CA Paris, Pôle 1 ch. 1, 11 juin 2009, n° 08/02094
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Mme Karsen
Défendeur :
EVERSHEDS LLP (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Périé
Conseillers :
M. Matet, Mme Bozzi
Avoués :
Me Teytaud, SCP Duboscq - Pellerin
Avocats :
Me Paris, Me Bouazziz, SCP Bredin Prat
Mme Kristine KARSTEN avocate inscrite aux Barreaux de Paris et de New- York après avoir été associée du cabinet d'avocats ANDERSEN LEGAL a intégré en tant qu'associé en capital, equity partner, le cabinet FRERE CHOLMELEY le 6 janvier 2003 puis la société EVERSHEDS LLP, limited liability partnership de droit anglais, avec effet rétroactif à cette date. FRERE CHOLMELEY était à l'époque un general partnership de droit anglais dépourvu de personnalité juridique et est désormais une succursale d'EVERSHEDS LLP.
Suivant lettre du 28 février 2006, EVERSHEDS LLP et FRERE CHOLMELEY ont notifié à Mme Kristine KARSTEN son retrait forcé de chacune de ces structures à effet au 31 mai 2006. Le comité constitutionnel, une structure de conciliation au sein des cabinets, n'est pas parvenu à résoudre le conflit entre Mme Kristine KARSTEN et les cabinets.
Une clause compromissoire notamment en cas de litige entre un associé résident français et EVERSHEDS LLP est stipulée dans les statuts d'EVERSHEDS LLP, article 2 annexe 2, et dans ceux de FRERE CHOLMELEY, article 21.
Le 21 juillet 2006, Mme Kristine KARSTEN a saisi le Bâtonnier de Paris pour obtenir réparation des préjudices subis du fait de son exclusion. Suivant sentence du 20 décembre 2006, M.TEITGEN arbitre désigné par le Bâtonnier de Paris s'est déclaré incompétent, désignant comme juridiction compétente le tribunal arbitral visé par la clause compromissoire.
Les parties s'étant accordées sur la mise en place d'un arbitrage ad hoc régi par le règlement d'arbitrage de la CNUDCI, en lieu et place de l'arbitrage institutionnel sous l'égide de la London Court of International Arbitration prévu par défaut par les clauses compromissoires insérées dans les statuts de FRERE CHOLMELEY et EVERSHEDS LLP.
Suivant sentence rendue le 8 janvier 2008, le tribunal arbitral composé de MM.TEITGEN et B., arbitres et R., président, a :
- débouté Mme Kristine KARSTEN de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice économique et moral
- dit qu'elle a le droit de recevoir sa quote part renforcée de bénéfices telle que prévue par les Accords de Partnership, d'un montant de 467 944 livres (sous réserve de la seule déduction des montants payés pour son compte aux autorités fiscales compétentes au Royaume-Uni et en France, ces montants devant être justifiés par écrit à la demanderesse) et tous les autres montants spécifiquement prévus aux Accords de partnership pour les associés contraints de démissionner. La demanderesse a droit à l'indemnité due au titre de l'article 4 de l'annexe 2 des statuts de EVERSHEDS LLP en ce qui concerne les taxes (mais non les charges sociales) qui doivent être payées par elle à l'avenir aux autorités fiscales du Royaume Uni ou de France ou si elle n'arrive pas à recevoir une application rétroactive du rescrit fiscal du 31 juillet 2007 obtenu par FRERE CHOLMELEY à condition qu'elle coopère de manière raisonnable avec les cabinets pour tenter de minimiser ses obligations fiscales.
Mme Kristine KARSTEN a formé d'une part un appel de la sentence arbitrale, enrôlée sous le n°08/02094 et d'autre part un recours en annulation de la sentence, enrôlée sous le n° 08/04856.
Il convient de noter que toutes les parties ont conclu dans ces deux dossiers mais que leurs écritures respectives sont identiques mêlant arguments et moyens du recours et de l'appel.
Mme Kristine KARSTEN prie la Cour, à titre principal, d'infirmer la sentence et de dire que seul le droit français est applicable au litige, que EVERSHEDS LLP et les anciens associés de FRERE CHOLMELEY ont violé la procédure contractuelle de retrait forcé des statuts à son détriment, que EVERSHEDS LLP et les anciens associés de FRERE CHOLMELEY ont mis en oeuvre la procédure contractuelle d'exclusion en méconnaissance de leur devoir de bonne foi et de l'article 1 du règlement intérieur du Barreau de Paris, que les nombreuses fautes commises lui ont causé un préjudice.
