CA Paris, Pôle 4 ch. 7, 24 mars 2022, n° 20/10705
PARIS
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
SCI IMAAN (Sté)
Défendeur :
SADEV 94 (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Locu
Conseillers :
Mme Morlet, Mme Mongin
Avoués :
Me De Maria de la SELARL PELLERIN-DE MARIA-GUERRE, Me Moussault de la SELAS DS AVOCATS
Avocats :
Me Nguyen, Me Gosselin
FAITS ET PROCÉDURE
Le périmètre du projet «'ZAC IVRY CONFLUENCES '' a fait l'objet d'une création par arrêté préfectoral n°2010-7224 du 28 octobre 2010.
L'arrêté de déclaration d'utilité publique (DUP) a été pris le 11 juillet 2011, avec prorogation par un nouvel arrêté préfectoral du 26 mai 2016.
Par arrêté préfectoral du 25 juillet 2014, les parcelles situées à l'intérieur de la DUP ont été déclarées cessibles au profit de la SOCIETE D'AMENAGEMENT ET DE DEVELOPPEMENT DES VILLES ET DU DEPARTEMENT DU VAL DE MARNE (ci après dénommée 'la SADEV 94"), en charge de l'aménagement de la «'ZAC IVRY CONFLUENCES'».
Est notamment concernée par l'opération, la SCI IMAAN propriétaire d'un ensemble immobilier sis [Adresse] SUR SEINE (94200) édifié sur la parcelle cadastrée section AY n°91 d'une contenance totale de 2.342m². Ce bien appartenait auparavant à la SAS COFIMAB qui l'a cédé à la SCI IMAAN le 11 octobre 2019.
L'ordonnance d'expropriation emportant transfert de propriété de la parcelle sus désignée a été rendue le 31 mars 2020.
Une proposition d'acquisition à l'amiable a été adressée le 16 janvier 2019 par l'autorité expropriante tant à la SCI IMAN qu'à la SAS COFIMAB, qui n'y ont pas donné suite.
Par requête reçue le 30 septembre 2019 au greffe de la juridiction de l'expropriation accompagnée d'un mémoire valant offre, la SADEV 94 a saisi la juridiction du tribunal judiciaire du Val de Marne aux fins de fixation de la valeur de l'ensemble immobilier exproprié.
La réception de la requête par la juridiction est postérieure d'au moins un mois à la date de réception par les défendeurs du mémoire valant offre, conformément aux dispositions de l'article R. 31 l-6 du Code de l'expropriation.
Par un jugement du 5 Juin 2020 après transport sur les lieux le 3 décembre 2019, le juge de l'expropriation du Val de Marne a':
- constaté que la SAS COFIMAB n'est plus propriétaire de l'ensemble immobilier sis [Adresse] sur Seine et édifié sur la parcelle cadastrée section AY n°91 et que la SC1 IMAAN en est devenue propriétaire depuis le 1 1 octobre 2019 ;
- prononcé la mise hors de cause de la SAS COFIMAB';
- fixé l'indemnité due par la SADEV 94 à la SCI IMAAN au titre de la dépossession de l'ensemble immobilier sis [Adresse] sur Seine édifié sur la parcelle cadastrée section AY n°91 à la somme de 4 071 000 euros' se décomposant de la façon suivante':
- indemnité principale : 3.700.000 euros,
- Indemnité de remploi : 1 371.000 euros.
- débouté la SCI IMAAN du surplus de ses demandes indemnitaires';
- rappelé que les dépens de la présente instance seront supportés par la SADEV 94 application de l'article L. 312- 1 du Code de l'expropriation';
- condamné la SADEV 94 à payer à la SCI IMAAN la somme de 3'000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile';
- rejeté toutes les autres demande des parties.
La SCI IMAAN a interjeté appel le 24 juillet 2020 sur l'indemnité de dépossession, sur le débouté du surplus de ses demandes indemnitaires, soit plus précisément ses demandes présentées aux termes de son mémoire en réplique n°3 tendant à la fixation de son indemnisation en réparation de la dépossession de son bien à hauteur de 8'370'669 euros, outre les intérêts sur cette somme à compter de la décision du juge de l'expropriation et des indemnités accessoires à hauteur de 1'132'768 euros, outre les intérêts sur cette somme à compter de la décision du juge de l'expropriation et au titre du rejet de toutes les autres demandes des parties.
Pour l'exposé complet des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé à la décision déférée et aux écritures :
- Déposées au greffe, par la SCI IMAAN, appelante, le 20 octobre 2020 notifiées le jour même (AR du 22 octobre 2020) aux termes desquelles elle demande à la cour de :
- infirmer le jugement rendu le 5 juin 2020 par le juge de l'expropriation du tribunal judiciaire de Créteil.
Et statuant à nouveau
- fixer l'indemnité principale de dépossession à allouer à la SCI IMAAN à la suite de l'expropriation de l'ensemble immobilier situé [Adresse] sur Seine et cadastré section AY numéro 91 à la somme de 8 519 011 euros.
- fixer les indemnités accessoires à allouer à la SCI IMAAN à la suite de la perte de la parcelle expropriée à la somme de 1 142 602 euros correspondant aux frais de remploi pour un montant de 854 401 et aux frais de la vente du 11 octobre 2019 pour un montant de 288 201 euros.
- débouter la société d'aménagement et de développement des villes et du département du val de Marne de l'ensemble de ses demandes.
- condamner la société d'aménagement et de développement des villes et du département du Val de Marne à verser une somme de 15 000 euros à la SCI IMAAN sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens conformément à l'article L.312-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique.
- Déposées au greffe, par la SADEV 94 intimée et appelante incidente, le15 décembre 2020 notifiées le 16 décembre 2020 (AR du 18 et 21 décembre 2020) aux termes desquelles elle demande à la cour de :
- rejeter l'ensemble des prétentions formulées par la SCI IMAAN,
- confirmer la décision de première instance en ce que le juge a fixé l'indemnité principale revenant à la SCI IMAAN à hauteur de 3.7000.000 euros,
- fixer comme suit l'indemnité de dépossession de l'ensemble immobilier sis [Adresse] sur Seine, parcelle cadastrée Section AY n°91,
- Indemnité principale (valeur partiellement occupée)': 3'700'000 euros
- Frais de remploi'; néant
Dans un second jeu de conclusions ;
In limine litis
- Dire et juger irrecevables " le rapport actualisé C (pièce adverse n°13), en particulier en ce qu'il contient des nouvelles références ;les autres pièces de la société IMAAN n°12 et 14 à 18 ; les nouvelles demandes relatives à la taxe foncière 2020 et à celle sur les bureaux, locaux commerciaux, locaux de stockage et les surfaces de stationnement 2020, les nouvelles écritures de la SCI déposées au greffe le 14 septembre 2021 en ce qui concerne les paragraphes relatifs à ces demandes et pièces.
- Déposées au greffe, par le commissaire du Gouvernement, intimé et appelante incident, le 19 janvier 2021 notifiées le 22 janvier 2021 (AR du 25 janvier 2021) aux termes desquelles il demande à la cour de':
- fixer l'indemnité principale de dépossession à 4 218'000 euros pour le bien immobilier ayant appartenu à la SCI IMAAN,
- l'indemnité de remploi à 422 800 euros, soit une indemnité totale de 4 640 800 euros.
- déposées au greffe par la SCI IMAAN, appelante, le 20 octobre 2020 notifiées le 20 octobre 2020 (AR du 22 octobre 2020), le 14 septembre 2021 notifiées le 14 septembre 2021 ( AR des 15 et 16 septembre 2021) et le 17 novembre 2021 notifiées le jour même (AR du 18 novembre 2021) aux termes desquelles elle demande à la cour de :
à titre préliminaire,
'juger que la cour n'est pas saisie l'appel incident de la société SADEV 94, faute pour elle d' avoir demandé expressément l'infirmation de la décision déférée dans le dispositif de ses premières écritures, en conséquence dit n'y avoir lieu à statuer,
'juger les éléments nouveaux contenus dans les conclusions notifiées par la SCI IMAAN recevables, ainsi que les pièces nouvelles communiquées à l'appui de ses écritures,
'en conséquence, débouter la SADEV 94 de toutes ses demandes au titre d'une prétendue irrecevabilité,
Sur le fond,
'infirmer le jugement rendu le 5 juin 2020
Statuant à nouveau,
Sur l'indemnité principale de dépossession :
'à titre principal, fixer sur la base de la méthode d'évaluation par capitalisation l'indemnité principale de dépossession à lui allouer à la suite de l'expropriation à la somme de 7'529'000 euros, à titre subsidiaire,
'fixer sur la base de la méthode d'évaluation par comparaison l'indemnité principale de dépossession à lui allouer à la somme de 7'489'000 euros
Sur les indemnités accessoires :
'fixer les indemnités accessoires à lui allouer à la somme totale de 1'128'272,40 euros correspondant aux frais de remploi pour un montant de 750'000 euros, aux frais de la vente du 11 octobre 2019 pour un montant de 288'201,40 euros, la part des taxes foncières 2020 pour un montant de 78077 euros et à la part de la taxe annuelle sur les bureaux, des locaux commerciaux, les locaux de stockage et les surfaces de stationnement 2020 pour un montant de 11994 eu égard à l'ordonnance d' expropriation du 31 mars 2020 ;
'débouter la SADEV 94 de l'ensemble de ses demandes,
'condamner la SADEV 94 à lui verser une somme de 15'000 euros sur le fondement l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens conformément à l'article L312-1 du code de l'expropriation.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
La SCI IMAAN fait valoir que':
- Concernant l'indemnité de dépossession foncière'; l'utilité publique censée justifier l'expropriation de l'ensemble immobilier fait manifestement défaut puisque la SADEV 94 ne s'approprie le bien que dans un but spéculatif ; de plus, l'exigence de juste et préalable indemnité couvrant l'intégralité du préjudice causé à la SCI IMAAN par l'expropriation n'est pas satisfaite par le jugement critiqué, critiquable en ce qu'il fait totalement abstraction des termes de comparaison qui lui ont été soumis par les parties pour se focaliser exclusivement sur le prix acquitté par la SCI IMAAN ; si ce raisonnement aboutit comme en l'espèce à ce que la SCI IMAAN perçoive une indemnité largement inférieure à la valeur vénale réelle de l'ensemble immobilier, qu'en serait il si la SCI IMAAN avait commis une erreur d'appréciation en achetant le bien, dans un contexte strictement identique, pour le double de sa valeur vénale réelle ; La SCI IMAAN a d'ailleurs reçu deux offres d'acquisition au mois de février 2020, l'une pour un prix de 9 800 000 euros net vendeur [Pièce 10] et l'autre pour un prix de 10 300 000 euros HT [Pièce 11]' ; il convient de retenir l'évaluation effectuée par l'expert M. C, laquelle ne s'appuie pas sur des considérations subjectives erronées ou encore sur des calculs théoriques, mais sur les données réelles du marché dégagées à partir de termes de comparaison adaptés [Pièce 4]' ;
- Sur l'abattement pour occupation des lieux' ; l'expert M. C estime dans son rapport qu'il est d'usage d'appliquer un abattement pour occupation de 20% ; à cet égard, il sera précisé que la cour d'appel de Paris a retenu un abattement pour occupation de 20% habituellement pratiqué sur la ZAC CONFLUENCE [Adresse] sur Seine (CA Paris, 28 juin 2018, 17/09264), 40% serait arbitraire.
