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Décisions

CA Saint-Denis de la Réunion, ch. com., 27 août 2025, n° 23/01551

SAINT-DENIS DE LA RÉUNION

Arrêt

Autre

CA Saint-Denis de la Réunion n° 23/0155…

27 août 2025

ARRÊT N°24/

CB

R.G : N° RG 23/01551 - N° Portalis DBWB-V-B7H-F7FU

S.A.R.L. SOCIÉTÉ AT OCEAN INDIEN MAYOTTE

C/

S.A.R.L. SOCIÉTÉ AT OCEAN INDIEN

LE PROCUREUR GENERAL DE [Localité 10]

S.E.L.A.R.L. [E] [H]

COUR D'APPEL DE SAINT - DENIS

ARRÊT DU 27 AOUT 2025

Chambre commerciale

Appel d'une décision rendue par le TRIBUNAL MIXTE DE COMMERCE DE SAINT-PIERRE en date du 29 AOUT 2023 suivant déclaration d'appel en date du 03 NOVEMBRE 2023 RG n° 2022003910

APPELANTE :

S.A.R.L. SOCIÉTÉ AT OCEAN INDIEN MAYOTTE

[Adresse 8]

[Localité 6]

Représentant : Me Thierry CODET de la SELARL CODET CHOPIN ET ASSOCIES, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

INTIMÉES :

S.A.R.L. SOCIÉTÉ AT OCEAN INDIEN

[Adresse 2]

[Localité 5]

Madame LE PROCUREUR GENERAL DE [Localité 10]

[Adresse 1]

[Localité 4]

S.E.L.A.R.L. [E] [H]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentant : Me Eric LEBIHAN de la SAS LEGALYS OI, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

DATE DE CLÔTURE : 17 février 2025

DÉBATS : en application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 05 mars 2025 devant Madame BERAUD Claire, Conseillère, qui en a fait un rapport, assistée de Madame Nathalie BEBEAU, Greffière, les parties ne s'y étant pas opposées.

Ce magistrat a indiqué, à l'issue des débats, que l'arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition au greffe le 14 mai 2025 prorogé par avis au 18 juin 2025 puis au 27 août 2025.

Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Président : Madame Séverine LEGER, Conseillère

Conseiller : Madame Claire BERAUD, Conseillère

Conseiller : Madame Anne-Charlotte LEGROIS, Vice-présidente placée affectée à la cour d'appel de Saint-Denis par ordonnance de Monsieur le Premier Président

Qui en ont délibéré

Arrêt : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 27 août 2025.

* * *

LA COUR

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

La SARL A. Tessiot Océan Indien (ci-après la société ATOI) exerce une activité dans le domaine du déménagement routier et maritime et du garde-meubles. La SARL A. Tessiot Océan Indien Mayotte (ci-après la société ATOIM), exerce une activité similaire sur l'ile de Mayotte.

Par contrat du 1er juillet 2021 ces sociétés ont conclu un contrat de garde-meubles prévoyant un espace du lot déposé de 300 m², pour un loyer mensuel de 1 900 euros HT.

Après une procédure de redressement judiciaire, la société ATOI a été placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal mixte de commerce de Saint-Pierre en date du 24 février 2022 et la SELARL [E] [H] désignée en qualité de liquidateur judiciaire.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 1er avril 2022 reçue le 6 avril 2022, la société ATOIM a informé le mandataire judiciaire qu'elle revendiquait le contrat de garde meubles dans les locaux de la société ATOI.

Cette démarche n'ayant pas été suivie d'effet, par requête du 1er juin 2022 reçue le 13 juin 2022, elle a saisi le juge-commissaire, réitérant sa demande en revendication du contrat de garde-meubles et sollicitant la restitution de biens listés, entreposés dans les locaux sous couvert du contrat de garde-meubles. Puis par une seconde requête du 4 juin 2022 reçue le 10 juin 2022, elle a adressé un complément concernant les effets personnels, biens, matériels et fournitures lui appartenant.

Lors de l'audience tenue le 12 juillet 2022, le juge-commissaire a prononcé la jonction des procédures ouvertes à réception des deux requêtes et autorisé la communication d'une note en délibéré afin d'être informé de l'état du bail conclu par la société ATOI et la SARL Sandawana, actuelle propriétaire de l'entrepôt servant de garde-meubles à Mayotte, ainsi que des opérations de déménagement déjà mises en 'uvre concernant les biens stockés.

