le 16 juillet 2024 versé au débat, de sorte que la SCEA DU MONT HERON et Mme [C] ne pouvaient connaître son existence.
- Les conditions générales d'achat versées sont illisibles pour être imprimées en caractères inférieurs au point Didot 8 soit des caractères de l'ordre de 3 mm.
16. La défenderesse réplique que :
- Comme l'a jugé la Cour de cassation dans un arrêt BOMAR OIL du 9 novembre 1993, dont la solution a été entendue par l'arrêt COISPLET du 21 janvier 1999 " en matière d'arbitrage interne la clause compromissoire par référence écrite à un document qui la contient est valable, à défaut de mention dans la convention principale, lorsque la partie à laquelle la clause est opposée, a eu connaissance de la teneur de ce document au moment de la conclusion du contrat, et qu'elle a, fût-ce par son silence, accepté l'incorporation du document au contrat ".
- Si l'article 1443 du Code de procédure civile exige que la clause compromissoire figure dans un document écrit, il ne régit ni la forme ni l'existence des stipulations qui, se référant à ce document, font la convention des parties.
- En l'espèce, comme l'a retenu le tribunal arbitral, l'ensemble des contrats versés se composent d'une part d'un accord sur la chose et le prix, d'autre part des conditions générales d'achat au verso, qui, si elles ont pu évoluer avec le temps ont toujours prévu le recours à l'arbitrage de la CAIP depuis 2012.
- En outre, la connaissance et l'acceptation de cette clause se déduit de la pratique habituelle des parties, lesquelles ont déjà contracté antérieurement, les contrats passés, qui ont fait l'objet d'échanges par courriers électroniques, faisant tous référence aux conditions générales d'achat, et donc à la clause compromissoire, comme l'a retenu le tribunal arbitral.
- L'article 33 des clauses RUFRA prévoit l'application d'une clause compromissoire devant la chambre arbitrale de [Localité 6] et il est de jurisprudence ancienne, que les règles et usages français pour le commerce des grains doivent être pris en compte dans le cadre des relations commerciales (Cass. civ. 12 juillet 1977, n°76-11.218). Il a déjà été jugé que le silence gardé quant à l'application des règles RUFRA, ne vaut pas incompétence de la Chambre arbitrale.
- En l'espèce, la SCEA DU MONT HERON et Madame [X] [C] ne peuvent soutenir ne pas avoir été informées ni avoir eu connaissance de la clause d'arbitrage figurant, plus généralement, dans les règles RUFRA qui régissent la profession, puisqu'elles exercent dans le domaine agricole depuis 2011 et 1996 respectivement.
- Les demanderesses au recours ne peuvent légitimement arguer du caractère illisible des conditions générales d'achat en faisant allusion au code de la consommation, alors d'une part qu'elles ne sauraient prétendre être consommatrices au sens de l'article liminaire du code de la consommation dans la mesure où il s'agit de professionnelles de l'agriculture et qu'elles ont agi dans le cadre de leur activité professionnelle, et d'autre part qu'il n'est pas question en l'espèce de contrats de crédit.
- Il s'ensuit qu'en " validant " les conditions générales d'achat et leur opposabilité aux demanderesses, le tribunal arbitral n'a fait qu'une juste application de l'article 1120 du code civil qui dispose que " Le silence ne vaut pas acceptation, à moins qu'il n'en résulte autrement de la loi, des usages, des relations d'affaires ou de circonstances particulières " et de la jurisprudence, confirmant qu'en matière commerciale le silence résulte des usages.
Appréciation de la cour :
17. L'article 1492, 1° du code de procédure civile dispose que le recours en annulation est ouvert si le tribunal arbitral s'est déclaré à tort compétent ou incompétent.
18. Il résulte de ce texte que, sans s'arrêter aux dénominations retenues par les arbitres ou proposées par les parties, le juge de l'annulation contrôle la décision du tribunal arbitral sur sa compétence, en recherchant tous les éléments de droit ou de fait permettant d'apprécier la portée de la convention d'arbitrage. Ce contrôle est exclusif de toute révision au fond de la sentence.
