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Décisions

CA Paris, Pôle 1 ch. 1, 27 septembre 2016, n° 15/19083

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Défendeur :

Me Courtoux, Me Pierrel, MJA (SELAFA), EMJ (SELARL), GROUPE BERNARD T (SNC), SEL ABITOL (Sté), SCP BTSG (Sté), CDR CREANCES (SAS), BT GESTION (SNC), ALAINI COLAS TAHITI (Sté), Etablissement Public DE FINANCEMENT ET DE RESTRUCTURATION

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Birolleau

Conseillers :

Mme Guihal, Mme Gonand

Avoués :

Me Grapotte Benetrau, Me Etevenard, Me Olivier, Me Taze Bernard, Me BOCCON GIBOD

Avocats :

Me Gastaud, Me Petreschi

CA Paris n° 15/19083

26 septembre 2016

Par un arrêt du 17 février 2015, cette cour, saisie d'un recours en révision formé par la SAS CDR CREANCES et la SA CDR CONSORTIUM DE REALISATION (les sociétés CDR) à l'encontre des sentences prononcées le 7 juillet 2008 et le 27 novembre 2008 par le tribunal arbitral composé de MM. Mazeaud, président, Bredin et E., arbitres, a :

- mis hors de cause la SELAFA MJA, la SELARL EMJ et M. Didier COURTOUX, pris à titre personnel,

- constaté que la SELAFA M. et M. COURTOUX, attraits ès qualités de liquidateurs à la liquidation judiciaire des sociétés FINANCIERE ET IMMOBILIERE BERNARD T. (FIBT) et GROUPE BERNARD T. (GBT), n'avaient plus qualité pour les représenter,

- dit que l'arbitrage litigieux était interne et que le recours en révision relevait, dès lors, du pouvoir juridictionnel de la cour,

- déclaré régulière la citation introductive d'instance du 28 juin 2013,

- écarté le moyen tiré des dispositions de l'article 11 du code de procédure pénale,

- déclaré i rrecevable l ' intervention volontaire de l 'ETABLISSEMENT PUBLIC DE FINANCEMENT ET DE RESTRUCTURATION (EPFR),

- ordonné la rétractation de la sentence arbitrale du 7 juillet 2008 ainsi que des trois sentences du 27 novembre 2008 qui en sont la conséquence,

- enjoint aux parties de conclure sur le fond.

La rétractation était motivée par la circonstance que M. E., de connivence avec M. T. et les sociétés de son groupe, ainsi qu'avec leur conseil, avait surpris par fraude la décision du tribunal arbitral.

Par actes d'huissier du 24 septembre 2015, M. Pierre E. a assigné en tierce opposition les sociétés CDR, la SELAFA M. et Me COURTOUX, personnellement, la SELAFA MJA et la SELARL EMJ, ès qualités de mandataires judiciaires à la liquidation judiciaire de la SA ALAIN COLAS TAHITI (ACT), de la SNC BT GESTION, de M. Bernard T. et de Mme Dominique M. D., épouse T., ces deux personnes morales et ces deux personnes physiques à titre personnel, les sociétés FIBT et GBT, l'EPFR, ainsi que le procureur général près la cour d'appel de Paris.

Saisi par les sociétés CDR de conclusions tendant à voir déclarer irrecevable la tierce opposition, le conseiller de la mise en état, par une ordonnance du 31 mars 2016, s'est déclaré incompétent.

Par des conclusions signifiées le 6 juin 2016, M. E. demande à la cour de déclarer sa tierce opposition recevable, de rétracter l'arrêt en ce qu'il lui fait grief, de dire qu'aucun comportement frauduleux n'est établi à son encontre, de retirer de l'arrêt toutes mentions qui, de manière directe ou indirecte, retiendraient l'existence d'un comportement frauduleux à sa charge, et de condamner les sociétés CDR in solidum à lui payer la somme de 40.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur l'intérêt pour agir, M. E. fait valoir qu'il est caractérisé en l'espèce par le fait que la rétractation de la sentence ouvre la voie à une action en responsabilité civile à son encontre de la part de l'une ou l'autre partie.