Elle demande la condamnation :
- des anciens associés de FRERE CHOLMELEY, devenus associés de la succursale française d'EVERSHEDS LLP, soit Mme S., MM.BUNDY, D., M., MOIDREY, O., S., B., G., G., HUGUES et J. à lui payer :
- la quote part statutaire de résultat complémentaire, pour un montant de
60 861 € avec intérêts contractuels au 30 septembre 2006 avec capitalisation des intérêts en application des clauses statutaires
- la quote part de résultat non payé pour un montant de 106 937 € en application des déclarations fiscales de répartition des résultats de FRERE CHOLMELEY en France au titre des exercices 2003 et 2004, avec intérêts au taux légal, à compter du 31 décembre 2004 pour 74 959 € et du 31 décembre 2004 (et non 3004 comme écrit dans les conclusions) pour
31 878 €
- une indemnité contractuelle de 83 728 € compensant la différence entre les charges sociales anglaises et françaises pour les exercices 2003 à 2006 inclus ;
- de la société EVERSHEDS LLP à lui payer :
- en deniers ou quittances, la quote part statutaire de résultat complémentaire pour la contre-valeur en euros au taux de change du 30 septembre 2006, de la somme de 426 370 livres sterling, après déduction de la quote part de résultat complémentaire dû par les intimés, anciens associés de FRERE CHOLMELEY, avec intérêts contractuels au 30 septembre 2006 avec capitalisation des intérêts en application des clauses statutaires
- lui donner acte qu'elle a été remboursée du surcoût d'imposition au titre de l'exercice fiscal 2004 et qu'elle renonce à la demande de condamnation à ce titre de 191 357 € , sollicitant toutefois la condamnation des intimés à lui rembourser la somme de 20 000 € HT qu'elle a du débourser pour assurer la défense de ses intérêts, et partant, ceux des intimés
- la somme de 78 208 € correspondant aux charges sociales françaises payées par elle au titre de l'exercice 2004 sur les revenus perçus d'EVERSHEDS LLP Services Partnership, en application des stipulations conventionnelles
- solidairement des anciens associés de FRERE CHOLMELEY et EVERSHEDS LLP à lui payer :
- la somme de 600 000 € en réparation du préjudice matériel et celle de 500000 € en réparation de son préjudice moral,
Alternativement dans l'hypothèse où il serait jugé que le droit anglais est applicable, la condamnation
- solidairement d'EVERSHEDS LLP et des anciens associés de FRERE CHOLMELEY à lui payer :
- les sommes 600 000 € en réparation du préjudice économique subi pour perte de réputation et de clientèle et de 500 000 € en réparation de son préjudice moral
- la contre-valeur en euros au 30 septembre 2006, du paiement de la somme de 426 370 livres sterling, en réparation du préjudice résultant de la perte de chance de pouvoir bénéficier en cas de retrait forcé irrégulier de sa quote part de résultat complémentaire (au titre du loss of profits) indemnisable en droit anglais
- sa quote part ordinaire de résultat depuis le 1er août 2006 jusqu'à la date à laquelle la cour statuera sous déduction des montants payés depuis son départ des cabinets EVERSHEDS LLP et FRERE CHOLMELEY
- des anciens associés de FRERE CHOLMELEY à lui payer :
- la quote part de résultat non payé pour un montant de 106 937 € en application des déclarations fiscales de répartition des résultats de FRERE CHOLMELEY en France au titre des exercices 2003 et 2004, avec intérêts au taux légal, à compter du 31 décembre 2004 pour 74 959 € et du 31 décembre 2004 (et non 3004 comme écrit dans les conclusions) pour 31 878 €
- une indemnité contractuelle de 83 728 € compensant la différence entre les charges sociales anglaises et françaises pour les exercices 2003 à 2006 inclus, en application des stipulations conventionnelles
- d'EVERSHEDS LLP à lui payer
- la somme de 78 208 € correspondant aux charges sociales françaises payées par elle au titre de l'exercice 2004 sur les revenus perçus d'EVERSHEDS LLP Services Partnership, en application des stipulatiosn conventionnelles
- lui donner acte qu'elle a été remboursée du surcoût d'imposition au titre de l'exercice fiscal 2004 net qu'elle renonce à la demande de condamnation à ce titre de 191 357 € , sollicitant toutefois la condamnation des intimés à lui rembourser la somme de 20 000 € HT qu'elle a du débourser pour assurer la défense des ses intérêts, et partant, ceux des intimés
A titre subsidiaire, Mme Kristine KARSTEN prie la cour d'annuler la sentence si l'arbitrage est international. Enfin, elle sollicite la condamnation d'EVERSHEDS LLP et des anciens associés de FRERE CHOLMELEY solidairement au paiement de la somme de 150 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Mme Kristine KARSTEN dit que son appel est recevable car les parties n'ont pas renoncé à l'appel et que la sentence arbitrale a été rendue en matière interne.
