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Décisions

CA Paris, Pôle 1 ch. 1, 8 septembre 2015, n° 14/18468

PARIS

Arrêt

Autre

PARTIES

Demandeur :

APM Média (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M Acquaviva

Conseillers :

Mme Guihal, Mme Dallery

Avocats :

Me Couturier, Me Buisson, Me Luozier, Me Charent

CA Paris n° 14/18468

7 septembre 2015

Exposé des faits

Par contrat de travail à durée indéterminée à effet du 12 avril 2007, la société APM a embauché Monsieur Vincent R. en qualité de journaliste stagiaire au sein du service APM Santé.

Pour des raisons de restructuration, AMP MEDIA a supprimé en 2012 deux postes au sein de la rédaction AMP santé et a proposé à Monsieur R. occupant l'un des postes supprimés d'être affecté sur le poste libéré à la rédaction de APM Info par le départ d'un autre salarié prévu pour le 13 juin 2012.

Monsieur R. ayant contesté sa nouvelle affectation comme emportant selon lui modification unilatérale de son contrat de travail, il s'en est suivi une échange de courriels entre celui ci et sa direction.

Monsieur R. ayant maintenu ses objections, sa direction lui a enjoint par un courrier du 8 juin 2012, d'occuper à compter du 14 juin 2012. le poste libéré à la rédaction de Santé Infos, ce qui a été exécuté.

Par lettre remise en main propre le 14 juin 2012, la société ATM a convoqué Monsieur R. à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour faute grave prévu pour le 27 juin 2012.

Cette convocation était accompagnée d'une mise à pied à titre conservatoire en raison de la gravité des faits reprochés.

A l'issue de l'entretien préalable du 27 juin 2012, la société APM a notifié à Monsieur R. par une lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 5 juillet 2012 son licenciement pour faute grave pour avoir refusé la modification des conditions de travail.

En janvier 2013, Monsieur R. a saisi le Conseil des Prud'hommes, puis le 11 février 2013, la Commission arbitrale des journalistes qui par décision du 24 décembre 2013, après avoir considéré qu'il n'y avait pas de modification du contrat de travail mais un simple changement des conditions de travail, a jugé que la faute du salarié n'était pas grave et a condamné en conséquence la société ATM à payer à Monsieur R. la somme de 1.000 euros au titre de l'indemnité de licenciement des articles L.711-3 et L.711-4 du code du travail avec intérêts de droit au taux légal à compter de la connaissance par la société de la saisine de la commission arbitrale ainsi que 1.500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par une ordonnance du 22 janvier 2014, le Président de la Commission a, rectifiant l'erreur matérielle affectant le dispositif de la décision du 24 décembre 2013, substitué la mention Condamne la société APM à payer à Monsieur R. la somme de 1.000 euros au titre de l'indemnité de licenciement des articles L.7111-3 et L.7111-4 du code du travail avec intérêts de droit au taux légal à compter de la connaissance par la société de la saisine de la commission arbitrale ainsi que 1.500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile' la mention Condamne la société APM à payer à Monsieur R. la somme de 17.629,98 euros au titre de l'indemnité de licenciement des articles L.7111-3 et L.7111-4 du code du travail avec intérêts de droit au taux légal à compter de la connaissance par la société de la saisine de la commission arbitrale ainsi que 1.500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile'.

Par déclaration du 4 février 2014, la société APM a fait appel de la décision du 24 décembre 2013 rectifiée par ordonnance du 22 janvier 2014.

Cet appel a été déclaré irrecevable par ordonnance du conseiller de la mise en état du 16 octobre 2014.

Par déclarations du 9 puis du 11 septembre 2014, la société APM a formé un recours en annulation à l'encontre de la décision rendue par la commission arbitrale des journalistes le 24 décembre 2013 enregistrée auprès du tribunal de grande instance de Paris le 26 décembre 2014 sous le n°14/04449 et contre l'ordonnance de rectification d'une erreur matérielle du 22 janvier 2014 enregistrée auprès du tribunal de grande instance de Paris sous le n°14/00318.

Par une ordonnance du 16 octobre 2014, le Conseiller de la mise en état a ordonné la jonction de ces deux procédures.