La société ATOIM a communiqué une première note en délibéré le 15 juillet 2022, le mandataire judiciaire a communiqué également deux notes les 22 et 29 juillet 2022. Par ordonnance du 6 septembre 2022, le juge-commissaire a rouvert les débats aux fins de recueillir les observations des parties sur la recevabilité des requêtes.

Par ordonnance du 8 novembre 2022, il a rejeté l'intégralité des demandes considérant que si les délais prescrits par les dispositions du code de commerce avaient été respectés, ce n'était pas le cas de la condition de demande préalable en revendication des biens, seul le contrat de garde-meuble ayant été revendiqué par la demande formulée le 1er avril 2022.

Par courrier reçu au greffe le 29 novembre 2022, la société ATOIM a formé un recours à l'encontre de cette décision.

Par jugement contradictoire du 29 août 2023, le tribunal mixte de commerce de Saint-Pierre de la Réunion a :

- confirmé l'ordonnance du juge-commissaire en date du 8 novembre 2022 ayant déclaré irrecevable la requête en revendication déposée par AT Océan Indien Mayotte,

- condamné AT Océan Indien Mayotte aux entiers dépens de la présente instance, y compris les frais de greffe taxés et liquidés à hauteur de 66,07 euros.

Le premier juge a retenu en premier lieu qu'une décision de réouverture des débats constituant une mesure d'administration judiciaire insusceptible de recours, elle ne pouvait fonder une demande en nullité de l'ordonnance contestée. En second lieu, il a considéré que si les délais fixés aux articles L.624-9 et R.624-13 du code de commerce avaient été respectés par la demanderesse, sa requête initiale portait sur le contrat de garde meubles dans les locaux de la défenderesse uniquement et non sur les meubles ensuite énumérés et, par conséquent le mandataire judiciaire n'avait pas été valablement saisi quand bien même des précisions avaient été apportées par requêtes postérieures sur la nature et le nombre des biens meuble revendiqués, celle-ci étant également irrecevable.

Par déclaration du 3 novembre 2023 la société ATOIM a interjeté appel de cette décision.

L'affaire a été renvoyée à la mise en état par ordonnance du 28 décembre 2023.

L'appelante a notifié ses conclusions par voie électronique le 2 février 2024.

Intimée par signification de la déclaration d'appel par acte d'huissier à sa dernière adresse connue le 22 février 2024 selon les formalités de l'article 659 du code de procédure civile, la société ATOI n'a pas constitué avocat.

La SELARL [E] [H] a constitué avocat le 5 mars 2024 et a notifié ses conclusions par voie électronique le 22 mai 2024.

Par ordonnance du 17 février 2025, la procédure a été clôturée et l'affaire fixée à l'audience du 5 mars 2025 à l'issue de laquelle la décision mise en délibéré par mise à disposition au greffe le 14 mai 2025, date prorogée au 18 juin 2024 puis au 27 août 2025.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET DES MOYENS

Dans ses dernières conclusions d'appelante n°2 notifiées par voie électronique le 14 juin 2024, la société ATOIM demande à la cour de la déclarer recevable et bien fondée en toutes ses demandes et d'infirmer le jugement critiqué en toutes ses dispositions et ce faisant, statuant à nouveau de :

- prononcer la nullité de la note en délibéré du liquidateur, ès qualités et partant de l'ordonnance de réouverture des débats,

En conséquence,

- se prononcer sur sa revendication en fonction des éléments soumis aux débats à l'audience du 12 juillet 2022, à l'exclusion de tout autre,

A titre subsidiaire,

- prononcer la recevabilité et le bien fondé de sa revendication portant sur le contrat de garde-meubles et les meubles stockés sous couvert de ce contrat et listés dans le corps des requêtes et conclusions,

En conséquence,

- débouter la SELARL [E] [H], représentée par Maître [E] [H] ès qualités de liquidateur judiciaire de sa demande d'exclusion des demandes en revendication des véhicules, effets personnels, biens, matériels et fournitures qui lui appartiennent,

- dire et juger qu'elle a qualité à agir en revendication en sa qualité de dépositaire,

- dire et juger que la SELARL [E] [H], représentée par Maître [E] [H] ès qualités de liquidateur judiciaire n'apporte pas la preuve de l'absence de biens dans son patrimoine,

En conséquence,

- ordonner la restitution des biens listés et entreposés dans les locaux sous couvert du contrat de garde-meubles et listés dans le corps des requêtes et conclusions,

En tout état de cause,

- condamner la SELARL [E] [H], représentée par Maître [E] [H], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL A.T. Ocean Indien au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la même aux entiers dépens d'instance dont distraction au profit de Maître Thierry Codet, avocat au Barreau de Saint-Denis de la Réunion.

