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Décisions

CA Paris, 1re ch. C, 18 décembre 2008, n° 07/14342

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

AVELINES CONSEIL (S.A.R.L)

Défendeur :

M.M

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

PÉRIÉ

Conseillers :

MATET, BOZZI

Avoués :

SCP TAZE-BERNARD-BELFAYOL-BROQUET, SCP DUBOSCQ-PELLERIN

Avocats :

BERDOU, TROUVIN

CA Paris n° 07/14342

17 décembre 2008

Exposé des faits

Le 1er mars 2004, Jean M. a conclu avec la société AVELINES CONSEIL un contrat de présentation de sa clientèle d'expertise comptable.

A la suite de difficultés relatives au paiement du prix les parties ont mis en oeuvre la clause compromissoire prévue à l'article 12 du contrat.

Le tribunal arbitral composé de Didier Kling, président, Maurice D. et Edouard L., arbitres, a, pour l'essentiel :

- par sentence avant dire droit du 7 septembre 2006,

.décidé que la société AVELINES CONSEIL devra produire, au plus tard le 15 septembre 2006, une caution bancaire irrévocable d'un montant de 100.000 € garantissant à M. M. le paiement d'une condamnation éventuelle résultant de la sentence à intervenir au fond ;

.fait injonction à la société AVELINES CONSEIL de notifier au cabinet Briatte, au plus tard le 15 septembre 2006, son accord pour que le dépôt de garantie relatif aux locaux situés 50 rue de Montreuil à Paris 11ème soit remboursé directement entre les mains de M. M., soit 18.000 € .

-par sentence définitive du 28 novembre 2006, statuant comme amiable compositeur et en dernier ressort,

1.sur la demande principale :

.constaté que la garantie de clientèle prévue à l'article 8 du contrat a été respectée ;

.relevé que la présentation par M. M. a été limitée à un très faible nombre de clients, mais qu'il n'est pas établi de préjudice à raison de cette faute éventuelle ;

.estimé que les informations transmises à l'acquéreur et relatives à la rémunération de MM. D. et Bourgois ont été confuses ;

.décidé en conséquence que le coût supplémentaire supporté par l'acquéreur doit être indemnisé par le vendeur à hauteur de 61.638 € ;

.pris acte de l'accord des parties pour l'établissement du compte prorata et le

remboursement à M. M. de 17.383,44 € ;

.décidé qu'au vu des éléments nouveaux réunis au cours des débats, il y a lieu de revenir sur le dispositif prévu dans la sentence avant dire droit et de dire que la société AVELINES CONSEIL remboursera à M. M. le montant du dépôt de garantie, soit 18.000 € ;

2.sur les demandes reconventionnelles :

.constaté qu'aucun élément n'a été produit tendant à démontrer que les travaux relatifs au bilan de l'exercice 2003 et à la comptabilité du mois de janvier 2004 auraient excédé le cadre dans lequel les parties, professionnels expérimentés, ont conclu l'accord du 1er mars 2004 ;

.observé qu'il en a été de même des indemnités dues au départ à la retraite des salariés ;

.considéré que l'allocation de dommages-intérêts est d'autant moins fondée que la valeur attribuée à la clientèle est demeurée inchangée lorsque la société AVELINES CONSEIL a cédé, à son tour, le cabinet acquis précédemment auprès de M. M. ;

En conséquence a condamné la société AVELINES CONSEIL à payer à Jean M. 126.195 € net, a déclaré mal fondé le surplus des demandes, a fixé les honoraires des arbitres à 15.000 € HT par arbitres, a dit que les frais et honoraires seront supportés à égalité entre les parties et que chaque partie conservera à sa charge ses frais irrépétibles.

La société AVELINES CONSEIL a formé un recours en annulation contre ces sentences.

Au soutien de son recours elle fait valoir, au visa des articles 5, 1452,1460, 1464, 1474, 1484,1486 du CPC, 6.1 de la CEDH, quatre moyens d'annulation, la composition irrégulière du tribunal arbitral (article 1484 2° du CPC), la violation de règles d'ordre public (violation des droits de la défense et de l'obligation de rendre la justice) (article 1484 6° du CPC), l'expiration de la convention d'arbitrage (article 1484 1° du CPC) et le non respect de la mission conférée aux arbitres (article 1484 3° du CPC).

Elle prie la Cour dans ses conclusions du 24 septembre 2008 d'annuler les sentences et de condamner M. M. à lui payer 6.000 € au titre de l'article 700 du CPC.

M. M., par conclusions du 8 avril 2008, sollicite le rejet du recours et la condamnation de la société AVELINES CONSEIL à lui payer 5.000 € par application de l'article 700 du CPC.

Motifs

SUR QUOI,

Sur la composition irrégulière du tribunal arbitral (article 1484 2° du CPC) :

La société AVELINES CONSEIL fait valoir qu'il existe un lien entre l'arbitre Edouard L. désigné par M. M. et le conseil de ce dernier dans le cabinet duquel exerce la fille de M. L. et que ni M. L., ni M. M. n'ont informé les deux autres arbitres et la concluante de ce lien qui au contraire a été soigneusement caché et n'a été découvert que tardivement.

