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Décisions

CA Paris, 1re ch. C, 7 mai 2009, n° 08/07049

PARIS

Arrêt

Autre

PARTIES

Défendeur :

Etablissment Ruze (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Périé

Conseillers :

M. Matet, Mme Bozzi

Avoués :

SCP Duboscq - Pellerin, SCP Ribaut

Avocats :

Me Tonin, Me Persenot Louis

CA Paris n° 08/07049

6 mai 2009

Vu l'ordonnance de roulement du 27 mars 2009,

La société ETABLISSEMENTS RUZE, ayant pour activité le stockage de céréales et la vente de produits phytosanitaires, expose avoir conclu le 14 novembre 2006 par téléphone, comme il est d'usage dans la profession, un contrat d'achat de céréales auprès de M.BRUNOT, qui s'est engagé à lui vendre 180 tonnes de blé et qu'elle lui a envoyé le même jour une confirmation écrite n°2787, comportant une clause compromissoire désignant la Chambre Arbitrale de Paris en cas de contestation survenant entre l'acheteur et le vendeur.

La société ETABLISSEMENTS RUZE ayant mis M.BRUNOT en demeure de mettre la marchandise à sa disposition ou de régler la différence de prix, M.BRUNOT a contesté s'être engagé.

La société ETABLISSEMENTS RUZE a alors saisi la Chambre Arbitrale de Paris selon la procédure dite procédure d arbitrage rapide .

M. Guy M., statuant en amiable compositeur, a, par sentence du 19 mars 2008, constaté l'existence du contrat n°2787 du14 novembre 2006, constaté l'existence d'une clause compromissoire, dit M.BRUNOT mal fondé en son exception d'incompétence et en ses conclusions tendant à contester l'existence du contrat, dit les établissements RUZE SA fondés et justifiés en leurs demandes, dit en conséquence que M.BRUNOT doit verser aux ETABLISSEMENTS RUZE la somme de 23.400 € au titre de la différence de prix, dit que M.BRUNOT doit verser aux ETABLISSEMENTS RUZE la somme de 1.859 € au titre des frais d'arbitrage et a ordonné l'exécution provisoire de cette sentence à l'exception des dépens.

M.BRUNOT a formé un recours en annulation de la sentence, aux motifs que premièrement, la clause d'arbitrage est nulle (article 1484 1° du code de procédure civile) pour violation des articles 1442, 1443 et 1474 du code de procédure civile et deuxièmement que l'arbitre a statué sans se conformer à la mission qui lui était conférée (article 1484 3° du code de procédure civile). Il demande en outre la condamnation de la société ETABLISSEMENTS RUZE aux entiers dépens et à lui verser la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société ETABLISSEMENTS RUZE conclut au rejet du recours en annulation qu'elle dit infondé et à la condamnation du recourant aux entiers dépens et à lui payer la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Motifs

Sur ce, la Cour

Sur le premier moyen d'annulation, tiré de la nullité de la clause d'arbitrage - (article 1484 1° du code de procédure civile)

M.BRUNOT soutient que la convention d'arbitrage est nulle. Il expose que, par application de l'article 1442 du code de procédure civile, la clause d'arbitrage doit résulter de la commune intention des parties et qu'en l'espèce, n'ayant donné son consentement à aucune disposition contractuelle et par conséquent à aucune clause compromissoire, la clause d'arbitrage invoquée par la Société ETABLISSEMENTS RUZE doit être considérée comme nulle.

Il dit que, selon l'article 1443 du code de procédure civile, la clause compromissoire doit être stipulée par écrit dans la convention principale alors que celle revendiquée par son adversaire figure dans un courrier de confirmation censé établir la preuve d'un accord verbal des parties et que le document de confirmation lui a été adressé à une date impossible à fixer, en toute hypothèse après la conclusion du prétendu accord verbal, et que la clause compromissoire ne peut résulter d'un document remis postérieurement à la conclusion du contrat principal, une offre de clause compromissoire n'ayant pas de valeur tant qu'elle n'a pas été acceptée.

Il ajoute encore que la clause compromissoire doit être suffisamment précise de sorte que chacune des parties connaisse préalablement à son engagement les conditions de l'arbitrage, mais en l'espèce, que la clause revendiquée par la Société ETABLISSEMENTS RUZE est mal rédigée et qu'il ne peut pas avoir accepté le règlement de la Chambre Arbitrale de Paris qui ne lui a jamais été communiqué. Il soutient enfin que la convention d'arbitrage viole les dispositions de l'article 1474 du code de procédure civile dès lors que la clause compromissoire contestée ne prévoit pas que les parties ont conféré mission au tribunal arbitral de statuer en amiable compositeur alors qu'un tel recours à l'amiable composition ne peut être issu que d'une volonté clairement exprimée par les parties dans la clause compromissoire.