L'appelante fait valoir que :

- l'ordonnance de réouverture des débats est nulle car d'une part, elle a été rendue parce que le liquidateur a soulevé une fin de non-recevoir par une note en délibéré non autorisée qui aurait donc dû être écartée, et, d'autre part, car cette fin de non-recevoir ne pouvait être soulevée d'office par le juge-commissaire,

- le liquidateur judiciaire a affirmé au terme de sa note d'audience du 11 juillet 2022 que la demande en revendication était recevable et bien fondée pour ensuite, dans sa note en délibéré du 21 juillet 2022 en soulever l'irrecevabilité, il s'est ainsi contredit à son détriment en changeant de position après l'avoir induit en erreur sur ses intentions ; en outre, il a ainsi fait un aveu judiciaire sur lequel il ne peut revenir ; au regard des principes de l'estoppel et de l'aveu judiciaire, le moyen tiré de l'irrecevabilité de la demande en revendication aurait dû être déclaré irrecevable,

- en tant que dépositaire des biens qui lui ont été confiés, elle a qualité à agir et la revendication du contrat de garde meuble emporte automatiquement celle de son contenu,

- la demande en revendication préalable ne constitue pas une demande en justice, aucune fin de non-recevoir ne peut donc lui être opposée, elle pouvait évoluer et être complétée par le biais de requêtes postérieures sans formalisme particulier,

- en outre, l'article L.624-9 du code de commerce ne prévoit aucune distinction entre des biens meubles corporels ou incorporels,

- elle est bien fondée à revendiquer les biens et leur restitution, car en l'absence d'inventaire complet, c'est au liquidateur judiciaire, qui avait parfaitement connaissance de la situation, de prouver l'absence des biens dans le patrimoine du débiteur.

Dans ses dernières conclusions d'intimée n°2 notifiées par voie électronique le 21 octobre 2024, la SELARL [E] [H], représentée par Maître [E] [H], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société ATOI demande à la cour de confirmer en toutes ses dispositions le jugement critiqué et y ajoutant :

- condamner AT Océan Indien Mayotte SARL à lui verser ès qualités de liquidateur de la société AT Océan Indien la somme de 25 000 euros au titre des frais irrépétibles,

- condamner AT Océan Indien Mayotte SARL aux entiers dépens de l'instance.

L'intimée fait valoir que :

- l'ordonnance de réouverture des débats n'est pas nulle car le juge-commissaire a soulevé d'office l'irrecevabilité de la requête en revendication et la décision est une mesure d'administration judiciaire insusceptible de recours,

- il ne peut lui être reproché de s'être contredit au détriment de l'appelante ni d'être revenue sur un aveu judiciaire dans la mesure où elle n'a jamais affirmé que la requête était recevable dans son intégralité,

- la demande initiale préalable visait le contrat de garde meuble, qui ne constitue pas un meuble au sens de l'article L.624-9 du code de commerce, elle était donc irrecevable et ne pouvait être complétée par des demandes accessoires visant les meubles, en outre, il n'existe pas de lien suffisant entre la demande en revendication du contrat de garde meuble et celle des biens détenus par le gardien au titre de ce contrat,

- aucun inventaire n'a pu être réalisé en raison de la confusion de patrimoine constatée entre les deux sociétés.

La société ATOI ayant été intimée par acte remis à sa dernière adresse connue et n'ayant pas constitué avocat, la décision sera rendue par défaut en application des dispositions de l'article 474 du code de procédure civile.

Il est fait renvoi aux écritures susvisées pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la nullité de la note en délibéré et de l'ordonnance ayant prononcé la réouverture des débats :

L'article 444 alinéa 1 du code de procédure civile prévoit que le président peut ordonner la réouverture des débats. Il doit le faire chaque fois que les parties n'ont pas été à même de s'expliquer contradictoirement sur les éclaircissements de droit ou de fait qui leur avaient été demandés.

Selon l'article 445 de ce même code, après la clôture des débats, les parties ne peuvent déposer aucune note à l'appui de leurs observations, si ce n'est en vue de répondre aux arguments développés par le ministère public, ou à la demande du président dans les cas prévus aux articles 442 et 444.