19. Selon l'article 1443 du code de procédure civile la convention d'arbitrage est, à peine de nullité, écrite. Elle peut résulter d'un échange d'écrits ou d'un document auquel il est fait référence dans la convention principale. Aux termes de l'article 1447 du code de procédure civile, la convention d'arbitrage est indépendante du contrat auquel elle se rapporte et elle n'est pas affectée par la seule inexistence de celui-ci.
20. L'article 2061 du code civil précise par ailleurs que la clause compromissoire doit avoir été acceptée par la partie à laquelle on l'oppose, à moins que celle-ci n'ait succédé aux droits et obligations de la partie qui l'a initialement acceptée. Lorsque l'une des parties n'a pas contracté dans le cadre de son activité professionnelle, la clause ne peut lui être opposée.
21. Il résulte de ces textes que si la clause compromissoire doit être écrite, son acceptation par les parties n'est quant à elle régie par aucune condition de forme spécifique et, que son existence ne dépend pas de la formation, de la validité ou de l'exécution du contrat principal litigieux.
22. En l'espèce, le tribunal arbitral a été saisi par la SAS STOPHYTRA sur le fondement de la clause compromissoire figurant à l'article 15 des conditions générales de vente des contrats qu'elle affirme avoir conclus avec les défenderesses, qui dispose que " Toute contestation survenant entre acheteur et vendeur ayant conclu le présent contrat, sera jugée en dernier ressort par arbitrage organisé par la Chambre Arbitrale Internationale de [Localité 6], [Adresse 4]), conformément au règlement de celle-ci que les parties déclarent connaître et accepter ".
23. Les contrats litigieux se présentent comme des confirmations d'achat, et comportent, en leur verso, les conditions générales d'achat faisant état en leur article 15 de la clause compromissoire susvisée.
24. Les contrats n° CA 35/22 (pièce 14 de la défenderesse), n° CA 36/22 (pièce 16 de la défenderesse), tous deux en date du 29 juin 2021, n° CA 59/22 en date du 28 juillet 2021 (pièce 18 de la défenderesse), n° CA 92/22 (pièce 26 de l'la défenderessee) et n° CA 93/22 en date du 17 août 2021(pièce 28 de la défenderesse) renvoient au recto au respect des conditions générales d'achat figurant en leur verso. Ils mentionnent également que " le contrat est conclu et définitif dès accord verbal entre les parties-selon les usages de la profession- sur la marchandise et le prix. Il est transmis par écrit pour confirmation par signature. Si la confirmation diffère de l'accord intervenu le vendeur peut la contester dans un délai de 24 h maximum suivant l'envoi de ce contrat. Toute contestation survenant entre acheteur et vendeur ayant conclu le présent contrat, même celle concernant son existence et sa validité, sera jugée en dernier ressort par arbitrage organisé par la Chambre Arbitrale de [Localité 6] ([Adresse 4]), conformément au règlement de celle-ci que les parties déclarent connaitre et accepter ".
25. Les contrats d'achat Combo 00016/2022 (pièce 20 de la défenderesse) et Combo 00017/2022 (pièce 23 de la défenderesse) datés du 23 août 2021 indiquent " conforme à notre accord téléphonique. Ce contrat est un simple formalisme et ne pourra être contesté. Conditions générales au verso ". Sont jointes à chacun de ces contrats des conditions générales d'achat datées du 21 juillet 2021.
26. Si les demanderesses au recours soutiennent dans leurs écritures qu'il n'est pas justifié de la communication de ces contrats et de leurs conditions générales de vente, elles n'ont toutefois d'abord pas contesté dans leur courrier recommandé en date du 4 novembre 2022 la réception de ces contrats, se bornant à indiquer que ceux-ci ne portent pas mention de leur signature (pièces 3 et 4).