- Sur le montant de l'indemnité principale de dépossession foncière' ; le premier juge n'a considéré l'évaluation de l'expert M. C comme excessive qu'au regard du comportement prêté à la SCI IMAAN, c'est-à- dire sans remettre en cause son évaluation et/ou ses termes de comparaison et semble avoir considéré que la SCI IMAAN aurait commis une faute en décidant de signer l'acte de vente. Or, c'est oublier que la SCI IMAAN était contractuellement liée à la société COFIMAB depuis la promesse de vente du 21 juin 2018' ; la cour retiendra une valeur de 2.600 euros/m² pour la partie « bureaux '' libre et une valeur de 1.903,25 euros/m² pour la partie « activités '' libre': une surface totale de e 3.324,20 m2 conforme au mesurage du géomètre [Pièce 2 et 8]' ; l'expert M. C a calculé dans son rapport la valeur vénale de ces parkings ainsi : 156 x 12 000 euros + 11 x 6000 euros = 672 000 euros + 66 000 euros = 738 000 euros, soit une indemnité principale de dépossession foncière s'établissant à 8.519.011euros (7.781.011 euros + 738.000 euros) ' ;
- Concernant les indemnités accessoires' ;
- sur l'indemnité de remploi' ; l'indemnité de remploi résulte du calcul suivant :
1 5.000 x 0.2 = 1.000 euros
10.000 x 0.15 = 1.500 euros
8.519.011 x 0.1 = 851.901 euros, soit un total de 854'401 euros.
La SADEV 94 a soutenu que la SCI IMAAN n'avait droit à aucune indemnité de remploi sur le fondement du second alinéa de l'article R.322-5 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ; or cet argument a été rejeté par le premier juge faute pour la SADEV 94 d'avoir prouvé que l'ancien propriétaire avait mis en vente l'ensemble immobilier au cours des six mois ayant précédé la déclaration d'utilité publique résultant de l'arrêté du 11 juillet 2011 et prorogée par arrêté du 26 mai 2016 et que la SCI IMAAN avait mis en vente l'ensemble immobilier après l'avoir acheté le 11 octobre 2019. Pour rappel, la SCI IMAAN n'a acheté ce bien que dans l'unique but de permettre à l'association IMAN AL KHOEI d'y créer un établissement d'enseignement avec ses locaux annexes, ce que l'extrait Kbis de la SCI IMAAN démontre compte tenu de ses associés [Pièce 9]' ;
- Sur l'indemnité au titre des frais d'acquisition' ; la SADEV 94 a engagé la procédure d'expropriation alors qu'elle savait pertinemment que la SCI IMAAN devait acquérir le bien en question pour être contractuellement liée à l'ancien propriétaire par une promesse de vente ; la SCI IMAAN verse aux débats le relevé notarial des frais engagés, que la SADEV 94 sera condamnée à rembourser, soit 288.201,40 euros [Pièce 3]
La SCI IMAAN fait valoir dans ses conclusions en réplique que':
- sur la procédure : elle indique que la SADEV 94 a demandé la suppression de l'indemnité de remploi sans pour autant demander expressément l'infirmation de décision déférée de ce chef dans ses premières écritures.
S'agissant des pièces nouvelles, la question du délai de 3 mois ne s'applique pas, puisque l'appelant dispose d'un délai de 3 mois supplémentaires pour répondre le cas échéant à l'appel incident formé par l'intimé ; ses conclusions de pure réplique sont donc recevables au delà des délais initiaux, et ce d'autant qu'elle réduit dans ses écritures le montant de ces prétentions au titre des indemnités principales et accessoires.
Concernant l'indemnité principale de dépossession foncière
- Sur la consistance du bien exproprié' ; la démonstration et la justification des indemnités réclamées reposent sur un nouveau rapport de novembre 2020, actualisé en phase d'appel par l'expert M. C [Pièce 13]' ; l'existence de 56 places de stationnement en sous sol est importante, car aucune référence citée par la SADEV 94 ou le commissaire du gouvernement ne comprend de telles places qui constituent un atout majeur' ; l'évaluation de l'indemnité d'expropriation de la SADEV 94 repose donc sur une donnée de base (le taux d'occupation des biens) gravement erronée' ;
- Sur l'évaluation de l'indemnité principale de dépossession foncière' ; il importe de souligner une nouvelle fois que la SADEV 94 aurait pu exercer son droit de préemption à l'occasion de la vente intervenue au profit de la SCI IMAAN, prérogative qu'elle n'a pas mis en 'uvre. La SADEV 94 est donc particulièrement mal fondée à reprocher à l'expropriée d'avoir pu acheter un immeuble du fait d'une carence grossière dans l'exécution de sa mission de maîtrise foncière de la ZAC' ; la SCI IMAAN n'a quant à elle jamais acheté cet immeuble dans l'intention de le revendre, comme en témoignent par exemple les importants travaux de peinture réalisés alors même que la SADEV 94 réitérait ses menaces d'expropriation à vil prix' ;
A titre principal, il convient d'appliquer la méthode par capitalisation pour fixer l'indemnité principale de dépossession foncière' ; l'expert M. C (cf. pages 58-60 de son rapport) justifie l'application de la méthode par capitalisation qui apparaît être « la plus pertinente '', au cas d'espèce, dès lors que les immeubles du type de celui exproprié n'ont vocation à être vendus qu'à des investisseurs' ; la valeur vénale par capitalisation s'élève ainsi à 7 529 000 € hors droits' ; il n'y a jamais eu en Île de France, au cours de ces dernières années, des cessions de bureaux avec locaux d'activité en état d'usage normal, à un tel taux de rendement de plus de 10%, un tel taux de rendement ne peut être atteint que pour un entrepôt en état très moyen ou vétuste dans une ville de province mais pas pour des biens similaires à l'immeuble exproprié' ; l'indemnité principale de dépossession foncière sera donc fixée, sur la base de la méthode par capitalisation à la somme de 7'529'000 euros' ;
- A titre subsidiaire, il convient d'appliquer la méthode par comparaison pour fixer l'indemnité principale de dépossession foncière' ; si la cour devait confirmer l'application de la méthode par comparaison, il conviendrait de se reporter au rapport d'expertise actualisé (Pièce 13, p.42 à57)' ;
- Le cloisonnement des bureaux' ; les surfaces cloisonnées retenues par le commissaire du gouvernement sont erronées partant du principe que seuls les bureaux loués (soit les 210,10 m² de bureaux loués à la société SWEGON) seraient cloisonnés, les bureaux non occupés étant par principe non cloisonnés (soit 2.279 m2)' ; or, certains bureaux vacants étaient auparavant loués et sont restés cloisonnés' ; les termes de comparaison sur lesquels s'appuie le commissaire du gouvernement, notamment leur description, ne permettent pas de déterminer si les bureaux concernés étaient ou non cloisonnés' ; le cumul des abattements pour absence de cloisonnement et pour occupation aboutit à une valorisation absurde' ;
- L'abattement pour occupation partielle des locaux' ; le taux de 40% ne tient pas compte du type des locaux expropriés. En effet, l'expert rappelle « qu'il est d'usage (cf dispositions fiscales) d'appliquer un abattement pour occupation de 20% pour ce type de locaux '' ; les taux de capitalisation résultant des valorisations retenues par le commissaire du gouvernement démontrent une totale déconnection avec la valeur vénale de l'immeuble expropriée
- La valorisation des places de parking de l'immeuble' ; la valeur d'un immeuble sans parkings et celle d'un immeuble avec parkings extérieurs sont nécessairement inférieures à celle d'un immeuble bénéficiant de parkings en sous sol' ; il est donc pertinent, au cas d'espèce, de valoriser les parkings de manière distincte des locaux comme le fait l'expert en page 55 de son rapport pour un montant de 738 000 euros' ;
- l'expert M. C produit 12 offres de vente de bureaux [Adresse] sur Seine (cf. pages 45-48), et une offre de vente soumise récemment à la SCI IMAAN, conduisant à retenir une valeur vénale des bureaux de 2'176euros/m²' ; l'expert produit aussi, 14 offres de vente de locaux d'activités [Adresse] sur Seine (cf. pages 50-54) conduisant à une valeur vénale des locaux d'activité à 1'500euros/m²' ; parking : 12.000 euros par emplacement en sous sol et 6.000 euros par emplacement extérieur.
- Concernant les indemnités accessoires' ;
- Indemnité de remploi' ; une indemnité de remploi arrondie à 750 000 euros avec la méthode par comparaison' ;
- Indemnité au titre des frais d'acquisition' ; il est à noter que ni la SADEV 94 ni le commissaire du gouvernement ne contestent le caractère « matériel et certain '' de ce poste de préjudices établi par la SCI IMAAN, mais qu'ils se contentent de contester son caractère direct' ; ce caractère direct n'est pas sérieusement contestable dès lors que la SCI IMAAN n'a acheté l'immeuble que le 11 octobre 2019 avant de s'en faire exproprier dès le 31 mars 2020, date de l'ordonnance d'expropriation' ;
- Indemnité au titre des taxes foncières et bureaux' ; l'avis d'impôt 2020 indique un montant de 104 102 euros acquitté par la SCI IMAAN' ; par un courrier officiel du 21 avril 2021, la SADEV 94 a refusé de rembourser une partie de ce montant prorata temporis, soit la somme de 78 077 euros compte tenu de l'ordonnance d'expropriation du 31 mars 2020 ayant opéré le transfert de propriété de l'immeuble au profit de la SADEV 94' ;
La SADEV 94 répond que :
- sur la procédure : dans son mémoire récapitulatif et récapitulatif N°2 du 2 novembre 2021 et récapitulatif et en réplique N°3 du 22 décembre 2021 : en application de l'article R 311-26 du code de l'expropriation, la SADEV 94 demande d'écarter le rapport actualisé de M. C de novembre 2010 qui contient de nouvelles références (pièce n°13, ainsi que les nouvelles pièces n°12 à 18).