En ce qui concerne la qualité pour agir, il expose, en premier lieu, que l'arrêt du 17 février 2015 est entaché d'excès de pouvoir pour avoir empiété sur les prérogatives du juge pénal, seul investi du pouvoir d'apprécier la culpabilité, et avoir ainsi porté atteinte à la présomption d'innocence, pour avoir fondé cette appréciation de culpabilité sur des pièces tirées du dossier d'instruction, en violation du principe de l'autorité du pénal sur le civil, et pour l'avoir déclaré coupable sans lui permettre d'exercer les droits de la défense. Le tiers opposant ajoute qu'il résulte de l'autonomie du régime des recours pour excès de pouvoir que le défaut de qualité ne peut être opposé à celui qui, ordinairement, n'aurait pas le droit d'agir; qu'en juger autrement méconnaîtrait l'article préliminaire § III du code de procédure pénale, ainsi que le droit à un recours effectif consacré tant par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, que par les articles 6 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, par l'article 8 de la Déclaration universelle des droits de l'homme et par l'article 14-1 du pacte international relatif aux droits civils et politiques. En second lieu, M. E. soutient que si un arbitre n'est pas recevable, en cette qualité, à contester un arrêt qui censure, pour une erreur de droit, la sentence à laquelle il a concouru, il l'est, en revanche, lorsque le comportement qui lui est reproché, présentant un caractère dolosif et participant d'une qualification pénale, le prive de son immunité juridictionnelle, analogue à celle d'un juge, de sorte que perdant son statut d'arbitre, il n'exerce la tierce opposition qu'en qualité de mis en examen dans un dossier pénal qui, selon l'arrêt entrepris, aurait concouru à des agissements frauduleux. M. E. ajoute que les sociétés CDR ne peuvent, sans se contredire à son détriment et enfreindre ainsi le principe de l'estoppel, lui opposer sa qualité de juge pour faire déclarer sa tierce opposition irrecevable et obtenir la saisie immobilière d'un bien lui appartenant au visa notamment de l'arrêt attaqué.

Sur le fond, le tiers opposant soutient que cet arrêt doit être rétracté, dans la mesure où l'arbitrage n'est entaché d'aucune irrégularité qui lui soit imputable. Il fait valoir :

- que l'arbitrage a été arrêté d'un commun accord entre les parties, par une convention à caractère transactionnel et compromissoire, en tenant compte d'un risque significatif de condamnation des sociétés CDR par la cour de renvoi après cassation, et que les parties étaient si peu assurées du sens de la sentence à venir qu'elles ont continué à négocier pendant la durée de l'instance arbitrale, de sorte qu'il ne saurait être soutenu que l'arbitrage procédait d'un simulacre;

- que les trois membres du tribunal arbitral ont également été désignés d'un commun accord entre les parties; qu'il s'agissait de personnalités éminentes dont chacune a forgé librement sa conviction au terme de huit mois de débats qui ont été menés avec autorité par le seul président; que la partie de la sentence relative au préjudice moral a été préparée par M. Bredin, et que lui même a été chargé de mettre le dossier en état sans que les notes qu'il a rédigées à cette fin manifestent une quelconque partialité;

- que contrairement à ce qu'énonce l'arrêt entrepris, il n'avait pas de relation de proximité avec Me Lantourne, le conseil de M. T., qu'en particulier, l'analyse de sa comptabilité de 1992 à 2013 ne révèle aucune facturation ayant un lien avec l'affaire correspondant au mémoire d'honoraires établi le 6 juillet 1999 par Me Lantourne;

- qu'il n'avait pas davantage de lien avec l'association des petits porteurs et qu'il s'est contenté de porter à la connaissance du président du tribunal arbitral le problème des actionnaires minoritaires de CEDP qui n'avaient pas été indemnisés dans le cadre d'une transaction avec le CDR;

- qu'il n'avait pas non plus de relation avec M. T. lui même, en particulier, que les coordonnées téléphoniques de celui ci ne figurent que sur son agenda 2010-2011, soit plus de trois ans après le commencement de l'arbitrage, et qu'il n'apparaît pas sur le relevé des appels téléphoniques de Bernard T.; qu'en ce qui concerne la dédicace de l'ouvrage de M. T., elle a été suggérée à celui ci par un tiers, Me Chouraqui, auquel M. E. s'était borné à indiquer dans une conversation informelle, que M. T. était en droit de bénéficier d'une confusion de peines dans les affaires de l'Olympique de Marseille; que, du reste, M. T. ignorait l'identité du dédicataire, ainsi qu'il l'a dit dans une conversation téléphonique enregistrée à son insu le 23 mai 2013 et versée tardivement au dossier d'instruction;

