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Décisions

CA Paris, Pôle 1 ch. 5, 18 octobre 2011, n° 11/14286

PARIS

Ordonnance

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Mambo Commodités (SAS)

Défendeur :

Société Compagnie Malienne Pour Le Développement Des Textiles (SAEM), Bamako - Mali

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Guyot

CA Paris n° 11/14286

17 octobre 2011

Exposé des faits

Vu la sentence arbitrale rendue le 30 juin 2011 par le Tribunal Arbitral du Havre statuant en amiable composition, qui a :

- condamné la société SAS MAMBO COMMODITIES (MAMBO) à payer à la COMPAGNIE MALIENNE POUR LE DÉVELOPPEMENT DES TEXTILES (CMDT) la somme de 1.952.000 € avec intérêts au taux légal français à compter de la sentence,

- débouté les parties de leurs plus amples demandes,

- laissé à chacune d'elles la charge des frais exposés pour sa défense ainsi que les frais d'exécution,

- dit que les frais et honoraires d'arbitrage liquidés à la somme de 86.250 € seront supportés par moitié par chacune des parties.

Vu le recours en annulation de cette sentence devant la cour d'appel de Paris, déposé le 28 juillet 2011 par MAMBO.

Vu l'assignation en référé délivrée par MAMBO à CMDT le 29 juillet 2011 aux fins de voir :

- à titre principal, ordonner le sursis à exécution de la sentence arbitrale,

- à titre subsidiaire, ordonner la constitution par CMDT d'une garantie financière, émise par une banque française, d'un montant égal à la condamnation prononcée à l'encontre de MAMBO afin de permettre à CMDT, le cas échéant, de répondre à toute demande de restitution ou réparations à l'issue du recours en annulation.

Vu les conclusions déposées le 16 septembre 2011 par CMDT, demandant :

- à titre principal, de débouter purement et simplement MAMBO de sa demande de suspension de l'exécution de la sentence arbitrale et de condamner MAMBO à lui payer la somme de 5.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- à titre subsidiaire, de lui donner acte de ce qu'elle est prête à remettre, en contrepartie de l'exécution par MAMBO de la sentence arbitrale, une caution solidaire de l'exécution par elle de son éventuelle obligation de rembourser à MAMBO toutes les sommes qui seraient mises à sa charge par toute décision judiciaire française définitive de recours en annulation à l'encontre de la sentence arbitrale, et ce jusqu'à concurrence du montant payé à CMDT en exécution de ladite sentence,

- de condamner MAMBO aux dépens du référé.

Vu les pièces produites, après avoir entendu, à l'audience du 20 septembre 2011, les conseils des parties, qui ont développé les moyens et prétentions contenus dans leurs écritures ;

Motifs

1 note en délibéré

Vu la note en délibéré en date du 7 octobre 2011, expressément autorisée lors de l'audience du 20 septembre 2011, adressée par le conseil de CMDT, contenant un projet de caution de la banque HSBC au profit de CMDT dans l'hypothèse d'un aménagement de l'exécution provisoire de la sentence arbitrale, et les observations sur cette note, également autorisées, adressées par le conseil de MAMBO le 13 octobre 2011 ;

SUR CE :

2 annulation de la sentence

Considérant qu'en vertu de l'article 1526 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n°2011-48 du 13 janvier 2011, applicable aux sentences arbitrales rendues après le 1er mai 2011, le recours en annulation formé contre la sentence et l'appel de l'ordonnance ayant ordonné l'exequatur ne sont pas suspensifs ; toutefois, le premier président statuant en référé ou, dès qu'il est saisi, le conseiller de la mise en état, peut arrêter ou aménager l'exécution de la sentence si cette exécution est susceptible de léser gravement les droits de l'une des parties ;

Qu'il convient de rappeler que le décret susvisé, portant réforme de l'arbitrage, a, en matière d'arbitrage international, inversé le principe antérieur, selon lequel le délai pour exercer le recours en annulation de la sentence arbitrale, comme le recours lui même, suspendaient l'exécution de la sentence ;

3 sentence

Considérant que, le principe étant désormais l'exécution immédiate de la sentence, l'arrêt ou l'aménagement de l'exécution doivent constituer l'exception, et se limiter aux cas où cette exécution est susceptible de léser gravement les droits de l'une des parties, expression différente de celle de conséquences manifestement excessives , applicable en droit commun, et conservée en matière d'arbitrage interne ;