In limine Litis : Sur l'irrecevabilité des écritures de la SCI IMAAN déposées au greffe le 14 septembre 2021 et des nouvelles pièces qui les accompagnent ; se fondant sur l'article 311-26 al 1 du Code de l'expropriation sont de manière constante jugées irrecevables les demandes et éléments de preuves nouveaux formulées ou produits au delà du délai de trois mois susvisé ; - le « rapport actualisé C '', en date de novembre 2020 (pièce adverse n°13), auquel la SCI IMAAN se réfère dans ses nouvelles écritures pour justifier ses nouvelles prétentions à titre principal et subsidiaire, contient de nouvelles références (par rapport à sa précédente version en date du 12 décembre 2019 - pièce adverse n°1) et aurait pu en tout état de cause être produit lors de ses premières écritures d'appel ; l'« attestation du coût des travaux de peinture '' (pièce adverse 11 et 12) est une attestation de l'expert comptable de la société SCI IMAAN en date du 21 janvier 2021 ;
- Par ailleurs, les 12 offres citées par l'expert dans son rapport actualisé de novembre 2020 (pièce adverse n°13) et celle citée par la SCI dans ses dernières écritures (pièce adverse n°15) doivent être écartées ;
- Concernant le montant de l'indemnité principale' ; incontestablement, la vente du bien en cause le 31/10/2019 constitue la référence la plus pertinente pour apprécier sa valeur et, par suite, l'indemnité revenant à la SCI IMAAN et les autres références disponibles confirment le bien fondé de cette évaluation' ;
- Une indemnité principale représentative de la valeur d'acquisition du 31/10/2019 ; persuadée qu'un accord avait été trouvé, la SADEV 94, par l'intermédiaire de son conseil, écrivait « officiellement '' le 14 août 2019 qu'elle acceptait les demandes formulées par les parties [Pièce 8], le 12 octobre 2019, un acte de vente a finalement été signé entre la société COFIMAB et la SCI IMAAN aux termes duquel le bien, objet de la présente procédure, était estimé à 3.700.000 euros ; deux mois plus tard, le 10 décembre 2019, la SCI IMAAN demandait au juge de l'expropriation de lui allouer une indemnité totale de 12.160.230 euros, soit une augmentation en deux mois de 8.460.230 euros ; cette demande est non seulement infondée mais également indécente, car les man'uvres spéculatives grossières de la SCI IMAAN sont faites au détriment des deniers publics comme le démontre le notaire de l'appelante [acte de vente du 11 octobre 2019, voir p. 18 du mémoire intimé]' ; au delà du comportement de l'appelante qui multiplie les affirmations erronées, l'attention de la cour est une nouvelle attirée sur le fait qu'il n'existe pas de meilleure référence que celle portant sur l'immeuble considéré' ; sur les offres [Pièces 10 et 11 appelante] si ces « offres '', même à les supposer avérées, n'ont pas été acceptées, c'est parce qu'elles ne pouvaient pas l'être ; il est étonnant qu'à peine trois mois après son acquisition, l'appelante ait fortuitement reçue deux offres d'acquisition juste avant l'ordonnance d'expropriation.
- A titre subsidiaire : une indemnité qui ne peut en tout état de cause être supérieure à 3.700.000 euros' ; la société expropriée ne peut valablement demander la fixation d'un prix unitaire pour le bâti en retenant des termes de comparaison dont la valeur est exprimée «terrain et places de stationnement intégrés '' et demander en sus que les places de stationnement de son bien soient évaluées distinctement ; faire droit à la demande de la SCI IMAAN supposerait de sélectionner exclusivement des références portant sur des biens dépourvus d'emplacements de stationnement, c'est-à- dire, pour l'essentiel, des biens dont la surface est sensiblement moins importante,
- Sur les améliorations apportée au bien et sa superficie' ; la Cour de cassation considère que la présomption réfragable prévue par l'article L 322-1 susvisé du Code de l'expropriation a pour but d'intérêt général de prévenir la spéculation foncière qui pourrait résulter d'un projet d'expropriation [Cass. 3e civ., ler févr. 2005, n°04-70.045]' ; les odeurs de peinture constatées à l'occasion du transport sur les lieux témoignent de la réalisation de travaux récents ; ces travaux, postérieurs à l'enquête publique, ont sans aucun doute été effectués dans un but spéculatif des lors que la société expropriée était informée de la procédure d'expropriation menée par SADEV 94' ; l'expropriée avait alors indiqué être d'accord avec ce mesurage, elle a pourtant décidé de mandater un géomètre, sans prévenir l'autorité expropriante, la privant ainsi de la possibilité de pouvoir assister à ce mesurage et, le cas échéant, en discuter avec le géomètre' ;
- Sur la valeur du bien' ; aucune des estimations de l'appelante n'est convaincante ; la méthode, également appelée « méthode par le rendement '', consiste à déduire la valeur vénale d'un bien en appliquant au revenu locatif que produit cet immeuble un coefficient de capitalisation « convenablement choisi '' comme le précise la doctrine autorisée (A. Bernard, Evaluation des biens, 118° édition, p.302)' ; la Cour de cassation est très réticente sur cette méthode et critique fermement son utilisation, en raison de l'arbitraire lié au choix du taux de capitalisation [3ème civ., 8 octobre 2013, n°12-24995]' ; en 1'espèce, une partie importante des locaux n'est pas louée de sorte qu'on ne connaît pas avec certitude leur valeur locative et le taux de capitalisation retenu par l'expert mandaté par l'expropriée n'est étayé par aucun terme de comparaison fiable' ; Monsieur C croit par ailleurs pouvoir justifier son estimation à hauteur de 7'757'200 euros en se fondant sur 11 références ; cette évaluation manque à l'évidence de sérieux, un expert immobilier ne peut effet valablement considérer qu'un ensemble immobilier d'environ 3.500 m² serait comparable à un bien de 47 m²' ; en l'espèce, ces termes de comparaison ont trait à des biens immobiliers dont les surfaces sont entre 15 et 85 fois inférieures à celle de l'ensemble immobilier de l'expropriée ; il n'est pas inutile de relever que les mutations citées ne comportent pas de mentions de publication, de sorte que l'autorité expropriante ne peut se procurer les actes de ventes correspondants.
- Sur sa proposition ; elle n'est pas opposée à la prise en compte des quatre références en première instance du commissaire du Gouvernement ' ;
- Sur ces références ; elle propose de retenir les valeurs de 1.200 euros/m² pour la partie locaux d'activité et 1300 euros/m² pour les locaux à usage de bureaux, avant abattement de 40 % pour tenir compte de l'occupation commerciale d'une partie des locaux.
- Concernant les indemnités accessoires' ;
- Sur les frais de remploi' ; la position de la jurisprudence est limpide quant à l'appréciation de la consistance des biens, en l'absence d'ordonnance d'expropriation, qui doit s'apprécier à la date du jugement. En l'espèce, dès lors que l'ordonnance d'expropriation n'est pas encore intervenue, la consistance du bien doit être appréciée à la date du jugement de première instance' ; dès lors que 1'acte de vente a été signé le 12 octobre 2019, il est incontestable qu'il était notoirement destiné à la vente au cours des six derniers mois ; la décision de première instance devra être infirmée sur ce point' ;
- Sur l'indemnité sollicitée au titre des frais d'acquisition' ; le préjudice invoqué doit être la conséquence directe de la procédure d'expropriation ; en l'espèce, les frais de notaire sont la conséquence de l'acquisition du bien et non celle de la procédure d'expropriation.
- Sur la taxe foncière 2020 et de la taxe sur les bureaux, les locaux commerciaux, les locaux de stockage et les surfaces de stationnement 2020 ; selon ancien article 16-7 du Code de l'expropriation et la circulaire du 19 janvier 2015 portant présentation de l'ordonnance n°2014-1345 du 6 novembre 2014 relative à la partie législative du Code de l'expropriation ; il ne saurait être mis à la charge de SADEV 94 la taxe foncière ou celle sur les bureaux, les locaux commerciaux, les locaux de stockage et les surfaces de stationnement pour l'année 2020 puisque ce n'est qu'à compter du 1er janvier de l'année suivant la date de l'ordonnance d'expropriation.
Le commissaire du Gouvernement soutient que':
- selon une position constante des juridictions de 1'expropriation en général et de la cour de céans en particulier, ne peuvent être prises en considération comme références pertinentes que des ventes dont les références de publication sont communiquées, ce, afin de pouvoir accéder aux actes de vente et connaître les caractéristiques des biens concernés ainsi que les modalités des transactions' ;
- Il critique les termes 2,4,5, 9, 6,7,10 et 8 de la SADEV 94, et accueille les termes 1, 3' ;
- Une jurisprudence abondante retient le taux de 40% au titre de l' abattement sur la valeur vénale libre' ;
- Eu égard à l'importance en superficie dudit ensemble (plus de 3.000 m² de surface utile), une absence de possibilité de stationnement pour le personnel aurait pu être considérée comme un facteur de moins value pour la détermination de la valeur vénale de cet immeuble' ;
- On ajoutera que la SCI IMAAN, malgré sa connaissance du projet d'expropriation qui allait frapper le bien, a procédé à une opération juridique - en l'occurrence l'acquisition du bien -, créant ainsi de son propre fait ce chef de préjudice' ;
- il propose 7 termes de comparaison donnant une indemnité principale de 4'217'326 euros.
Motifs
SUR CE, LACOUR
- Sur la recevabilité des conclusions et pièces
1 irrecevabilité relevée d office
Aux termes de l'article R311-26 du code de l'expropriation modifié par décret N°2017-891 du 6 mai 2017- article 41 en vigueur au 1 septembre 2017, l'appel étant du 28 juillet 2020, à peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office, l'appelant dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu'il entend produire dans un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel.
À peine d'irrecevabilité, relevée d'office, l'intimé dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu'il entend produire dans un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant. Le cas échéant, il forme appel incident dans le même délai et sous la même sanction.
L'intimé à un appel incident ou un appel provoqué dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, d'un délai de trois mois à compter de la notification qui en est faite pour conclure.
2 commissaire du gouvernement
Le commissaire du gouvernement dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et l'ensemble des pièces sur lesquelles il fonde son évaluation dans le même délai et sous la même sanction que celle prévue au deuxième alinéa.
Les conclusions et documents sont produits en autant d'exemplaires qu'il y a de parties, plus un.
Le greffe notifie à chaque intéressé et au commissaire du gouvernement, dès leur réception, une copie des pièces qui lui sont transmises.
En l'espèce, les conclusions de la SCI IMAAN du 20 octobre 2020, de la SADEV 94 du 15 décembre 2020 et du commissaire du gouvernement du 19 janvier 2021 adressées ou déposées dans les délais légaux sont recevables.
Les conclusions hors délai de la SCI IMAAN du 14 septembre 2021 soulèvent à titre préliminaire un moyen de procédure en indiquant que la cour n'est pas saisie de l'appel incident de la SADEV 94, sont de pure réplique au moyen de procédure soulevé in limine litis par la SADEV 94 sur le fondement de l'article R311-26 du code de l'expropriation et sont donc recevables sur ces points.
Les conclusions hors délai de la SADEV 94 du 2 octobre 2021 sont recevables en ce qui concerne le fond en l'absence de demandes ou de moyens nouveaux et en ce qu'elles soulèvent l'irrecevabilité des écritures de la SCI IMAAN susvisées et des nouvelles pièces qui l'accompagnent sur le fondement de l'article R311-26 du code de l'expropriation en indiquant que ces conclusions sont accompagnées de nouvelles pièces 12 à 18 :
- pièce N°12 : attestation du coût des travaux de peinture de l'expert comptable du 21 janvier 2021, qui aurait ou être produite dans le délai de 3 mois ;
cependant, cette pièce est en réplique aux arguments soulevés par la SADEV 94 sur le fondement de l'article L322-1 du code de l'expropriation et elle sera donc déclarée recevable.
