CA Paris, Pôle 1 ch. 1, 11 décembre 2012, n° 11/17477
PARIS
Arrêt
Autre
PARTIES
Défendeur :
Société Ba-Ra (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Acquaviva
Conseillers :
Mme Guihal, Mme Dallery
Avocats :
Me Bernabe, Me Goldengerg, Me Jean Alex BUCHINGER et RUBIN
Monsieur Gabriel P. a été embauché le 24 mars 2008 par la S. A.R. L. BA RA en qualité de surveillant rituel chargé d'apposer les scellés casher lors des opérations d'abattage.
Un litige étant survenu avec son employeur, Monsieur P. a pris acte le 25 juin 2010 de la rupture de son contrat de travail et a saisi le conseil des prud'hommes de Bobigny à l'effet d'obtenir paiement de différentes sommes.
Le 8 mars 2011, les parties ont signé un compromis d'arbitrage à l'effet de soumettre le litige à la Chambre arbitrale rabbinique. Un tribunal arbitral composé de Monsieur M., de Monsieur S. et de Monsieur Shimon S., arbitres a été constitué lequel a rendu une sentence à Paris le 14 mars 2011 aux termes de laquelle il a, en substance :
- considéré que Monsieur Raphaël B., conformément aux engagements mutuels acceptés par les parties, s'est acquittée des règlements de salaires au cours de la période de deux ans et demi ayant précédé le mois d'août 2010,
- considéré que le refus d'embauche de Monsieur P. par l'union rituelle de Lyon ne procédait pas d'une dénonciation de Monsieur Raphaël B. et rejeté en conséquence la demande d'indemnisation formée par celui ci,
- reconnu à Monsieur P. des qualités professionnelles éprouvées et notoires.
Ensuite de la requête en rectification d'erreur matérielle déposée par la S. A.R. L. BA Ra le 23 juin 2011, une sentence a été rendue le 18 juillet 2011 ordonnant la rectification de la sentence initiale du 14 mars 2011, la S. A.R. L. BA RA étant substituée à Monsieur Raphaël B., son gérant.
Monsieur P. a, par déclaration de son conseil du 28 septembre 2011, formé un recours en annulation à l'encontre de la sentence du 14 mars 2011 et de la sentence rectificative.
Vu les conclusions signifiées par Monsieur P. le 20 février 2012 tendant à l'annulation de la sentence rendue le 14 mars 2011 et à l'allocation d'une somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Vu les conclusions de la S. A.R. L. BA RA signifiées le 24 avril 2012 aux termes desquelles il est demandé à la cour de constater la validité de la sentence arbitrale et de condamner Monsieur P. au paiement d'une somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
SUR QUOI,
- Sur le moyen d'annulation de la sentence tiré du défaut des signatures des trois arbitres (article 1492 6° ancien du Code de procédure civile)
Le recourant soutient que la sentence est nulle pour ne porter la signature que d'un seul des arbitres.
Considérant qu'en l'espèce, le recours en annulation est dirigé tout à la fois à l'encontre de la sentence du 14 mars 2011 et de la sentence rectificative du 18 juillet 2011 ;
Considérant que s'agissant de la sentence rendue le 14 mars 2011 soit avant l'entrée en vigueur du décret du 13 janvier 2011, le moyen d'annulation invoqué par le recourant doit être examiné au regard des cas d'ouverture qu'énonce l'article 1484 ancien du Code de procédure civile dans sa rédaction issue du décret du 12 mai 1981 tandis que s'agissant de la sentence rendue après l'entrée en vigueur du dit décret, celui ci doit s'apprécier au regard des dispositions de l'article 1492 du Code de procédure civile.
Considérant qu'en application tant des articles 1480, 1473 et 1484 5° anciens du Code de procédure civile que des articles 1480, 1483 et 1492 5° du Code de procédure civile, en matière d'arbitrage interne, hors le cas de refus de signer de l'un des arbitres, mentionné par les autres, la sentence qui n'est pas signée par tous les arbitres doit être annulée, même en l'absence de grief.