En l'espèce, il est établi que plusieurs notes en délibéré ont été communiquées par les parties après la clôture des débats, la première du 15 juillet 2022 émanant de la société ATOI aux fins de transmission d'une copie d'une plainte évoquée lors de l'audience, autorisée par le juge-commissaire, suivie d'une note du liquidateur du 21 juillet 2022 répondant à la première tout en évoquant des points non soulevés lors de l'audience. Une nouvelle note en délibéré a été transmise par la société ATOI le 29 juillet 2022 sollicitant le rejet de la note du liquidateur du 21 juillet 2022.

Le juge-commissaire a ordonné la réouverture des débats 'afin que les parties puissent présenter leurs observations sur les fins de non-recevoir soulevées par le mandataire liquidateur postérieurement à l'audience ou soulevées d'office, l'ensemble de ces fins de non-recevoir n'ayant pu être discutées lors de l'audience'.

Le juge-commissaire a ainsi expressément fait référence à la note en délibéré qui lui avait été adressée par le liquidateur judiciaire le 21 juillet 2022 mais aussi aux fins de fin de non-recevoir qu'il entendait soulever d'office.

Il a ordonné la réouverture des débats afin que les parties puissent s'expliquer contradictoirement.

En ayant procédé de la sorte, le juge-commissaire a exercé la faculté discrétionnaire offerte par le texte précité, laquelle constitue une mesure d'administration judiciaire, insusceptible de recours et ne peut donc servir de fondement à une demande de nullité de l'ordonnance l'ayant prononcée, ni de la note en délibéré litigieuse, laquelle n'a pas été utilisée par le juge pour statuer au fond en violation du principe du contradictoire.

L'appelante sera par conséquent déboutée de ses demandes de nullité.

Sur la recevabilité de la requête en revendication :

L'action en revendication est le moyen offert au propriétaire de faire reconnaître son droit de propriété sur un bien meuble mis à la disposition d'un débiteur en état de cessation des paiements et d'éviter ainsi qu'il soit revendu.

Le dépositaire qui a entreposé de la marchandise auprès du débiteur objet de la procédure collective ayant, en cette qualité et par application de l'article 1915 du code civil l'obligation de restituer en nature la chose remise, se voit ouvrir le droit de revendiquer le bien entre les mains du sous-dépositaire.

Selon l'article L624-9 du code de commerce, le délai de présentation de la requête en revendication est de trois mois à compter de la publication au Bodacc du jugement ouvrant la procédure.

L'article R624-13 du même code exige qu'une demande préalable soit adressée par lettre recommandée avec accusé de réception et qu'à défaut d'acquiescement dans le délai d'un mois à compter de la réception de la demande, le demandeur doit, sous peine de forclusion, saisir le juge-commissaire au plus tard dans un délai d'un mois à compter de l'expiration du délai de réponse.

La phase amiable prévue par l'article R624-13 constitue un préalable obligatoire ; l'action en revendication exercée directement par le propriétaire devant le juge-commissaire serait irrecevable, quand bien même elle serait exercée dans le délai de trois mois.

Si ces articles n'en précisent pas le contenu, elle doit avoir pour objet de revendiquer la propriété des biens dont la restitution est sollicitée. Dès lors, elle doit nécessairement inviter son destinataire à se prononcer sur le droit de propriété du requérant et contenir une identification précise de ces biens. En outre, la lettre mettant en demeure l'organe de se prononcer sur la poursuite d'un contrat en cours ne vaut pas demande en revendication.

En l'espèce, il n'est pas contesté en cause d'appel que les différents biens sur lesquels porte le litige ont été remis à l'appelante à charge de les restituer ou lui appartiennent directement et qu'elle a donc bien qualité à agir ni que les délais fixés par les textes susvisés ont été respectés. Seule la régularité de la requête préalable d'acquiescement est en réalité contestée.

Par lettre recommandée avec accusé de réception transmise le 1er avril 2022, l'appelante a indiqué au mandataire judiciaire : « par le présent courrier nous effectuons la revendication du contrat de garde-meubles de AT Océan Indien Mayotte dans les locaux loués par [Adresse 7] [Adresse 9] Nel à Kawaeni à la société Sandwana. ['] Comme l'a indiqué dans le mail du1/3/2022 de M. [U], et évoqué lors du rendez-vous du 28/2 la SARL AT Océan Indien Mayotte est prête à assumer le loyer pendant une période transitoire et à étudier avec votre étude la reprise du bail et la gestion du contentieux en cours avec le bailleur. Restant à votre disposition sur le sujet ».