- pièce N°13: 'rapport actualisé de C' de novembre 2020 pour justifier des nouvelles prétentions à titre principal et subsidiaire, contenant de nouvelles références par rapport à sa précédente version en date du 12 décembre 2019- pièce N°1, qui aurait pu être produit lors des précédentes écritures d'appel :
En page 43 et 45 à 48 du rapport actualisé et en page 20 des références pour des bureaux situés :
[Adresse]
[Adresse]
[Adresse] Jaurès
[Adresse]
[Adresse]
[Adresse]
12 offres de vente de bien situés [Adresse] en pages 49 à 54 du rapport actualisé et en page 21 des nouvelles écritures des références pour des locaux d'activité :
[Adresse]
28 bis ruez Barbès
[Adresse]
[Adresse]
14 offres de vente de biens situés [Adresse]
- pièce N°14 : extrait de l'acte d'acqusisition de la SCI IMAAN
3 appel incident formé par l intimé
- pièce N°15 : offre de vente du [Adresse]
- pièce N°16 : avis taxes foncières 2020
- pièce N°17 : courrier officiel SADEV 94 du 21 avril 2021
- pièce N°18 : déclaration taxe de bureau 2020
La SADEV 94 indique que ces pièces N°14 à 18 pouvaient être produites dans le délai de trois mois et qu'elles sont produites à l'appui de demandes nouvelles.
La SCI IMAAN rétorque que le délai de trois mois ne s'applique pas, puisqu'il est prévu que l'appelant dispose d'un délai de trois mois supplémentaire pour répondre le cas échéant à l'appel incident formé par l'intimé.
Cependant, l'appel incident de la SADEV 94 concerne uniquement l'indemnité de remploi, la SCI IMANN produit le rapport actualisé et les pièces nouvelles susvisées qui ne concernent pas cette question.
Si la SCI IMAAN en se basant sur la pièce N°13 rapport actualisé a ramené ses prétentions de :
- indemnité principale : 8 519 011 euros à 7 489 000 euros
- indemnité de remploi : 854401 euros à 750 000 euros ce qui est recevable, la pièce sur laquelle elle se fonde est nouvelle et produite hors délai.
En effet, si ces pièces au regard de la date de l'appel du 28 juillet 2020, ne pouvaient être produites dans le délai de 3 mois de l'article R311-26 du code de l'expropriation, il appartenait à la SCI IMAAN de faire application de l'article R311-19 du code de l'expropriation applicable en appel en application de l'article R311-29 dudit code qui dispose que si l'une des parties ou le commissaire du gouvernement s'est trouvé dans l'impossibilité de produire, à l'appui de son mémoire et de ses conclusions, certaines pièces ou documents, le juge peut, s'il l'estime nécessaire à la solution de l'affaire, l'autoriser sur sa demande à produire à l'audience ces pièces et documents.
En conséquence, ces pièces N°12 à 18 produites hors du délai légal, seront déclarées irrecevables, ainsi que les paragraphes des conclusions de la SCI IMAAN du 14 septembre 2021 relatifs à ces demandes nouvelles (taxes foncière et bureaux : 78 077 euros et 11994 euros) et pièces.
Les conclusions hors délai de la SCI IMAAN du 17 novembre 2021 sont en réplique sur les moyens soulevés in limine litis par la SADEV 94 et ne comportant pas de demandes nouvelles, sauf en ce qui concerne les demandes et pièces nouvelles déjà déclarées irrecevables.
4 mémoire en réplique
Les conclusions hors délai de la SADEV 94 N°3 du 22 décembre 2021 sont en réplique au moyen soulevé par la SCI IMAAN concernant l'absence de saisine de la cour de l'indemnité de remploi et sur le fond sont de pure réplique, ne formulent pas de demandes nouvelles ou de moyens nouveaux, sont donc recevables au delà des délais initiaux.
- Sur l'appel incident
La SCI IMAAN a déposé des conclusions le 20 octobre 2020 dans le délai légal de trois mois, puis un mémoire récapitulatif et en réplique le 14 septembre 2021 puis ce n'est que dans son mémoire en réplique du 17 novembre 2021 en se fondant sur un arrêt de la cour de cassation du 17 septembre 2020, qu'elle soulève l'absence de saisine de la cour par la SADEV.
En raison de la date de l'arrêt de la cour de cassation susvisé, cette demande devait être présentée dans son mémoire récapitulatif et en réplique du 14 septembre 2021 ; cette demande nouvelle présentée hors délai uniquement dans son mémoire en réplique du 17 novembre 2021 est irrecevable.
En outre, la SCI indique que la SADEV 94 a formé incident sur le montant des frais de remploi, qu'elle a demandé la suppression de l'indemnité de remploi sans pour autant demander expressément l'infirmation de la décision déférée de ce chef et qu'elle a donc omis de saisir la cour de sa demande d'infirmation dans ses premières écritures, cette omission n'étant pas régularisable en application de l'article 910'4 du code de procédure civile, applicable en l'espèce par envoi de l'article R311'29 du code de l'expropriation, les parties devant nécessairement présenter dès leur première conclusion l'ensemble de leurs prétentions sur le fond ; la Cour de cassation dans un arrêt de principe du 17 septembre 2020 a sanctionné en effet cette omission en précisant que si celle ci doit s'appliquer aux instances dont l'appel a été interjeté postérieurement 17 septembre 2020, cette solution doit s'appliquer en réalité plus largement, puisqu'en l'espèce, si l'appel principal a certes été interjeté le 24 juin 2020, l'appel incident de la SADEV 94 a été formé le 16 décembre 2020, soit postérieurement 17 septembre 2020 ; cette solution de principe doit s'appliquer en l'espèce agissant de l'appel incident, sous peine de créer deux situations juridiques différentes entre un appelant principal et un appelant incident.
Cependant, la cour de cassation dans l'arrêt susvisé indique : « Il résulte des articles 542 954 du code de procédure civile que lorsque l'appelant ne demande, dans le dispositif de ses conclusions, ni l'infirmation ou l' annulation du jugement, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement.
L'application immédiate de cette règle de procédure, qui résulte de l'interprétation nouvelle d'une disposition au regard de la réforme de la procédure d'appel avec représentation obligatoire issue du décret n°2017'891 du 6 mai 2017 et qui n'a jamais été affirmée par la Cour de cassation dans un arrêt publié, dans les instances introduites par une déclaration d'appel antérieure à la date du présent arrêt, aboutirait à priver les appelants du droit à un procès équitable.
En conséquence, se trouve légalement justifié l'arrêt d'une cour d'appel qui infirme le jugement sans que cette infirmation n'ait été demandée dès lors que la déclaration d'appel est antérieure au présent arrêt. »
En l'espèce, l'appel principal a été interjeté le 24 juin 2020, par la SCI IMAAN ; les dispositions de l'article R 311-27 du code de l'expropriation, avec représentation obligatoire sont applicables, s'agissant d'une instance introduite à compter du 1er janvier 2020 ; cependant, comme l'indique la Cour de cassation la règle nouvelle qu'elle édicte n'est applicable que dans les instances introduites par une déclaration d'appel antérieure à la date du présent arrêt ; en conséquence, en l'espèce l'appel de la SCI IMAAN est du 24 juin 2020, soit antérieur à la date de l'arrêt du 17 septembre 2020.
- Sur le fond
Aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ratifiée qui s'impose au juge français, toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international ; ces dispositions ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes.
5 ordonnance d expropriation
Aux termes de l'article 17 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, la propriété est un droit inviolable et sacré, dont nul ne peut être privé si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la réserve d'une juste et préalable indemnité.
L'article 545 du code civil dispose que nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité.
Aux termes de l'article L 321-1 du code de l'expropriation, les indemnités allouées couvrent l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation.
Aux termes de l'article L 321-3 du code de l'expropriation le jugement distingue, dans la somme allouée à chaque intéressé, l'indemnité principale et, le cas échéant, les indemnités accessoires en précisant les bases sur lesquelles ces diverses indemnités sont allouées.
Aux termes de l'article L 322-1 du code de l'expropriation le juge fixe le montant des indemnités d'après la consistance des biens à la date de l'ordonnance portant transfert de propriété ou lorsque l'expropriant fait fixer l'indemnité avant le prononcé de l'ordonnance d'expropriation, à la date du jugement.
Conformément aux dispositions de l'article L 322-2, du code de l'expropriation, les biens sont estimés à la date de la décision de première instance, seul étant pris en considération - sous réserve de l'application des articles L 322-3 à L 322-6 dudit code - leur usage effectif à la date définie par ce texte.
La SCI IMAAN indique que l'association Imam AL KHOEI est l'émanation française de la fondation internationale Iman AL KHOEI fondée en 1989 et dont le siège se trouve à Londres ; il s'agit d'une organisation musulmane qui mène des actions éducatives et de charité à travers le monde, notamment au Royaume Uni, aux États Unis, au Canada, en Inde ou encore au Pakistan ; la fondation est dotée du statut consultatif auprès du conseil économique et social des Nations Unies et est en faveur des droits de l'homme et des minorités ; en France, l' association a créé un centre sur la commune des lilas et depuis plusieurs années est à la recherche de locaux en petite couronne parisienne afin d'y installer ses bureaux et une école privée, en accord avec le bureau central des cultes du ministère de l'intérieur ; elle a été créée à cette fin et a été mise en relation avec la société compagnie financière de marchand de biens Volney (COFIMAB), émanation du crédit foncier, et propriétaire d'un ensemble immobilier situé [Adresse] sur Seine, qui correspond à l'ensemble immobilier exproprié.
6 prix de vente
Cet ensemble immobilier répondant à toutes ses attentes en termes de localisation, de configuration des lieux, de superficie et de nombreuses places de stationnement, elle est entrée en négociation avec la COFIMAG qui demandait en 2017 un prix net vendeur de 5'300'000 euros ; les négociations étaient très longues, puisque la promesse de vente n'a été signée que le 21 juin 2018 ; le prix de vente négocié a été ramené à 3'700'000 euros, soit une baisse de 1'600'000 euros par rapport au prix de vente initial, cela s'expliquant par un arbitrage interne à la COFIMAB qui a décidé de vendre rapidement cet ensemble immobilier pour un prix inférieur à sa valeur vénale.
7 droit de préemption
Une déclaration d'intention d'aligner a été envoyée afin de purger le droit de préemption, que la SADEV 94 n'a pas exercé, permettant ainsi la réalisation de la vente à son profit ; cette absence d'exercice du droit de préemption l'a surpris puisque la SADEV 94 avait acheté à la COFIMAB le bâtiment A de cet ensemble immobilier pour le prix d'1 500'000 euros le 15 décembre 2008 afin de le revendre, en l'état et sans y avoir réalisé la moindre modification, au prix de 3'250'000 euros en 2015 (en réalisant une plus value exorbitante de 116 %).