Elle expose qu'elle n'a aucunement renoncé à la possibilité d'interjeter appel de la sentence et que le règlement CNUDCI que les parties sont convenues d'appliquer à l'arbitrage n'interdit pas de former appel à l'encontre de la sentence.
Elle soutient que l'arbitrage en cause est interne car il ne met pas en cause les intérêts du commerce international au sens de l'article 1492 du code de procédure civile. Elle explique que l'exercice de la profession d'avocat exclut toute activité commerciale, que le litige soumis au tribunal arbitral a porté sur les conditions de son exclusion de deux cabinets d'avocats, en tant qu'avocat résident français exerçant exclusivement à Paris, en contravention des règles statutaires et principes déontologiques du Barreau de Paris et en l'absence de toute bonne foi, et sur les conséquences financières de cette exclusion, ce qui ne met pas en jeu les intérêts du commerce international. Elle dit avoir été sleeping partner d'EVERSHEDS LLP, n'y avoir jamais exercé, fournissant ses prestations juridiques au travers du cabinet FRERE CHOLMELEY, inscrit à l'Ordre des Avocats à la Cour d'appel de Paris et n'exerçant qu'en France, et avoir sollicité la condamnation de tous les associés du cabinet FRERE CHOLMELEY composé pour moitié d'avocats résidents français et ajoute que les résultats de la structure FRERE CHOLMELEY devaient servir en priorité à rémunérer les associés français et que sa quote part de rémunération lui a été versée à partir d'un compte bancaire français.
Elle précise que les associés de FRERE CHOLMELEY qui ont revendiqué le caractère exclusivement civil de leur activité afin de pouvoir bénéficier du traitement fiscal favorable de la convention fiscale franco-britannique de limitation de double imposition ne peuvent, au nom de l'estoppel, prétendre que leur activité aurait un caractère commercial.
Sur le fond, elle articule que le droit français est applicable et non le droit anglais comme l'a jugé le tribunal arbitral.
Elle relève que l'acte de mission n'a pas mentionné le droit applicable à l'arbitrage et que le tribunal arbitral a fait une interprétation restrictive des statuts des cabinets d'avocats car les clauses qui soumettent les litiges à la loi anglaise alors que les contrats prévoient qu'aucune disposition n'exige qu'un résident français prenne une mesure violant les règles applicables à la profession d'avocat, ne sont pas conformes aux principes déontologiques de loyauté, de confraternité et de délicatesse prévus à l'article 1 du règlement intérieur du Barreau de Paris.
Elle dit que la responsabilité des intimés est établie du fait de la violation de la procédure contractuelle de retrait forcé en raison de l'absence de consultation préalable et de consultation dans un délai raisonnable, de la violation du devoir contractuel de bonne foi, de la nature discriminatoire de la décision d'exclusion à raison de son âge et de son sexe, du harcèlement moral dont elle a été l'objet et de la divulgation fautive de la décision de retrait forcé.
Elle soutient encore qu'en tout état de cause la responsabilité civile des intimés est également établie en application du droit anglais du fait de la violation des obligations conventionnelles relatives au retrait forcé et à l'absence de bonne foi.
Dans l'hypothèse où la cour considérerait que la sentence a été rendue en matière internationale, Mme Kristine KARSTEN dit que la sentence doit être annulée en raison de la violation par le tribunal arbitral de la mission qui lui a été conférée, les arbitres n'ayant pas motivé la sentence alors que la motivation est exigée par le règlement d'arbitrage de la CNUDCI. Elle explique avoir formé des demandes différentes à l'encontre des associées de FRERE CHOLMELEY d'une part et d'EVERSHEDS LLP d'autre part, en paiement du montant de la quote part statuaire de résultat complémentaire, mais que les arbitres ont, sans motiver la sentence, écarté sa demande visant à ventiler les sommes dues entre chacun des défendeurs alors que cela faisait partie de leur mission. Elle dit encore que les arbitres n'ont pas motivé leur rejet de sa prétention liée à une indemnité portant sur les charges sociales.