- qu'il y a bien eu un courant d'affaires entre M. E. et Me Chouraqui entre 1997 et 2006, mais que ces relations se sont amenuisées à partir de la fin de l'année 2004 pour devenir inexistantes au moment de l'arbitrage et au delà; que ces factures ne concernaient jamais des affaires mettant en cause M. T.; que Me Chouraqui n'était d'ailleurs pas l'avocat de M. T., mais celui d'André G. avec lequel M. T. voulait créer une joint venture en Malaisie, et que c'est à cette occasion que Me Chouraqui avait consulté M. E. sur la situation pénale de M. T.; enfin que si Me Chouraqui avait été l'avocat de l'association des petits porteurs, d'une part, il n'avait joué qu'un rôle secondaire dans leur défense, d'autre part, cette association n'avait pas les mêmes intérêts que M. T.;

- qu'en ce qui concerne ce que l'arrêt querellé qualifie d'actes préparatoires à l'arbitrage, le prétendu rendez vous que M. E. aurait eu avec Me Lantourne et M. T. le 30 août 2006 n'avait jamais eu lieu, et que l'envoi qui aurait été fait par Me Lantourne à M. E. en septembre 2006 de notes relatives à la cession d'Adidas n'était pas démontré, qu'au demeurant, la pratique des pourparlers préalables entre un arbitre et la partie qui souhaite le désigner, est conforme aux usages de l'arbitrage et ne méconnaît pas l'exigence d'indépendance et d'impartialité de l'arbitre;

- qu'en ce qui concerne la déclaration d'indépendance souscrite par les arbitres, en premier lieu, son étendue doit être relativisée dans la mesure où ils ont été tous trois désignés par l'ensemble des parties, en deuxième lieu, Me Bredin et M. Mazeaud n'ont pas fait état de liens avec des parties ou leurs conseils beaucoup plus étroits et anciens que ceux qui lui sont reprochés, en troisième lieu, l'état du droit à l'époque était moins rigoureux qu'aujourd'hui, en quatrième lieu, la non révélation n'est sanctionnée que si le fait sur lequel elle porte laisse supposer que l'indépendance de l'arbitre pourrait en être affectée, en cinquième lieu, c'est le caractère pécuniaire de la relation entre l'arbitre et une partie ou son conseil qui peut justifier une récusation et que de telles relations n'existent pas en l'espèce ni aucun lien de proximité.

M. E. ajoute que l'arrêt entrepris doit encore être rétracté pour avoir méconnu les principes essentiels au procès équitables garantis par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et notamment la présomption d'innocence et le principe du contradictoire.

Par des conclusions notifiées le 8 juin 2016, les sociétés CDR demandent à la cour, principalement, de déclarer la tierce opposition irrecevable et mal fondée et de condamner M. E. à payer à chacune d'elles la somme de 50.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, subsidiairement:

- de se déclarer compétente en qualifiant l'arbitrage d'interne,

- de déclarer recevable leur recours en révision contre les quatre sentences,

- de les rétracter,

- de déclarer irrecevables et mal fondées les demandes des autres parties,

- de les décharger des condamnations prononcées contre elles par les sentences,

- de faire droit à ses demandes dans le contentieux ACT,

- de condamner solidairement les liquidateurs judiciaires ès qualités, les sociétés GBT, FIBT, ACT et BT GESTION, ainsi que M. et Mme T. à leur restituer la somme de 404.623.082,54 euros, à leur rembourser les coûts de la procédure d'arbitrage et à leur payer à titre de dommages intérêts une somme égale aux intérêts au taux légal sur ces sommes, avec anatocisme, depuis le jour des paiements jusqu'à celui des remboursements,

- de condamner les mêmes solidairement à leur payer la somme de 1.000.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Les sociétés CDR font valoir qu'un arbitre n'a ni qualité, ni intérêt à recourir contre la décision qui rétracte une sentence à laquelle il a contribué, qu'au surplus, le dispositif de l'arrêt entrepris ne cause aucun préjudice à M. E. qui n'est pas recevable à exercer la tierce opposition pour en critiquer les motifs. Elles ajoutent que, contrairement à ce que prétend le tiers opposant, l'ordonnance de saisie du 2 février 2016 ne résulte pas d'une procédure de saisie immobilière qui aurait été diligentée contre lui sur le fondement de l'arrêt du 17 février 2015, mais a été rendue par les juges d'instruction sur le fondement des articles 706-141 et suivants du code de procédure pénale pour garantir l'exécution d'une peine complémentaire de confiscation qui serait susceptible d'être prononcée par le tribunal correctionnel.

