Cass. soc., 13 mars 2019, n° 17-26.441
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Comat (SASU)
Défendeur :
M. J
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Schamber
Rapporteur :
M. David
Avocat :
SCP Gatineau et Fattaccini
Vu l'article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Comat aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize mars deux mille dix-neuf. MOYENS ANNEXES à la présente décision.
Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Comat.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que F... T... a droit au rappel de salaire par la société COMAT au titre de la classification 210, au titre du complément de l'indemnité de licenciement, au titre du solde de congés payés, d'AVOIR avant dire droit sur le montant des rappels de salaire, ordonné la réouverture des débats, fait injonction à M. T... de produire des décomptes détaillés de ses demandes en tenant compte des montants des minima conventionnels applicables et de conclure avant le 30 septembre 2017, et à la société Comat de répondre aux écritures de l'appelant avant le 30 novembre 2017.
AUX MOTIFS QUE « La classification conventionnelle à laquelle peut prétendre le salarié est celle correspondant aux fonctions réellement exercées.
La classification octroyée à F... T... par l'employeur depuis novembre 2008 est la position 2.3 coefficient 150 de la convention collective Syntec, laquelle correspond : "aux ingénieurs et cadres ayant au moins 6 ans de pratique en cette qualité et étant en pleine possession de leur métier ; partant des directives données par leur supérieur, ils doivent avoir à prendre des initiatives et assumer des responsabilités pour diriger employés, techniciens ou ingénieurs travaillant à la même tâche".
La classification intermédiaire position 2.3 coefficient 170 de la convention collective Syntec correspond : « aux ingénieurs ou cadres placés généralement sous les ordres d'un chef de service et qui exercent des fonctions dans lesquelles ils mettent en oeuvre non seulement des connaissances équivalant à celles sanctionnées par un diplôme, mais aussi des connaissances pratiques étendues sans assurer, toutefois, dans leurs fonctions, une responsabilité complète et permanente qui revient en fait à leur chef ».
F... T... réclame le bénéfice de la position 3.1 coefficient 210 de la convention collective Syntec laquelle correspond : "aux ingénieurs ou cadres ayant à prendre dans l'accomplissement de leurs fonctions, les initiatives et les responsabilités qui en découlent, en suscitant, orientant et contrôlant le travail de leurs subordonnés. Cette position implique un commandement sur des collaborateurs et cadres de toute nature".
Le salarié explique dans ses écritures qu'à compter du mois de novembre 2008 son « périmètre de responsabilités a augmenté de façon significative car il est devenu responsable du service (ou centre de ressources) AIT ».
En l'espèce, la lettre de mission du 11 mars 2009 signée par Le PDG de COMAT et F... T... relative à la fonction de responsable du centre de ressources AIT mentionne que son supérieur direct est le directeur général ; ses collaborateurs directs : tous responsables de centre d'affaires et de ressources, responsables commerciaux et administratifs ; ses subordonnés directs : responsable de section "intégration CT Thalès" et tout le personnel AIT en autres missions.
Le descriptif de la mission est le suivant :
* collecte, planification et satisfaction des demandes de ressources humaines et matérielles AIT faites par les différentes affaires conduites à la COMAT, projets et services.
* consolidation et gestion des ressources humaines AIT : congés, RTT, heures sup, remplacements ...
* capitalisation des compétences et formation du personnel AIT : collecte des besoins interne et externe, établissement des priorités et des demandes de formation, suivi de leur bonne mise en oeuvre.
* entretien d'évaluation et proposition de révision salariale (en coordination avec le(s) responsable(s) de section).
* mise en oeuvre des actions de recrutement du personnel (COD, COI, int.).
* organisation du maintien en conditions opérationnelles des moyens matériels AIT de la COMAT (investissement, maintenance caisse à outils, salles blanches, gestion consommables, procédures d'entretien et d'utilisation ... ).