EVERSHEDS LLP et autres concluent à l'irrecevabilité de l'appel de Mme Kristine KARSTEN au motif que l'arbitrage a été rendu dans le cadre d'un arbitrage international et au rejet du recours en annulation qu'ils disent infondé. A titre subsidiaire, si l'arbitrage est interne, ils demandent de dire que Mme Kristine KARSTEN a renoncé à la faculté d'appel, que son appel est irrecevable et que son recours en annulation est infondé, et à titre infiniment subsidiaire, si l'arbitrage est interne de rejeter les demandes de dommages et intérêts et en paiement de Mme Kristine KARSTEN, d'indemnités pour surcoût de charges sociales et d'imposition et de frais de défense engagés pour solliciter le remboursement du surcoût d'imposition au titre de l'exercice fiscal 2004, et en toute hypothèse d'écarter des débats les pièces produites par Mme Kristine KARSTEN en anglais sans traduction française, de la condamner à payer 1 € symbolique de dommages et intérêts pour procédure abusive et 100 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'Ordre des Avocats au Barreau de Paris qui est intervenu volontairement, à l'instar d'un amicus curiae, demande que soit reconnue la qualité d arbitrage interne à l arbitrage intervenu entre une structure d'exercice établie à Paris et un de ses associés exerçant à Paris, à propos de l'exclusion de cet associé, et ceci quels que soient les éléments d'extranéité qui peuvent exister en l'espèce' et expose que l'intérêt à agir de l'Ordre réside dans sa volonté de voir reconnu un régime unique d'appel contre des sentences arbitrales relatives à la rupture d'un groupement d'exercice d'avocats, que la sentence ait été rendue par le Bâtonnier ou par des arbitres ad hoc'.
Sur ce, la Cour
Considérant que pour une bonne administration de la justice, il convient d'ordonner la jonction des procédures enrôlées sous les numéros 08/02094 et 08/04856 ;
Considérant que EVERSHEDS LLP et autres n'identifiant pas précisément les pièces adverses qu'ils
veulent voir écarter, il convient de rejeter cette demande ;
Sur la recevabilité de l'appel et du recours en annulation
Considérant que le régime, interne ou international, de l'arbitrage détermine notamment celui des voies de recours à l'égard des sentences ; que la qualification de l'arbitrage, et par suite la détermination des voies de recours, dont le caractère est impératif et non modifiable par la volonté des parties, régies par les articles 1484 du code de procédure civile pour les sentences internes et 1504 du code de procédure civile pour les sentences internationales rendues en France, sont fonction de la nature des relations économiques qui sont à l'origine du litige ;
Que pour définir l'arbitrage international, l'article 1492 du code de procédure civile adopte un critère exclusivement économique selon lequel il suffit que le litige soumis à l'arbitre porte sur une opération qui ne se dénoue pas économiquement dans un seul Etat ;
Considérant que pour soutenir que l'arbitrage est interne et que la seule voie de recours ouverte contre la sentence est l'appel, Mme Kristine KARSTEN prétend à tort opposer aux autres parties la règle de l'estoppel au motif qu'elles ont revendiqué le caractère non commercial de leurs activités afin de pouvoir bénéficier du traitement fiscal favorable de la Convention fiscale franco-britannique de limitation de double imposition alors que le régime des voies de recours contre les sentences n'étant pas à la disposition des parties dépend exclusivement, comme il a été déjà été dit, de la nature des relations économiques qui sont à l'origine du litige ;
Considérant qu'à cet égard, l'opération économique ne se réduit ni à la qualité des parties, fussent-ils avocats, ni à l'objet du contrat, le lieu d'exercice de la profession étant indifférent, ni au droit applicable ni à l'existence d'un acte de commerce au sens étroit et technique du droit interne français ;
Considérant qu'en l'espèce, le litige est lié au retrait forcé, et à ses conséquences financières, de Mme Kristine KARSTEN en tant qu'associée, statut qu'elle a acquis en intégrant les deux structures FRERE CHOLMELEY et EVERSHEDS, la qualité d'associé de l'une étant indissociablement liée à celle de l'autre, le même jour le 6 janvier 2003, que la recourante est devenue associée d'EVERSHEDS LLP en y faisant un apport en capital au moyen d'un prêt de 247 536 livres sterling souscrit auprès d'une banque anglaise, la BARCLAYS BANK PLC, que sa rémunération en tant qu'associée était déterminée sur la base des résultats consolidés des deux cabinets et payée, en ce qui la concerne, en partie par FRERE CHOLMELEY et en partie par EVERSHEDS LLP laquelle y procédait à partir d'un compte anglais, la circonstance