CA Paris, 1re ch. C, 30 mai 2006, n° 05/13094
PARIS
Arrêt
Autre
PARTIES
Demandeur :
Paprec Réseau
Défendeur :
Interseroh-France (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Périé
Conseillers :
M. Matet, M. Hascher
Avocats :
Me Moret, Me Roux
Avoués :
SCP Varin - Petit, SCP Roblin - Chaix de Lavarene
Exposé des faits
La société Serval a formé le 16 juin 2005 un recours en annulation à l'encontre d'une sentence rendue à Paris le 6 juin 2005 par MM C., de la Giraudière et Schwarzmann, arbitres, qui vu le compromis d arbitrage du 14 octobre 2003, vu les mémoires et pièces versés à la procédure, vu les sentences intermédiaires rendues les 21 octobre et 15 décembre 2004 et 9 février
2005,
- rejette l'exception d'inopposabilité du contrat du 2 novembre 2001 à la société Interseroh-Cdi, fondée sur la fraude,
- dit que le contrat du 2 novembre 2001 a valablement été conclu et a normalement produit ses effets entre les parties jusqu'à son terme,
- dit que la société Serval, par certains de ses actes, s'est déloyalement procuré, au préjudice de la société Interseroh-Cdi, un avantage indu en facilitant et en accélérant le transfert de certains contrats, de plusieurs salariés et d'informations commerciales dont elle n'avait pas à avoir connaissance,
- condamne la société Serval à indemniser la société Interseroh-Cdi du préjudice ainsi subi à concurrence de 480.000 euros,
- rejette la demande de la société Serval tendant à la condamnation de la société Interseroh-Cdi pour non respect de l'obligation de non démarchage à l'encontre de la société Nord Offset,
- dit que la société Interseroh-Cdi a failli à son obligation de non démarchage à l'encontre de la société JBK DIS ;
- dit qu'il y a lieu de réduire le montant de la clause pénale contractuellement arrêté,
- condamne en conséquence la société Interseroh-Cdi à indemniser la société Serval du préjudice ainsi subit à concurrence de un euro,
- dit que l'utilisation arbitraire d'un système de forfaitisation des tares a permis à la société Interseroh-Cdi de minorer certaines pesées,
- dit que l'analyse chronologique des tickets de pesée émis par la société Interseroh-Cdi laisse apparaître que celle-ci a usé de tickets de pesée irréguliers,
- condamne la société Interseroh-Cdi à indemniser la société Serval de ces deux précédents chefs à concurrence de 2.246,00 € ,
- rejette la demande de restitution à la société Serval des documents saisi en exécution de l'ordonnance de M. le Président du tribunal de commerce de Bobigny du 11 avril 2003,
- dit qu'il n'y a lieu à suppression des écrits jugés outrageants par la société Serval et contenus dans les mémoires de la société Interseroh-Cdi,
- rejette en conséquence les demandes de la société Serval visant à la condamnation de la société Interseroh-Cdi sur le fondement de la loi du 29 juillet 1881,
- dit que les frais d'arbitrage, arrêtés à la somme de 144.0000 euros, seront partagés entre les parties à concurrence de la somme de 42.000 € pour la société Interseroh-Cdi et de la somme de 102.000 € pour la société Serval, de sorte que la société Serval rembourse à la société Interseroh-Cdi la somme de 30.000 € ,
- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
- rejette pour le surplus l'ensemble des autres demandes des parties.
La société Paprec Réseau, venant aux droits de la société Serval depuis le 1er janvier 2006 et assignée en intervention forcée le 10 février suivant, conclut à l'annulation de la sentence pour quatre moyens, expiration de la convention d'arbitrage (article 1484 -1° du nouveau code de procédure civile), non respect par les arbitres de leur mission (art.1484-3° du nouveau code de procédure civile et du principe de la contradiction (article 1484-4° du nouveau code de procédure civile), nullité prévue à l'article 1480 du nouveau code de procédure civile (article 1484-5° du nouveau code de procédure civile). Elle demande la condamnation aux dépens de la société Interseroh et à lui payer une somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
La société Interseroh demande de rejeter le recours, de condamner la recourante à lui verser une somme de 20.000 € à titre de dommages et intérêts pour recours abusif, à lui payer une somme de 20.000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ainsi qu'à supporter les dépens.
Dispositif
SUR CE LA COUR :
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Sur les deux premiers moyens d'annulation pour expiration de la convention d'arbitrage et non respect de leur mission par les arbitres (article 1484-1° et 3° du nouveau code de procédure civile) :
La société Paprec Réseau rappelle que la sentence devait être rendue le 6 juin 2005, or ce n'est que le 7 juin 2005 qu'elle a pris connaissance de la sentence, expédiée par l'un des arbitres à son avocat par télécopie la veille dans la soirée, en l'absence d'une véritable signification au sens des articles 651 et suivants du nouveau code de procédure civile.
