CA Paris, Pôle 4 ch. 9, 9 octobre 2014, n° 12/18642
PARIS
Arrêt
Infirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Gimonet
Conseillers :
Mme Grasso, Mme Jeanjaquet
Avoués :
Me Ebstein, Me Cohen
Monsieur A. est propriétaire d'une maison sise [Adresse], mitoyenne de celle de M. Marc A. ;
En février 2009, sous l'effet de fortes rafales de vent, le mur de soutènement séparant les deux propriétés a été endommagé et une déclaration de sinistre a été faite auprès des assureurs de chaque propriétaire ;
L'assureur de monsieur A. a pris en charge l'indemnisation du sinistre, y compris la replantation d'une haie sur la propriété A., et a versé à son assuré la somme de 10 849,50 € ; ce dernier n'a pas effectué de travaux de remise en état ;
Par jugement du 25 juin 2012, le tribunal d'instance de Saint Maur des Fossés a :
- reçu M Erick A. en ses demandes, la sentence arbitrale dont se prévalait M Marc A. intéressant la matière pénale et étant étrangère au litige, de nature civile, dont il était saisi,
- ordonné à M. Marc A. de faire effectuer les travaux énumérés en page 5 du jugement acceptés par lui le 18 février 2010 et dont le coût a été pris en charge par son assureur qui lui a versé la somme de 10.849,50 € , dans un délai maximal de quatre mois à compter de la signification du jugement ;
- condamné M. Marc A. au paiement d'une astreinte de 100 € par jour de retard jusqu'au complet achèvement des travaux sans pouvoir dépasser la durée maximale de 120 jours, à défaut d'achèvement des travaux énumérés en page 5 du jugement dans un délai de quatre mois imparti ;
- précisé que, M. Marc A. étant le seul responsable du retard mis pour exécuter les travaux, il devrait assumer l'éventuel surcoût induit par l'écoulement du temps depuis qu'il a reçu l'indemnisation d'AXA ;
- condamné M. Marc A. à payer à M. Erick A. la somme de 1 000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et celle de 1 500 € euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;
- ordonné l'exécution provisoire ;
- débouté M. Erick A. de ses autres demandes ;
Monsieur Marc A. a interjeté appel de ce jugement et, par conclusions déposées le16 janvier 2013, a demandé à la cour :
- d'infirmer le jugement ;
Vu l'article 122 du CPC, l'article 1484 du code de procédure civile et la sentence de la chambre arbitrale rabbinique du 11 août 2011 ;
- de juger que le tribunal d'instance de Saint Maur des Fossés aurait dû déclarer irrecevables les mêmes demandes de monsieur A. en raison de la convention d'arbitrage signée par les parties le 30 mai 2011par laquelle elles ont décidé que le différend qui les oppose serait résolu par la médiation et, s'il y a lieu par l'arbitrage de la Chambre arbitrale rabbinique ;
- de juger en conséquence irrecevable la demande tendant à faire effectuer les travaux énumérés en page 5 du jugement ;
- de rejeter toutes demandes contraires ;
A titre subsidiaire :
- de rejeter la demande tendant à faire effectuer les travaux énumérés en page 5 du jugement dont monsieur A. a volontairement empêché la réalisation en interdisant l'accès de l'entrepreneur à sa propriété, et ce, par application de l'adage nemo auditur propriam turpitudinem allegans ;
- de rejeter toutes demandes contraires ;
- de juger qu'en tout état de cause la demande tendant à faire effectuer les travaux est devenue sans objet car la société mixte d'aménagement de Bonneuil sur Marne a demandé à effectuer les travaux en ses lieu et place ;
En tout état de cause :
- de condamner monsieur A. à lui rembourser la somme de 2 749,62 euros dont il s'est acquitté en exécution du jugement ;
de condamner monsieur A. à lui payer la somme de 3 500 euros sur le fondement de l article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens devant être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile du code de procédure civile
Monsieur Erick A. a demandé à la cour par, conclusions déposées le 15 avril 2014 :
- de confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;
- de déclarer la demande de monsieur A. bien fondée ;
- par conséquent, de débouter monsieur A. de toutes ses demandes ;
- de condamner monsieur A. à lui payer la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
SUR CE,
Considérant que monsieur A. soulève une fin de non recevoir tirée de l'engagement des parties exprimé le 20 mai 2011 de soumettre leur litige à l'examen d'une chambre arbitrale qui a rendu une sentence le 8 août suivant ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1446 du code de procédure civile, les parties peuvent compromettre même au cours d'une instance déjà engagée devant une juridiction ; que selon l'article 1484, la sentence arbitrale a, dès qu'elle est rendue, l'autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'elle tranche ;
Considérant que monsieur A. verse aux débats la convention signée le 30 mai 2011 par monsieur A. et lui même, rédigée comme suit :
CHAMBRE ARBITRALE RABBINIQUE
Objet de la demande : Litige à propos de travaux de voisinage et ses conséquences.
Les arbitres auront à résoudre les points suivants :
- restaurer auprès des parties les décisions des experts en assurance sur la tenue des travaux.