Il n'y est ainsi fait référence qu'au contrat de garde-meuble liant les deux sociétés et il n'est question que de la poursuite de ce contrat sans que ne soit revendiquée la propriété des biens stockés qui ne sont pas détaillés expressément ni même évoqués alors que le contrat de garde meuble, tel que communiqué à la procédure, ne contient pas d'inventaire des meubles qui seraient gardés, et s'apparente plus à un contrat de sous-location. Sa revendication ne peut donc induire que la propriété de ce qui y a été gardé l'est par la demande préalable d'acquiescement.

En l'absence de revendication d'une quelconque propriété et d'identification expresse des biens revendiqués, ce courrier ne peut donc constituer la demande préalable d'acquiescement imposée par les dispositions du code de commerce. Les requêtes présentées ultérieurement qui précisent les meubles concernés ne suffisent pas à régulariser l'action.

En outre, il est constant qu'en l'absence de demande explicite de revendication, la phase amiable n'est pas respectée et l'action en revendication est irrecevable. Il ne saurait dès lors être considéré, comme l'excipe l'appelante, qu'il ne s'agit pas d'une demande en justice et qu'une fin de non-recevoir ne peut être soulevée la concernant.

De même, le moyen selon lequel le contrat de garde meuble pouvait être revendiqué en tant que bien meuble incorporel n'est pas fondé dans la mesure où c'est bien la restitution des meubles stockés dans les locaux loués par la société en procédure collective qui est revendiquée, le sort du bail conclu pour les locaux de stockage étant par ailleurs incertain. L'action en revendication porte donc sur des biens meubles corporels et non les droits générés par le contrat de garde meuble.

Enfin, au terme de ses écritures communiquées en vue de l'audience devant le juge-commissaire, intitulées « notes d'audiences » et datées du 11 juillet 2022, le mandataire judiciaire a rappelé que l'appelante avait revendiqué un contrat de garde meuble, demande à laquelle le liquidateur n'avait pas acquiescé, et que le juge-commissaire avait ensuite valablement été saisi.

S'agissant de la reconnaissance du droit de propriété, il soulignait à nouveau que c'était la propriété du garde meuble qui était revendiquée par la requérante qui, au stade de la saisine du juge-commissaire, avait transmis des pièces justificatives de la propriété de ses clients de garde meubles et revendiquait désormais également la propriété de trois véhicules.

Le liquidateur concluait que la revendication était recevable et bien fondée en propriété mais soulevait une difficulté quant à la possibilité de restituer ces biens.

Il a ensuite contesté la validité de la demande préalable dans le cadre de sa note en délibéré et des audiences ultérieures.

Le liquidateur judiciaire ne vise aucunement les biens objets du présent litige qui ne sont ainsi toujours pas identifiés ni identifiables. Par conséquent, il ne peut être considéré que cet avis se prononce sur leur revendication. C'est bien de la demande initiale visant le contrat de garde meuble dont il est question. Il ne peut donc lui être reproché de s'être contredit au détriment de l'intimée ou d'avoir ainsi reconnu la régularité de la procédure en revendication.

Il en découle que le courrier adressé le 1er avril 2022 ne constituant pas une demande initiale préalable de revendication de la propriété des biens, la procédure instituée par les articles L624-9 et R624-13 du code de commerce n'a pas été respectée et les requêtes déposées postérieurement n'ont pas permis de la régulariser. La demande en revendication sera dès lors déclarée irrecevable et le jugement critiqué sera confirmé.

Sur les autres demandes

Succombant en son appel, la société ATOIM sera condamnée à en régler les entiers dépens sur le fondement des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.

L'équité commande par ailleurs de la condamner à payer la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle sera déboutée de sa prétention du même chef en ce qu'elle succombe.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Rejette la demande de nullité de la note en délibéré du liquidateur es qualité et de l'ordonnance de réouverture des débats ;

Confirme le jugement déféré dans l'intégralité de ses dispositions soumises à la cour ;

Y ajoutant,

Condamne la société ATOIM à régler les entiers dépens de l'appel ;

Condamne la société ATOIM à payer la somme de 2 000 euros à la SELARL [E] [H] es qualité de liquidateur de la société ATOI au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette toute autre demande plus ample ou contraire.

Le présent arrêt a été signé par Madame Séverine LEGER, conseillère faisant fonction de présidente de chambre, et par Madame Nathalie BEBEAU, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

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