27. La défenderesse justifie ensuite de l'envoi des confirmations d'achat 35/22 et 36/22 datées du 29 juin 2021 par courriels en date du 13 juillet 2021(pièce 15 et 17 de la défenderesse), de la confirmation d'achat 59/22 du 28 juillet 2021 par courriel en date du 30 juillet 2019 ( pièce 19 de la défenderesse), et des confirmations d'achat 92 /22 et 93/22 du 17 août 2021 par courriels en date du 18 août 2021 (pièces 27 et 29 de la défenderesse) adressés à la SCEA du MONT HERON, étant relevé que les demanderesses au recours ne formulent aucune observation particulière en réponse sur ce point dans leurs écritures, et qu'il ressort, par exemple, de courriels échangés entre les parties les 27 juillet 2022 et 5 septembre 2022 que les messages émanant de l'adresse courriel de la SCEA du MONT THERON se réfèrent tout à la fois à des commandes concernant la SCEA proprement dite, qu'à celles concernant Mme [X] [C], (pièces 41 et 42 de la défenderesse). Il est ainsi établi que les demanderesses ont bien été destinataires des confirmations d'achat litigieuses susvisées, ainsi que des conditions générales d'achat figurant à leur verso. A ce dernier égard, la circonstance que la date des conditions générales d'achat jointes par la défenderesse aux contrats 35/22 et 36/22 est postérieure d'un mois à la date du contrat est inopérante, d'une part en ce qu'il est justifié par la production d'une attestation du gérant de la société ANALYS informatique que la réédition d'un contrat à partir du logiciel utilisé intègre les derniers paramétrages d'édition et donc les dernières conditions générales d'achat en vigueur (pièce 50) et d'autre part en ce que la clause renvoyant à l'arbitrage de Chambre Arbitrale de [Localité 6] figure également en tout état de cause au recto desdits contrat.
28. S'agissant des confirmations d'achat Combo 00016/2022 et Combo 00017/2022 et de leurs conditions générales d'achat pour lesquelles aucun courriel d'envoi n'est en revanche versé par la défenderesse, il est justifié que celles-ci ont donné lieu à des opérations de crédit et de débit entre les parties (factures 10342 et 110343 pièces 23 à 25 de la défenderesse) de sorte que les demanderesses au recours ne sauraient pas plus affirmer qu'elles n'ont en pas eu connaissance.
29. Dès lors que la réception de ces confirmations d'achat, comportant une clause compromissoire directement rédigée en leur sein s'agissant des contrats n° CA 35/22, 36/22, 59/22 , 92/22 93/22 35/22, 36/22, et figurant également, pour tous les contrats, dans les conditions générales de vente au verso est justifiée, il est établi que la clause d'arbitrage a été stipulée par écrit, la circonstance que les confirmations d'achat n'aient pas été signées par la SCEA DU MONT HERON et Mme [X] [C] étant, contrairement à ce qu'elles allèguent, sans incidence sur la validité de la clause. Il en est de même de la circonstance que les conditions générales d'achat soient écrites en petit caractère, au demeurant parfaitement lisibles, dès lors que la clause a vocation à s'appliquer entre professionnels, et qu'aucune autre condition de forme que celle d'un écrit n'est exigée.
30. S'agissant de l'acceptation de la clause compromissoire, il ressort des confirmations d'achat et des extraits de compte afférents versés par la défenderesse (pièces 4 à 13 et 58 à 69) que la SCEA DU MONT HERON et Mme [X] [C] ont respectivement exécuté par le passé 6 contrats dont les confirmations d'achats sont comprises entre les dates du 18 janvier 2012 (CA n°279/12, pièces 4 et 60) et le 16 novembre 2021 CA n°368/21, pièces 32 et 63) et 6 contrats dont les confirmations d'achats sont comprises entre le 30 septembre 2015 (CA n° 590/15 pièces 6 et 64) et le 3 novembre 2020(CA n° 280/20, pièces 12 et 68).
