Livv
Décisions

CA Nouméa, ch. com., 28 août 2025, n° 24/00079

NOUMÉA

Arrêt

Autre

CA Nouméa n° 24/00079

28 août 2025

N° de minute : 2025/34

COUR D'APPEL DE NOUMÉA

Arrêt du 28 Août 2025

Chambre commerciale

N° RG 24/00079 - N° Portalis DBWF-V-B7I-VLO

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 06 Décembre 2024 par le Tribunal mixte de Commerce de NOUMEA (RG n° :2024/1170)

Saisine de la cour : 30 Décembre 2024

APPELANT

S.E.L.A.R.L. [Z] [W] [X], agissant en qualité de Mandataire Liquidateur de la société SAS TRANSWEBUIHOONE, représentée par sa gérante en exercice Madame [Z] [W] [X]

Siège social : [Adresse 1]

Représentée par Me Lionel CHEVALIER de la SELARL CHEVALIER AVOCATS, avocat au barreau de NOUMEA

INTIMÉ

Société PORT AUTONOME DE NOUVELLE-CALEDONIE, représentée par son représentant légal

Siège social : [Adresse 2]

Représentée par Me Béatrice AUPLAT-GILLARDIN de la SARL GILLARDIN AVOCATS, avocat au barreau de NOUMEA

LE MINISTERE PUBLIC

28.08.2025 : Copie revêtue de la formule exécutoire : - Me CHEVALIER ;

Expéditions : - Me AUPLAT-GILLARDIN ; MP ; TMC ;

- Copie CA

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 24 Juillet 2025, en audience publique, devant la cour composée de :

M. François GENICON, Président de chambre, président, rapporteur,

Mme Marie-Claude XIVECAS, Conseiller,

Mme Zouaouïa MAGHERBI, Conseiller,

qui en ont délibéré, sur le rapport de M. François GENICON.

Greffier lors des débats: Mme Sabrina VAKIE

Greffier lors de la mise à disposition : M. Petelo GOGO

ARRÊT :

- contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,

- signé par M. François GENICON, président, et par M. Petelo GOGO, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.

***************************************

FAITS ET PROCEDURE

Un jugement du Tribunal Mixte de Commerce de Nouméa du 20 juillet 2023 a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société TRANSWEBUIHOONE.

Par jugement du 23 novembre 2023, le Tribunal Mixte de Commerce a prolongé la période d'observation initiale d'une durée de 6 mois, et procédé à la rectification du jugement d'ouverture par la précision de la désignation d'un administrateur judiciaire, en la personne de CBF ASSOCIES.

Par requête déposée au greffe le 5 avril 2024, le PORT AUTONOME DE LA NOUVELLE - CALEDONIE (PANC) a demandé au juge-commissaire de constater la résiliation d'une convention d'occupation temporaire du domaine public portuaire consentie à la société TRANSWEBUIHOONE.

Le PANC a exposé avoir, conformément aux dispositions de l'article L 622-13 du code de commerce et de l'article 169 de la délibération n°352 du 18 janvier 2008, mis en demeure le gérant de prendre parti sur la poursuite de l'exécution de cette convention, par courrier recommandé avec demande d'avis de réception adressé le 2 novembre 2023, non retiré par le destinataire.

Le juge-commissaire a interrogé le mandataire judiciaire pour obtenir son avis sur cette requête, mandataire qui lui répondait le 1er juillet 2024 qu'il existait une difficulté, dans la mesure où le PANC avait fait abstraction du fait qu'un administrateur judiciaire avait été désigné.

Par jugement du 11 juillet 2024, le Tribunal Mixte de Commerce a prononcé la liquidation judiciaire sur conversion du redressement judiciaire de la société TRANSWEBUIHOONE.

Par requête déposée au greffe le 1er août 2024, le PANC a sollicité du juge commissaire l'autorisation d'évacuer certains biens meubles dépendant de la liquidation judiciaire de TRANSWEBUIHOONE.

Par courrier du 2 août 2024, l'administrateur judiciaire a informé le juge-commissaire qu'il a avait cessé ses fonctions, à la suite de conversion de la procédure de redressement judiciaire de TRANSWEBUIHOONE en liquidation.

