CA Nouméa, ch. com., 28 août 2025, n° 22/00099
NOUMÉA
Arrêt
Autre
N° de minute : 2025/33
COUR D'APPEL DE NOUMÉA
Arrêt du 28 Août 2025
Chambre commerciale
N° RG 22/00099 - N° Portalis DBWF-V-B7G-TQ3
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 26 Août 2022 par le Tribunal mixte de Commerce de NOUMEA (RG n° :21/927)
Saisine de la cour : 13 Décembre 2022
APPELANT
M. [B] [R]
né le [Date naissance 1] 1973 à [Localité 6]
demeurant [Adresse 3] - [Localité 5]
Représenté par Me Denis MILLIARD de la SELARL SOCIETE D'AVOCATS MILLIARD, avocat au barreau de NOUMEA
INTIMÉ
S.E.L.A.R.L. [9]
Siège social [Adresse 2] - [Localité 6]
Représentée par Me Frédéric DESCOMBES de la SELARL D'AVOCATS D&S LEGAL, avocat au barreau de NOUMEA
LE MINISTERE PUBLIC
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 24 Juillet 2025, en audience publique, devant la cour composée de :
M. François GENICON, Président de chambre, président, rapporteur,
Mme Marie-Claude XIVECAS, Conseiller,
Mme Zouaouïa MAGHERBI, Conseiller,
qui en ont délibéré, sur le rapport de M. François GENICON.
Greffier lors des débats: Mme Sabrina VAKIE
Greffier lors de la mise à disposition : M. Petelo GOGO
28.08.2025 : Copie revêtue de la formule exécutoire : - Me DESCOMBES ;
Expéditions : - Me MILLIARD ; TMC ; MP ;
- Copie CA
ARRÊT :
- contradictoire,
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,
- signé par M. François GENICON, président, et par M. Petelo GOGO, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.
***************************************
FAITS ET PROCÉDURE
La société '[11]', alors dénommée "[14]", a été immatriculée au RCS de Nouméa en mars 2009.
Elle avait pour activité "tous travaux de gros et second oeuvre" sous l'enseigne "[14]", et avait pour gérant(s), entre 2009 et 2012, MM [B] [N], [K] [N] et [B] [R], et à compter de 2012, le seul [B] [R], lequel a racheté la totalité du capital social en février 2013, date à laquelle la société a pris le nom de [4].
Sur assignation des services fiscaux, le tribunal mixte de commerce de Nouméa, par jugement du 3 décembre 2018, a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire de cette société, fixé la date de cessation des paiements au 3 juin 2017, et désigné la SELARL [9] en qualité de mandataire judiciaire.
Par jugement du 16 septembre 2019, au constat notamment de dettes nouvelles survenues au cours de la période d'observation pour environ 3.500.000 F CFP, le tribunal a converti le redressement en liquidation judiciaire et la SELARL [9] a été désignée en qualité de liquidateur.
Par requête déposée au greffe le 8 juin 2021, la SELARL [9] a fait appeler M. [B] [R], ancien gérant de la société liquidée, devant le tribunal mixte de commerce auquel elle a demandé, dans le dernier état de ses conclusions, de :
- dire que M. [B] [R], ancien gérant, a commis des fautes de gestion qui ont contribué à l'insuffisance d'actif de la société [11],
- condamner en conséquence M. [R] à lui payer, ès qualités, la somme ramenée à 80.541.121 F CFP, sauf à parfaire, au titre du comblement de cette insuffisance d'actif,
- prononcer à l'encontre de M. [R] une mesure d'interdiction de gérer pour une durée de 15 ans,
- valider l'hypothèque judiciaire provisoire prise le 29 septembre 2021 sur les biens que possède ce défendeur, en communauté avec son épouse [H] [U] ou en indivision avec Mme [X] épouse [R] à [Localité 5] et [Localité 7],
- condamner le même à lui payer en outre une indemnité de 650 000 F CFP au titre des frais irrépétibles, ainsi qu'aux dépens, avec distraction.
Le 26 août 2022, le tribunal mixte de commerce a rendu la décision dont la teneur suit:
- CONDAMNE M. [B] [R] à supporter le comblement de l'insuffisance d'actif de la liquidation judiciaire de la société [11] à hauteur de la somme de 30.000.000 F CFP (trente millions),
- DIT que cette somme est payable entre les mains de la SELARL [9], ès qualités de liquidateur de la société [11],
- DEBOUTE M. [B] [R] de sa demande de délais de grâce,
- DIT régulières en la forme et VALIDE au fond les inscriptions provisoires d'hypothèques judiciaires prises le 29 septembre 2021 par la SELARL [9], ès qualités, sur les biens immobiliers dont M. [R]
* est copropriétaire avec son épouse (Mme [H] [U]) à [Localité 5] , lot 53 de 10 a 60 ca, lotissement [Adresse 12], portant sur le lot 30 pie de [Localité 10] Rural de 19 ha 63 a 47 ca
* est nu-propriétaire indivis avec Mme [E] [X] épouse [R] à [Localité 7] (lots no 138 et 149 d'une superficie respective de 41 a 70 ca et 4 ha 81 a, section de la [Adresse 13], IC 5561-618637 et IC 5561-519191),
- DEBOUTE la SELARL [9], ès qualités de liquidateur de la société [11], de sa demande au titre d'une mesure d'interdiction de gérer,
- DIT n'y avoir lieu à exécution provisoire,
- DIT que le présent jugement devra faire l'objet de la publicité prévue à l'article 220 de la délibération 352 du 18 janvier 2008,
- CONDAMNE M. [B] [R] aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de la SELARL D&S LEGAL, société d'avocat aux offres de droit.
M. [R] a fait appel de cette décision.
Les parties ont échangé leurs conclusions.
Une ordonnance de clôture est intervenue le 4 octobre 2023 et l'examen de l'affaire a été fixé à l'audience du 4 décembre 2023.
L'ordonnance de clôture a été révoquée le 4 décembre 2023 et le dossier renvoyé devant le juge de la mise en état.
Dans le dernier état de ses conclusions du 10 février 2025, M. [R] demande à la cour de :
RÉFORMER le jugement du tribunal mixte de commerce de Nouméa du 26 août
2022
STATUANT À NOUVEAU
-À titre principal, DÉBOUTER la Selarl [9] en qualité de mandataire liquidateur judiciaire de la société [11] de toutes ses demandes et ORDONNER la mainlevée de l'hypothèque provisoire prise le 29 septembre 2021 sur les biens de M. [B] [R] ;
-À titre subsidiaire, RÉDUIRE le montant de l'insuffisance d'actif mise à la charge de M. [B] [R] à de plus justes proportions et lui accorder un délai de paiement de 24 mois ;
- CONDAMNER la Selarl [9] en qualité de mandataire liquidateur judiciaire de la société [11] à payer à M. [B] [R] la somme de 300 000 XPF au titre de l'article 700 du code de procédure civile de la Nouvelle Calédonie;
- CONDAMNER la Selarl [9] en qualité de mandataire liquidateur judiciaire de la société [11] aux entiers dépens.