Que l'atteinte grave aux droits d'une partie doit en conséquence s'apprécier plus strictement que le risque économique couru par le débiteur eu égard aux facultés de remboursement du créancier, ou les difficultés financières dans lesquelles il risquerait de se trouver du fait de l'exécution immédiate de la sentence ;

4 sentence arbitrale

Considérant que MAMBO ne fait état que de considérations à caractère économique, sans préciser en quoi l'exécution de la sentence arbitrale est susceptible de léser gravement ses droits ; qu'au demeurant, elle n'établit nullement que l'exécution de la sentence arbitrale serait de nature à mettre en péril sa trésorerie et risquerait de la placer dans une situation financière extrêmement difficile ; que, si l'examen de ses comptes sur les trois derniers exercices montre une diminution importante de son chiffre d'affaires pour l'exercice clos au 31 octobre 2009, il fait aussi apparaître une diminution corrélative de ses charges en achats de marchandises ; que ses disponibilités, d'un montant de 1.417.992 € au 31 octobre 2008 et de 534.049 € au 31 octobre 2009, sont remontées à 1.743.327 € au 31 octobre 2010, étant observé que son chiffre d'affaires a significativement remonté au cours de cet exercice et que celui ci se clôture avec un bénéfice de 883.396 € au lieu d'une perte de 1.428.144 € sur l'exercice précédent ; que, sur ses deux derniers exercices, le montant des créances qu'elle détient est supérieur à celui de ses dettes ; qu'enfin, aucun élément n'est fourni sur les résultats de l'exercice en cours, dont à la date de l'assignation, 9 mois sur 12 étaient déjà passés ;

5 banques

Considérant par ailleurs, qu'elle émet des doutes sur les facultés de remboursement de CMDT, aux motifs qu'il s'agit d'une société étrangère, ne résidant pas en France et n'y possédant aucun bien de nature à répondre à une éventuelle restitution, qu'elle subit des pertes financières importantes malgré le soutien que lui apportent le FMI et l'Etat malien, et qu'il semblerait qu elle n ait toujours pas réussi son processus de privatisation lancé depuis 2007 et qu'elle ait encore un endettement considérable auprès de l'Etat malien et auprès de ses banques et fournisseurs ;

6 société d économie mixte

Mais considérant que le fait que CMDT soit une société étrangère et ne possède pas de biens en France ne signifie pas, en soi, qu'elle serait dans l'incapacité de répondre à une éventuelle restitution ; que CMDT est une société d'économie mixte, détenue à 99,5 % par l'Etat malien, qu'il est dès lors normal qu'elle bénéficie d'aides de l'Etat ; que ces aides sont essentiellement constituées d'avances destinées à pré financer les campagnes de production du coton, et remboursées lors de la commercialisation de la production ; qu'elle bénéficie, en toute hypothèse, de la garantie de l'Etat malien ; qu'aucun élément n'établit qu'elle aurait été défaillante dans ses paiements auprès de ses fournisseurs ; qu'il convient de relever que les cours du coton, après une chute importante de septembre 2008 à mars 2009, n'ont cessé de croître depuis la fin de l'année 2009 (cf sentence arbitrale, page 3) et que cette conjoncture économique lui est donc favorable ;

7 exécution de la sentence arbitrale

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, MAMBO n'établissant pas que l'exécution de la sentence arbitrale serait susceptible de léser gravement ses droits, il n'y a lieu, ni d'arrêter cette exécution ni de l'aménager ; que les développements relatifs à la validité ou l'étendue du projet de caution communiqué par CMDT sont donc sans objet ;

8 dépens de l instance

Considérant que MAMBO qui succombe dans ses prétentions doit supporter les dépens de l'instance en référé ;

Considérant qu'il serait contraire à l'équité de laisser à CMDT la charge des frais non inclus dans les dépens ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS :

Rejetons la demande de la société SAS MAMBO COMMODITIES ;

Condamnons la société SAS MAMBO COMMODITIES aux dépens de l'instance en référé;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamnons à payer à la COMPAGNIE MALIENNE POUR LE DÉVELOPPEMENT DES TEXTILES la somme de 3.000 €.

ORDONNANCE rendue par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

La Greffière

La Présidente

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