Elle affirme, que la SADEV 94 n'a pas tardé à se manifester en exerçant des pressions sur la COFIMAB, sur le notaire chargé de la vente et elle même dans le but de faire échec à la régulation de la vente.
Le 18 janvier 2019, la SADEV 94 a notifié à la COFIMAG et elle même une offre indemnitaire relative à la dépossession de l'ensemble immobilier ; elle a poursuivi la vente en signant l'acte définitif le 11 octobre 2019, puisque elle était dans l'impossibilité d'acquérir des locaux similaires en terme de consistance et localisation pour le prix durement négocié et que d'autre part le programme de la Zac Ivry Confluences, dont dépend l'ensemble immobilier exproprié, ne prévoyait pas le moindre projet sur cette parcelle comme en témoigne l'extrait de la cartographie interactive de la Zac (page 3 des conclusions) et elle pensait donc que la SADEV 94, qui n'avait pas exercé son droit de préemption, pourrait se passer de cet ensemble immobilier.
8 juge de l expropriation
Elle soutient, qu'elle a donc sous estimé la cupidité de la SADEV 94 qui, sous couvert d'utilité publique, agit comme un marchand de biens en usant de prérogatives de puissance publique dans un but purement spéculatif.
La SADEV 94 rétorque qu'est inclus dans le périmètre de l'opération de la Zac Ivry confluences, l'ensemble immobilier situé [Adresse] sur Seine, qui était la propriété de la COFIMAB, mais qu'il a fait l'objet d'une promesse unilatérale de vente au profit de la SCI IMAAN le 21 juin 2018 pour un montant de 3'700'000 euros ; la ville d'Ivry sur Seine ne lui ait ayant pas transmit la déclaration d'intention d'aliéner, elle n'a pu exercer le droit de préemption dont elle est délégataire ; dès qu'elle a eu connaissance de la vente projetée, elle a immédiatement informé les propriétaires ainsi que l'acquéreur pressenti de la procédure d'expropriation en cours.
Le 18 janvier 2019, elle a signifié l'offre indemnitaire tant à la société COFIMAB qu'à la SCI IMAAN ; face au silence de la SCI IMAAN, elle a écrit un nouveau courrier officiel le 12 septembre 2019 pour éviter que celle ci ne puisse arguer d'une prétendue méconnaissance de la procédure d'expropriation et en l'absence de réponse elle a été contrainte de saisir le juge de l'expropriation, 2 mois après la vente du 12 octobre 2019 au prix de 3 700'000 euros.
9 promesse de vente
La SCI IMAAN a demandé au terme d'un mémoire du 10 décembre 2019, que ce bien soit évalué à hauteur de 11'049'286 euros outre 1'110'994 euros d'indemnité accessoire ; cette demande n'est pas sérieuse, et ce d'autant moins que le jeu spéculatif auquel se prête la SCI IMAAN se ferait au détriment des financements publics.
Elle ajoute que c'est le notaire de la SCI IMAAN qui résume le mieux la situation (Extrait d'acte de vente du 11 octobre 2019) :
« avoir été destinataire à l'instar du vendeur, d'une signification d'offres indemnitaires par la société d'aménagement et de développement des villes du département du Val de Marne (SADEV94)..., suivant exploit de huissier en date du 18 janvier 2019, es qualité de bénéficiaire de la promesse de vente susvisée signée entre lui et le vendeur le 21 juin 2018 et prorogée depuis lors ; cette offre portait sur la somme de 2'800'000 euros ;
10 juge de l expropriation
'que postérieurement à cette signification, la SADEV 94 a, notamment à l'occasion d'une réunion qui s'est tenue dans ses locaux le 18 février 2019, informé l'acquéreur que ce bien est situé dans le périmètre d'une opération déclarée d'utilité publique au terme d'un arrêté préfectoral en date du 11 juillet 2011, prorogé par arrêté préfectoral du 26 mai 2016, et de sa volonté de poursuivre l'acquisition de ce bien dans le cadre d'un accord amiable ou à défaut, par voie d'expropriation ;
'que cette volonté manifestée par la SADEV 94 a été confirmée à l'acquéreur au cours d'une réunion organisée avec les services de la ville d'Ivry sur Seine et au cours d'autres réunions qui ont suivi ;
'qu'au terme d'un courrier RAR en date du 12 septembre 2019 adressé à Me Charles Chaignet, avocat de l'acquéreur, Me Michael Moussault, avocat conseil de la SADEV 94, a indiqué qu'à défaut d'un accord amiable rapide, la SADEV 94 lui demanderait de saisir le juge de l' expropriation aux fins de faire fixer le montant de l'indemnité d'expropriation revenant au propriétaire du bien objet des présentes, et par voie de conséquence, à l'encontre de l'acquéreur le cas échéant, sans que ce dernier puisse prétendre ignorer la procédure dont elle ferait l'objet ;
'que par exploit d'huissier en date du 30 septembre 2019, la SADEV 94 a signifié au vendeur et l'acquéreur, la copie de la demande adressée au juge de l'expropriation près le tribunal de grande instance de Créteil en vue de la fixation des indemnités susceptibles d'être allouées dans le cadre de la procédure d'expropriation de l'ensemble immobilier objet des présentes, ainsi le mémoire introductif d'instance ; le montant proposé dans ledit mémoire s'élève à la somme de 2'684'300 euros ;
'être parfaitement informé de cette situation et la possibilité de se voir exproprié moyennant le paiement d'une indemnité dont le montant pourrait éventuellement être inférieur au prix de la présente vente ;
'requiert le notaire soussigné de recevoir l'acte en l'état, voulant faire son affaire personnelle de cette situation et de ses conséquences sans contre celui ci ou le vendeur ».
S'agissant de la date de référence, les parties s'accordent toutes à la situer au 19 décembre 2017, en application des dispositions combinées des articles L213-4 a) et L213-6 du code de l'urbanisme, s'agissant en l'espèce d'un secteur soumis au droit de préemption renforcé, instauré par délibération du conseil municipal de 18 juin 1987 mise à jour le 27 décembre 2013.
Le jugement sera donc confirmé sur ce point.
S'agissant des données d'urbanisme, les parties s'accordent pour dire que la parcelle supportant l'ensemble immobilier est classée à la date de référence en zone UIC, laquelle correspond presque en totalité au périmètre de la Zac Ivry confluences.
Pour ce qui est de la nature du bien, de son usage effectif et de sa consistance, il s'agit d'un ensemble immobilier édifié sur la parcelle cadastrée section AY 91 d'une superficie de 2342 m², datant de la fin des années 1980, sis [Adresse] ayant appartenu à la SCI IMAAN composée de :
'un [Adresse] sur rue, 4 étages, à usage d'activités de bureaux,
'[Adresse] sur cour, de 2 étages, à usage d'activités de bureaux,
'un bâtiment annexe sur cour, à usage de local de gardiens et le transformateur électrique,
'un sous sol commun, sous les bâtiments B et C et sous cour.
La superficie est contestée par la SCI IMAAN.
Y sont également attachés les lots 88, 89 et 90 de la copropriété correspondant à 3 caves.
Le procès verbal de transport mentionne que :
'le quartier est en pleine mutation en raison de l'aménagement de la Zac Ivry confluences ; le boulevard est très passant, bordé par les commerces et les entreprises et desservi par les lignes de bus 125 et 325 ;
'[Adresse] : l'ensemble est dans un état correct en rez de chaussée ; l'ensemble des bureaux est dans un état très correct ;
'[Adresse] sur cour intérieure (2 étages) : l'ensemble du bâtiment est dans un état correct.
Des photographies sont annexées au procès verbal de transport.
La SCI IMAAN souligne que l'ensemble immobilier bénéficie d'une bonne situation dans un quartier occupé majoritairement par des constructions industrielles à proximité du réseau routier (accès à l'autoroute A4, à la francilienne A [Adresse] dans un rayon de deux kilomètres), que le [Adresse] est dans le prolongement du [Adresse], perpendiculaire au [Adresse] en bord de Seine en périphérie de Charenton, proche du RER C station « Ivry sur Seine », des métros ligne 8 « Ecole Vétérinaires de Maisons Alfort » ligne 7 « Mairie d'Ivry » ; il se trouve à proximité des commerces, des équipements scolaires et de loisirs actuels du nouveau quartier Ivry confluences ; l'ensemble immédiat est principalement constitué d'immeubles commerciaux et industriels de plusieurs programmes immobiliers neufs.
L'expert qu'elle a missionné X indique dans son rapport (pièce N°1) qu'il s'agit d'une bonne situation et d'un bon emplacement pour un immeuble de bureaux d'activités dans une ville importante, en première couronne de Paris en très forte transformation actuelle et future, mais à pouvoir d'achat peu élevé et en faible hausse.
Il ajoute que les locaux sont en bon état d'usage d'entretien général, mais non climatisés.
Il analyse les facteurs clés de la valeur (page 33) :
- forces :
'actifs détenus en pleine propriété,
'bonne situation et emplacement pour des locaux tertiaires,
'commune limitrophe de Paris en forte évolution immobilière actuelle et future
'bonne desserte routière,
'locaux divisibles et fonctionnels
'nombreux parkings en sous sol
'existence de quais de déchargement pour les locaux d'activité en rez de chaussée
- faiblesses :
'A B encore éloigné à ce stade
'commune à pouvoir d'achat peu élevé en faible hausse
'travaux probables pour les locaux vacants
'locaux non climatisés et non pleinement conformes aux normes PMR
Il convient cependant de préciser qu'il ne peut être tenu compte, des éléments à vocation future.
La SADEV 94 produit des photographies dans ses conclusions et indique que l'état général du premier bâtiment est correct et que concernant le 2e bâtiment l'attention de la cour est attirée sur le fait que les travaux de réaménagement ont été entrepris très récemment et qu'il a été constaté lors du transport sur les lieux une odeur forte de peinture.
Elle fait état sur les améliorations de l'article L 322-1 du code de l'expropriation qui dispose que le juge fixe le montant des indemnités d'après la consistance des biens à la date de l'ordonnance portant transfert de propriété.
Toutefois, les améliorations de toute nature, telles que constructions, plantations, installations diverses, acquisition de marchandises, qui auraient été fait à l'immeuble, à l'industrie ou fonds de commerce, même antérieurement à l'ordonnance d'expropriation, ne donnent lieu à aucune indemnité si, en raison de l'époque à laquelle ces améliorations ont eu lieu ou de tout autre circonstance, il apparaît qu'elles ont été faites dans le but d'obtenir une indemnité plus élevée. Sont présumées faites dans ce but, sauf preuve contraire, les améliorations postérieures à l'ouverture de l'enquête prévue à l'article L1.
Elle indique donc que les odeurs de peinture constatées à l'occasion du transport sur les lieux témoignent de la réalisation de travaux récents, et que ceux ci sont postérieurs à l'enquête publique, ont sans doute été effectués dans un but spéculatif et ne peuvent donc être pris en compte dans l'évaluation du bien.