Il fait notamment valoir les moyens et arguments suivants:
- le montant de l'insuffisance d'actif est incertain ;
- les fautes reprochées ne sont pas graves ni suffisamment caractérisées ;
- le lien de causalité entre les fautes et l'insuffisance d'actif n'est pas démontré ;
- la sanction d'interdiction de gérer est disproportionnée par rapport aux faits reprochés.
Dans le dernier état de ses conclusions du 6 juin 2024, la SELARL [9] demande à la cour de :
- CONFIRMER le jugement du Tribunal Mixte de Commerce de Nouméa du 26 août 2022 en toutes ses dispositions,
- DEBOUTER M. [B] [R] de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- CONDAMNER M. [B] [R] au versement de la somme de 650.000 XPF au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile de Nouvelle-Calédonie ainsi qu'aux entiers dépens tant de première instance que d'appel, dont distraction au profit de la SELARL D&S LEGAL
Elle fait notamment valoir les moyens et arguments suivants :
L'insuffisance d'actif est caractérisée, certaine, non contesté, et s'élève à la somme de 80'541'121 Fr. CFP.
Le gérant n'a pas satisfait à ses obligations légales en matière de paiement des charges sociales et fiscales, n'a pas tenu de comptabilité, a omis de déclarer la cessation des paiements dans le délai légal de 45 jours, et s'est totalement désintéressé de la gestion de l'entreprise.
Les griefs articulés à l'encontre de M. [R] ne sont pas de simples négligences mais des fautes de gestion qui engagent sa responsabilité dans la mesure où elles ont bien contribué à aggraver le passif social.
M. [R] a démontré son incapacité à gérer une quelconque entreprise.
Le jugement doit être confirmé.
Le ministère public sollicite la confirmation du jugement.
Vu les conclusions de la SELARL [9] du 6 juin 2024 ;
Vu les conclusions de M. [R] du 10 février 2025 ;
Ensemble d'écrits auxquels il convient de se reporter pour un plus ample exposé des moyens et arguments des parties.
MOTIFS
I) SUR L'ACTION EN COMBLEMENT DE PASSIF
L'article L.651-2 du Code de commerce dispose que lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supportée, en tout ou partie, par les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion
Cette action a pour objet la réparation du dommage subi par les créanciers en raison des fautes commises par les dirigeants.
Sa mise en 'uvre nécessite le respect des conditions suivantes :
- la qualité de dirigeant du mis en cause,
- l'existence d'une insuffisance d'actif réelle,
- la preuve de fautes de gestion (faits positifs ou par abstention, fautes légères, imprudences ou négligences) commises par le dirigeant, et ayant contribué à l'insuffisance d'actif de la société,
- La preuve d'un lien de causalité entre les fautes de gestion et l'insuffisance d'actif.
Constitue notamment des fautes de gestion justifiant une action en comblement de passif, les faits fautifs suivant :
- la poursuite abusive d'une activité déficitaire, au mépris du droit des créanciers
- l'absence de contrôle sur la marche de l'entreprise
- l'absence d'organisation d'un contrôle rigoureux sur la gestion et la tenue de la comptabilité de la société ce qui aurait contribué à une meilleure connaissance de la situation réelle et aurait évité un préjudice pour les créanciers
- la violation des dispositions légales impératives, dont l'inobservation des obligations fiscales et sociales, comme le défaut de déclarations ou de paiement des dettes envers les organismes sociaux
- l'absence de tenue de comptabilité ou de remise d'éléments de comptabilité au mandataire liquidateur
De façon plus générale, sont sanctionnés les agissements d'un dirigeant allant à l'encontre de l'intérêt social et contribuant à aggraver le passif de l'entreprise.
Il convient de préciser que, même si la ou les fautes de gestion commises par un dirigeant ne sont que l'une des causes de l'insuffisance d'actif de la société, la totalité de celle-ci peut être mis à sa charge.
Sur la qualité de gérant de M. [R]
La qualité de gérant de M. [R] n'est ni contestable, au demeurant contesté.
Sur l'insuffisance d'actif
L'insuffisance d'actif de la société [11] est caractérisée et certaine, ce qui n'est au demeurant pas contesté par M. [R].
En effet :
- l'état des créances arrêté au 21 avril 2021 fait apparaître un passif de 93.832.262 XPF, dont un passif définitivement rejeté de 804.481 XPF;
- le passif salarial (super privilégié et chirographaire) s'élève à la somme de 573.042 XPF ;
- seule la somme de 13.059.702 XPF a pu être recouvrée.
L'insuffisance d'actif est donc évaluée à la somme de 80.541.121 XPF.
Il convient de préciser, concernant l'actif, que M. [R] , pendant des années, a laissé les créances clients augmenter sans jamais mettre en 'uvre les actions nécessaires pour tenter de les recouvrer.
C'est ainsi que le poste des créances clients est passé de 14 millions XPF en 2015 à 29 millions XPF en 2017.
En outre, une fois la procédure collective ouverte, M. [R] n'a pas plus agi pour permettre au mandataire d'engager les actions nécessaires pour le recouvrement des créances clients.
Le mandataire liquidateur ne saurait se voir reprocher un manque de diligences dans le cadre du recouvrement des créances clients, alors même que M. [R] a été plus que passif sur ce point, comme il l'a été pendant toute la période où il était le gérant de la société [11].
Sur les fautes
a) Sur la violation des obligations légales en matière de paiement des charges sociales et fiscales
Il est constant que M. [R] s'est abstenu de s'acquitter du paiement des cotisations sociales et fiscales depuis plusieurs années.
Ainsi, le mandataire liquidateur a pu constater :
- le défaut de paiement des cotisations sociales dues à [8] à concurrence de 11.201.518 XPF, et à la CAFAT à concurrence de 11.428.980 XPF et ce depuis 2014.
- le défaut de paiement des charges fiscales : impôt sur le Revenu des Valeurs Mobilières depuis 2014, TSS depuis 2013 et impôt sur les sociétés depuis 2014, pour un montant global de 49.790.037 XPF.
Ce fait ne constitue pas une simple négligence mais une grave faute de gestion, et constitue pratiquement un acte de concurrence déloyale vis-à-vis d'autres structures qui, elles, s'acquittent de leurs charges.
Cette accumulation de dettes fiscales et sociales a contraint les services fiscaux à demander la liquidation judiciaire de la société [11] par assignation du 20 novembre 2018.
Ainsi, c'est une somme de 72.420.535 XPF qui a été déclarée par les organismes fiscaux et sociaux sur montant total de passif déclaré de 93.383.262 XPF, ce qui représente 78 % des créances déclarées.
Il convient de souligner qu'au moment de l'assignation en liquidation judiciaire de novembre 2018, la société ne procèdait plus au règlement des sommes dues au titre des impôts depuis 2014.
Il ressort également du rapport de l'administrateur judiciaire qu'aucune déclaration d'imposition n'a été faite depuis 2014.