31. Ces contrats, qui ne sont pas signés du représentant de la SCEA DU MONT HERON ou de Mme [X] [C] comportent la mention suivante " tout contrat non retourné et signé dans les 24 heures sera considéré comme accepté ainsi que les conditions générales d'achat au verso ". Ces dernières renvoient toutes à l'arbitrage de la Chambre Arbitrale Internationale de [Localité 6].
32. Les confirmations d'achat n° CA 279/12 (pièce 4 SCEA du MONT HERON) et n° CA 341/15 (pièce 5 Mme [C]) comportent en sus au recto une clause d'arbitrage strictement identique à celle figurant sur les confirmations d'achat litigieuses 35/22, 36/22, 59/22, 92/22, 93/22, 35/22, 36/22.
33. Il est ainsi établi que ces contrats ont été honorés sans avoir donné lieu à litige, et qu'ils ont été exécutés sans que ne soit soulevée par la SCEA du MONT HERON ou Mme [X] [C], une quelconque réserve ou une opposition quant à la stipulation de la clause compromissoire y figurant, en tout état de cause par renvoi aux conditions générales d'achat figurant au verso du contrat et, au surplus, s'agissant des confirmations d'achat n° CA 279/12 et n° CA 341/15 au recto des deux contrats susmentionnés.
34. Dans ce contexte, et contrairement à ce que soutient la SCEA du MONT HERON, la seule circonstance que les conditions générales d'achat attachées au contrat CA 279/12 en date du 18 janvier 2012, portent une date postérieure au contrat, soit le 1er février 2023, ce que la SAS STOPHYTRA explique encore par le fonctionnement du logiciel utilisé, ne saurait démontrer l'absence de connaissance par les demanderesses des conditions générales de vente renvoyant en cas de litige à la procédure d'arbitrage, étant relevé que ladite confirmation d'achat mentionne, en tout état de cause, au recto, une clause d'arbitrage renvoyant à la CAIP.
35. Il en résulte que l'existence d'une relation d'affaire habituelle et suivie entre les demanderesses au recours et la SAS STOPHYTRA est établie, et que cette relation contractuelle a été régie de façon constante par la même clause compromissoire figurant au recto des contrats et/ou par renvoi dans les conditions générales de vente figurant en leur verso. Il en découle que la preuve est apportée par la SAS STOPHYTRA de la parfaite connaissance et l'acceptation de la clause compromissoire par la SCEA DU MONT HERON et Mme [X] [C].
36. Il s'ensuit que le tribunal arbitral ne s'est pas déclaré compétent à tort et que le moyen doit être rejeté.
2. Sur le moyen tiré du défaut d'indépendance et d'impartialité de l'arbitre
Exposé des moyens des parties
37. Les demanderesses au recours soutiennent que :
- Elles ont découvert, après que la sentence ait été rendue, que l'une des arbitres, Mme [W] [M], était directrice juridique fiscalité et conformité du groupe INVIVO, lequel entretient des liens d'affaires étroits avec la SAS STOPHYTRA, celle-ci livrant le grain vendu à INVIVO. Elles affirment que si elles avaient eu connaissance de ces liens étroits, elles l'auraient récusée.
- Il appartenait en tout état de cause à l'arbitre de révéler l'existence de ces liens étroits de sorte que celle-ci a failli à sa déclaration d'indépendance conformément à la lettre de l'article 1456 du code de procédure civile.
- Elles ont douté à juste titre de l'indépendance et de l'impartialité de l'un des arbitres, puisque le tribunal a écarté le moyen qu'elles ont soulevé relatif à l'existence de pièces douteuses versées au débat et qu'il a statué en se fondant sur des pièces contestées.