La SCI IMAAN indique que si elle avait véritablement voulu spéculer, elle n'aurait pas fait réaliser d'importants travaux de peinture dans ses locaux en novembre/décembre 2019 pour un montant de 42333, 08 euros en pure perte, étant précisé que la pièce N°12 : attestation du coût des travaux de peinture a été déclarée recevable.
Pour une plus ample description, il convient de se référer au procès verbal de transport et aux photographies annexées.
S'agissant de la date à laquelle le bien exproprié doit être estimé, il s'agit de celle du jugement de première instance conformément à l'article L322-2 du code de l'expropriation, soit le 5 juin 2020.
- Sur l'indemnité principale
I - Sur les surfaces
Les surfaces n'étaient pas contestées en première instance ; le premier juge n'a en outre pas eu besoin d'en faire état, puisqu'il a retenu pour fixer l'indemnité principale le prix de la vente du 11 octobre 2019 soit la somme de 3 700'000 euros.
La SCI IMAAN se fonde sur un relevé des surfaces réalisé par un géomètre expert (pièce n°2) soit :
- [Adresse] sur rue : 2139, 20 m²
- [Adresse] sur cour : 1185 m²
Elle indique que contrairement à ce qu'indiquait la SADEV 94 en première instance, le géomètre a pas commis d'erreurs dans son relevé pour le [Adresse] au rez de chaussée, puisqu'il indique une surface 'D/G' de 432,9 m², ce qui signifie « droite » et « gauche » soit 439,9/2 égal de 79,95 m² pour la partie droite et de 79,95 m² pour la partie gauche.
Le total est donc de 3324,20 m² conforme au mesurage du géomètre.
#11 locaux à usage de bureaux
La SADEV 94 indique que la superficie utile totale, parties communes comprises (bâtiment annexe sur cour et sous sol à usage de parking) est de 3445 m², avec 890 m² de locaux d'activité et de 1555 m² de locaux à usage de bureaux.
Elle indique ne pas remettre en cause les surfaces retenues par le géomètre mais souligne une erreur de calcul de l'exproprié, qui retient, pour la surface en rez de chaussée du [Adresse] 2, deux fois 79,95 m², alors que cette superficie est de 439,90 m² ainsi qu'il ressort du mesurage effectué par l'expropriée elle même ; la superficie du bien en cause est donc de 835,10 m² de locaux d'activité dont 395,20 m² libres et 439,90 m² occupés et 2489 m² de locaux à usage de bureaux dont 1364 m² libres et 1125 m² occupés.
Le commissaire du gouvernement indique qu'un mesurage a été effectué au stade de la première instance par un géomètre expert aboutissant à des surfaces utiles respectives de :
'2139,20 m² s'agissant du [Adresse]
'1185 m² s'agissant du [Adresse], soit 3324,20 m² au total.
Il ajoute que la ventilation des superficiels usages par bâtiment et niveaux sont les suivants :
[Adresse] C Total
rez de chaussée (activité) 395,2 439,9 835,1 Premier étage (bureau) 437,9 372,6 810,5
2e étage (bureau) 436,8 372,5 809,3 3e étage (bureau) 433,7 433,7 4e étage (bureau) 435,6 435,6
Total 2139,2 1185 3324, 2
En l'absence d'autres pièces versées aux débats, il convient de retenir comme proposé par le commissaire du gouvernement le mesurage effectué contradictoirement par le géomètre expert (pièce n°2).
Il convient de préciser qu'y sont également attachés les lots 88, 89 et 90 de la copropriété correspondant à 3 caves.
II Sur la situation locative
Aux termes de l'article L 322-1 du code de l'expropriation le juge fixe le montant des indemnités d'après la consistance des biens à la date de l'ordonnance portant transfert de propriété.
Au regard des baux commerciaux sont occupés :
'rez de chaussée du [Adresse] : 395,20 m² de locaux d'activité : société COMIRO (G) et ARTIS (D) (pièce N°5 : bail société COMIRO, pièce N°6 : bail société ARTIS)
'partie gauche du 2e étage du [Adresse] : 210,10 m² de bureaux: société SWEGON (pièce N°7), avec une résiliation amiable anticipée du bail commercial pour I TECH MARKET SARL (pièce N°8) soit un total de 605,30 m² de surface occupée.
12 méthode par capitalisation
L'expert X missionné par la SCI IMAAN (pièce N°1) mentionne le détail des baux (page 28à 31).
Le surplus, soit 2718,90 m² est libre d'occupation.
III Sur la méthode
Le premier juge a retenu la méthode par comparaison.
La SCI IMAAN demande à titre principal de retenir la méthode par capitalisation et à titre subsidiaire la méthode par comparaison.
La SADEV 94 demande d'écarter cette méthode en raison des incertitudes et de l'arbitraire qu'elle induit en soulignant que le choix du taux de capitalisation soulève d'autre part, des difficultés, notamment pour les immeubles à usage mixte ; elle rappelle qu'un écart d'appréciation de 1 % en plus moins dans le choix de ce taux modifie de manière très sensible la valeur qui en découle. Elle ajoute qu'en l'espèce, une partie importante des locaux n'est pas louée de sorte qu'on ne connaît pas avec certitude leur valeur locative et que de surcroît le taux de capitalisation retenu par l'expert mandaté par l'expropriée n'est étayé par aucun terme de comparaison fiable.
13 rendement de base
Comme l'indique l'expert missionné par la SCI IMAAN (pièce n°1) X cette méthode est basée sur une évaluation des revenus attendus du bien immobilier, qui sont saufs exceptions des loyers ; il indique que cette méthode est selon lui pertinente en l'espèce, puisque les acquéreurs d'un tel bien sont, en règle générale des investisseurs raisonnant à partir d'un revenu locatif net.
Cependant, comme il l'indique lui même cette appréciation peut se faire à partir d'un taux de rendement de base, d'une prime dite « d'illiquidité » et d'une prime de risque.
Cette méthode dite « par capitalisation » à savoir de calcul de la valeur d'un immeuble par son rendement financier, doit être écartée, en raison de l'incertitude trop importante sur le choix du taux de capitalisation et du fait qu'en l'espèce, une partie des biens est libre.
En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu la méthode habituelle par comparaison.
La discussion porte également sur la demande de valorisation spécifique présentée par la SCI IMAAN concernant les parkings, qui sera examinée ci après.
IV Sur les références des parties
Aux termes de l'article L 322-8 du code de l'expropriation, sous réserve de l'article L 322-9, le juge tient compte des accords intervenus entre l'expropriant et les divers titulaires de droits à l'intérieur du périmètre des opérations faisant l'objet d'une déclaration publique et les prend pour base lorsqu'ils ont été conclus avec au moins la moitié des propriétaires intéressés et portent sur les deux tiers au moins des superficies concernées ou lorsqu'ils ont été conclus avec les deux tiers au moins des propriétaires et portent sur la moitié au moins des superficies concernées.
Le premier juge a retenu pour fixer l'indemnité principale la vente du 11 octobre 2019 pour un montant de 3'700'000 euros en indiquant, que ce prix de vente a fait l'objet de discussions nourries puisque dès l'été 2017, la SADEV 94 avait proposé de l'acquérir à l'amiable au prix de 2'800'000 euros, que la COFIMAB lui avait répondu qu'elle ne pouvait étudier d'offre en deçà de 3'400'000 euros, qu'elle signera le 21 juin 2018 une promesse de vente avec la SCI IMAAN pour un prix de 3'700'000 euros, qui servira de base à l'ultime proposition de la SADEV 94 par courrier du 14 août 2019 et que la vente de l'ensemble immobilier sera finalement conclue par acte authentique le 11 octobre 2019 au prix de 3'700'000 euros ; qu'à défaut de preuves contraires, le bien immobilier n'avait subi depuis la promesse de vente du 21 juin 2018 aucune modification d'ordre physique substantiel telle que des grosses réparations ou une addition de constructions par exemple ; que l'estimation de l'indemnité principale de dépossession foncière à plus de 8 millions d'euros comme revendiqué par la SCI IMAAN parait excessive alors qu'elle était parfaitement informée de la procédure d'expropriation en cours dès le 18 janvier 2019, qu'elle a participé aux réunions de négociations sur le prix, que le juge de l'expropriation a été saisi par requête le 30 septembre 2019 donc avant la conclusion définitive de la vente du bien immobilier intervenue le 11 octobre 2019.
Le premier juge a donc indiqué que pour l'ensemble de ces motifs, et considérant que la vente du 11 octobre 2019 constitue la référence récente la plus pertinente pour évaluer l'ensemble immobilier en cause dans la mesure où elle est l'aboutissement d'un long processus de négociation et où elle reflète la sincérité son prix, il fixe l'indemnité principale à la somme de 3'700'000 euros montant correspondant à celui indiqué dans les actes notariés de vente.
14 pièce
Il convient en conséquence d'examiner les références des parties, puis de statuer sur les parkings et sur l'abattement pour occupation.
A) Les références
1) Les références de la SCI IMAAN
Elle fait état de deux offres d'acquisition en février 2020, de Nune et fils de 9 800 000 euros (pièce N°10 ) et d'Octopus de 10 300 000 euros (pièce N°11).
Cependant ces offres ne correspondant pas à des mutations effectives seront écartées.
Elle propose des références issues du rapport de l'X de décembre 2019 (M. C expert en estimation immobilière près la cour d'appel de Versailles (honoraire)) et près les cours administratives d'appel de Versailles et de Paris (pièce N°1), recevable ayant été soumis au débat contradictoire.
L'expert X indique que les références sont issues de la base BIENS NOTAIRES IDF.
a) Les références amiables
- Bureaux
N°du terme Date de vente Adresse Surface en m²
Prix de vente en euros
Prix en euros/m²
T1 mai 2019 [Adresse]
T2 février 2019 [Adresse] 128 303'772 2373
T3 septembre 2018
[Adresse]
T4 septembre 2018
[Adresse]
T5 août 2018 [Adresse]
T6 juillet 2018 [Adresse]
47 180'000 2903
T7 avril 2018 [Adresse]
[Adresse]
T8 février 2018 [Adresse]
T9 novembre 2017
[Adresse]
T10 juillet [Adresse] 197 290'000 1472 T11 janvier 2017 27, rue Denis Papin 205 465'000 2268 valeur moyenne
L'expert compte tenu des points forts et points faibles retient une valeur de 2600 euros/m², estime à 200 euros/m² les travaux de remise en état et d'aménagements réalisés, applique un abattement pour occupation de 20 % et retient donc une valeur vénale de bureaux de 6'136'960 euros.
Cependant comme l'indiquent la SADEV 94 et le commissaires du gouvernement, ces références issues de la base BIEN, outre qu'elles ne mentionnent pas la date précise de mutation, ne mentionnent pas les références de publication, permettant ainsi d'accéder aux actes de vente et de connaître les caractéristiques des biens concernés ainsi que les modalités des transactions.