Au moment de l'assignation en liquidation judiciaire, le montant des dettes fiscales était de 37 millions FXPF.
Le juge commissaire a d'ailleurs relevé la " passivité patente face aux dettes CAFAT qui s'accumulaient ".
Il ne s'agit pas simplement de difficultés financières conjoncturelles, mais bien d'une absence totale de gestion de la part de M. [R], qui se contentait seulement d'être présent sur les chantiers.
Le premier juge a d'ailleurs justement considéré que ce n'était pas tant le défaut de paiement qui était sanctionnable, mais bien la systématisation du défaut de paiement des charges sociales et fiscales, allant même jusqu'à considérer que M. [R] avait affiché un " refus délibéré de payer les charges fiscales et sociales ".
Les simples difficultés de trésorerie ne peuvent pas, en l'état des éléments du dossier, expliquer le montant considérable du passif au titre des charges sociales et fiscales.
La faute de gestion de M. [R] est donc caractérisée et le lien de causalité entre celle-ci et l'insuffisance d'actif est également démontré.
Il convient en outre de souligner que n'a jamais pris le soin de solliciter du mandataire liquidateur afin qu'il procède, auprès des services fiscaux et sociaux, à une demande de remise des pénalités et majorations.
b) Sur la violation des obligations légales en matière de tenue de comptabilité
Au moment de l'ouverture de la procédure collective, il est apparu que la société [11] n'était pas à jour de sa comptabilité depuis 2014.
Ainsi, aux termes de son rapport en date du 21 mars 2019, le juge commissaire, a relevé qu'aucune comptabilité n'avait été tenue depuis 2014 et que pour permettre une perspective de redressement, il convenait de procéder en urgence à la reconstitution des comptes de la société.
Cet état de fait a été confirmé par l'administrateur judiciaire dans son rapport du 10 septembre 2019, qui précisait qu'aucun état financier n'avait été réalisé depuis 2014 et qu'aucune déclaration d'imposition n'avait été faite depuis la même année.
Par ailleurs, et alors même que la société avait fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire, par jugement du 3 décembre 2018, l'administrateur judiciaire a relevé que la société n'avait pas communiqué au comptable les éléments nécessaires pour établir les comptes de l'exercice 2018.
Or, l'absence de tenue de comptabilité prive l'entreprise d'un outil de gestion qui aurait permis à son dirigeant de connaître l'absence de rentabilité de l'entreprise et la nécessité de procéder à la déclaration de cessation des paiements plus tôt ou de prendre les mesures nécessaires afin de l'éviter.
Ainsi qu'il a déjà été souligné plus haut, en 2015, le montant des créances clients s'établissait à 14 millions XPF, pour passer en 2016 à près de 18 millions XPF et en 2017 à près de 29 millions XPF.
Le gérant, muni d'une comptabilité, aurait pu se rendre compte que les créances clients augmentaient chaque année de façon significative et que leur absence de recouvrement régulier avait nécessairement pour conséquence d'entrainer la société vers un état avéré de cessation des paiements.
M. [R] ne peut soutenir que l'absence de tenue de comptabilité s'explique par le refus de son comptable d'assurer cette tenue, faute d'avoir été payé et que si le comptable n'a pas été payé, c'est uniquement en raison des difficultés financières de la société.
Cette allégation est inexacte et n'est pas recevable.
En effet, selon le premier juge, si les factures du comptable n'étaient pas réglées par la gérance de la société [11], et ce, en raison d'une absence de trésorerie, c'est bien parce que ladite société était en état de cessation des paiements.
Il aurait été beaucoup plus efficient de faire le choix de régler le comptable, d'autant que cette dette est loin d'être la plus importante, pour avoir à sa disposition les outils comptables indispensables à une bonne gestion de l'entreprise.
Ainsi que l'a relevé le premier juge, " il est manifeste que M. [R] a commis une grave faute de gestion en refusant de dédier les moyens nécessaires à l'obligation légale de tenir une comptabilité pour sa société, laquelle comptabilité n'est pas une obligation de pure forme mais un outil indispensable pour que le chef d'entreprise, sur la base de l'analyse que doit lui proposer son expert-comptable, puisse se rendre compte de la réelle santé financière de sa société ".
La faute de gestion, constituée par le défaut de comptabilité est démontrée et en lien direct avec l'insuffisance d'actif.
c) Sur l'absence de déclaration de cessation des paiements dans le délai légal de 45 jours
M. [R] aurait dû déposer une déclaration de cessation des paiements dans les 45 jours après la date du 3 juin 2017.
Il est établi que la société [11] était en état de cessation des paiements depuis plusieurs exercices et que M. [R] n'a pas cru bon de solliciter l'ouverture d'une procédure collective dans le délai légal de 45 jours à compter de la cessation des paiements malgré une accumulation considérable de dettes fiscales et sociales depuis 2014. Ce
L'ouverture de la procédure collective n'a été réalisée qu'à la seule initiative des services fiscaux.
M. [R] soutient que l'absence de déclaration de la cessation paiements constitue en réalité une simple négligence et non une faute de gestion.
Toutefois, cette notion de négligence qui a été mise en place par le législateur, et notamment par la loi Sapin II (n°2016-1691 du 9 décembre 2016), pour exempter le dirigeant de sa responsabilité en cas de simple négligence, n'est pas applicable en Nouvelle Calédonie.
M. [R] soutient également que la conjoncture s'est améliorée en 2017, qu'il aurait diminué sa rémunération de gérance, et aurait obtenu de l'administration fiscale un échelonnement de sa dette.
Pour autant, il ne verse aucun document venant corroborer cette allégation d'échelonnement obtenu avec l'administration fiscale, laquelle n'en a d'ailleurs jamais fait état lors de l'assignation en liquidation judiciaire.
En outre, au lieu de maintenir sa rémunération de gérance à la somme de 300.000 XPF par mois, comme fixée en 2016 du fait d'un exercice largement déficitaire, il apparait que M. [R] a augmenté sa rémunération de gérance à 400.000 XPF par mois en 2017, plutôt que de commencer à régler son comptable ou les services fiscaux.
L'absence de déclaration de cessation de paiement constitue une faute de gestion qui est à l'origine de l'insuffisance d'actif dont le montant est déterminé.
d) Sur l'absence de gestion
Il apparaît que la société [11] avait été initialement créée sous la dénomination [14], en 2009, par Messieurs [B] [N] et [K] [N], qui détenaient alors la majorité du capital social, et qui assuraient la gérance avec M. [B] [R].
Pendant ces années où la gérance était assurée par Messieurs [N], la société [11] n'a pas connu de problèmes particuliers : la comptabilité était tenue, les impôts étaient déclarés et réglés.
En février 2013, M. [R] est devenu le seul associé de la société [14], dont la nouvelle dénomination a été modifiée pour adopter celle de [11].