que les fonds anglais aient transité sur un compte français avant d'être immédiatement distribués à Mme Kristine KARSTEN - ce que révèlent les relevés bancaires produits- ne réduisant pas la réalité de ce transfert international de fonds et que c'est parce que cette rémunération perçue d'EVERSHEDS LLP provenait du Royaume Uni, que la recourante procédait en Angleterre à la déclaration de ces revenus ; que, par suite, l'opération économique s'est bien dénouée économiquement dans plus d'un Etat de sorte que l'arbitrage mis en oeuvre à cette occasion a le caractère d'un arbitrage international ; qu'en conséquence, seul le recours en annulation de la sentence est recevable et il convient de déclarer l'appel de la sentence irrecevable ;
Sur le moyen unique d'annulation pris de la méconnaissance par les arbitres de la mission qui leur a été conférée (article 1502 3° du code de procédure civile)
Considérant que Mme Kristine KARSTEN soutient essentiellement que le tribunal arbitral a violé sa mission en s'abstenant de motiver sa sentence alors qu'il y était tenu en application de l'article 32 §3 du règlement d'arbitrage de la CNUDCI, au motif que les arbitres ont écarté sans motivation la demande de répartition entre EVERSHEDS LLP et les associés de FRERE CHOLMELEY de la somme qu'elle réclamait au titre de la quote part statuaire de résultat complémentaire ; qu'elle dit aussi que les arbitres n'ont pas motivé le rejet de sa prétention liée à une indemnité portant sur les charges sociales et que pour rejeter cette demande le tribunal a motivé sa sentence sur le seul fondement de l'article 4 de l'annexe 2 et de l'article 29 de l'annexe 3" sans faire référence aux articles 3.2.4 des statuts d'EVERSHEDS LLP et 5.6 des statuts de FRERE CHOLMELEY ;
Considérant d'une part qu'en critiquant l'absence de ventilation du montant de la quote part statutaire entre EVERSHEDS LLP et les associés de FRERE CHOLMELEY, Mme Kristine KARSTEN fait grief au tribunal arbitral d'avoir omis de statuer ce qui ne constitue pas une violation de la mission sanctionnée dans le cadre de l'article 1502 3° du code de procédure civile, l'infra petita pouvant être réparé par l'arbitre ;
Considérant d'autre part que dans le paragraphe de la sentence- selon sa traduction en français- indemnités fiscales et sociales , le tribunal arbitral en énonçant dans de longs développements sur deux pages, Le langage utilisé n indique nullement que cette indemnisation contractuelle était destinée à inclure les charges sociales. En France de telles charges sont imposées et recouvrées par une administration distincte de l'administration fiscale ; leur montant est déterminé sur la base des revenus, mais leur calcul et les exceptions différent de ceux appliqués par les autorités fiscales en matière d'impôt sur le revenu, et les paiements sont actuellement effectués sur la base d'un système qui n'est pas applicable pour les impôts sur le revenu... Le tribunal n'a reçu aucune preuve de ce que cette disposition relative à l'indemnisation ait été mise en oeuvre, dans le cas d'un quelconque associé en capital basé à Paris, de manière à inclure les charges sociales dans le calcul des taxes et aucun autre type de communication ou de pratique à cet égard n'a été porté à notre attention. En conséquence, le Tribunal décide que le mot taxe dans l'article 4 de l'annexe 2 et dans l'article 29 de l'Annexe 3 des statuts d'EVERSHEDS n'était destiné à inclure (et n'inclut donc pas) les charges sociales françaises ou anglaises' a bien motivé sa sentence ; que la recourante qui critique le bien ou le mal jugé des arbitres, tente d'obtenir une révision au fond de la sentence arbitrale interdite au juge de l'annulation ; que le moyen est donc infondé et partant le recours en annulation est rejeté ;
Considérant que EVERSHEDS LLP et les autres défendeurs au recours n'établissent pas de circonstances particulières ayant fait dégénérer en abus le droit de recours de Mme Kristine KARSTEN ; que la demande de dommages et intérêts à ce titre est donc rejetée ;
Considérant que l'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice d'EVERSHEDS LLP et des autres défendeurs au recours ;
Par ces motifs
Ordonne la jonction des procédures enrôlées sous les numéros 08/02094 et 08/04856,
Rejette la demande des recourants visant à écarter certaines pièces adverses,
Déclare irrecevable l'appel formé par Mme Kristine KARSTEN,
Rejette le recours en annulation de la sentence rendue le 8 janvier 2008,
Déboute EVERSHEDS LLP et les autres défendeurs de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Mme Kristine KARSTEN aux dépens et admet la SCP DUBOSCQ&PELLERIN, avoués, au bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.