Livv
Décisions

CA Paris, 1re ch. C, 9 octobre 2008, n° 07/14539

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

La Marocaine des Loisirs (Sté)

Défendeur :

France Quick (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Périé

Conseillers :

M. Matet, M. Bozzi

Avocats :

SCP Bernabe - Chardin - Cheviller, Me Lahnait, SCP Foucaud, Tchekhoff Pochet et Associés

CA Paris n° 07/14539

8 octobre 2008

Exposé des faits

La société FRANCE QUICK qui appartient à un groupe international spécialisé dans la restauration rapide exerce cette activité par le biais d'un réseau de franchise qu'elle a notamment développé au Maroc.

Suivant protocole d'accord du 27 mars 2001, elle a confié à la société La Marocaine de Loisirs (ci-après la société MDL), société de droit marocain, l'implantation et le développement de l'enseigne QUICK au Maroc, puis a conclu avec cette dernière deux contrats de franchise portant sur l'ouverture de deux restaurants respectivement à Casablanca et à Rabat.

La société FRANCE QUICK a notifié le 18 mars 2006 à la résiliation de plein droit des trois contrats. La société MDL la contestant a mis en oeuvre la clause compromissoire insérée aux trois contrats.

Le tribunal arbitral ad hoc composé de M.VUILLARD, président, M.M. M. et BENSOUDA, arbitres, a le 29 janvier 2007 rendu une sentence partielle et la Cour a, par arrêt du 28 février 2008, rejeté le recours en annulation de la sentence fait par la société MDL, laquelle a formé un pourvoi contre l'arrêt.

La société MDL a fait le 8 août 2007 un recours en annulation de la sentence finale du 9 juin 2007 rendue à Paris par le tribunal arbitral ad hoc composé identiquement de M.VUILLARD, président, M.M. M. et BENSOUDA, arbitres, qui :

Dit et juge

- que la société FRANCE QUICK ayant résilié à bon droit le Protocole d'accord du 27 mars 2001 et les contrats de franchise des 20 novembre 2002 et 17 février 2005 avec effet au 31 mai 2006, cette résiliation n'a pas pour la société FRANCE QUICK un caractère fautif

- que l'exploitation poursuivie par la société MDL au delà du 31 mai 2006 de ses restaurants de Rabat et Casablanca sous l'enseigne QUICK est illicite,

En conséquence

-condamne la société MDL à régler à la société FRANCE QUICK au titre des sommes impayées un montant total de 123 765,99 € avec intérêts su taux d'une fois et demi le taux d'intérêt légal français à compter du 11 mai 2007,

- condamne la société MDL à verser à la société FRANCE QUICK un montant total de 250 000 € à titre d'indemnité contractuelle de résiliation, lequel montant portera intérêt au taux légal en vigueur en France à compter le de la signification de la sentence,

-condamne la société MDL à régler à la société FRANCE QUICK la somme de 400 000 € à titrer de réparation du préjudice résultant de la poursuite illicite de l'exploitation des restaurants de la société MDL sous enseigne QUICK au delà du 31 mai 2006, laquelle somme portera intérêt au taux légal en vigueur en France à compter de la signification de la sentence,

- interdit à la société MDL de poursuivre l'exploitation sous enseigne QUICK des restaurants de Rabat et de Casablanca sous astreinte de 2000 € par jour de retard et par restaurant, laquelle pourra être liquidée per le juge de l'exécution,

- condamne la société MDL à supporter les frais et honoraires des arbitres et par voie de conséquence, à verser à la société FRANCE QUICK après compensation la somme de 115 476 € , laquelle portera intérêt au taux légal en vigueur en France à compter de la signification de la sentence,

- ordonne l'exécution provisoire de la sentence'.

La société MDL prie la Cour in limine litis de surseoir à statuer jusqu'à ce que la Cour de cassation rende son arrêt suite au pourvoi régularisé par elle à l'encontre de l'arrêt rendu par la Cour d'appel le 28 février 2008. A titre principal, elle sollicite l'annulation de la sentence sur le fondement de l'article 1502 du code de procédure civile au motif essentiellement que la sentence a été rendue sur le fondement d'un acte de mission nul, qu'elle ne respecte pas les droits de l'un de ses dirigeants, M.El KADIRI, que son exécution heurterait l'ordre public international français et que les agissements frauduleux de la société FRANCE QUICK ont trompé les arbitres.