Du moment où M. [R] s'est retrouvé associé unique et gérant de [11], il a été dans l'incapacité de gérer la société, préférant déléguer cette tâche, pourtant essentielle, à une secrétaire de l'entreprise.
Ainsi, le Juge Commissaire a expliqué, aux termes de son rapport du 21 mars 2019, que les difficultés de la société [11] provenaient essentiellement du fait de l'absence de gestion par le dirigeant et de la délégation de celle-ci à une secrétaire à mi-temps, sans aucun outil de contrôle, laquelle secrétaire disposait même de la signature sur les comptes bancaires.
La gestion était totalement inexistante : aucune vérification des relevés bancaires, donc aucun rapprochement bancaire avec pour conséquence une méconnaissance totale de la trésorerie de la société ; pas ou peu de process mis en place en vue de procéder au recouvrement des créances clients, ce qui a entraîné une diminution substantielle de la trésorerie ; absence de déclarations fiscales entraînant, de ce fait, des défauts de paiements des différents impôts et taxes ; attitude passive du dirigeant face aux dettes sociales.
Pendant la période d'observation, selon le mandataire, M. [R] ne s'est pas davantage investi dans la gestion de la société pour être en mesure de soumettre au tribunal une proposition de redressement.
Au contraire, les dettes postérieures au redressement judiciaire se sont aggravées avec les cotisations CAFAT du 1er Trimestre 2019 restées impayées pour 302.327 XPF et celles d'[8] dues pour 3.536.178 XPF.
M. [R] a également été dans l'incapacité de procéder aux diligences nécessaires pour mettre en place un compte bancaire de redressement judiciaire à double signature auprès de sa banque.
D'ailleurs, M. [R] a reconnu, lors de l'audience du 18 juillet 2022 devant le Tribunal Mixte de Commerce, son désintérêt pour la gestion de la société en indiquant " qu'il payait une secrétaire pour s'occuper de tout ".
M. [R] ne verse aucun élément justifiant les démarches qu'il prétend avoir entreprises auprès de l'administration fiscale pour obtenir un échéancier de règlement des dettes fiscales.
Bien au contraire, puisque dès le mois de mars 2018, et alors que le chiffre d'affaires de 2017 était en forte augmentation par rapport aux exercices précédents, l'administration fiscale a mis en demeure la société [11] de régler les dettes fiscales, avant de l'assigner en liquidation judiciaire quelques mois plus tard.
M. [R] ne s'intéressait manifestement qu'au fonctionnement des chantiers et a négligé en tant que chef d'entreprise, de s'intéresser à la gestion de son entreprise ne serait-ce qu'en supervisant la secrétaire de l'entreprise.
Ce faisant, M. [R] s'est privé de tous les outils de gestion qu'un chef d'entreprise doit nécessairement utiliser pour ne pas se retrouver cessation des paiements.
De même, si M. [R] avait fait le nécessaire pour recouvrer ses créances, au lieu de les laisser gonfler inutilement, la société [11] aurait disposé d'une trésorerie suffisante qui lui aurait permis de tenir une comptabilité et de régler ses dettes fiscales et sociales.
En conclusion, ainsi que l'a retenu à juste titre le premier juge, les éléments du dossier révèlent donc la commission de multiples fautes de gestion par M. [B] [R] ayant, pour chacune, contribué à l'insuffisance d'actif de la société [11] qui était parfaitement saine mais est devenue largement déficitaire, avec un passif important.
Quant au quantum des sanctions et au montant des sommes à mettre la charge de M. [R], le tribunal a, à juste titre, pris en compte les retards de paiement au titre d'un chantier qui ont pu participer aux difficultés financières constatées, ainsi que la reprise d'une activité en qualité de patenté par l'ancien gérant.
Pour permettre à M. [R] d'assumer ses charges familiales et de régler ses dettes, le premier juge a limité le montant de la condamnation au comblement du passif de la société [11] à la somme de 30 millions XPF.
Ce faisant, le premier juge a justement apprécié les éléments du litige pour ne retenir qu'une sanction de 30 millions XPF au titre du comblement de passif, alors que l'insuffisance d'actif a été fixée, sans contestation possible, à la somme de 80,5 millions XPF, et ce dans un contexte économique local aux emplois salariés de plus en plus rares, afin de permettre à M. [R] de nourrir sa famille et de payer ses dettes.
Aucun élément probant n'est versé par M. [R] pour démontrer que la sanction telle que prononcée par le premier juge serait disproportionnée, étant rappelé qu'elle est largement inférieure au montant de l'insuffisance d'actif et que M. [R] dispose de biens immobiliers lui permettant d'assumer le règlement de la condamnation.
II ) SUR L'INTERDICTION DE GÉRER
La lourde sanction de l'interdiction de gérer apparaît en l'espèce disproportionnée compte tenu des circonstances d'espèces et des fautes commises, si bien que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.
III ) SUR LES DELAIS DE PAIEMENT
M. [R] sollicite un délai de grâce.
Toutefois :
- les dettes la société qu'il a conduite à la liquidation sont très anciennes et ses créanciers souffrent de leur non-paiement ;
- il se borne à demander un délai de 24 mois sans formuler d'offres sérieuses de règlement compte tenu des revenus déclarés ;
- il dit être copropriétaire d'une maison et nu-propriétaire d'une parcelle de terre de 140 ha, ce qui doit permettre par leur vente amiable ou sur saisie, de solder rapidement la dette.
Le jugement doit être confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de délai de paiement.
IV ) SUR LA DEMANDE DE VALIDATION DES HYPOTHEQUES JUDICIAIRES PROVISOIRES
Par requête régularisée le 17 septembre 2021, la SELARL [9], ès qualités, a sollicité auprès de M. le Président du Tribunal Mixte de Commerce de Nouméa l'autorisation d'inscrire une hypothèque judiciaire sur les biens de M. [R].
Par ordonnce du 20 septembre 2021, le Président du Tribunal Mixte de Commerce de NOUMEA a autorisé la SELARL [9], ès qualités, à prendre une hypothèque provisoire judiciaire sur les biens que possède M. [R]
La requête aux fins d'autorisation, l'ordonnance et le bordereau d'inscription ont été notifiés à M. [B] [R] par acte d'huissier du 7 octobre 2021.
Le premier juge a considéré que les inscriptions provisoires d'hypothèque judiciaire étaient régulières et justes au fond, et les a donc validées.
Ce faisant le premier juge a justement apprécié les données du litige et le jugement entrepris doit être confirmé.
V) SUR LES DÉPENS ET L'ARTICLE 700 DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE.
M. [R] succombe et sera donc condamné aux dépens.
Par suite, il est nécessairement redevable envers la SELARL [9] d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile dans la mesure où l'équité ne commande pas de l'en dispenser, somme qui doit être fixée à 150.000 francs CFP.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement
Confirme le jugement du tribunal mixte de commerce du 26 août 2022 en toutes ses dispositions.