En outre, alors qu'il s'agit de l'évaluation de l'ensemble immobilier de plus de 3300 m² de surface utile, dont presque 2500 m² de bureaux, les termes de comparaison s'échelonnent de 47 m² à 205 m².
Ces références de bureaux ne sont donc pas comparables, correspondant à des mutations de bureaux de petites à très petites superficies.
Ces références seront donc écartées.
- Les locaux d'activités
L'expert indique qu'il n'a recensé que 4 références de cessions de locaux d'activité depuis 2015 dans un rayon de 2 km, dont 2 seulement [Adresse] :
N°du terme Date de vente Adresse Superficie/m² Prix de vente en euros
Prix en euros/m²
T1 janvier 2018 [Adresse]
286 380'000 1328
T2 juin 2016 [Adresse]
[Adresse]
T3 janvier 2016 [Adresse]
[Adresse]
T4 septembre 2015
[Adresse]
342 362'000 1058
Valeur moyenne
Cependant comme l'indiquent la SADEV 94 et le commissaire du gouvernement, ces références issues de la base BIEN, outre qu'elles ne mentionnent pas la date précise de mutation, ne mentionnent pas les références de publication, permettant ainsi d'accéder aux actes de vente et de connaître les caractéristiques des biens concernés ainsi que les modalités des transactions
En outre, ces références correspondent à des surfaces de 200 à 342 m², qui ne sont pas comparables aux 800 m² de bureaux à évaluer.
Enfin, deux références sont situées dans une autre localité, non comparable.
En conséquence, ces références seront écartées.
b) Les références judiciaires
L'expert indique qu'il a recensé deux références judiciaires, portant sur des locaux d'activité expropriée par la SADEV 94 [Adresse] :
' cour d'appel de Paris du 15 avril 2014, n°10/24 510, immeuble d'activité située [Adresse], surface de 510 m², valeurs retenues : activités : 1000 euros/m², bureaux : 1500 euros/m², soit valeur totale de 569'000 euros, soit 1166 euros/m²
' tribunal de grande instance de Créteil du 15 décembre 2014 : immeuble d'activités sis [Adresse], surface pondérée de 2466,36 m², valeur retenue de 1200 euros/m².
15 bien exproprié
Ces références judiciaires datant de plus de cinq ans, sont trop anciennes et seront donc écartées.
2) Les références de la SADEV 94
Elle demande d'évaluer le bien exproprié en appliquant la méthode dite terrain et places de stationnement intégré en retenant 1200 euros/m² pour la partie locaux d'activité et 1300 euros/m² pour les locaux à usage de bureaux, avant abattement de 40 % pour tenir compte de l'occupation commerciale d'une partie des locaux.
Elle cite les références suivantes, en précisant que la première référence correspondant à la vente du bien en cause le 31 octobre 2019 est la plus pertinente et que les autres références confirment son bien fondé :
N°du terme
Date de vente Adresse Superficie Prix en euros Prix en euros/m²
T1 12 octobre 2019 bien exproprié 3'700'000 entre la société COFIMAB et la SCI
IMAAN
T2 acte de quittance man entre SADEV 94 et la [Adresse]
Gunsbourg
[Adresse]
[Adresse] sur Seine
AZ N°54 et 70 parcelle : 3970 m² superficie utile : 7162,3 m²
4'988'541,95 696
T3 21 décembre 2016
SADEV 94/Bardinet [Adresse]
5401,40 m² de surface utile de 490 m de surface annexe avec 90 places de stationnement
1082 en valeur libre
T4 25 juin 2019 publié sous les références 2019 P 68 03
[Adresse] sur Seine
5 bâtiments à usage d'activités
2244 m² de superficie
2'794'000 1245 euros en valeur libre
16 application d un abattement
T5 19 avril 2017 publié sous les références 2017 P3406
[Adresse] à
Ivry sur Seine
3 bâtiments à usage d'espace commercial, à usage d'entrepôts, est à usage de bureaux
6927 m² de superficie
4'000'750 2000 686 euros/en valeur occupée
T6 4 avril 2019
RG 14/000 13
[Adresse] sur Seine
un ensemble immobilier usage d'appartements/ activités (garage) prix pour la partie garage : 1003 euros en valeur libre
T7 cour d'appel de Paris du 31 janvier 2019
RG 17/10 858 pièce N°7
[Adresse] à
Ivry sur Seine
Au 110 : 582 m² x 1200 euros x 0,70 (abattement pour occupation au
11:
'habitation : 3200 euros/m²
'activités : 1200 euros X 368 m²X 0,7 (abattement pour occupation)
T8 cour d'appel de Paris du 8 mars 2018
RG 14/000 83 pièce N°8
[Adresse]
entrepôts de 116 m² prix unitaire retenu en valeur libre, avec application d'un abattement pour occupation commerciale : 1200 euros/m²
T9 TJ de Créteil du 15 janvier 2018
RG 17/00017 pièce N°9
[Adresse] sur Seine
AU n°95 un hôtel donnant sur rue, une maison individuelle et hangars en fond parcelle
907'186 euros (sans remploi) habitation : 2300 euros/m² hôtel : 1400 euros/m² hangar : 500 euros/m² pour une superficie de 115,76 m²
17 commissaire du gouvernement
T10 acte de quittance du 2 juin 2017 entre SADEV
94 et SCI un bis [Adresse]
Fabien pièce N°10
1 bis [Adresse] à
Ivry sur Seine un ensemble industriel
AY n°10 parcelle : 359 superficie : 345
Le terme T1 correspond à la vente du bien à évaluer entre la SAS COFIMAG et la SCI Imann ; cette référence récente correspondant au bien à évaluer sera retenue.
Les termes 2, 4 et 5, en l'absence de mesurage figurant dans les pièces produites seront écartées.
Le terme T3, bien qu'ancien a moins de cinq ans, est comparable en consistance et en superficie sera retenu.
Les termes T6, T7 et 10 étant de superficie nettement moins importante que le bien à évaluer ne sont pas comparables et seront donc écartés.
Le terme T9 correspond à un ensemble immobilier constitué d'habitation, un hôtel et de hangar étant de consistance différente sera écarté.
Le terme T8 fait l'objet d'un renvoi devant la cour d'appel après cassation selon le commissaire du gouvernement, ce qui n'est pas contesté par la SADEV 94 ; ce terme non définitif sera donc écarté.
La question de l'abattement pour occupation sera étudiée ci après.
3) Les références du commissaire du gouvernement
Le commissaire du gouvernement propose des transactions récentes de locaux professionnels, situées sur la commune d'Ivry sur Seine, comportant les références de mutation :
18 surface utile
a) Locaux mixtes bureau/activités, libre d'occupation
T1:21'décembre 2016 : [Adresse], AZ 43, parcelle de 7146 m², surface utile totale de 5401 m², 6'100'000 euros, 1131 euros/m², correspondant à un ensemble immobilier mixte de bureaux (2/3) et activité (1/3) datant des années 60/70 avec 90 places de stationnement, en valeur libre
Ce terme a déjà été retenu.
b) Locaux mixtes/activité, occupés (en totalité ou partiellement) avec les références de mutation
N°du terme
Date de vente Adresse Superficie en m²
Prix en euros
Prix en euros/m²
Observations
T2 16 novembre 2015
[Adresse]
[Adresse]
parcelle : 2556 surface utile totale : 2715
3'250'000 1197 occupé un immeuble comprenant un bâtiment à usage d'activités de bureaux, consistant en un centre de traitements informatiques, élevée sur sous sol, d'un rez de chaussée et d'un étage immeuble est immédiatement proche de l'ensemble exproprié
T3 9 juin 2016 51, rue Hoche
S 27 parcelle : 2571 surface utile totale : 2551,54
2'309'856 905 occupé dans un ensemble immobilier, de locaux d'activité en rez de chaussée (352 m²) des bureaux du premier au 6e étage (2035 m²), un local d'archives au sous sol (165 m²), 57 partis et 14 parkings extérieurs
19 surface utile
T4 12 septembre 2019 bien exproprié parcelle : 2342 surface utile totale : 3324,2
3 700'000 1113 partiellement occupé (30 % environ de la surface utile) moyenne 1071
Le terme T1 bien qu'ancien a moins de cinq ans est comparable en consistance et en localisation sera donc retenu.
Le terme T2 bien qu'ancien a moins de cinq est comparable en consistance et en localisation sera retenu.
Le terme T3 a déjà été retenu.
c) Locaux à usage de bureaux libres avec les références de mutation
N°du terme
Date de vente
Adresse Superficie Prix en euros
Prix en euros/m²
Observations
T5 17 décembre
[Adresse]
parcelle : 652 m² surface utile totale : 1390
2'300'000 euros
[Adresse] par l'acquéreur locataire de son droit de préférence.
Jouissance immédiate du bien.
Un immeuble indépendant à usage de bureaux d'une surface d'environ 1390 m² comprenant rez de chaussée partiel, 4 étages et 25 parkings aériens
T6 10 janvier 2019
[Adresse]
parcelle : 2461
7'250'000 [Adresse] dans un ensemble immobilier (de bâtiments), bureaux, logement du gardien surface utile totale : 4103,83 et 79 parkings extérieurs.
300 m² de locaux de stockage en sous sol
Moyenne 1711
Le terme T 5 trop ancien datant de plus de 5 ans sera écarté.
Le terme T6 comparable en consistance et en localisation sera retenu.
20 locaux à usage mixte
- décisions judiciaires récentes portant sur des locaux à usage mixte de bureaux et activités, situés sur la commune d'Ivry sur Seine
'Cour d'appel de Paris 28 juin 2018 : RG 17/09 264 : [Adresse], C 80, terrain de 925 m², surface utile de 1280 m² plus sous sol, zone UIC, bureaux (421m²) ateliers (860 m²), bureaux : 1800 euros/m², atelier : 1250 euros/m², droit de délaissement, bureaux dans bel immeuble sur [Adresse] sur sous sol, en très bon état, atelier en parpaings en état correct, abattement de 10 % pour occupation précaire.
Ce terme judiciaire récent est définitif, comparable en consistance et localisation sera retenu.
Le commissaire du gouvernement précise que compte tenu des références qu'il propose et de la décision judiciaire susvisée, portant sur les immeubles de plus petites superficies que l'ensemble immobilier à évaluer, il peut être retenu les valeurs respectives suivantes :
'1700 euros/m² en valeur libre pour les locaux de bureaux cloisonnés
'1200 euros/m² en valeur libre pour les locaux d'activité.
Il ajoute qu'afin de prendre en compte l'absence de cloisonnement constaté dans la partie non louée des bureaux, ainsi que les travaux de rénovation nécessaires par endroits (moquette), il a effectué une r e c h e r c h e s u r I n t e r n e t e t n o t a m m e n t s u r l e s i t e : http://www. travaux. com/guide'des'prix/aménagement/prix'aménagement'de'bureaux, permettant de chiffrer le coût des aménagements et travaux à environ 300 euros/m².
Il propose donc de retenir en valeur libre :
Dispositif
'bureaux :
cloisonnés : 1700 euros non cloisonnés (-300 euros/m²) : 1400 euros
'activités : 1200 euros.