* correspondant qualité AIT (interne/externe) : établissement et maintien d'un référentiel qualité de ressources et pratiques AIT COMAT.
A la même date, soit le 11 mars 2009, le PDG de COMAT et F... T... ont également signé une deuxième lettre de mission relative à la fonction de chargé d'affaires des prestations "service AIT" laquelle mentionne que le supérieur direct est le directeur général, les collaborateurs directs : responsable du contre d'affaires "services", responsable centre de ressources AIT, responsables commerciaux et administratifs.
Le descriptif de la mission est le suivant :
Interlocuteur "chargé d'affaires" des clients des prestations de service AIT.
* interface référent avec les divers clients pour le suivi général de la bonne exécution de l'affaire (réunions d'avancement, établissement de devis, suivi satisfaction client, etc).
* assure la bonne définition des conditions de facturation en phase devis et établit régulièrement le bilan technique et financier de l'avancement et de la clôture de l'affaire.
* dialogue permanent avec le RCR-AIT (expression demandes de ressources, vérification de la bonne mise à disposition, arbitrage demandes clients/conflits interne ou externe, planning prévisionnel, etc).
* établit les bons de livraison, déclenche les facturations.
* gère les non-conformités éventuelles de la prestation en relation avec la qualité et le client.
Le 22 décembre 2009, le PDG de COMAT et F... T... ont signé une 3ème lettre de mission relative à la fonction de responsable des moyens AIT. Le supérieur direct est la responsable du service support industriel ; les collaborateurs directs sont les personnels de la société ; aucun subordonné direct dans cette fonction.
Le descriptif de la mission est le suivant :
Le responsable des moyens AIT est responsable de l'exploitation des salles blanches de la société à Flourens.
* maintien en état opérationnel des salles blanches (propreté, filtration surpression).
* planification de l'utilisation des outillages (caisses à outils, clefs dynamométriques).
* planification de l'utilisation des espaces de travail (table, étagères, ... ).
* planification de l'utilisation des enceintes thermiques.
* surveillance de l'utilisation des moyens AIT.
* gestion des produits utilisés (alcool, colles, visserie, ... ).
L'employeur conteste l'existence d'un commandement de F... T... sur des collaborateurs et cadres de toute nature, nécessaire à l'octroi du coefficient 210 et plus particulièrement la gestion du personnel en ce qui concerne la gestion des congés, RD, absence, heures supplémentaires du personnel COMAT.
La cour retient que la lettre de mission relative aux fonctions de responsable du centre de ressources AIT mentionne bien plusieurs subordonnés directs, responsable section et personnels AIT, et le fait que le directeur général est le supérieur direct de J... T....
Par ailleurs, les missions de ressources humaines sont expressément prévues dans la lettre de mission. La partie de la mission relative aux ressources humaines n'est nullement contradictoire avec celle de la responsable du service administration laquelle met en oeuvre la gestion des congés, récupérations RTT, après validation de leur principe par F... T....
Au demeurant, les documents relatifs à la ventilation du temps de travail de F... T... établissent que les tâches de responsabilités et d'encadrement ont occupé la quasi-totalité de son temps de travail.
Il résulte des lettres de mission que F... T... était cadre, chef de service de plein exercice, avec un commandement sur des collaborateurs et cadres de toute nature.
F... T... est donc fondé à réclamer la position 3.2 coefficient 210.
Toutefois, dans la mesure où il n'a pas signé de forfait Jours modalité 3, il ne peut en revendiquer juridiquement l'application.
Au vu du décompte du salarié en pièce 23, vérifié par la cour, il apparaît que F... T... n'a pas fait application des barèmes de la convention collective applicable aux salaires minimaux conventionnels mais de documents non officiels émanant selon lui de la CFE/CGC qui ne correspondent pas au texte des avenants à la convention collective sur les salaires minimaux conventionnels.
