Cass. 1re civ., 15 juin 1994, n° 92-15.098
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
DEGREMONT (Sté)
Défendeur :
communauté urbaine de Casablanca
Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :
Attendu que le marché de travaux conclu le 30 décembre 1970 entre la communauté urbaine de Casablanca et la société française Degremont contenait une clause stipulant qu'en cas de différend, les parties " rechercherait un accord dans la forme établie par le règlement de conciliation et d'arbitrage de la CCI " dont " les règles seront observées en cas de recours à l'assignation à un compromis d'arbitrage " ; que cette clause a été mise en oeuvre, le 16 janvier 1977, par la communauté de Casablanca ; que, par sentence rendue à Rabat, le 30 septembre 1987, le tribunal arbitral a condamné la société Degremont après avoir considéré que l'arbitrage n'était pas organisé par la cour d'arbitrage de la CCI dont le règlement ne servait qu'à titre d'inspiration, de sorte qu'il lui appartenait d'exercer les pouvoirs dévolus à cette institution par l'article 18 de son règlement, de prolonger le délai de 6 mois dans lequel la sentence devait être rendue ; que l'arrêt attaqué (Versailles, 24 janvier 1992) a refusé l'exequatur de cette sentence au motif que celle-ci avait été rendue dans des conditions contraires à l'ordre public international ;
Attendu qu'il est reproché à l'arrêt d'avoir ainsi statué alors, selon le moyen, d'une part, que la cour d'appel a fait une fausse application de l'article 1502.5°, du nouveau Code de procédure civile et des articles 16 et 22 de la convention franco-marocaine du 5 octobre 1957 en ne bornant pas son contrôle à la solution donnée au litige mais en l'étendant à la procédure suivie par les arbitres ; alors, d'autre part, que l'ordre public français n'exige pas que les pouvoirs des arbitres soient enfermés dans un délai de sorte qu'il ne fait pas obstacle à ce que les parties confèrent aux arbitres le pouvoir de proroger, sans limite, le délai initialement convenu ; alors, enfin, que la cour d'appel ne pouvait se borner à faire état du refus de la société Degremont, le 30 mars 1987, de reprendre la procédure sans rechercher si elle n'avait pas été suspendue, à l'origine, à l'initiative de cette société et donc par accord tacite des parties ;
Mais attendu, sur les deux premières branches du moyen, que le principe selon lequel le délai fixé par les parties, soit directement, soit par référence à un règlement d'arbitrage, et dans lequel les arbitres doivent accomplir leur mission, ne peut être prorogé par les arbitres eux-mêmes, traduit une exigence de l'ordre public aussi bien interne qu'international en ce qu'il est inhérent au caractère contractuel de l'arbitrage ; que, dès lors, la violation de ce principe constitue un cas de refus d'exequatur prévu tant par les conventions applicables en matière d'arbitrage entre la France et le Maroc que par l'article 1502.5°, du nouveau Code de procédure civile, textes qui donnent au juge le contrôle de l'ordre public à la fois de fond et de procédure ; que c'est donc, à juste titre, que la cour d'appel a décidé qu'en l'espèce, les arbitres, en s'attribuant un pouvoir qui n'appartenait qu'aux parties ou, à défaut, à un tiers préconstitué ou au juge étatique, avaient méconnu les exigences de l'ordre public international ;
Et attendu que le grief exprimé dans la troisième branche ne tend vainement qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine par laquelle la cour d'appel a relevé qu'à aucun moment, les parties n'avaient donné leur accord à une prolongation de ce délai ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.