CA Paris, Pôle 1 ch. 1, 18 juin 2013, n° 12/00480
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Consorts P
Défendeur :
M. C, M. G, M. V, M. D
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
ACQUAVIVA
Conseillers :
GUIHAL, DALLERY
Avocats :
VIGNES, BADIER CHARPENTIER, BERNABE, MOULIN
Par un contrat du 10 février 2003, MM. Philippe C., Rodolphe V., Stéphane D., Nicolas G. et Pascal P. ont fixé les règles de fonctionnement de la société de fait au sein de laquelle ils exerçaient en commun leurs activités de vétérinaires.
Lors du décès de Pascal P., un différend est survenu entre ses héritiers, MM. Bruno et Marcel P., et ses associés relativement à l'évaluation de ses parts. A la suite du dépôt du rapport de l'expert judiciaire désigné en référé, les consorts P. ont mis en oeuvre la clause compromissoire stipulée par le contrat du 10 février 2003.
Par une sentence rendue à Paris le 6 décembre 2011, le tribunal arbitral ad hoc composé de MM. G. et MANGEMATIN, arbitres, et de M. KIEFFER, président, statuant en amiable composition, a, à la majorité :
- fixé la valeur des parts de Pascal P. à 242.018 euros après avoir appliqué une décote de 10 % sur la valeur de son droit de présentation à la clientèle, en considération de manquements à l'obligation de non concurrence stipulée par les statuts,
- constaté que la somme de 242.288 euros avait été versée,
- dit que les associés pouvaient disposer de l'appareil d'échographie,
- débouté les parties de leurs demandes de réparations financières.
Le 6 janvier 2012 les consorts P. ont formé un recours contre cette sentence. Par conclusions du 17 juillet 2012 ils demandent à la cour d'en prononcer l'annulation, de débouter les parties adverses de leurs demandes, de statuer sur le fond, et de leur allouer la somme de 20.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Ils font valoir que les arbitres ont méconnu leur mission, d'une part, en statuant sur une demande des associés relative à l'installation prétendument déloyale de consoeurs, imputée à Pascal P., alors que cette demande était sans rapport avec le litige, d'autre part, en dérogeant aux dates fixées par le calendrier de procédure pour les échanges de pièces et en rendant leur sentence après l'expiration du délai fixé par les parties. Ils invoquent, en outre, la violation du principe de la contradiction résultant de la transmission de pièces pendant le délibéré ainsi que de la réalisation par le tribunal arbitral d'investigations complémentaires à l'insu des parties. Enfin ils soutiennent que le président du tribunal arbitral a démontré sa partialité, d'une part, en effectuant de son propre chef des recherches sur une SCI créée par Pascal P. qui n'était pas mentionnée aux débats, d'autre part, en fournissant aux associés pour les besoins de la présente instance un justificatif postal et une attestation expliquant la teneur du délibéré.
Par des conclusions du 18 mai 2012, MM. C., V., D. et G. demandent à la cour, principalement, de rejeter le recours en annulation, et de condamner les consorts P. à leur payer 25.000 euros à titre de dommages intérêts pour procédure abusive, ainsi que 20.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, subsidiairement, si la sentence était annulée, de statuer sur le fond.
Ils soutiennent que la demande de réparation du préjudice causé par la concurrence déloyale entrait dans la mission du tribunal arbitral telle que libellée par le protocole de procédure, que le principe de la contradiction a été respecté dès lors que les pièces complémentaires produites après le dépôt des mémoires l'ont été à la demande des arbitres et ont été communiquées aux consorts P. qui ont pu y répondre, enfin que la circonstance que la sentence aurait été rendue deux semaines après l'expiration du délai fixé par le protocole de procédure n'est pas un motif d'annulation et ne cause, en outre, aucun grief aux recourants.
SUR QUOI :
Sur le moyen tiré de la méconnaissance par les arbitres de leur mission (article 1492 3° du code de procédure civile) :
Les recourants soutiennent que la sentence a été rendue postérieurement à l'expiration du délai qui avait été conventionnellement imparti aux arbitres pour statuer.
Les associés rétorquent que ce dépassement du délai d'arbitrage n'est pas une cause d'annulation de la sentence et, qu'en toute hypothèse, compte tenu de sa brièveté, il ne fait pas grief.
Considérant qu'il résulte de l'article 1463 du code de procédure civile que le délai légal ou conventionnel imparti aux arbitres pour rendre leur sentence peut être prorogé soit par accord des parties, soit à défaut par le juge d'appui; qu'il ne saurait l'être de la seule initiative des arbitres;
Considérant que par un acte dénommé protocole de procédure , signé par les parties et par les membres du tribunal arbitral, il a été stipulé que la sentence serait rendue et communiquée aux parties dans un délai de 4 mois à compter de la signature du protocole'; que la dernière signature ayant été apposée sur ce document le 21 juillet 2011, le délai expirait le 21 novembre 2011;
Considérant que la sentence a été rendue le 6 décembre 2011, sans qu'une prorogation du délai ait été consentie par les parties ou accordée judiciairement; que la seule circonstance que le 22 novembre 2011 M. Bruno P. ait, sur une demande formulée le 16 novembre par les arbitres après la clôture des débats, répondu que la SCI Les écureuils créée par Pascal P. n'avait jamais été propriétaire d'un bien immobilier, ne saurait s'analyser en une prorogation conventionnelle; que, dès lors, les consorts P. sont fondés à soutenir, sans avoir à justifier d'un grief, que les arbitres ont méconnu les termes de leur mission;
Considérant qu'il convient d'annuler la sentence, de réserver le surplus des demandes et les dépens et d'inviter les parties, en application de l'article 1493 du code de procédure civile, à conclure sur le fond;
PAR CES MOTIFS :
Annule la sentence rendue entre les parties le 6 décembre 2011.
Invite les parties à conclure sur le fond dans les limites de la mission impartie aux arbitres avant le 26 novembre 2013 à peine de radiation.
Renvoie l'affaire à l'audience de plaidoiries du 28 janvier 2014 à 14 h.
Réserve le surplus des demandes ainsi que les dépens.