Enfin, elle demande la condamnation de la société FRANCE QUICK au paiement de la somme de 10 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société FRANCE QUICK conclut au rejet de la demande de sursis à statuer et à celui du recours qu'elle dit non fondé. Elle réclame la condamnation de la société MDL au paiement des sommes de 50 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et de 10 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Motifs

Sur ce, la Cour

Sur le sursis à statuer

1 demande de sursis à statuer

Considérant que la société MDL ne soulevant aucun argument nouveau au regard de la cause déjà débattue dans le cadre du recours en annulation rejeté par la Cour par arrêt du 28 février 2008, la demande de sursis à statuer en raison du pourvoi formé contre cet arrêt est rejetée ;

Sur le recours en annulation

La société MDL articule que l'acte de mission, signé le 15 septembre 2006 et rédigé par M.VUILLARD, président du tribunal arbitral, M.BENSOUDA arbitre désigné par elle et M.KADI arbitre désigné par la société FRANCE QUICK est nul au motif que son consentement a été vicié lors de sa signature par une erreur sur l'indépendance et l'impartialité de M. K. qui était l'avocat de la société FRANCE QUICK en Algérie et qui a violé son obligation d'information en ne révélant que le 11 décembre 2006, sous la contrainte, ses liens avec cette société ; que son acceptation ultérieure de la désignation de M. M. pour le remplacer, ne purge pas ce vice du consentement dans la mesure où la validité de son consentement s'apprécie au moment de la formation du contrat. Elle ajoute que M.MATTEI a signé l'avenant à l'acte de mission acceptant de succéder à M.KADI, le 29 janvier 2007, et que la sentence partielle n'a pas été rendue postérieurement à sa désignation mais le même jour et conséquemment avec la participation de M. K.. Elle dit que la méconnaissance du principe de collégialité par les arbitres dès lors que M.MATTEI n'a pas participé à l'instruction puis au délibéré a rendu nulle la sentence partielle et affecte également la sentence du 9 juillet 2007 qui entérine la sentence du 29 janvier 2007.

Elle invoque ensuite une violation des droits de la défense et de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'Homme. Elle dit que les trois contrats objets de la résiliation ont été conclus entre trois parties et non deux, les arbitres ayant occulté le fait que M.EL KADIRI, dirigeant de la société MDL était le cocontractant essentiel de France QUICK, laquelle ne lui a adressé ni mise en demeure ni lettre de résiliation et a, par ses manoeuvres procédurales, dissimulé que ce dernier, bien que non partie à la procédure d'arbitrage est le troisième contractant des accords litigieux. Elle explique que l'absence de mise en demeure de M.EL KADIRI lui a causé un préjudice personnel puisque son cocontractant aurait pu remédier aux manquements formulés à son encontre par le franchiseur. Elle dit que le tribunal arbitral ne pouvait déclarer effective et non abusive une résiliation non signifiée à M.EL KADIRI sans que ce dernier puisse faire état de ses moyens de défense et qu'il n'était pas dans la mission du tribunal arbitral de statuer sur ses droits en sa qualité de franchisé QUICK. Elle dit que la sentence viole de façon flagrante, effective et concrète l'ordre public international en consacrant une résiliation non effective car non signifiée à M.EL KADIRI et en méconnaissant ses droits.

Elle dénonce enfin les agissements frauduleux de la société FRANCE QUICK, ayant produit de faux documents (plaintes de MM. B. et A., plainte calomnieuse de M et Mme C., relevé comptable frauduleux) afin de tromper la religion du tribunal arbitral, qui constituent une cause d'annulation. Elle précise que ces faits ont donné lieu au dépôt de plaintes pénales au Maroc.