Considérant que d'après le calendrier de la procédure d'arbitrage arrêté en commun avec les arbitres, les parties avaient convenu que la sentence serait rendue au plus tard le 6 juin 2005, que la sentence a été expédiée aux conseils des parties le 6 juin 2005 par courrier recommandé tandis qu'elle était également envoyée par télécopie, toujours le 6 juin 2005, aux conseils des parties, à 22 heures 47 et 22 heures 55 selon ce qui est constant, qu'il importe peu que la notification de la sentence effectuée le jour de l'expiration du compromis, soit le 6 juin 2005, n'ait pu, le cas échéant, joindre les parties que le lendemain ou le surlendemain ;
Que l'acte de mission prévoyait que :
6. Pour toute notification, les parties font élection de domicile au cabinet de leur avocat [....],
7. La signification de la sentence, comme il est dit ci-dessus, mettra fin à la mission du tribunal arbitral', que la notification effectuée sous une autre forme que celle des articles 651 et suivants du nouveau code de procédure civile ne peut entraîner la nullité de la sentence, les arbitres réglant, d'après l'article 1460 du nouveau code de procédure civile, la procédure arbitrale sans être tenus de suivre les règles établies par les tribunaux, que la seule mention à l'acte de mission selon laquelle :
4. Les mémoires et pièces seront adressés à chacun des arbitres par lettre simple ou par fax et par courrier électronique, ils seront échangés entre les parties par le même procédé', ne peut permettre de conclure avec la recourante que la volonté des parties était d'adopter pour la sentence les procédés de signification du nouveau code de procédure civile ;
Que la sentence a été rendue dans les délais ;
Que les premier et deuxième moyens d'annulation sont rejetés ;
Sur le troisième moyen d'annulation pour non-respect du principe de la contradiction (article 1484-4° du nouveau code de procédure civile) :
La société Paprec Réseau dit que la sentence est doublement viciée puisque sa motivation essentielle est totalement contradictoire en même temps qu'elle contrevient au principe de la contradiction car la décision a été rendue sur des éléments dont elle n'a pas eu connaissance,
Considérant que la sentence énonce, à propos de la condamnation de la société Serval pour concurrence déloyale,'qu'il résulte cependant du contexte général ayant présidé aux transferts de personnels et au transfert des contrats d'approvisionnement et, plus généralement, de l'ensemble des autres éléments portés à la connaissance du Tribunal arbitral', que ces expressions ne font aucunement la démonstration comme le dit la société Paprec Réseau de ce que les arbitres se seraient donc fondés sur des éléments ignorés par la société Serval ;
Que la contradiction des motifs est une question sans rapport avec le principe de la contradiction étant d'ailleurs rappelé que le juge de l'annulation n'est pas le juge de la motivation de la sentence, dont les reproches de contradiction lui échappent entièrement, le contrôle des sentences n'étant pas un contrôle de cassation ;
Que le troisième moyen d'annulation est rejeté ;
Sur le quatrième moyen d'annulation pour violation de l'article 1480 du nouveau code de procédure civile (art. 1484-5° du nouveau code de procédure civile) :
La société Paprec Réseau soutien que l'article 1472 du nouveau code de procédure civile dont les dispositions doivent être respectées à peine de nullité d'après l'article 1480 du même code, ne l'ont pas été, car la sentence n'a pas été effectivement rendue et signée à Paris, siège de l'arbitrage, où M. Cazès, président du Tribunal arbitral, ne se trouvait pas le 6 juin 2005. Elle ajoute que la télécopie de la sentence n'était pas revêtue des signatures originales des arbitres comme l'exige l'article 1473 du nouveau code de procédure civile dont les dispositions sont également protégées à peine de nullité de la sentence par l'article 1480.
Considérant que d'après l'article 1472 du nouveau code de procédure civile, la sentence arbitrale contient l'indication du lieu où elle a été rendue, et, d'après l'article 1473 de ce code, doit être signée par tous les arbitres ;
Qu'il n'est pas contesté que la sentence a été signée par tous les membres du tribunal arbitral, l'article 1473 n'excluant pas la transmission de la sentence revêtue de la signature des arbitres par télécopie ;
Qu'aucune disposition du nouveau code de procédure civile n'exclut la signature de la sentence par voie de correspondance entre les arbitres, ceux-ci n'ayant pas l'obligation de se trouver physiquement présents au siège de l'arbitrage comme le dit la recourante, que la pratique de la signature d'une sentence par correspondance entre les arbitres est, pour des raisons évidentes de pragmatisme, tout à fait possible, comme par exemple en l'espèce, où la société Serval avait le 6 juin 2005 à 21 h, télécopié au tribunal arbitral pour s'opposer à toute prorogation du délai pour prononcer la sentence ;
Que le quatrième moyen d'annulation est, avec le recours, rejeté ;
Sur les dommages et intérêts pour procédure abusive, l'article 700 du nouveau code de procédure civile et les dépens :
Considérant que la demande d'indemnisation de la société Interseroh pour recours abusif est rejetée, ce caractère n'étant pas démontré par la défenderesse au recours ;
Considérant que la société Paprec Réseau, qui est condamnée aux dépens, verse à la société Interseroh une somme de 20.000 € par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, dont la demande à ce titre est rejetée ;
PAR CES MOTIFS
Rejette le recours en annulation à l'encontre de la sentence rendue à Paris le 6 juin 2005 par M.M. Cazès, de la Giraudière et Schwarzmann,
Condamne la société Paprec Réseau, venant aux droits de la société Serva, à verser à la société Interseroh une somme de 20.000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
Rejette toutes autres demandes des parties ;
Condamne la société Paprec Réseau, venant aux droits de la société Serval, aux dépens et admet la SCP Roblin-Chaix de Lavarene, avoué, au bénéfice du droit prévu par l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT