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Cass. 1re civ., 3 septembre 2025, n° 24-11.383

COUR DE CASSATION

Autre

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Pelras (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Champalaune

Rapporteur :

Mme Kerner-Menay

Avocat général :

M. Chaumont

Avocats :

SAS Boulloche, Colin, Stoclet et associés, SCP Guérin-Gougeon

Cass. 1re civ. n° 24-11.383

2 septembre 2025

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 7 décembre 2023), après avoir acquis un véhicule neuf de marque BMW auprès de son fabricant, l'avoir vendu le 10 juillet 2008 à M. [C] et l'avoir repris le 29 mai 2012, la société Pelras (le vendeur originaire) l'a revendu à la société [W] [G] automobiles (le premier acquéreur) .

2. Le 31 mai 2012, cette société l'a vendu à M. et Mme [F] (les sous-acquéreurs) qui ont découvert, à l'occasion de la réparation d'une fuite d'huile, la présence de morceaux de bakélite dans le carter du véhicule et dans les têtes des vis de l'arbre à cames et obtenu en référé une expertise.

3. Le 17 janvier 2019, les sous-acquéreurs, soutenant que le véhicule était affecté d'un vice caché, ont, sur le fondement de l'article 1641 du code civil, assigné en indemnisation le vendeur originaire, lequel a sollicité la garantie du premier acquéreur.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses première et deuxième branches

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

5. Le vendeur originaire fait grief à l'arrêt de le condamner à payer aux acquéreurs les sommes de 26 177,98 euros à titre de dommages-intérêts, de 450 euros en réparation de leur préjudice de jouissance, et d'avoir ordonné la mise au rebut du véhicule, alors que « le caractère caché du vice doit être apprécié dans la relation contractuelle entre le vendeur originaire et le vendeur intermédiaire, peu important que l'action soit exercée par le sous-acquéreur ; que lorsque le vendeur intermédiaire est un professionnel, il incombe au juge de rechercher si le vice était caché pour une personne de cette qualité ; que la cour d'appel a constaté que selon le rapport d'expertise, le vice "revêt un caractère insidieux qu'un acheteur non professionnel ne décèle pas" et que "M. [F] ne pouvait imaginer le défaut de fiabilité du moteur" ; qu'en statuant ainsi, tandis qu'elle devait rechercher le caractère caché du vice dans les relations entre la société Pelras et M. [G], vendeur intermédiaire et professionnel de l'achat-revente d'automobiles, la cour d'appel a violé l'article 1642 du code civil ».

Réponse de la Cour

Vu les articles 1641, 1642 et 1645 du code civil :

6. Selon le premier de ces textes, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

7. Selon le deuxième, le vendeur n'est pas tenu des vices apparents et dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même.

8. Il ressort du troisième que le vendeur professionnel est présumé connaître le vice qui affecte l'usage de la chose vendue et que cette présomption est irréfragable.

9. Il s'en déduit :

- que la garantie des vices cachés accompagne, en tant qu'accessoire, la chose vendue ;

- que, lorsque l'action en garantie des vices cachés est exercée à l'encontre du vendeur originaire à raison d'un vice antérieur à la première vente, la connaissance de ce vice s'apprécie à la date de cette vente dans la personne du premier acquéreur qui, s'il est professionnel, est présumé connaître le vice.

10. Pour admettre l'action en garantie des vices cachés des sous-acquéreurs à l'encontre du vendeur originaire, après avoir constaté l'existence d'un vice caché antérieur à la vente réalisée entre le vendeur originaire et le premier acquéreur, résultant d'un processus de dégradation du moteur imputable à un défaut d'entretien du véhicule, l'arrêt retient qu'un entretien aléatoire revêt un caractère insidieux qu'un acheteur non professionnel ne décèle pas et que les sous-acquéreurs ne pouvaient imaginer le défaut de fiabilité du moteur.
11. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui incombait, si le premier acquéreur avait connaissance du vice affectant le véhicule lors de son achat, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Portée et conséquences de la cassation

12. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant la société Pelras à verser à M. et Mme [F], la somme de 26 117,98 euros à titre de dommages-intérêts, majorée des intérêts au taux légal à compter de l'arrêt et celle de 450 euros en réparation de leur préjudice de jouissance majorée des intérêts au taux légal à compter de l'arrêt et ordonnant la mise au rebut du véhicule entraîne la cassation des chefs de dispositif condamnant M. [G] à garantir la société Pelras à concurrence de 10 % du montant des condamnations prononcées à son encontre au profit de M. et Mme [F], y compris au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il annule le jugement du tribunal judiciaire de Melun du 12 janvier 2021, l'arrêt rendu le 7 décembre 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne M. et Mme [F] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé publiquement le trois septembre deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

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