Y ajoutant, condamne M. [R] aux dépens d'appel avec distraction au profit de la SELARL D&S LEGAL et à payer à la SELARL [9] la somme de 150.000 Fr. CFP au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le greffier Le président
COUR D'APPEL DE NOUMÉA
Arrêt du 28 Août 2025
Chambre commerciale
N° RG 22/00099 - N° Portalis DBWF-V-B7G-TQ3
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 26 Août 2022 par le Tribunal mixte de Commerce de NOUMEA (RG n° :21/927)
Saisine de la cour : 13 Décembre 2022
APPELANT
M. [B] [R]
né le [Date naissance 1] 1973 à [Localité 6]
demeurant [Adresse 3] - [Localité 5]
Représenté par Me Denis MILLIARD de la SELARL SOCIETE D'AVOCATS MILLIARD, avocat au barreau de NOUMEA
INTIMÉ
S.E.L.A.R.L. [9]
Siège social [Adresse 2] - [Localité 6]
Représentée par Me Frédéric DESCOMBES de la SELARL D'AVOCATS D&S LEGAL, avocat au barreau de NOUMEA
LE MINISTERE PUBLIC
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 24 Juillet 2025, en audience publique, devant la cour composée de :
M. François GENICON, Président de chambre, président, rapporteur,
Mme Marie-Claude XIVECAS, Conseiller,
Mme Zouaouïa MAGHERBI, Conseiller,
qui en ont délibéré, sur le rapport de M. François GENICON.
Greffier lors des débats: Mme Sabrina VAKIE
Greffier lors de la mise à disposition : M. Petelo GOGO
28.08.2025 : Copie revêtue de la formule exécutoire : - Me DESCOMBES ;
Expéditions : - Me MILLIARD ; TMC ; MP ;
- Copie CA
ARRÊT :
- contradictoire,
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,
- signé par M. François GENICON, président, et par M. Petelo GOGO, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.
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FAITS ET PROCÉDURE
La société '[11]', alors dénommée "[14]", a été immatriculée au RCS de Nouméa en mars 2009.
Elle avait pour activité "tous travaux de gros et second oeuvre" sous l'enseigne "[14]", et avait pour gérant(s), entre 2009 et 2012, MM [B] [N], [K] [N] et [B] [R], et à compter de 2012, le seul [B] [R], lequel a racheté la totalité du capital social en février 2013, date à laquelle la société a pris le nom de [4].
Sur assignation des services fiscaux, le tribunal mixte de commerce de Nouméa, par jugement du 3 décembre 2018, a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire de cette société, fixé la date de cessation des paiements au 3 juin 2017, et désigné la SELARL [9] en qualité de mandataire judiciaire.
Par jugement du 16 septembre 2019, au constat notamment de dettes nouvelles survenues au cours de la période d'observation pour environ 3.500.000 F CFP, le tribunal a converti le redressement en liquidation judiciaire et la SELARL [9] a été désignée en qualité de liquidateur.
Par requête déposée au greffe le 8 juin 2021, la SELARL [9] a fait appeler M. [B] [R], ancien gérant de la société liquidée, devant le tribunal mixte de commerce auquel elle a demandé, dans le dernier état de ses conclusions, de :
- dire que M. [B] [R], ancien gérant, a commis des fautes de gestion qui ont contribué à l'insuffisance d'actif de la société [11],
- condamner en conséquence M. [R] à lui payer, ès qualités, la somme ramenée à 80.541.121 F CFP, sauf à parfaire, au titre du comblement de cette insuffisance d'actif,
- prononcer à l'encontre de M. [R] une mesure d'interdiction de gérer pour une durée de 15 ans,
- valider l'hypothèque judiciaire provisoire prise le 29 septembre 2021 sur les biens que possède ce défendeur, en communauté avec son épouse [H] [U] ou en indivision avec Mme [X] épouse [R] à [Localité 5] et [Localité 7],
- condamner le même à lui payer en outre une indemnité de 650 000 F CFP au titre des frais irrépétibles, ainsi qu'aux dépens, avec distraction.
Le 26 août 2022, le tribunal mixte de commerce a rendu la décision dont la teneur suit:
- CONDAMNE M. [B] [R] à supporter le comblement de l'insuffisance d'actif de la liquidation judiciaire de la société [11] à hauteur de la somme de 30.000.000 F CFP (trente millions),
- DIT que cette somme est payable entre les mains de la SELARL [9], ès qualités de liquidateur de la société [11],
- DEBOUTE M. [B] [R] de sa demande de délais de grâce,
- DIT régulières en la forme et VALIDE au fond les inscriptions provisoires d'hypothèques judiciaires prises le 29 septembre 2021 par la SELARL [9], ès qualités, sur les biens immobiliers dont M. [R]
* est copropriétaire avec son épouse (Mme [H] [U]) à [Localité 5] , lot 53 de 10 a 60 ca, lotissement [Adresse 12], portant sur le lot 30 pie de [Localité 10] Rural de 19 ha 63 a 47 ca
* est nu-propriétaire indivis avec Mme [E] [X] épouse [R] à [Localité 7] (lots no 138 et 149 d'une superficie respective de 41 a 70 ca et 4 ha 81 a, section de la [Adresse 13], IC 5561-618637 et IC 5561-519191),
- DEBOUTE la SELARL [9], ès qualités de liquidateur de la société [11], de sa demande au titre d'une mesure d'interdiction de gérer,
- DIT n'y avoir lieu à exécution provisoire,
- DIT que le présent jugement devra faire l'objet de la publicité prévue à l'article 220 de la délibération 352 du 18 janvier 2008,
- CONDAMNE M. [B] [R] aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de la SELARL D&S LEGAL, société d'avocat aux offres de droit.
M. [R] a fait appel de cette décision.
Les parties ont échangé leurs conclusions.
Une ordonnance de clôture est intervenue le 4 octobre 2023 et l'examen de l'affaire a été fixé à l'audience du 4 décembre 2023.
L'ordonnance de clôture a été révoquée le 4 décembre 2023 et le dossier renvoyé devant le juge de la mise en état.
Dans le dernier état de ses conclusions du 10 février 2025, M. [R] demande à la cour de :
RÉFORMER le jugement du tribunal mixte de commerce de Nouméa du 26 août
2022
STATUANT À NOUVEAU
-À titre principal, DÉBOUTER la Selarl [9] en qualité de mandataire liquidateur judiciaire de la société [11] de toutes ses demandes et ORDONNER la mainlevée de l'hypothèque provisoire prise le 29 septembre 2021 sur les biens de M. [B] [R] ;
-À titre subsidiaire, RÉDUIRE le montant de l'insuffisance d'actif mise à la charge de M. [B] [R] à de plus justes proportions et lui accorder un délai de paiement de 24 mois ;
- CONDAMNER la Selarl [9] en qualité de mandataire liquidateur judiciaire de la société [11] à payer à M. [B] [R] la somme de 300 000 XPF au titre de l'article 700 du code de procédure civile de la Nouvelle Calédonie;
- CONDAMNER la Selarl [9] en qualité de mandataire liquidateur judiciaire de la société [11] aux entiers dépens.