Par conclusions signifiées le 3 décembre 2015 par le RPVA, la société APM demande à la cour de prononcer la nullité de la décision du 24 décembre 2013 ainsi que de l'ordonnance rectificative, de prononcer un sursis à statuer jusqu'à l'issue de la procédure prud'homale et à titre subsidiaire, de débouter Monsieur R. de l'ensemble de ses demandes, de le condamner au remboursement de la somme de 17.629,98 euros au titre de l'indemnité de licenciement et à payer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions récapitulatives signifiées le 29 avril 2015 par le RPVA, Monsieur R. demande à la cour de rejeter l'intégralité des demandes de la société APM, de la condamner à payer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens et à titre subsidiaire, de rejeter la demande de sursis à statuer, de constater l'absence de faute grave et de fixer l'indemnité de licenciement à la somme de 17.629,98 euros.

SUR QUOI,

- Sur le recours en annulation formé à l'encontre de la décision du 24 décembre 2013

- Sur le moyen unique d'annulation tiré du défaut de motivation (articles 1482 et 1483 du Code de procédure civile)

La société APM soutient que la sentence est dépourvue de motivation en ce qu'elle comporte par l'effet de l'utilisation par un simple copier coller d une autre sentence arbitrale, des phrases dénuées de sens comme ne pouvant s'appliquer à la situation particulière de Monsieur R..

Considérant qu'il résulte des dispositions combinées des articles 1482 et 1483 du Code de procédure civile que la sentence doit être, à peine de nullité, motivée;

Considérant que si le contenu de la motivation échappe au juge de l'annulation, il incombe à celui ci de vérifier que les arbitres ont mis les parties en mesure de connaître les éléments de fait et de droit sur lesquels ils se sont déterminés ;

qu'à cet égard, s'il est de fait que la décision du 24 décembre 2013 en son quatrième paragraphe en page 6 fait, par reproduction d'une formule type inadaptée, référence, pour fixer l'indemnité globale de licenciement due à Monsieur R., à des éléments d'appréciation inapplicables à l'intéressé, elle n'en satisfait pas moins à l'exigence de motivation dès lors qu'après avoir confronté les positions respectives des parties, elle énonce au terme d'une analyse en droit et en fait des termes du litige et après un examen précis des éléments contractuels, les raisons qui ont conduit la commission arbitrale à considérer que d'une part la Société APM n'a pas imposé à son salarié une modification de son contrat de travail mais un simple changement de ses conditions de travail d'autre part que le refus de l'accepter de Monsieur R. ne pouvait caractériser une faute grave et enfin rappelle l'ancienneté du salarié et son salaire de référence ;

que le moyen et le recours doivent être rejetés, ce qui rend sans objet la demande de sursis à statuer ;

- Sur le recours en annulation formé à l'encontre de la décision rectificative du 22 janvier 2014

La société APM reproche au président de la commission arbitrale de s'être rendu coupable d'un excès de pouvoir, pour avoir procédé seul à la rectification de la sentence rendue le 24 décembre 2013, sans que les parties en aient été préalablement avisées.

Considérant que sous couvert d'excès de pouvoir, la recourante fait en réalité grief au président de la commission arbitrale, d'avoir méconnu tout à la fois les dispositions de l'article 1492 4° du Code de procédure civile en n'observant pas le principe de la contradiction et les prescriptions de l'article 1492 5° du Code de procédure civile en signant seul la décision rectificative ;

Considérant que selon ce dernier texte, applicable en matière d'arbitrage interne, hors le cas de refus de signer de l'un des arbitres, mentionné par les autres, la sentence qui n'est pas signée par tous les arbitres doit être annulée, même en l'absence de grief ;

Considérant par ailleurs qu'aux termes de l'article 1485 du Code de procédure civile, la sentence dessaisit le tribunal arbitral de la contestation qu'elle tranche;

que toutefois, à la demande d'une partie, le tribunal arbitral peut réparer les erreurs ou omissions matérielles qui l'affectent, le tribunal statuant dans ce cas après avoir entendu les parties ou celles ci appelées ;