Sur le fond les sociétés CDR soutiennent que l'arbitrage est entaché de fraude.

Par des conclusions notifiées le 31 mai 2016, la SELAFA MJA, prise en la personne de Me PIERREL, et la SELARL EMJ, prise en la personne de Me COURTOUX, ès qualités de mandataires judiciaires à la liquidation judiciaire d'ACT, de BT GESTION et de M. T., ainsi que la SELAFA M. et Me COURTOUX personnellement, demandent à la cour de mettre hors de cause ces deux derniers à titre personnel, de donner acte à la SELARL EMJ et à la SELAFA MJA qu'elles n'ont plus qualité pour représenter Mme MIALET D., épouse T., enfin, de leur donner acte qu'elles s'en rapportent sur la demande de tierce opposition formée par M. E..

Par actes d'huissier du 9 mai 2016, les sociétés CDR ont assigné afin d'intervention forcée la SEL ABITBOL, prise en la personne de Me ABITBOL, ès qualités d'administrateur judiciaire des sociétés GBT et FIBT, et la SCP BTSG, en la personne de Me GORRIAS, ès qualités de mandataire judiciaire des sociétés GBT et FIBT et leur ont notifié copie de l'arrêt de cette cour du 17 février 2015, ainsi que l'assignation aux fins de tierce opposition et les conclusions déposées par les parties.

Par des conclusions notifiées le 8 juin 2016, la SEL ABITBOL, prise en la personne de Me Frédéric ABITBOL, et la SCP BTSG, prise en la personne de Me Stéphane GORRIAS, agissant respectivement en qualité d'administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire de la SNC GBT demandent à la cour de leur donner acte qu'ils se sont constitués sur les assignations aux fins d'intervention forcée et s'en rapportent tant sur la recevabilité de ces assignations et le bien fondé des demandes y figurant, que sur la recevabilité et le bien fondé de la tierce opposition.

Par des conclusions signifiées le 16 février 2016 le ministère public demande à la cour de déclarer la tierce opposition de M. E. irrecevable pour être formée contre un arrêt qui censure une sentence rendue par le tribunal arbitral dont il était membre.

Le 1er mars 2016, les époux T., la SNC GBT et la SCI FIBT ont constitué avocat en la personne de Me Olivier, de la SCP Lagourgue et Olivier, mais n'ont pas conclu.

SUR QUOI :

Sur la recevabilité de la fin de non recevoir opposée par les sociétés CDR à la tierce opposition :

Considérant que M. E. soutient que les sociétés CDR ne peuvent, sans se contredire à son détriment et enfreindre ainsi le principe de l'estoppel, lui opposer sa qualité de juge pour faire déclarer sa tierce opposition irrecevable, et nier l'immunité attachée à cette qualité en poursuivant la saisie immobilière de l'un de ses biens, au visa notamment de l'arrêt attaqué;

Mais considérant que l'ordonnance de saisie pénale immobilière rendue le 2 février 2016 par les juges d'instruction dans l'information ouverte, notamment contre M. E., du chef d'abus de pouvoirs sociaux, recel, faux, détournement de fonds publics et escroquerie en bande organisée, n'est pas une mesure d'exécution pour le recouvrement d'une créance des sociétés CDR, mais une disposition prise sur le fondement de l'article 131-21 alinéa 3 du code pénal, et des articles 706-141 à 706-147 et 706-150 à 706-152 du code de procédure pénale, afin de garantir l'exécution de la peine complémentaire de confiscation;

Que le moyen manque donc en fait;

Sur la recevabilité de la tierce opposition :

Considérant qu'aux termes de l'article 582 du code de procédure civile: 'La tierce opposition tend à faire rétracter ou réformer un jugement au profit du tiers qui l'attaque. Elle remet en question relativement à son auteur les points jugés qu'elle critique, pour qu'il soit à nouveau statué en fait et en droit';