Il fait notamment valoir les moyens et arguments suivants:
- le montant de l'insuffisance d'actif est incertain ;
- les fautes reprochées ne sont pas graves ni suffisamment caractérisées ;
- le lien de causalité entre les fautes et l'insuffisance d'actif n'est pas démontré ;
- la sanction d'interdiction de gérer est disproportionnée par rapport aux faits reprochés.
Dans le dernier état de ses conclusions du 6 juin 2024, la SELARL [9] demande à la cour de :
- CONFIRMER le jugement du Tribunal Mixte de Commerce de Nouméa du 26 août 2022 en toutes ses dispositions,
- DEBOUTER M. [B] [R] de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- CONDAMNER M. [B] [R] au versement de la somme de 650.000 XPF au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile de Nouvelle-Calédonie ainsi qu'aux entiers dépens tant de première instance que d'appel, dont distraction au profit de la SELARL D&S LEGAL
Elle fait notamment valoir les moyens et arguments suivants :
L'insuffisance d'actif est caractérisée, certaine, non contesté, et s'élève à la somme de 80'541'121 Fr. CFP.
Le gérant n'a pas satisfait à ses obligations légales en matière de paiement des charges sociales et fiscales, n'a pas tenu de comptabilité, a omis de déclarer la cessation des paiements dans le délai légal de 45 jours, et s'est totalement désintéressé de la gestion de l'entreprise.
Les griefs articulés à l'encontre de M. [R] ne sont pas de simples négligences mais des fautes de gestion qui engagent sa responsabilité dans la mesure où elles ont bien contribué à aggraver le passif social.
M. [R] a démontré son incapacité à gérer une quelconque entreprise.
Le jugement doit être confirmé.
Le ministère public sollicite la confirmation du jugement.
Vu les conclusions de la SELARL [9] du 6 juin 2024 ;
Vu les conclusions de M. [R] du 10 février 2025 ;
Ensemble d'écrits auxquels il convient de se reporter pour un plus ample exposé des moyens et arguments des parties.
MOTIFS
I) SUR L'ACTION EN COMBLEMENT DE PASSIF
L'article L.651-2 du Code de commerce dispose que lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supportée, en tout ou partie, par les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion
Cette action a pour objet la réparation du dommage subi par les créanciers en raison des fautes commises par les dirigeants.
Sa mise en 'uvre nécessite le respect des conditions suivantes :
- la qualité de dirigeant du mis en cause,
- l'existence d'une insuffisance d'actif réelle,
- la preuve de fautes de gestion (faits positifs ou par abstention, fautes légères, imprudences ou négligences) commises par le dirigeant, et ayant contribué à l'insuffisance d'actif de la société,
- La preuve d'un lien de causalité entre les fautes de gestion et l'insuffisance d'actif.
Constitue notamment des fautes de gestion justifiant une action en comblement de passif, les faits fautifs suivant :
- la poursuite abusive d'une activité déficitaire, au mépris du droit des créanciers
- l'absence de contrôle sur la marche de l'entreprise
- l'absence d'organisation d'un contrôle rigoureux sur la gestion et la tenue de la comptabilité de la société ce qui aurait contribué à une meilleure connaissance de la situation réelle et aurait évité un préjudice pour les créanciers
- la violation des dispositions légales impératives, dont l'inobservation des obligations fiscales et sociales, comme le défaut de déclarations ou de paiement des dettes envers les organismes sociaux
- l'absence de tenue de comptabilité ou de remise d'éléments de comptabilité au mandataire liquidateur
De façon plus générale, sont sanctionnés les agissements d'un dirigeant allant à l'encontre de l'intérêt social et contribuant à aggraver le passif de l'entreprise.
Il convient de préciser que, même si la ou les fautes de gestion commises par un dirigeant ne sont que l'une des causes de l'insuffisance d'actif de la société, la totalité de celle-ci peut être mis à sa charge.
Sur la qualité de gérant de M. [R]
La qualité de gérant de M. [R] n'est ni contestable, au demeurant contesté.
Sur l'insuffisance d'actif
L'insuffisance d'actif de la société [11] est caractérisée et certaine, ce qui n'est au demeurant pas contesté par M. [R].
En effet :
- l'état des créances arrêté au 21 avril 2021 fait apparaître un passif de 93.832.262 XPF, dont un passif définitivement rejeté de 804.481 XPF;
- le passif salarial (super privilégié et chirographaire) s'élève à la somme de 573.042 XPF ;
- seule la somme de 13.059.702 XPF a pu être recouvrée.
L'insuffisance d'actif est donc évaluée à la somme de 80.541.121 XPF.
Il convient de préciser, concernant l'actif, que M. [R] , pendant des années, a laissé les créances clients augmenter sans jamais mettre en 'uvre les actions nécessaires pour tenter de les recouvrer.
C'est ainsi que le poste des créances clients est passé de 14 millions XPF en 2015 à 29 millions XPF en 2017.
En outre, une fois la procédure collective ouverte, M. [R] n'a pas plus agi pour permettre au mandataire d'engager les actions nécessaires pour le recouvrement des créances clients.
Le mandataire liquidateur ne saurait se voir reprocher un manque de diligences dans le cadre du recouvrement des créances clients, alors même que M. [R] a été plus que passif sur ce point, comme il l'a été pendant toute la période où il était le gérant de la société [11].
Sur les fautes
a) Sur la violation des obligations légales en matière de paiement des charges sociales et fiscales
Il est constant que M. [R] s'est abstenu de s'acquitter du paiement des cotisations sociales et fiscales depuis plusieurs années.
Ainsi, le mandataire liquidateur a pu constater :
- le défaut de paiement des cotisations sociales dues à [8] à concurrence de 11.201.518 XPF, et à la CAFAT à concurrence de 11.428.980 XPF et ce depuis 2014.
- le défaut de paiement des charges fiscales : impôt sur le Revenu des Valeurs Mobilières depuis 2014, TSS depuis 2013 et impôt sur les sociétés depuis 2014, pour un montant global de 49.790.037 XPF.
Ce fait ne constitue pas une simple négligence mais une grave faute de gestion, et constitue pratiquement un acte de concurrence déloyale vis-à-vis d'autres structures qui, elles, s'acquittent de leurs charges.
Cette accumulation de dettes fiscales et sociales a contraint les services fiscaux à demander la liquidation judiciaire de la société [11] par assignation du 20 novembre 2018.
Ainsi, c'est une somme de 72.420.535 XPF qui a été déclarée par les organismes fiscaux et sociaux sur montant total de passif déclaré de 93.383.262 XPF, ce qui représente 78 % des créances déclarées.
Il convient de souligner qu'au moment de l'assignation en liquidation judiciaire de novembre 2018, la société ne procèdait plus au règlement des sommes dues au titre des impôts depuis 2014.
Il ressort également du rapport de l'administrateur judiciaire qu'aucune déclaration d'imposition n'a été faite depuis 2014.