Considérant que selon l'alinéa premier de l'article 1443 du code de procédure civile, la clause compromissoire doit, à peine de nullité, être stipulée par écrit dans la convention principale ou dans un document auquel celle-ci se réfère ; que si l'article 1443 du code de procédure civile exige que la clause compromissoire figure dans un document écrit, il ne régit ni la forme ni l'existence des stipulations qui, se référant à ce document, font la convention des parties ;

Considérant que la société ETABLISSEMENTS RUZE a adressé le 14 novembre 2006 à M.BRUNOT une confirmation portant le n° 2787 de l'accord verbal par lequel M.BRUNOT s'est engagé à lui vendre 180 tonnes de blé à livrer dans une période déterminée; que M.BRUNOT prétend en vain n'avoir pas reçu la confirmation écrite alors d'une part qu'il a lui-même produit aux débats (pièce 9) le courrier de confirmation, d'autre part que dans le cadre de leurs relations commerciales entretenues depuis quinze ans M.BRUNOT et la société ETABLISSEMENTS RUZE avaient usé précédemment de la confirmation écrite du contrat verbal, et enfin que M.BRUNOT avait conclu plusieurs contrats comportant une clause compromissoire exactement identique, notamment un contrat n°2673 conclu un mois plus tôt , le 3 octobre 2006 ; qu'en ne contestant pas la confirmation dans les vingt-quatre heures de sa réception comme le stipule le contrat, M.BRUNOT a approuvé la clause compromissoire insérée dans le contrat, étant précisé que les usages de la profession du commerce de grains prévoit le recours à l'arbitrage de la Chambre Arbitrale de Paris ; qu'en conséquence, M.BRUNOT a approuvé la clause compromissoire qui est stipulée par écrit qui prévoit que toute contestation survenant entre l acheteur et le vendeur ... sera jugée en dernier ressort par la Chambre Arbitrale de Paris' et que la circonstance que la clause compromissoire figure dans une confirmation postérieure à l'accord verbal n'est pas de nature à entraîner la nullité de la convention d'arbitrage dès lors qu'elle répond aux exigences de l'article 1443 du code de procédure civile ;

Considérant que cette clause compromissoire prévoit un arbitrage sous l'égide de la Chambre arbitrale de Paris et renvoie explicitement à son règlement ; qu'en acceptant la clause compromissoire y faisant référence, les parties ont accepté de se soumettre à ce règlement ;

que ce dernier, qui organise la procédure d'arbitrage rapide (PAR), prévoit à l'article 3 E de l'annexe II que le tribunal arbitral statue en qualité d amiable compositeur ; qu en adhérant à ce règlement, les parties ont effectivement conféré au tribunal arbitral la mission de statuer comme amiable compositeur ;

Que par conséquent le premier moyen d'annulation pris de la nullité de la convention d'arbitrage est rejeté ;

Sur le second moyen d'annulation, tiré de la nullité de la sentence arbitrale pour méconnaissance de la mission du tribunal arbitral (article 1484 3° du code de procédure civile)

M.BRUNOT soutient que l'arbitre a méconnu la mission qui lui avait été conférée car, alors qu'il devait statuer en amiable compositeur, il n'a pas fait référence à l'équité et n'y a pas confronté sa solution, se fondant simplement sur les usages professionnels du secteur des grains ;

Il articule que les usages professionnels ne peuvent servir de base juridique à la décision arbitrale car étant propres à une région donnée, ils ne sont applicables que lorsque les parties ont entendu expressément les adopter et qu'en l'espèce, il ne les connaissait pas et ne les a jamais acceptés.

Il prétend enfin que la sentence est contraire au principe du procès équitable tel que prévu par l'article 6 de la Convention européenne des Droits de l'Homme, lequel garantit le droit à un procès rendu équitablement' par un tribunal indépendant et impartial.

Considérant que l'arbitre, rappelant dans la sentence qu'il statue en amiable compositeur, a confronté sa solution à l'équité puisqu'il énonce que le tribunal arbitral compte tenu des circonstances de l'espèce, estime équitable et juste de faire droit à la demande principale de la société RUZE et ne pas user de son pouvoir modérateur en condamnant Monsieur Didier B. à lui verser la somme de 23 400 € à titre de remboursement du préjudice subi';

Considérant que M. B. qui conteste les références faites par le tribunal arbitral aux usages professionnels du secteur des grains, critique en réalité le bien jugé par l'arbitre alors que la révision de la sentence arbitrale est interdite au juge de l'annulation, observation étant faite qu'en tant que professionnel du secteur des grains, M.BRUNOT en connaît les usages puisqu'il les applique depuis quinze ans dans ses relations professionnelles avec la société ETABLISSEMENTS RUZE ;

Considérant qu'enfin, le recourant ne démontre pas en quoi l'instance arbitrale et la sentence violeraient les principes du procès équitable tels qu'énumérés à l'article 6 de la Convention européenne des Droits de l'Homme ;

Que, par conséquent, le second moyen tiré de la méconnaissance de la mission de l'arbitre est infondé ; que, par suite, le recours en annulation doit être rejeté ;

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive

Considérant que la défenderesse au recours n'établit pas de circonstances particulières ayant fait dégénérer en abus le recours de M. B. ; qu'il convient donc de la débouter de cette demande ;

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Considérant que M.BRUNOT, qui succombe, est condamné aux dépens et qu'il convient de le condamner à payer à la société ETABLISSEMENTS RUZE la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dispositif

Par ces motifs

- rejette le recours en annulation de la sentence arbitrale rendue le 19 mars 2008,

- rejette toute autre demande,

- condamne M.BRUNOT à verser à la société ETABLISSEMENTS RUZE la somme de 5000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamne M.BRUNOT aux dépens et admet la SCP DUBOSCQ & PELLERIN, avoués, au bénéfice de l'article 699 du Code de procédure civile.

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