Par ordonnance du 23 août 2024, le juge-commissaire a fait droit aux demandes du PANC, tant pour celle tendant à la résiliation de la convention d'occupation temporaire, que pour celle tendant à l'autorisation d'évacuer certain des actifs de TRANSWEBUIHOONE, tout en limitant cette autorisation aux biens situés sur le terrain voisin appartenant à une autre société (BISCOCHOC).

La SELARL [Z]-[W] [X], es qualité de mandataire liquidateur de TRANSWEBUIHOONE a formé un recours à l'encontre de cette ordonnance, en sollicitant son infirmation mais uniquement en ce qu'elle avait prononcé la résiliation de la convention d'occupation temporaire.

Elle a soutenu que:

- Elle intervenait ès qualité de mandataire judiciaire et non ès qualités de mandataire liquidateur si bien que la décision a fait une application erronée des dispositions de l'article L 622-13 puisque c'est au débiteur qu'il appartenait de se prononcer sur la poursuite du contrat en cours.

- La mise en demeure adressée au débiteur le 2 novembre 2023, n'avait produit aucun effet juridique puisque l'accusé réception était revenu avec la mention "non réclamée, retour à l'expéditeur", ce qui aurait dû conduire le Port autonome de la Nouvelle-Calédonie à faire application des dispositions des articles 665 à 670-3 du code de procédure civile, s'agissant d'un acte revêtant un caractère contentieux.

- La juridiction devait rejeter la demande de constat de la résiliation de plein droit de la convention liant le PANC à la SAS TRANSWEBUIHOONE.

Le PORT AUTONOME DE NOUVELLE-CALÉDONIE a demandé au tribunal de rejeter la demande de la SELARL [Z]-[W] [X].

Il a soutenu que :

- la validité de la mise en demeure adressée à la société débitrice TRANSWEBUIHOONE de prendre parti sur la poursuite de ladite convention, n'était pas affectée par le fait que l'accusé réception n'avait pas été signé par le destinataire.

- la mise en demeure n'était pas de nature contentieuse, s'agissant d'un acte extra-judiciaire et non d'un acte de procédure et que par conséquent, les dispositions des articles 665 à 670-3 du code civil sont inapplicables.

- le formalisme imposé par les articles 169 et 206 de la délibération n°352 n'avait été respecté.

- c'est donc à bon droit que le juge commissaire avait autorisé la résiliation de la convention litigieuse.

Par jugement du 6 décembre 2024, le Tribunal Mixte de Commerce, a infirmé l'ordonnance du juge-commissaire, en ce qu'elle avait à tort fait référence à une mise en demeure adressée au " liquidateur ", mais confirmé la résiliation de la convention d'occupation temporaire.

La SELARL [Z]- [W] [X] a fait appel de cette décision par acte reçu le 30 décembre 2024 et demande à la cour de :

- Infirmer le jugement du Tribunal Mixte de Commerce du 4 décembre 2024, en ce qu'il a déclaré recevable la requête du PORT AUTONOME DE LA NOUVELLE-CALEDONIE tendant à voir constater la résiliation de convention d'occupation temporaire consentie à la société TRANSWEBUIHOONE, et fait droit à cette requête et condamné la SELARL [Z]-[W] [X] ès qualité aux dépens.

- Déclarer irrecevable la demande du PORT AUTONOME DE LA NOUVELLECALEDONIE tendant à voir constater la résiliation de convention d'occupation temporaire consentie à la société TRANSWEBUIHOONE.

- Condamner le PORT AUTONOME DE LA NOUVELLE-CALEDONIE au paiement à la SELARL [Z]-[W] [X], es qualité de mandataire judiciaire à la liquidation de la société TRANSWEBUIHOONE d'une somme de 350.000 XPF au titre de l'article 700 du code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie.

- Condamner le PORT AUTONOME DE LA NOUVELLE-CALEDONIE au paiement des entiers dépens de l'instance, tous degrés de juridiction confondus.

La société PORT AUTONOME DE NOUVELLE-CALÉDONIE a constitué avocat mais n'a pas conclu et « s'en remet à la sagesse de la cour ».