Il convient en conséquence d'ordonner la réouverture des débats afin que le salarié chiffre correctement sa demande au vu des textes officiels applicables »
1/ ALORS QUE selon l'annexe 2 de la convention collective, portant classification des ingénieurs et cadres, le coefficient 150 qui relève de la position 2 est attribué aux « Ingénieurs ou cadres ayant au moins six ans de pratique en cette qualité et étant en pleine possession de leur métier ; partant des directives données par leur supérieur, ils doivent avoir à prendre des initiatives et assumer des responsabilités pour diriger les employés, techniciens ou ingénieurs travaillant à la même tâche », tandis que le coefficient 210 qui relève de la position 3 est attribué aux « Ingénieurs ou cadres ayant à prendre, dans l'accomplissement de leurs fonctions, les initiatives et les responsabilités qui en découlent, en suscitant, orientant, et contrôlant le travail de leurs subordonnés. Cette position implique un commandement sur des collaborateurs et cadres de toute nature » ; que l'attribution du coefficient 210 requiert des pouvoirs de direction et de contrôle du travail effectué par les collaborateurs ; qu'en se bornant à constater que M. T... avait des subordonnés au sein du service AIT et qu'il était en charge de missions de ressources humaines, la Cour d'appel qui n'a nullement caractérisé qu'il était investi d'un pouvoir de direction et de contrôle à l'égard du travail effectué par ses subordonnés, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'annexe 2 portant classification des ingénieurs et cadres, à la convention collective nationale des Bureaux d'Études Techniques, des Cabinets d'Ingénieurs-Conseils et des Sociétés de Conseils du 15 décembre 1987 ;
2/ ALORS QU'interdiction est faite au juge de dénaturer les documents de la cause ; que M. T... versait aux débats une pièce intitulée « taches identifiées par BTO en tant que responsable AIT » (pièce d'appel n° 21), de laquelle il tirait que « la ventilation de son temps de travail » établissait que « les taches de responsabilité et d'encadrement occupaient la quasi-totalité de son temps de travail » (ses conclusions d'appel p 14) ; que de cette pièce, il résultait seulement que 32, 1 % du temps était consacré à « la gestion du personnel », 7,7% à « la gestion service intégration Comat » qui recouvrait des taches d' « animation de réunion de service et de réunions internes diverses » et 29, 5 % au « suivi des projets externes » qui recouvrait des taches de « suivi clients, facturation, réalisation de devis et visites de clients » ; qu'en affirmant que ce document établissait que « les tâches de responsabilités et d'encadrement ont occupé la quasi-totalité de son temps de travail », la Cour d'appel a dénaturé ledit document, en violation du principe susvisé.
SECOND MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que M. T... a droit à un rappel de salaire par la société Comat et d'AVOIR avant dire droit sur le montant du rappel de salaire et de congés payés, ordonné la réouverture des débats, fait injonction à M. T... de produire un décompte détaillé des heures supplémentaires en tenant compte des feuilles de temps hebdomadaires et de conclure avant le 30 septembre 2017, et à la société Comat de répondre aux écritures de l'appelant avant le 30 novembre 2017, et d'AVOIR sursis à statuer sur la demande formée au titre du travail dissimulé jusqu'à ce qu'il soit statué sur la demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires
AUX MOTIFS QUE « Aux termes de l'article L 3121-39 du code du travail, la conclusion de conventions individuelles de forfait, en heures ou en jours, sur l'année est prévue par un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche. Cet accord collectif préalable détermine les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait, ainsi que la durée annuelle du travail à partir de laquelle le forfait est établi, et fixe les caractéristiques principales de ces conventions.
Aux termes de l'article L 3121-46 du code du travail, un entretien annuel individuel est organisé par l'employeur, avec chaque salarié ayant conclu une convention de forfait en jours sur l'année. Il porte sur la charge de travail du salarié, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, ainsi que sur la rémunération du salarié.