La SCI IMAAN conteste en indiquant que la surface cloisonnée ne s'élève qu'en réalité à 1134 m² et la surface non cloisonnée à 1355 m²(2489m²-1134m²), mais elle ne produit aucune pièce à l'appui.
Au regard des termes de référence retenus par la cour et de l'arrêt de la cour du 28 juin 2018, qui porte effectivement sur les immeubles de plus petites superficies que l'ensemble immobilier à évaluer, il convient de retenir comme proposé par le commissaire du gouvernement :
pour les locaux de bureaux cloisonnés: 1700 euros/m² pour les bureaux non cloisonnés : 1700 euros-300 euros/m²= 1400 euros/m², le montant des travaux de rénovation nécessaire par endroits n'étant pas contesté par la SCI IMAAN.
B) Les parkings
La SCI IMAAN demande une valorisation spécifique des places de parkings en surface et en sous sol, comme l'indique son expert X.
Cependant, les références retenues par la cour incluent toutes des places de parking, il n'y a donc pas lieu de procéder à une estimation séparée des places de parking intégré dans l'ensemble immobilier exproprié.
En outre, le PLU d'Ivry sur Seine en zone UIC indique que : 12.1.1 : le stationnement des véhicules correspondant aux besoins des constructions et installations doit être assuré en dehors des voies publiques.
Il en résulte que les places de stationnement sont indispensables pour assurer un stationnement en dehors des voies publiques.
La demande de la SCI IMAAN de valorisation spécifique des parkings sera donc rejetée.
C) L'abattement pour occupation
Les parties sont d'accord pour retenir un abattement pour occupation, mais en désaccord sur le quantum.
La SCI IMAAN demande d'appliquer uniquement un abattement de 20 %, tandis que le commissaire du gouvernement et la SADEV 94 demandent d'appliquer un abattement habituel de 40 %.
En l'espèce, il y a lieu d'appliquer l'abattement habituel de 40 % en expropriation pour occupation, l'expert missionné par la SCI IMAAN indiquant d'ailleurs que l'abattement de 20% qu'il propose est issue des dispositions fiscales et ISF.
L'indemnité principale s'établit donc comme suit :
'bureaux libres non cloisonnés : 2279 m² x 1400 euros/m² = 3'190'600 euros
'bureaux occupés et cloisonnés : 210,10 m² x 1020 euros/m² = 214'302 euros
'activité/libre : 439,9 m² x 1200 euros/m² = 527'880 euros
'activité/occupé : 395,2 m² x 720 euros/m² = 284'544 euros soit un total pour 3324,20 m² de 4'217'326 euros arrondis à 4'218'000 euros, ce qui correspond à +14% par rapport au prix d'acquisition de septembre 2019.
Le jugement sera donc infirmé en ce sens.
- Sur les indemnités accessoires
1° Sur l'indemnité de remploi
Elle est calculée selon la jurisprudence habituelle comme suit :
20% entre 0 et 5 000 euros : 1 000 euros
15% entre 5 001 et 15 000 euros : 1 500 euros
10% sur le surplus.
En première instance, la SADEV 94 s'appuyant sur l'alinéa 2 de l'article R 322'5 du code de l'expropriation, s'est opposée à l'allocation d'une indemnité de remploi en soutenant le caractère notoirement destiné à la vente du bien qui doit s'apprécier à la date de l'ordonnance d'expropriation ou à défaut à la date du jugement et qu'en l'espèce l'acte de vente ayant été signé le 12 octobre 2019, il est incontestable que l'ensemble immobilier était notoirement destiné à la vente.
Le premier juge a débouté la SADEV 94 de sa demande en indiquant qu'il convenait de se reporter au texte littéral de cet alinéa pour relever :
'Il n'est pas prouvé que le bien immobilier avait été mis en vente par son ancien propriétaire, la SAS COFIMAB, au cours des 6 mois ayant précédé la DUP créée par arrêté du 11 juillet 2011 et prorogée par arrêté préfectoral du 26 mai 2016 (pour rappel, la déclaration d'intention d'aliéner date du 25 juillet 2018) ;
'Il n'est pas non plus prouvé que le dernier propriétaire exproprié, la SCI IMAAN avait mis son bien en vente à la date de l'ordonnance d'expropriation rendue le 31 mars 2020 ou à la date du jugement.
La SADEV a formé un appel incident sur ce point en indiquant que dès lors que l'ordonnance d'expropriation n'est pas encore intervenue, la consistance du bien doit être appréciée à la date du jugement et que le caractère notoirement destiné à la vente d'un bien doit s'apprécier à la cette date ou à défaut à la date du jugement ; en l'espèce, dès lors que l'acte de vente est du 12 octobre 2019, il est incontestable que le bien était notoirement destiné à la vente au cours des 6 derniers mois. Le premier juge a rajouté une condition qui n'est pas prévue par le texte susvisé, qui prévoit que les frais de remploi ne sont pas dus « lorsque le bien était notoirement destiné à la vente » sans préciser la personne qui doit être à l'origine de cette mise en vente.
L'article R322-5 alinéa 2 du code de l'expropriation dispose s'agissant de l'indemnité de remploi que toutefois, il ne peut être prévu de remploi si les biens étaient notoirement destinés à la vente, ou mis en vente par le propriétaire exproprié au cours de la période de 6 mois ayant précédé la déclaration d'utilité publique.
La condition fixée par le texte est donc alternative et la condition de six mois susvisée concerne uniquement la mise en vente par le propriétaire exproprié.
L'article L 322-1 alinéa 1 du code de l'expropriation dispose que le juge fixe le montant des indemnités d'après la consistance des biens à la date de l'ordonnance portant transfert de propriété ; en outre, en l'absence d'ordonnance d'expropriation, la consistance des biens expropriés doit être appréciée à la date de la décision de première instance.
En l'espèce, il n'est pas contesté que l'ordonnance d'expropriation n'étant pas encore intervenue, et que la consistance du bien doit donc être appréciée à la date du jugement de première instance, soit le 5 juin 2020.
L'acte de vente entre la société COFIMAB et la SCI IMAAN étant du 12 octobre 2019, il est établi qu'à la date du jugement du 5 juin 2020, le bien était notoirement destiné à la vente au sens de l'alinéa 2 de l'article R 322-5 du code de l'expropriation.
Il n'y a donc pas lieu d'accorder à la SCI IMAAN une indemnité de remploi.
Le jugement sera donc infirmé en ce sens.
2° sur l'indemnité pour frais divers
Le premier juge a rejeté la demande formée par la SCI IMAAN de 5000 euros pour frais divers.
Dans sa déclaration d'appel, la SCI IMAAN fait état du débouté pour seulement les indemnités d'accessoires à hauteur de 1 322'768 euros.
En appel, la SCI IMAAN demande de fixer les indemnités accessoires correspondant d'une part à l'indemnité au frais de remploi et d'autre part aux frais de la vente.
Elle ne reprend donc pas sa demande de 5000 euros pour frais divers.
Le jugement sera donc confirmé sur ce point.
3° sur les frais engagés par la SCI IMAAN du fait de son acquisition
Le premier juge a débouté la SCI IMAAN de sa demande de 288'201,40 euros d'indemnisation au titre des frais d'acquisition relatifs à son achat du 11 octobre 2019.
En appel, elle reprend cette demande en indiquant que la SADEV 94 n'a pas exercé son droit de préemption suite à la promesse de vente du 21 juin 2018 signée entre la société COFIMAB et elle même alors qu'une déclaration d'intention d'aliéner avait été notifiée, et que malgré cela la SADEV 94 a engagé la procédure d'expropriation, celle ci est donc responsable des frais engagés au titre de la vente ; elle verse aux débats le relevé notarial des frais engagés (pièce n°3).
Cependant, le premier juge a exactement indiqué qu'elle ne démontre pas en quoi ces frais d'acquisition résultent d'un préjudice subi portant atteinte à ses intérêts, alors qu'elle a choisi, après de longues négociations, délibérément d'acquérir en octobre 2019, un bien situé au c'ur d'une zone faisant l'objet d'une DUP depuis 2011 prorogée en 2016, tout en sachant que le bien concerné était sous la menace d'une procédure d'expropriation, ce d'autant que le premier juge a été saisi par requête du 30 septembre 2019 soit avant la conclusion définitive de la vente.
Il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il a exactement débouté la SCI IMAAN de ce chef.
4° sur les autres demandes : les intérêts de retard
Le premier juge a débouté la SCI IMAAN de sa demande relative aux intérêts de retard formulée prématurément.
Si dans sa déclaration d'appel la SCI IMAAN indique qu'elle demande de voir annuler ou infirmer la critique du chef du débouté du surplus de ses demandes indemnitaires, elle ne formule aucune demande en appel dans le dispositif de ses conclusions.
En conséquence le jugement sera confirmé sur ce point.
- Sur l'article 700 du code de procédure civile
Il convient de confirmer le jugement qui a condamné la SADEV 94 à payer à la SCI IMAAN la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
L'équité commande de débouter les parties de leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
- Sur les dépens
Il convient de confirmer le jugement pour les dépens de première instance, qui sont à la charge de l'expropriant conformément à l'article L 312-1 du code de l'expropriation.
Au regard de la solution du litige, chaque partie supportera la charge de des dépens exposés en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS,
La cour statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,
Déclare recevables les conclusions de la SCI IMAAN du 20 octobre 2020, de la SADEV 94 du 13 décembre 2020 et du commissaire du gouvernement du 19 janvier 2021 adressées ou déposées dans les délais légaux ;
Déboute la SADEV 94 de sa demande de voir déclarer irrecevable la pièce N°12 de la SCI IMAAN ;
Déclare recevables les conclusions hors délai du 14 septembre 2021 sauf à déclarer irrecevables les pièces N°13 à 18 produites hors du délai légal, ainsi que les paragraphes relatifs à ces demandes nouvelles (taxe foncière et bureaux : 78 077 euros et 11 994 euros) et pièces ;
Déclare recevables les conclusions hors délai de la SADEV 94 du 2 novembre 2021 et du 22 décembre 2021 et de la SCI IMAAN du 17 novembre 2021 ;
Déclare irrecevable la demande de la SCI IMAAN dans son mémoire en réplique et récapitulatif du 17 novembre 2021de dire que la cour n'est pas saisie de l'appel incident de la SADEV 94 ;
Infirme partiellement le jugement entrepris ;
Statuant à nouveau :
Fixe l'indemnité due par la société d'aménagement et de développement des villes du département du Val de Marne (SADEV 94) à la SCI IMAAN au titre de la dépossession de l'ensemble immobilier sis [Adresse] sur Seine (94'200), édifié sur la parcelle cadastrée section AY n°91 à la somme arrondie de 4'218'000 euros arrondis, correspondant à l'indemnité principale ;
Dit n'y avoir lieu à accorder à la SCI IMAAN une indemnité de remploi ;
Confirme le jugement entrepris entre ses autres dispositions ;
Déboute les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Dit que chaque partie supportera la charge de ses dépens.