Considérant que M. E. a formé une tierce opposition à un arrêt du 17 février 2015 par lequel cette cour, saisie d'un recours en révision formé par les sociétés CDR à l'encontre des sentences prononcées le 7 juillet 2008 et le 27 novembre 2008 par le tribunal arbitral auquel il participait, en a ordonné la rétractation, au motif que la décision du tribunal avait été surprise par un concert frauduleux entre lui même et certaines parties, ainsi que leur conseil;

Considérant que nul ne peut être juge et partie; que l'arbitre exerce une fonction juridictionnelle, ce qui lui interdit de demander que lui soit déclarée inopposable la décision dont l'objet même était de censurer la sentence à laquelle il avait participé;

Considérant que pour soutenir que cette fin de non recevoir ne lui est pas opposable, M. E. fait valoir, en premier lieu, que l'arrêt entrepris est entaché d'excès de pouvoir pour empiéter sur les prérogatives du juge pénal, pour méconnaître l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil, et pour violer la présomption d'innocence ainsi que le principe de la contradiction; et 'qu'il résulte de l'autonomie du régime des recours mis en oeuvre pour excès de pouvoir que l'on ne peut opposer le défaut de qualité à celui qui ordinairement n'aurait pas été en droit d'agir';

Mais considérant que l'excès de pouvoir a pour effet de déroger aux règles qui interdisent ou diffèrent le recours contre certaines catégories de décisions, mais non pas d'écarter les conditions d'intérêt et de qualité pour agir inhérentes à l'exercice de toutes les voies de droit;

Considérant que M. E. soutient, en second lieu, que si un arbitre n'est pas recevable, en cette qualité, à contester un arrêt qui censure, pour une erreur de droit, la sentence à laquelle il a concouru, il l'est, en revanche, lorsque le comportement qui lui est reproché, présentant un caractère dolosif et participant d'une qualification pénale, le prive de son immunité juridictionnelle, analogue à celle d'un juge, de sorte que perdant son statut d'arbitre, il n'exerce la tierce opposition qu'en qualité de mis en examen dans un dossier pénal;

Mais considérant que la tierce opposition a pour objet de faire rétracter ou annuler le dispositif d'une décision de justice; que l'arrêt contesté rétracte la sentence sans prononcer aucune disposition à l'égard de M. E.; que le seul intérêt pour agir articulé par le tiers opposant en relation avec ce dispositif tient à ce que la rétractation ouvrirait la voie à une action en responsabilité civile qui pourrait être exercée contre lui par l'une ou l'autre partie à l'instance arbitrale;

Considérant que le principe suivant lequel celui qui exerce une fonction juridictionnelle ne peut contester l'arrêt qui censure la décision à laquelle il a participé s'applique y compris lorsque le vice entachant cette décision est susceptible de fonder une action en responsabilité civile, le tribunal éventuellement saisi d'une telle action appréciant la faute, le préjudice et le lien de causalité sans que puisse être opposée l'autorité de chose jugée par l'arrêt de censure, rendu sur un autre objet entre d'autres parties;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la tierce opposition, formée par une personne dépourvue de qualité pour l'exercer, est irrecevable;

Sur l'article 700 du code de procédure civile :

Considérant que M. E., qui succombe, ne saurait bénéficier des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et sera condamné, sur ce fondement, à payer aux sociétés CDR la somme globale de 40.000 euros;

Dispositif

PAR CES MOTIFS :

Déclare recevable la fin de non recevoir opposée par la SAS CDR CREANCES et la SA CDR CONSORTIUM DE REALISATION à la tierce opposition.

Déclare irrecevable la tierce opposition formée par M. Pierre E. contre l'arrêt rendu par cette cour le 17 février 2015 sur le recours en révision formé par la SAS CDR CREANCES et la SA CDR CONSORTIUM DE REALISATION à l'encontre des sentences prononcées le 7 juillet 2008 et le 27 novembre 2008 par le tribunal arbitral composé de MM. Mazeaud, président, Bredin et E., arbitres.

Condamne M. E. aux dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, et au paiement à la SAS CDR CREANCES et à la SA CDR CONSORTIUM DE REALISATION de la somme globale de 40.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

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