- M. [N], qui ne dispose d'aucune connaissance juridique, et n'agissait que pour le compte de la SCEA DU MONT HERON, s'est uniquement ému, dans un courriel en date du 13 juillet 2023, de l'absence d'objectivité d'un arbitre travaillant par la société INVIVO de sorte que le moyen tiré du défaut d'indépendance et d'impartialité de l'arbitre peut être soulevé devant la cour. Il a par ailleurs toujours contesté la compétence du tribunal arbitral.
38. La défenderesse réplique que :
- L'obligation d'information de l'arbitre doit s'apprécier par rapport à la notoriété de la situation critiquée, de son lien avec le litige et de son influence sur le jugement de l'arbitre, sur le caractère notoire et au regard de la perception qu'en ont les parties et non en fonction de ce que l'arbitre lui-même en pense.
- Les parties ne peuvent pas se prévaloir de faits les faisant douter de l'indépendance et de l'impartialité de l'arbitre si elles ne les ont pas soulevés dans les délais du règlement d'arbitrage applicable, sans qu'aucune information complémentaire, autre que notoire, ait été découverte ou sans qu'il ressorte des éléments précis quant à la structure de la sentence ou de ses termes mêmes que l'attitude de l'arbitre a été partiale ou à tout le moins serait de nature à donner le sentiment qu'elle l'a été.
- Il a été jugé (cass. civ. 1ère, 7 juin 2023, n° 21-24.968) que selon l'article 1466 du Code de procédure civile, auquel renvoie l'article 1506, 3°, du même code, applicable à l'arbitrage international, que la partie qui, en connaissance de cause et sans motif légitime, s'abstient d'invoquer en temps utile une irrégularité devant le tribunal arbitral est réputée avoir renoncé à s'en prévaloir. Ainsi, le fait d'avoir demandé, à l'institution en charge de l'organisation de l'arbitrage, la récusation d'un arbitre en raison d'un prétendu défaut d'indépendance ou d'impartialité, ne constitue pas un motif légitime de ne pas invoquer, devant le tribunal arbitral, l'irrégularité de sa constitution pour la même raison.
- En l'espèce, la SCEA DU MONT HERON et Mme [C] disposaient de 15 jours à compter de la transmission par courrier le 2 juin 2023 de la composition du tribunal et de la déclaration d'indépendance des arbitres pour introduire leur demande de récusation. La SCEA du MONT HERON n'a jamais répondu à la sollicitation du tribunal, et les appelants n'ont jamais soulevé ce moyen devant la chambre arbitrale.
Appréciation de la cour
39. Selon l'article 1492 1° du code de procédure civile, le recours en annulation est ouvert si le tribunal arbitral a été irrégulièrement constitué.
40. Aux termes de l'article 1456, alinéa 2 du code de procédure civile, " Il appartient à l'arbitre, avant d'accepter sa mission, de révéler toute circonstance susceptible d'affecter son indépendance. Il lui est également fait obligation de révéler sans délai toute circonstance de même nature qui pourrait naître après l'accomplissement de sa mission ".
41. L'arbitre doit ainsi révéler aux parties toute circonstance de nature à affecter son jugement et à provoquer dans l'esprit des parties un doute raisonnable sur ses qualités d'impartialité et d'indépendance, qui sont l'essence même de la fonction arbitrale.
42. Le lien de confiance avec l'arbitre et les parties devant être préservé continûment, celles-ci doivent être informées pendant toute la durée de l'arbitrage des relations qui pourraient avoir à leurs yeux une incidence sur le jugement de l'arbitre et qui seraient de nature à affecter son indépendance.
43. Toutefois, en application de l'article 1466 du code de procédure civile, " la partie qui, en connaissance de cause et sans motif légitime, s'abstient d'invoquer en temps utile une irrégularité devant le tribunal arbitral est réputée avoir renoncé à s'en prévaloir ".
44. Les demanderesses au recours ne sauraient en premier lieu affirmer avoir découvert, à l'issue de la procédure arbitrale, la qualité de Mme [W] [M].