Considérant qu'en l'espèce, le président de la commission dont il n'est pas contesté qu'il s'est saisi d'office, a rendu seul l'ordonnance du 22 janvier 2014 rectifiant le dispositif de la décision du 24 décembre 2013 pour substituer à la somme de 1.000 euros allouée au titre de l'indemnité de licenciement des articles L.7111-3 et L.7111-4 du code du travail, celle de de 17.629,98 euros ;

que sans méconnaître le principe de la contradiction et l'étendue de ses pouvoirs, le président de la commission ne pouvait, en l'absence de saisine d'une partie à cette fin et en s'abstenant de réunir la commission et d'aviser les parties aux fins d'audition, procéder à une telle rectification en sorte que la décision rectificative du 22 janvier 2014 doit être annulée;

que c'est, en effet, inutilement que Monsieur R. prétend que le président de la commission arbitrale des journalistes trouverait un tel pouvoir dans les stipulations du règlement paritaire de la commission arbitrale signé le 30 juin 1992 dans la mesure où si, aux termes de l'article 3.2 le Président règle le déroulement des audiences et prend, plus généralement, toutes les mesures qui lui paraissent nécessaires', ce texte dont la portée est limitée à l'organisation et la conduite et des débats, n'apporte aucune dérogation aux régles énoncées à l'article 1485 du Code de procédure civile non

plus qu'aux dispositions de droit communs de l'article 462 du même Code ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1493 du Code de procédure civile, lorsque la juridiction annule la sentence arbitrale, elle statue sur le fond, dans la limite de la mission de l'arbitre, sauf volonté contraire des parties ;

qu'en l'espèce, contrairement à ce que soutient la société APM, la décision de la commission arbitrale des journalistes du 24 décembre 2013 est affectée dans son dispositif d'une simple erreur matérielle dès lors que dans les motifs, la commission après avoir rappelé l'ancienneté du salarié et son salaire de référence ainsi que les modalités de calcul prévues à l'article L. 7112-3 du Code du travail dont il n'est pas soutenu qu'elles auraient été méconnues, et écarté l'existence d'une faute grave qui seule pouvait l'autoriser à réduire l'indemnité légale, fixe expressément celle ci à 17.629,98 euros, outre intérêts ;

qu'il convient en conséquence de rectifier la décision du 24 décembre 2013 dans les termes énoncés au dispositif du présent arrêt ;

Considérant que la société APM qui succombe à titre principal doit être condamnée aux dépens sans pouvoir prétendre à une indemnité en application de l'article 700 du Code de procédure civile et sera condamnée sur ce même fondement au paiement d'une somme de 3.000 euros.

PAR CES MOTIFS,

Rejette le recours en annulation formée par la société APM MEDIA à l'encontre de la décision de la commission arbitrale des journalistes rendue le 24 décembre 2013 dans l'instance l'opposant à Monsieur Vincent R. ;

Annule la décision rectificative rendue le 22 janvier 2014 par le président de la commission arbitrale des journalistes ;

Statuant à nouveau,

Rectifie la décision de la commission arbitrale des journalistes rendue le 24 décembre 2013 dans l'instance opposant la société APM MEDIA à Monsieur Vincent R. en ce sens qu'à la mention figurant dans le dispositif en page 7 :

Condamne la société ATM à payer à Monsieur R. la somme de 1.000 euros au titre de l'indemnité de licenciement des articles L.7111-3 et L.7111-4 du code du travail avec intérêts de droit au taux légal à compter de la connaissance par la société de la saisine de la commission arbitrale ainsi que 1.500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile doit être substituée la mention :

Condamne la société ATM à payer à Monsieur R. la somme de 17.629,98 euros au titre de l'indemnité de licenciement des articles L.7111-3 et L.7111-4 du code du travail avec intérêts de droit au taux légal à compter de la connaissance par la société de la saisine de la commission arbitrale ainsi que 1.500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile'.

Ordonne la mention de la présente décision rectificative sur la minute et les expéditions de la décision du 24 décembre 2013 ;

Dit que le présent arrêt rectificatif sera notifié dans les mêmes conditions que la décision rectifiée.

Condamne la société APM MEDIA à payer à Monsieur Vincent R. la somme de 3.000 euros

en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Rejette toute autre demande.

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