Considérant qu'il convient d'abord de souligner que la renonciation des parties stipulée dans l'article 1er de l'acte de mission à se prévaloir de tout moyen relatif à une quelconque irrégularité dans la désignation des arbitres doit être réputée non écrite en application de l'article 1484 alinéa 1er du CPC ;

Considérant que l'exercice des fonctions d'arbitre suppose un lien de confiance avec les parties qui doit être préservé pendant toute la durée de l'arbitrage ; qu'à cet égard l'arbitre a l'obligation d'informer les parties de tout fait ou de toute relation ne présentant pas un caractère notoire susceptible de troubler son indépendance d'esprit ou pouvant raisonnablement aux yeux des parties avoir une incidence sur son jugement, son impartialité ou son indépendance envers l'une ou l'autre de celles-ci ;

Qu'en l'espèce force est de constater qu'il n'a pas été satisfait à cette obligation d'information, la société AVELINES CONSEIL ayant été laissée dans l'ignorance du lien professionnel étroit existant entre la fille de l'un des arbitres, M. L., et le conseil de M. M. ;

Que le moyen doit donc être accueilli;

Sur l'expiration de la convention d'arbitrage (article 1484 1° du CPC):

La société AVELINES CONSEIL dit que les parties avaient convenu dans l'acte de mission que la sentence définitive serait prononcée au plus tard le 26 novembre 2006 sauf application de l'article 12 du contrat de cession de clientèle du 1er mars 2004 ou prorogation conventionnelle ou judiciaire des délais et que la sentence rendu le 28 novembre 2006 l'a donc été sur convention expirée.

M. M. reconnaissant que l'acte de mission se réfère à l'article 12 prévoyant la prise en compte pour le point de départ du délai de 6 mois de la date à laquelle M. Kling, président du tribunal arbitral désigné par les deux autres arbitres, a accepté le dernier sa mission, soit le 26 mai 2006, admet que la sentence a été prononcée deux jours trop tard mais, se référant à une jurisprudence admettant une grande souplesse dans le délai pour rendre la sentence arbitrale et considérant que la participation des trois arbitres à la première audience établit leur acceptation de la mission au plus tard à la date de cette audience, soutient que les parties s'étant réunies pour la première fois le 28 juin 2006 pour déterminer notamment le calendrier des opérations, le délai pour rendre la sentence expirerait le 28 décembre 2006. Il fait encore valoir qu'il y aurait eu prorogation tacite du délai dans la mesure où l'audience des plaidoiries s'est tenue le 9 octobre 2006, qu'à l'issue il a été fixé un nouveau délai de communication de pièces puis deux nouvelles audiences de plaidoirie, les 30 octobre et 7 novembre 2006, les parties ayant encore été invitées après cette dernière audience à justifier d'autres éléments non fournis par AVELINES CONSEIL dès lors mal fondée à se prévaloir d'un retard.

Considérant, toutefois, que les parties ont clairement exprimé, tant dans l'article 12 de la convention de cession Dans tous les cas, les arbitres rendront leur sentence dans le délai de six mois à compter du jour où le dernier arbitre aura accepté sa mission et sauf prorogation éventuelle dans les conditions prévues par la loi' que dans l'article 4 de l'acte de mission La sentence définitive sera prononcée au plus tard le 26 novembre 2006, sauf application de l'article 12 ou prorogation conventionnelle ou judiciaire des délais ainsi déterminés', leur volonté de voir rendre la sentence dans un délai précis ;

Qu'en l'espèce il n'est pas contesté que M. Kling a été le dernier arbitre à accepter sa mission, le 26 mai 2006 ; qu'au regard de l'article 12 de la convention de cession le délai de six mois pour rendre la sentence expirait donc le 26 novembre 2006;

Que c'est vainement que M. M. fait valoir que le point de départ du délai de six mois serait la première audience du 28 juin 2006 alors que les termes clairs de la convention désignent la date à laquelle le dernier arbitre aura accepté sa mission et non la première audience tenue par les arbitres, ce qui est parfaitement corroboré par l'article 4 de l'acte de mission qui prévoit que la sentence sera rendue le 26 novembre 2006, soit précisément six mois après l'acceptation de sa mission par le dernier arbitre ;

Que c'est tout aussi vainement que M. M. tire des atermoiements de fin d'arbitrage une prorogation tacite qui suppose la volonté des parties, certes tacite, mais claire de voir les délais d'arbitrage prorogés, ce qui ne peut résulter de la seule multiplication des audiences de plaidoiries ou de précisions demandées en dernière minute par le tribunal arbitral ;

Qu'ainsi la sentence arbitrale rendue le 28 novembre 2006, alors qu'elle devait l'être au plus tard le 26 novembre 2006, est rendue sur convention expirée ;

Que ce moyen est aussi accueilli ;

Considérant qu'il convient en conséquence, sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens du recours, d'annuler les sentences et, la société AVELINES CONSEIL demandant qu'il soit statué au fond en application de l'article 1485 du CPC, d'inviter les parties à conclure et de renvoyer à cette fin l'affaire à la mise en état, étant souligné que la Cour statuera en amiable compositeur conformément à la mission impartie aux arbitres, les demandes au titre de l'article 700 du CPC et les dépens étant réservés;

Dispositif

PAR CES MOTIFS:

ANNULE les sentences arbitrales rendue les 7 septembre et 28 novembre 2006 par Didier Kling, président, Maurice D. et Edouard L., arbitres;

INVITE les parties à conclure au fond;

RENVOIE l'affaire à la mise en état;

RÉSERVE les demandes au titre de l'article 700 du CPC et les dépens.

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