Au moment de l'assignation en liquidation judiciaire, le montant des dettes fiscales était de 37 millions FXPF.
Le juge commissaire a d'ailleurs relevé la " passivité patente face aux dettes CAFAT qui s'accumulaient ".
Il ne s'agit pas simplement de difficultés financières conjoncturelles, mais bien d'une absence totale de gestion de la part de M. [R], qui se contentait seulement d'être présent sur les chantiers.
Le premier juge a d'ailleurs justement considéré que ce n'était pas tant le défaut de paiement qui était sanctionnable, mais bien la systématisation du défaut de paiement des charges sociales et fiscales, allant même jusqu'à considérer que M. [R] avait affiché un " refus délibéré de payer les charges fiscales et sociales ".
Les simples difficultés de trésorerie ne peuvent pas, en l'état des éléments du dossier, expliquer le montant considérable du passif au titre des charges sociales et fiscales.
La faute de gestion de M. [R] est donc caractérisée et le lien de causalité entre celle-ci et l'insuffisance d'actif est également démontré.
Il convient en outre de souligner que n'a jamais pris le soin de solliciter du mandataire liquidateur afin qu'il procède, auprès des services fiscaux et sociaux, à une demande de remise des pénalités et majorations.
b) Sur la violation des obligations légales en matière de tenue de comptabilité
Au moment de l'ouverture de la procédure collective, il est apparu que la société [11] n'était pas à jour de sa comptabilité depuis 2014.
Ainsi, aux termes de son rapport en date du 21 mars 2019, le juge commissaire, a relevé qu'aucune comptabilité n'avait été tenue depuis 2014 et que pour permettre une perspective de redressement, il convenait de procéder en urgence à la reconstitution des comptes de la société.
Cet état de fait a été confirmé par l'administrateur judiciaire dans son rapport du 10 septembre 2019, qui précisait qu'aucun état financier n'avait été réalisé depuis 2014 et qu'aucune déclaration d'imposition n'avait été faite depuis la même année.
Par ailleurs, et alors même que la société avait fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire, par jugement du 3 décembre 2018, l'administrateur judiciaire a relevé que la société n'avait pas communiqué au comptable les éléments nécessaires pour établir les comptes de l'exercice 2018.
Or, l'absence de tenue de comptabilité prive l'entreprise d'un outil de gestion qui aurait permis à son dirigeant de connaître l'absence de rentabilité de l'entreprise et la nécessité de procéder à la déclaration de cessation des paiements plus tôt ou de prendre les mesures nécessaires afin de l'éviter.
Ainsi qu'il a déjà été souligné plus haut, en 2015, le montant des créances clients s'établissait à 14 millions XPF, pour passer en 2016 à près de 18 millions XPF et en 2017 à près de 29 millions XPF.
Le gérant, muni d'une comptabilité, aurait pu se rendre compte que les créances clients augmentaient chaque année de façon significative et que leur absence de recouvrement régulier avait nécessairement pour conséquence d'entrainer la société vers un état avéré de cessation des paiements.
M. [R] ne peut soutenir que l'absence de tenue de comptabilité s'explique par le refus de son comptable d'assurer cette tenue, faute d'avoir été payé et que si le comptable n'a pas été payé, c'est uniquement en raison des difficultés financières de la société.
Cette allégation est inexacte et n'est pas recevable.
En effet, selon le premier juge, si les factures du comptable n'étaient pas réglées par la gérance de la société [11], et ce, en raison d'une absence de trésorerie, c'est bien parce que ladite société était en état de cessation des paiements.
Il aurait été beaucoup plus efficient de faire le choix de régler le comptable, d'autant que cette dette est loin d'être la plus importante, pour avoir à sa disposition les outils comptables indispensables à une bonne gestion de l'entreprise.
Ainsi que l'a relevé le premier juge, " il est manifeste que M. [R] a commis une grave faute de gestion en refusant de dédier les moyens nécessaires à l'obligation légale de tenir une comptabilité pour sa société, laquelle comptabilité n'est pas une obligation de pure forme mais un outil indispensable pour que le chef d'entreprise, sur la base de l'analyse que doit lui proposer son expert-comptable, puisse se rendre compte de la réelle santé financière de sa société ".
La faute de gestion, constituée par le défaut de comptabilité est démontrée et en lien direct avec l'insuffisance d'actif.
c) Sur l'absence de déclaration de cessation des paiements dans le délai légal de 45 jours
M. [R] aurait dû déposer une déclaration de cessation des paiements dans les 45 jours après la date du 3 juin 2017.
Il est établi que la société [11] était en état de cessation des paiements depuis plusieurs exercices et que M. [R] n'a pas cru bon de solliciter l'ouverture d'une procédure collective dans le délai légal de 45 jours à compter de la cessation des paiements malgré une accumulation considérable de dettes fiscales et sociales depuis 2014. Ce
L'ouverture de la procédure collective n'a été réalisée qu'à la seule initiative des services fiscaux.
M. [R] soutient que l'absence de déclaration de la cessation paiements constitue en réalité une simple négligence et non une faute de gestion.
Toutefois, cette notion de négligence qui a été mise en place par le législateur, et notamment par la loi Sapin II (n°2016-1691 du 9 décembre 2016), pour exempter le dirigeant de sa responsabilité en cas de simple négligence, n'est pas applicable en Nouvelle Calédonie.
M. [R] soutient également que la conjoncture s'est améliorée en 2017, qu'il aurait diminué sa rémunération de gérance, et aurait obtenu de l'administration fiscale un échelonnement de sa dette.
Pour autant, il ne verse aucun document venant corroborer cette allégation d'échelonnement obtenu avec l'administration fiscale, laquelle n'en a d'ailleurs jamais fait état lors de l'assignation en liquidation judiciaire.
En outre, au lieu de maintenir sa rémunération de gérance à la somme de 300.000 XPF par mois, comme fixée en 2016 du fait d'un exercice largement déficitaire, il apparait que M. [R] a augmenté sa rémunération de gérance à 400.000 XPF par mois en 2017, plutôt que de commencer à régler son comptable ou les services fiscaux.
L'absence de déclaration de cessation de paiement constitue une faute de gestion qui est à l'origine de l'insuffisance d'actif dont le montant est déterminé.
d) Sur l'absence de gestion
Il apparaît que la société [11] avait été initialement créée sous la dénomination [14], en 2009, par Messieurs [B] [N] et [K] [N], qui détenaient alors la majorité du capital social, et qui assuraient la gérance avec M. [B] [R].
Pendant ces années où la gérance était assurée par Messieurs [N], la société [11] n'a pas connu de problèmes particuliers : la comptabilité était tenue, les impôts étaient déclarés et réglés.
En février 2013, M. [R] est devenu le seul associé de la société [14], dont la nouvelle dénomination a été modifiée pour adopter celle de [11].
Du moment où M. [R] s'est retrouvé associé unique et gérant de [11], il a été dans l'incapacité de gérer la société, préférant déléguer cette tâche, pourtant essentielle, à une secrétaire de l'entreprise.