MOTIFS

À titre liminaire, il convient de souligner que la société port autonome de Nouvelle-Calédonie n'a pas conclu et s'en remet à la sagesse de la cour ce qui laisse supposer qu'elle n'a aucun moyen à faire valoir face aux demandes de la SELARL [Z]- [W] [X].

En premier lieu, l'alinéa 3 de l'article 699 du code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie précise que " La date de réception d'une notification, faite par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, est celle qui est apposée par l'administration des postes lors de la remise de la lettre à son destinataire. "

Les règles de procédure civile ont vocation à s'appliquer aux mises en demeure, lorsque celles-ci présentent un caractère contentieux.

La mise en demeure adressée au débiteur par application combinée de l'article L 622-13 du code de commerce et de l'article 169 de la Délibération n°352 du 18 janvier 2008, présente un caractère contentieux, puisqu'elle constitue un acte préalable obligatoire à la saisine du juge-commissaire afin que celui-ci constate la résiliation du contrat en cours.

La mise en demeure adressée au débiteur par un courrier recommandé, non retiré par celui-ci, ne peut valoir mise en demeure, à défaut de lui avoir été effectivement remis.

Dès lors, le PANC aurait dû, pour ce premier motif, être déclaré irrecevable en sa requête aux fins de constat de la résiliation de la convention d'occupation temporaire conclue avec TRANSWEBUIHOONE, tant par le juge-commissaire, que par le Tribunal Mixte de Commerce à sa suite.

En deuxième lieu, la mise en demeure préalable adressée au débiteur lui-même, alors qu'il faisait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire était de toutes façons inopérante, dans la mesure où elle aurait dû être adressée à l'administrateur judiciaire, ce qui n'a pas été fait.

En troisième lieu, entre le dépôt de la requête par le PANC, et la date à laquelle l'affaire a été examinée à l'audience par le juge commissaire, la procédure collective de TRANSWEBUIHOONE a été convertie en liquidation judiciaire.

Or, en liquidation judiciaire, c'est au liquidateur qu'il appartient au cocontractant d'adresser une mise en demeure d'avoir à prendre parti sur la continuation d'un contrat, en vertu de l'article L 641-11-1, III, 1° du code de commerce.

Ainsi, à compter du 11 juillet 2024, date du jugement prononçant la liquidation judiciaire de la société TRANSWEBUIHOONE, seul le mandataire liquidateur était le destinataire valable de la mise en demeure préalable à la saisine du juge-commissaire.

Dans la mesure où il n'est pas allégué qu'une telle mise en demeure lui ait été adressée par le PANC, la demande aurait dû être déclarée irrecevable.

Pour ces motifs, il convient d'infirmer la décision.

La société port autonome de Nouvelle-Calédonie succombe sera donc condamnée aux dépens.

Par suite, elle est redevable envers la SELARL [Z]- [W] [X] d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile qui sera fixée à 200'000 Fr. CFP

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement

- Infirme le jugement du Tribunal Mixte de Commerce du 4 décembre 2024, en ce qu'il a déclaré recevable la requête du PORT AUTONOME DE LA NOUVELLE-CALEDONIE tendant à voir constater la résiliation de convention d'occupation temporaire consentie à la société TRANSWEBUIHOONE, fait droit à cette requête, constaté la résiliation de la convention, et condamné la SELARL [Z]-[W] [X], ès qualité, aux dépens.

- Statuant à nouveau, déclare irrecevable la demande du PORT AUTONOME DE LA NOUVELLE-CALEDONIE tendant à voir constater la résiliation de convention d'occupation temporaire consentie à la société TRANSWEBUIHOONE.

- Confirme le jugement du tribunal mixte de commerce du 4 décembre 2024 pour le surplus.

- Condamne le PORT AUTONOME DE LA NOUVELLE-CALEDONIE à payer à la SELARL [Z]-[W] [X], es qualité de mandataire judiciaire à la liquidation de la société TRANSWEBUIHOONE la somme de 200'000 XPF au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- Condamne le PORT AUTONOME DE LA NOUVELLE-CALEDONIE aux dépens de première instance d'appel.

Le greffier Le président

© LIVV - 2025

 

[email protected]

CGUCGVMentions légalesPlan du site