45. En effet, il ressort d'une part d'un courriel adressé le 13 juillet 2023 par M. [R] [N], gérant de la SCEA DU MONT HERON, à la Chambre Arbitrale que celui-ci s'est inquiété de l'objectivité de celle-ci, compte tenu de son activité professionnelle au sein de la société Invivo (pièce 51) en ces termes : " Par ailleurs, en faisant une recherche sur google il s'avère que Madame [W] [B] une des trois arbitres, travaille pour Invivo Société qui a des liens avec Stophytra. Quelle objectivité peut avoir cette personne ! ". D'autre part, comme cela résulte de ce message, la situation professionnelle de cette dernière est notoire, et ressort de la simple consultation de sites internet librement accessibles, permettant aux parties d'avoir connaissance du lien reproché.
46. En second lieu, la SAS STOPHYTRA relève à juste titre qu'il appartenait dans ce contexte à la SCEA du MONT HERON et à Mme [X] [C], qui ont été destinataires de la composition du Tribunal dès le 2 juin 2023, de saisir, dans le délai utile, soit 15 jours à compter de la notification de la déclaration de l'arbitre relative à son indépendance et son impartialité, ou dans les 15 jours suivant la date à laquelle elles ont été informées des faits ou circonstances qu'elles invoquent à l'appui de leur demande, la chambre arbitrale internationale de Paris d'une demande de récusation, comme le permet l'article 13.2 du Règlement d'Arbitrage de la Chambre (pièce 49.1de la défenderesse) .
47. Or, il est constant qu'aucune d'entre elles n'y a procédé et qu'il n'a pas plus été répondu au courrier en date du 1er août 2023 qui leur a été adressé par la Chambre Arbitrale, par lequel celle-ci invitait la SCEA du MONT HERON à " préciser, dans les meilleurs délais, si le courriel qui lui a été adressé constituait une demande de récusation ", étant relevé que, si M. [O] [N] n'est certes pas un professionnel du droit, il était, à cette date, assisté d'un conseil, lequel l'a représenté dans le cadre de la procédure arbitrale.
48. Il s'ensuit que les demanderesses au recours sont irrecevables à critiquer la sentence en reprochant à Mme [W] [M] un manquement à son obligation de révélation.
49. Enfin, le grief tiré de l'absence d'intérêt porté par le tribunal arbitral à la critique relative à l'authenticité de certains contrats communiqués est inopérant, en ce qu'il porte sur le contenu de la motivation de la sentence arbitrale qui échappe au contrôle du juge de l'annulation.
50. Le second moyen est en conséquence rejeté.
51. Le recours en annulation est rejeté.
52. Ce rejet confère l'exequatur à la sentence arbitrale rendue le 6 septembre 2023.
IV/ Sur les frais du procès
53. Echouant en leur recours en annulation, la SCEA DU MONT HERON et Mme [X] [C] sont condamnés, chacune par moitié, au paiement des dépens en application des articles 695 et 696 du code de procédure civile.
54. Pour ce motif, ils seront déboutés de leur demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamnés à verser, chacun, la somme de 9 000' à la SAS STOPHYTRA.
V/ Dispositif
Dispositif
Par ces motifs, la cour :
1) Rejette le recours en annulation formé par la SCEA du MONT HERON et Mme [X] [C] à l'encontre de la sentence arbitrale rendue le 6 septembre 2023 ;
2) Dit que ce rejet confère l'exequatur à la sentence arbitrale rendue le 6 septembre 2023 ;
3) Condamne la SCEA du MONT HERON et Mme [X] [C], chacune par moitié, aux dépens du recours en annulation ;
4) Condamne la SCEA du MONT HERON et Mme [X] [C] à payer, chacune, la somme de neuf mille euros 9000,00 ' à la société SAS STOPHYTRA en application de l'article 700 du code de procédure civile.
5) Déboute la SCEA du MONT HERON et Mme [X] [C] de leurs demandes formées au titre des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile ;
6) Déboute les parties de leurs autres demandes.