- écouter les différents existants sur la tenue des travaux et leur mode d'exécution.
- le cas échéant, imposer des délais d'exécution et des indemnités de retards éventuels.
- enfin, si nécessaire, après avoir écouté les parties, les arbitres se réservent la possibilité d'ordonner des réparations différentes à ce que les experts initialement acceptés avaient ordonnés.
La responsabilité· de la résolution du litige est confiée à :
Rav M. fils de Tsadok de la famille Gross ChUta
Et Rav C. fils de Itshak de fa famille Z.
Et Rav C. fils de Yosseph de la famille C. C.
La mission des arbitres est accordée par les parties pour une durée d'un an à partir de la date du présent compromis...' ;
Considérant qu'une telle convention s'analyse bien en un compromis d'arbitrage au sens de l'article 1442 du code de procédure civile ;
Considérant qu'est encore versée aux débats la sentence rendue par la Chambre Arbitrale Rabbinique [Adresse]' le 8 août 2011, laquelle est rédigée comme suit :
Se sont présentés le 26 Iyar 5771, Lundi 30 Mai 2011 devant la Chambre Arbitrale Rabbinique
- d'une part, les plaidants Monsieur Abou E. et son fils Monsieur Abou N.,
- d'autre part, le défenseur Monsieur A. Marc accompagné de son épouse Mme A. Rivka, afin de soumettre leur litige à propos du règlement de mur de Séparation de leur propriété respective.
Après acceptation de la compétence de la Chambre Arbitrale Rabbinique, de par la signature du compromis arbitral, et l'engagement par un acte d'acquisition, après l'exposé de leur différend, la Chambre Arbitrale Rabbinique prononce la sentence suivante:
A. Monsieur A. Marc a la charge de la réalisation de la construction du mur de séparation avec son voisin Monsieur Abou E..
B. Cette construction doit être réalisée suivant les avis transmis par l'expert de l'assurance.
C. De même, Monsieur A. Marc doit réparer les dégâts causés sur les plantations dans la propriété de son voisin Monsieur Abou E. suivant les avis transmis par l'expert de l'assurance.
D. Dans le ca's où Monsieur A. Marc préférerait que les réparations soient réalisées par une entreprise nommée par l'assurance directement, son choix pourra prévaloir.
Signature des arbitres :
Rav M. Gross Président, Rav C. Zafrani Arbitre, Rav C. C. Arbitre' ;
Considérant qu'il ressort de ces actes que les parties ont soumis à une procédure d'arbitrage le même litige que celui que monsieur A. a soumis au tribunal d'instance ; que monsieur A. ne conteste d'ailleurs pas être signataire du compromis d'arbitrage ;
Considérant que monsieur A. soutient que la sentence arbitrale ne lui est pas opposable parce qu'elle ne lui a jamais été signifiée, tant par les arbitres que par l'intimé, de sorte que le délai pour faire appel de cette décision court toujours, et parce que cette sentence arbitrale n'est pas signée par les arbitres ;
Qu'il fait valoir qu'en matière d'arbitrage interne, la sentence qui n'est pas signée par tous les arbitres doit être annulée, même en l'absence de grief ;
Mais considérant que la sentence arbitrale en cause est revêtue de l'autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'elle tranche dès avant toute signification ; qu'elle n'est donc pas inopposable à monsieur A. même si, en l'état, elle n'est pas susceptible d'exécution forcée ;
Que par ailleurs, outre que la traduction de la sentence rabbinique opérée par l'association C. A.R. Beth Din T. mentionne la signature des trois arbitres, la cour, saisie d'un appel contre le jugement du tribunal de grande instance de Saint Maur des Fossés, ne dispose du pouvoir d'apprécier une éventuelle nullité de la sentence arbitrale ;
Considérant, dès lors, qu'en raison de l'autorité de la chose jugée attachée à la sentence arbitrale du 8 août 2011, les demandes de monsieur A. tendant à faire trancher par le premier juge la même question relative à la réparation du mur de séparatif étaient irrecevables ; qu'il convient donc, en infirmant le jugement, de déclarer monsieur A. irrecevable en ses demandes ;
Considérant que monsieur A. demande à la cour de condamner monsieur A. à lui rembourser la somme de 2 749,62 euros dont il s'est acquitté en exécution du jugement ;
Que cependant, le présent arrêt, infirmatif sur ce point, constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement ; que les sommes devant être restituées portent intérêt au taux légal à compter de la signification, valant mise en demeure, de la décision ouvrant droit à restitution ;
Qu'il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu de statuer sur cette demande de monsieur A. ;
Dispositif
PAR CES MOTIFS
La cour
Infirme le jugement du 25 juin 2012 du tribunal d'instance de Saint Maur des Fossés en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau :
Déclare monsieur Erick A. irrecevable en ses demandes ;
Dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de restitution des sommes versées en vertu de l'exécution provisoire attachée au jugement déféré à la cour ;
Condamne monsieur Erick A. à payer à monsieur Marc A. la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel et dit que les dépens d'appel pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;