2 validité de la convention d arbitrage

Considérant que le recours en annulation n'est ouvert que dans les seuls cas limitativement énumérées à l'article 1502 du code de procédure civile ; qu'aucun de ces cas d'ouverture n'envisage la nullité de l'acte de mission, dont il n'est pas prétendu par la société MDL qu'il serait en réalité la convention d'arbitrage, les liens contractuels établis avec M. K., démissionnaire de ses fonctions le 20 décembre 2006, étant une question différente de celle de la validité de la convention d'arbitrage

3 tribunal arbitral

; que la société MDL ne tire pas d'autres conclusions du fait que la sentence partielle ait été rendue par un tribunal arbitral comprenant un arbitre, M. M., dont la désignation est devenue effective le jour où la sentence a été rendue et qu'elle n'établit pas en quoi la méconnaissance alléguée par elle du principe de collégialité de l'instruction et du délibéré par le tribunal arbitral pour rendre sa sentence du partielle du 29 janvier 2007 affecterait la sentence finale du 9 juillet 2007 rendue par un tribunal arbitral composé notamment de M.MATTEI, arbitre désigné six mois plus tôt, aux termes d'un raisonnement et d'une motivation dont rien ne permet de dire qu'elle se borne à entériner la sentence partielle ;

4 règle de l estoppel

Considérant que la société MDL est irrecevable, en vertu de la règle de l'estoppel, à venir solliciter devant la Cour l'annulation de la sentence en raison de la méconnaissance du principe de collégialité et de la nullité de l'acte de mission alors qu'elle a elle-même saisi le tribunal arbitral en vertu de la clause compromissoire, a signé l'avenant à l'acte de mission par acte du 29 janvier 2007 remplaçant M.KADI par M.MATTEI, et a participé à l'arbitrage ;

5 violation de l ordre public

Considérant qu'enfin, la société MDL n'établit aucune violation de l'ordre public international de procédure avec des reproches concernant le jeu de la clause résolutoire des trois contrats à l'initiative de la société France Quick en mars 2006, lesquels touchent au fond dont le juge de l'annulation ne peut connaître ; qu'au demeurant, la sentence n'a prononcé aucune mesure à titre personnel contre M.EL KADIRI ;

6 violation de l ordre public

Considérant que ni les plaintes déposées auprès des autorités de poursuite marocaines concernant la dénonciation de la mauvaise qualité des produits et des prestations des restaurants Quick au Maroc ni l'arrêté de comptes produit par la société France Quick dans la procédure arbitrale ni enfin la plainte déposée par la société MDL le 1er août 2008 contre la société FRANCE QUICK pour délit d'inexécution du contrat et escroquerie ne permettent de conclure à la violation de l'ordre public international français de procédure ;

Que, par suite, le recours en annulation est rejeté ;

7 dommages et intérêts pour procédure abusive

Sur les dommages et intérêts pour procédure abusive, les frais et dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

8 frais et honoraires d arbitrage

Considérant que la société France Quick n'établit pas l'existence de circonstances particulières ayant fait dégénérer en abus le recours de la société MDL ; que sa demande de dommages et intérêts à ce titre est rejetée ;

Que le tribunal arbitral ayant déjà condamné la société MDL à supporter les frais et honoraires des arbitres et, par voie de conséquence, à verser à la société FRANCE QUICK après compensation la somme de 115 476 € , laquelle portera intérêt au taux légal en vigueur en France à compter de la signification de la sentence sur les frais et honoraires d'arbitrage, la demande de la société FRANCE QUICK tendant à dire que l'intégralité des frais et honoraires d'arbitrage sera laissée à la charge de l'autre société est sans objet dès lors que le recours contre la sentence est rejeté ;

Que la société MDL qui succombe supporte les dépens, et sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile est rejetée tandis qu'elle est condamnée à payer à la société France Quick une somme de 10.000 € à ce titre ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS

Rejette la demande de sursis à statuer formée par la société La Marocaine de Loisirs,

Rejette le recours en annulation de la sentence du 9 juillet 2007,

Condamne la société La Marocaine de Loisirs à verser à la société France Quick une somme de 10.000 € au titre de l'article 700 code de procédure civile,

Rejette tout autre demande des parties ;

Condamne la société La Marocaine de Loisirs aux dépens et admet Maître Teytaud, avoué, au bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT

© LIVV - 2025

 

[email protected]

CGUCGVMentions légalesPlan du site