L'accord du 22 juin 1999 relatif à la durée du travail, attaché à la convention collective Syntec, fixe trois modalités de gestion des horaires distingués dans l'entreprise: standard (modalité 1), modalités de réalisation de mission (modalité 2), modalités de réalisation de mission avec autonomie complète (modalité 3). La modalité 1 est un forfait en heures, la modalité 2 est un forfait jours mais qui fait référence aux heures effectuées, elle s'adresse aux ingénieurs et cadres à l'exception de ceux relevant de la modalité 3, la modalité 3 est un forfait jours annuel et s'adresse aux cadres disposant d'une large autonomie relevant au minimum de la position 3 de la grille de classification ou ceux bénéficiant d'une rémunération annuelle supérieure à deux fois le plafond de la sécurité sociale ou aux mandataires sociaux.
Le 15 septembre 1999, un accord d'entreprise a été signé entre la société COMAT, la CFDT et la CFE CGC portant sur la réduction du temps de travail. L'article 4.3.3 de cet accord précise que les cadres travaillent suivant un forfait mensuel en accord avec les termes de la convention collective et en corrélation avec les horaires de l'entreprise.
Le contrat de travail initial du 2 octobre 2006 entre COMAT et F... T... a prévu un décompte forfaitaire du temps de travail de 213 jours annuels, sans aucune référence horaire. Par avenant du 5 juin 2012, les modalités de décompte du temps de travail a été fixée à 213 jours annuels (journée de solidarité comprise), compte non tenu des congés d'ancienneté conventionnels, l'horaire hebdomadaire étant porté à 36 heures et pouvant être dépassé dans la limite de 10%, portant la limite haute à 39,5 heures.
La cour constate que ni les dispositions de l'article 4 de l'accord du 22 juin 1999 relatives à la durée du travail, attaché à la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987, ni les stipulations de l'accord d'entreprise du 15 septembre 1999, ne sont de nature garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressée et, donc, à assurer la protection de la sécurité et de la santé de la salariée.
L'employeur ne justifie pas d'entretiens annuels correspondant aux conditions de l'article L 3121-46 du code du travail, au contraire les entretiens annuels produits par le salarié mettent en évidence que les thèmes de la charge de travail, de l'organisation du travail et de son articulation avec la vie personnelle et familiale n'ont pas été abordés.
En conséquence les conventions de forfait sont sans effet.
J... T... est donc, dans le principe, fondé à obtenir paiement des heures supplémentaires effectuées au-delà de 35 heures hebdomadaires sur la période non prescrite du 8 mars 2008 jusqu'à la date de la rupture soit le 29 octobre 2012.
L'examen des pièces fait apparaître que le salarié a effectivement signé des feuilles hebdomadaires de temps et que l'employeur les produit pour la période de 2008 à 2012 (pièce n° 40 de l'employeur), sans toutefois procéder au cumul hebdomadaire. L'examen par sondage de ces pièces, contresignées par le salarié pour la quasi-totalité, met en évidence de très nombreux dépassements des 35 heures hebdomadaires sur la période quinquennale mais ne correspondent pas au récapitulatif établi par F... T... (pièce n° 25 du salarié). Il sera en outre observé par la cour que les feuilles de temps produites ne sont pas classées systématiquement par ordre chronologique.
Il convient en conséquence d'ordonner la réouverture des débats aux fins de chiffrage des heures supplémentaires effectivement dues par l'employeur au vu de ces feuilles hebdomadaires de temps et du taux horaire applicable à chaque période »
ALORS QUE s'il résulte de l'article L. 3171-4 du Code du travail que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties et que l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande ; qu'à défaut le salarié doit être débouté de sa demande ; qu'en déduisant des pièces versées aux débats par l'employeur que M. T... avait droit au paiement d'heures supplémentaires par la société Comat, sans préalablement constater que le récapitulatif produit par le salarié étayait suffisamment sa demande, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 3171-4 du Code du travail.