Cass. 1re civ., 25 mai 2016, n° 14-20.532
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
NLMK (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Batut
Avocats :
SCP Bénabent et Jéhannin, SCP Ortscheidt
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 1er avril 2014), que M. X... a engagé une procédure d'arbitrage devant la chambre de commerce et d'industrie de la Fédération de Russie à l'encontre de la société Novolipetski Mettalurguicheski Kombinat (NLMK) à propos de la fixation du prix de cession d'actions ; que M. X... a demandé l'exequatur en France de la sentence rendue à son profit en Russie ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société NLMK fait grief à l'arrêt de confirmer l'ordonnance du 16 mai 2012 du président du tribunal de grande instance de Paris qui a conféré l'exequatur à la sentence rendue entre les parties le 31 mars 2011, alors, selon le moyen :
1°/ que dans ses dernières écritures, déposées et signifiées le 7 février 2014, la société NLMK a fait valoir qu'elle avait présenté sa demande de récusation du tribunal arbitral le 24 mars 2011, en se prévalant de ce que les arbitres l'avait privée du droit de faire valoir ses argument ; que de son côté, dans ses dernières écritures déposées et signifiées le 19 février 2014, M. X..., a lui-même relevé que la société NLMK avait formé une demande de récusation le 24 mars 2011 « avant que la sentence ne soit rendue » ; qu'ainsi, en affirmant que la société NLMK « a attendu le 30 mars 2011, c'est-à-dire le jour même où a été rendue la sentence, pour présenter à la CACI une requête en récusation, laquelle a été rejetée », pour en déduire qu'elle avait manqué à son obligation de loyauté procédurale et qu'elle n'était pas recevable à critiquer la sentence reprochant aux arbitres un manquement à leur obligation de révélation, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
2°/ que l'obligation qui pèse sur l'arbitre de révéler sans délai toute circonstance susceptible d'affecter son indépendance ou son impartialité qui pourrait naître après l'acception de sa mission doit s'apprécier, notamment, au regard de la notoriété de la situation critiquée ; que ne sont notoires que les seules circonstances auxquelles des diligences minimales des parties, dont on peut raisonnablement considérer qu'elles auraient dû être entreprises, auraient permis d'accéder ; qu'en estimant qu'étaient publics les liens entre M. Y..., qui a versé une consultation juridique au cours de l'instance arbitrale au profit de M. X..., et l'un des arbitres, M. Z..., tirés de qu'en sa qualité de recteur de l'Académie juridique d'Etat de l'Oural, le premier disposait sur le second d'un pouvoir de nomination et de révocation dans ses fonctions de directeur de l'Institut de droit des affaires au sein de cette académie, ainsi que d'un pouvoir d'influence dans la nomination de celui-ci en tant que directeur du département de droit des affaires, motifs pris que l'ensemble des titres et fonctions de l'arbitre Z... figuraient sur son curriculum vitae disponible auprès de la CACI et que les qualités de M. Y..., notamment celle de recteur de l'Académie juridique de l'Etat de l'Oural, étaient mentionnées sur la page internet de cette institution, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1520, 2°, du code de procédure civile ;
3°/ que l'arbitre supporte une obligation de révéler sans délai toute circonstance susceptible d'affecter son indépendance ou son impartialité qui pourrait naître après l'acception de sa mission ; que les parties ne supportent aucune obligation d'investigation permanente, tout au long de la procédure d'arbitrage, pour rechercher toute circonstance susceptible de naître au cours de celle-ci et d'affecter l'indépendance de l'arbitre ; qu'en se prononçant comme elle la fait, après avoir constaté que l'arbitrage avait été engagé au cours du mois de décembre 2009 et que ce n'est qu'au mois de juin 2010 que les consultations litigieuses avaient été produites par les experts de M. X..., de sorte qu'il n'appartenait pas à la société NLMK, à cette étape de la procédure arbitrale, de rechercher les éventuels liens pouvant exister entre ces experts et les arbitres, la cour d'appel a violé l'article 1520, 2°, du code de procédure civile ;
4°/ subsidiairement, qu'à supposer que l'obligation de loyauté procédurale supportée par les parties à l'arbitrage les oblige à effectuer des diligences pour déterminer s'il existe ou non des circonstances susceptibles d'affecter l'indépendance et l'impartialité de l'un ou l'autre des arbitres pouvant naître après l'acception de leur mission, c'est à la condition que leur attention soit préalablement attirée sur toute circonstance justifiant de telles investigations ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans constater qu'à la date à laquelle les consultations juridiques ont été produites, il existait de quelconques éléments susceptibles d'alerter la société NLMK sur l'existence d'éventuels liens entre l'un ou l'autre des experts de M. X... et à l'un ou l'autre des arbitres, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1520, 2°, du code de procédure civile ;
5°/ que l'obligation qui pèse sur l'arbitre de révéler sans délai toute circonstance susceptible d'affecter son indépendance ou son impartialité qui pourrait naître après l'acception de sa mission doit s'apprécier, notamment, au regard de la notoriété de la situation critiquée ; que ne sont notoires que les seules circonstances auxquelles des diligences minimales des parties, dont on peut raisonnablement considérer qu'elles auraient dû être entreprises, auraient permis d'accéder ; que dans ses dernières conclusions d'appel, la société NLMK faisait valoir que ce n'est qu'à l'examen des statuts de l'Institut d'Etat de droit de l'Académie russe des sciences qu'il pouvait apparaître que son directeur adjoint, M. A..., l'un des experts de M. X..., pouvait disposer d'un pouvoir hiérarchique sur M. B..., l'un des arbitres, lui-même directeur d'un département dédié à la recherche scientifique ; qu'en se prononçant comme elle l'a fait, motif pris « qu'il n'importe à cet égard que les statuts de cet organisme indiquant la nature et l'étendue précise des délégations susceptibles d'être consenties par le directeur à ses adjoints n'aient quant à eux pas été publics », la cour d'appel a violé l'article 1520, 2°, du code de procédure civile ;
Mais attendu, d'abord, que la première branche ne tend qu'à dénoncer une erreur purement matérielle qui a fait écrire une date pour une autre et qui n'a pas eu d'incidence sur la solution du litige ;
Attendu, ensuite, qu'après avoir relevé que la société NLMK pouvait, par une simple consultation de sites internet librement accessibles, connaître l'ensemble des relations dont elle faisait état entre les arbitres et les consultants, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée, en a souverainement déduit, sans inverser la charge de l'obligation de révélation, que la situation des arbitres incriminés était notoire ;
Attendu, enfin, qu'il ne résulte ni de l'arrêt, ni des pièces de la procédure, que la société NLMK ait soutenu devant la cour d'appel qu'il aurait existé, au moment où les consultations des experts-témoins ont été produites, des éléments de nature à l'alerter sur l'existence de liens entre ces experts et les arbitres ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le second moyen, ci-après annexé :
Attendu que la société NLMK fait le même grief à l'arrêt ;
Attendu que, sous le couvert d'un grief non fondé de défaut de réponse à conclusions, le moyen ne tend qu'à remettre en cause les appréciations souveraines par lesquelles la cour d'appel a estimé qu'il n'y avait pas eu fraude procédurale ; qu'il ne peut donc être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société NLMK aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à M. X... la somme de 5 000 euros ;