Considérant que si l'examen de la sentence initiale du 14 mars 2011 permet de vérifier que celle ci porte la signature des trois arbitres composant le tribunal arbitral en sorte que le moyen d'annulation en tant que dirigé contre ladite sentence, manque en fait, en revanche, il est constant que la sentence rectificative du 18 juillet 2011 porte la seule signature de l'arbitre Chimon Charbit devant lequel les parties ont été appelées à comparaître sur la requête en rectification d'erreur matérielle déposée le 23 juin 2011 par la S. A.R. L. BA RA, ce qui constitue une contravention aux dispositions précitées qui imposent la signature des trois arbitres ;
Considérant à cet égard que c'est inutilement que la partie défenderesse fait valoir que devant la chambre arbitrale rabbinique, les requêtes en rectification d'erreur matérielle n'ont pas à être portées devant la juridiction ayant initialement statué et que selon son Règlement, un arbitre unique est habilité à se prononcer ;
Considérant en effet que si ledit Règlement autorise en son article 5, la chambre arbitrale dès lors qu'elle est saisie d'une demande d'arbitrage, à désigner un arbitre unique ou trois arbitres, selon la nature du différend qui lui est soumis, en revanche, il résulte des dispositions expresses de l'article 15 du dit Règlement que saisi par une des parties d'une demande de rectification d'erreur matérielle, c'est au tribunal arbitral tel qu'il avait été constitué, sauf si celui ci ne peut être réuni, au président de la chambre de nommer un nouveau collège, qu'il appartient de se prononcer.
Considérant que la sentence rectificative rendue le 18 juillet 2011 doit être annulée.
- Sur le moyen d'annulation de la sentence tiré du défaut de motivation (article 1484 5° ancien du Code de procédure civile )
Le recourant fait grief à la sentence d'un défaut de motivation au motif que si celle ci dit être fondée sur les préceptes de la Torah, ceux ci ne sont pas cités, que la référence aux conditions d'engagement mutuel acceptées entre les parties' pour justifier le rejet de la demande de paiement d'arriéré de salaires, n'est pas davantage explicitée et qu'enfin, la demande d'indemnité a été rejetée, la S. A.R. L. BA RA en étant tenue quitte après une appréciation dont les bases se veulent rester discrètes'.
Considérant qu'en application des articles 1471, 1473 et 1484 5° du Code de procédure civile, en matière d'arbitrage interne, la sentence qui n'est pas motivée doit être annulée, même en l'absence de grief.
Considérant que si le contenu de la motivation de la sentence échappe au juge de l'annulation, il incombe à celui ci de vérifier que les arbitres ont mis les parties en mesure de connaître les éléments de fait et de droit sur lesquels ils se sont déterminés ;
Considérant qu'en l'espèce, les parties ont, en signant le compromis par lequel elles ont choisi de soumettre leur différend à la chambre arbitrale rabbinique, adhéré par là au Règlement édicté par celle ci et accepté par suite de conférer au tribunal arbitral mission de statuer selon les principes du Choulhan Arourh ;
Considérant qu'alors que la sentence énonce que la cour rabbinique statue selon la loi de la Thorah, celle ci ne contient pour autant aucune mention des préceptes retenus le tribunal arbitral pour fonder sa décision en sorte que la seule référence aux conditions d engagement mutuel acceptées entre les parties' pour justifier le rejet de la demande de paiement d'arriéré de salaires, et à .. une appréciation dont les bases se veulent rester discrètes' pour tenir quitte la S. A.R. L. BA RA de la demande d'indemnité formée à son encontre par le requérant, ne répond pas à l'exigence de motivation imposée par les textes précités ;
Considérant que la sentence du 14 mars 2011 doit, dès lors, être annulée.
Considérant que lorsqu'elle annule la sentence arbitrale, la juridiction statue sur le fond, dans la limite de la mission de l'arbitre, sauf volonté contraire des parties.
Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 8 c) du Règlement de la Chambre arbitrale rabbinique auquel les parties ont accepté de se soumettre aux termes du compromis qu'elles ont signé que la désignation de la Chambre pour juger et trancher un litige implique que les parties renoncent à ce que la juridiction d'appel de droit commun, saisie d'un recours en annulation, statue sur le fond si la sentence émise par la Chambre Arbitrale Rabbinique en cause est annulée'.
Considérant qu'au regard de la volonté exprimée par les parties, il n'y a pas lieu, dès lors, de statuer sur le fond.
Considérant que rien ne justifie qu'il soit fait application au profit de l'une ou l'autre des parties, des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
Annule la sentence rendue à Paris le 14 mars 2011 par le tribunal arbitral composé de Monsieur M., de Monsieur S. et de Monsieur Shimon S., arbitres.
Annule la sentence rectificative rendue à Paris le 18 juillet 2011.
Dit n'y avoir lieu à statuer sur le fond.
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Condamne la S. A.R. L. BA RA aux dépens qui seront recouvrés selon les modalités prévues par l'article 1699 du Code de procédure civile.