Ainsi, le Juge Commissaire a expliqué, aux termes de son rapport du 21 mars 2019, que les difficultés de la société [11] provenaient essentiellement du fait de l'absence de gestion par le dirigeant et de la délégation de celle-ci à une secrétaire à mi-temps, sans aucun outil de contrôle, laquelle secrétaire disposait même de la signature sur les comptes bancaires.
La gestion était totalement inexistante : aucune vérification des relevés bancaires, donc aucun rapprochement bancaire avec pour conséquence une méconnaissance totale de la trésorerie de la société ; pas ou peu de process mis en place en vue de procéder au recouvrement des créances clients, ce qui a entraîné une diminution substantielle de la trésorerie ; absence de déclarations fiscales entraînant, de ce fait, des défauts de paiements des différents impôts et taxes ; attitude passive du dirigeant face aux dettes sociales.
Pendant la période d'observation, selon le mandataire, M. [R] ne s'est pas davantage investi dans la gestion de la société pour être en mesure de soumettre au tribunal une proposition de redressement.
Au contraire, les dettes postérieures au redressement judiciaire se sont aggravées avec les cotisations CAFAT du 1er Trimestre 2019 restées impayées pour 302.327 XPF et celles d'[8] dues pour 3.536.178 XPF.
M. [R] a également été dans l'incapacité de procéder aux diligences nécessaires pour mettre en place un compte bancaire de redressement judiciaire à double signature auprès de sa banque.
D'ailleurs, M. [R] a reconnu, lors de l'audience du 18 juillet 2022 devant le Tribunal Mixte de Commerce, son désintérêt pour la gestion de la société en indiquant " qu'il payait une secrétaire pour s'occuper de tout ".
M. [R] ne verse aucun élément justifiant les démarches qu'il prétend avoir entreprises auprès de l'administration fiscale pour obtenir un échéancier de règlement des dettes fiscales.
Bien au contraire, puisque dès le mois de mars 2018, et alors que le chiffre d'affaires de 2017 était en forte augmentation par rapport aux exercices précédents, l'administration fiscale a mis en demeure la société [11] de régler les dettes fiscales, avant de l'assigner en liquidation judiciaire quelques mois plus tard.
M. [R] ne s'intéressait manifestement qu'au fonctionnement des chantiers et a négligé en tant que chef d'entreprise, de s'intéresser à la gestion de son entreprise ne serait-ce qu'en supervisant la secrétaire de l'entreprise.
Ce faisant, M. [R] s'est privé de tous les outils de gestion qu'un chef d'entreprise doit nécessairement utiliser pour ne pas se retrouver cessation des paiements.
De même, si M. [R] avait fait le nécessaire pour recouvrer ses créances, au lieu de les laisser gonfler inutilement, la société [11] aurait disposé d'une trésorerie suffisante qui lui aurait permis de tenir une comptabilité et de régler ses dettes fiscales et sociales.
En conclusion, ainsi que l'a retenu à juste titre le premier juge, les éléments du dossier révèlent donc la commission de multiples fautes de gestion par M. [B] [R] ayant, pour chacune, contribué à l'insuffisance d'actif de la société [11] qui était parfaitement saine mais est devenue largement déficitaire, avec un passif important.
Quant au quantum des sanctions et au montant des sommes à mettre la charge de M. [R], le tribunal a, à juste titre, pris en compte les retards de paiement au titre d'un chantier qui ont pu participer aux difficultés financières constatées, ainsi que la reprise d'une activité en qualité de patenté par l'ancien gérant.
Pour permettre à M. [R] d'assumer ses charges familiales et de régler ses dettes, le premier juge a limité le montant de la condamnation au comblement du passif de la société [11] à la somme de 30 millions XPF.
Ce faisant, le premier juge a justement apprécié les éléments du litige pour ne retenir qu'une sanction de 30 millions XPF au titre du comblement de passif, alors que l'insuffisance d'actif a été fixée, sans contestation possible, à la somme de 80,5 millions XPF, et ce dans un contexte économique local aux emplois salariés de plus en plus rares, afin de permettre à M. [R] de nourrir sa famille et de payer ses dettes.
Aucun élément probant n'est versé par M. [R] pour démontrer que la sanction telle que prononcée par le premier juge serait disproportionnée, étant rappelé qu'elle est largement inférieure au montant de l'insuffisance d'actif et que M. [R] dispose de biens immobiliers lui permettant d'assumer le règlement de la condamnation.
II ) SUR L'INTERDICTION DE GÉRER
La lourde sanction de l'interdiction de gérer apparaît en l'espèce disproportionnée compte tenu des circonstances d'espèces et des fautes commises, si bien que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.
III ) SUR LES DELAIS DE PAIEMENT
M. [R] sollicite un délai de grâce.
Toutefois :
- les dettes la société qu'il a conduite à la liquidation sont très anciennes et ses créanciers souffrent de leur non-paiement ;
- il se borne à demander un délai de 24 mois sans formuler d'offres sérieuses de règlement compte tenu des revenus déclarés ;
- il dit être copropriétaire d'une maison et nu-propriétaire d'une parcelle de terre de 140 ha, ce qui doit permettre par leur vente amiable ou sur saisie, de solder rapidement la dette.
Le jugement doit être confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de délai de paiement.
IV ) SUR LA DEMANDE DE VALIDATION DES HYPOTHEQUES JUDICIAIRES PROVISOIRES
Par requête régularisée le 17 septembre 2021, la SELARL [9], ès qualités, a sollicité auprès de M. le Président du Tribunal Mixte de Commerce de Nouméa l'autorisation d'inscrire une hypothèque judiciaire sur les biens de M. [R].
Par ordonnce du 20 septembre 2021, le Président du Tribunal Mixte de Commerce de NOUMEA a autorisé la SELARL [9], ès qualités, à prendre une hypothèque provisoire judiciaire sur les biens que possède M. [R]
La requête aux fins d'autorisation, l'ordonnance et le bordereau d'inscription ont été notifiés à M. [B] [R] par acte d'huissier du 7 octobre 2021.
Le premier juge a considéré que les inscriptions provisoires d'hypothèque judiciaire étaient régulières et justes au fond, et les a donc validées.
Ce faisant le premier juge a justement apprécié les données du litige et le jugement entrepris doit être confirmé.
V) SUR LES DÉPENS ET L'ARTICLE 700 DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE.
M. [R] succombe et sera donc condamné aux dépens.
Par suite, il est nécessairement redevable envers la SELARL [9] d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile dans la mesure où l'équité ne commande pas de l'en dispenser, somme qui doit être fixée à 150.000 francs CFP.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement
Confirme le jugement du tribunal mixte de commerce du 26 août 2022 en toutes ses dispositions.
Y ajoutant, condamne M. [R] aux dépens d'appel avec distraction au profit de la SELARL D&S LEGAL et à payer à la SELARL [9] la somme de 150.000 Fr. CFP au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le greffier Le président