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Décisions

CA Paris, Pôle 1 ch. 10, 17 octobre 2024, n° 24/02313

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

HILTON WORLWIDE MANAGE LIMITED (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Pruvost

Conseiller :

Mme Distinguin

Avocats :

Me De Maria, Me Pardo, Me Fresse de Monval, Me Geronimi, Me Simonnet, Me Lallement, Me Mghazli, Me De Hauteclocque

CA Paris n° 24/02313

16 octobre 2024

Exposé du litige 

 Dans le cadre d'une procédure arbitrale entre la société Hilton Worldwide Manage Limited (la société Hilton), société à responsabilité limitée de droit anglais, et M. [H], deux sentences arbitrales définitives ont été rendues par la Cour d'arbitrage de la Chambre de commerce internationale de Londres et ont condamné ce dernier à payer la somme principale de 18 626 936,14 dollars américains au profit de de la société Hilton.

Celle-ci a, par la suite, obtenu l'exequatur des deux sentences arbitrales par ordonnances du 12 janvier 2023 du président du tribunal judiciaire de Paris, signifiées à M. [H], dans un premier temps par acte du 31 janvier 2023, puis une seconde fois, par un acte rectificatif le 8 février 2023.

En exécution de ces sentences la société Hilton a fait procéder, par procès-verbal d'immobilisation en date du 21 avril 2023 , à la saisie dans le parking de la société Hôtel du Trianon de [Localité 6], d'un véhicule automobile de marque Bentley immatriculé [Immatriculation 4] (le véhicule).

M. [H], par assignation en date du 24 mai 2023, a saisi le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Paris d'une demande tendant à voir annuler cette saisie, en ordonner la mainlevée et obtenir des dommages-intérêts.

Par jugement en date du 18 janvier 2024, le juge de l'exécution a débouté M. [H] de ses demandes tendant à l'annulation et à la mainlevée de la saisie du véhicule automobile ainsi que de l'ensemble de ses demandes accessoires et l'a condamné au paiement d'une indemnité de procédure.

M. [H] a interjeté appel de cette décision par déclaration en date du 22 janvier 2024. La société Hôtel du Trianon de [Localité 6] est intervenue volontairement à l'instance.

Les conclusions récapitulatives de M. [H] et de la société Hôtel du Trianon de [Localité 6], en date du 3 juillet 2024, tendent à voir la cour :

- recevoir l'intervention volontaire de la société Hôtel du Trianon de [Localité 6],

- infirmer la décision de première instance,

- statuer à nouveau,

- prononcer la nullité de la saisie pratiquée sur le véhicule Bentley Continental GT immatriculé [Immatriculation 4] et ordonner sa mainlevée,

- rejeter les demandes de la société Hilton,

- condamner la société Hilton à verser à M.  [H] une somme de 20 000 euros au titre des dispositions prévues à l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Les conclusions récapitulatives de la société Hilton, en date du 24 juin 2024, tendent à voir la cour :

- confirmer le jugement entrepris,

- condamner M. [H] au paiement d'une amende civile d'un montant maximum de 10 000 euros, à lui payer la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

 

Pour plus ample exposé du litige, des prétentions et des moyens, il est fait renvoi aux écritures visées.

Discussion

Rien ne s'oppose à recevoir l'intervention volontaire de la société Hôtel du Trianon de [Localité 6].

Sur les demandes de nullité du procès-verbal de saisie :

Sur la demande de nullité pour absence de remise de la copie de la requête et de l'ordonnance autorisant la saisie :

Aux termes de l'article 495 alinéa 3 du code de procédure civile, « Copie de la requête et de l'ordonnance est laissée à la personne à laquelle elle est opposée. »

Les appelants soutiennent, en substance, que les personnes auxquelles sont opposées l'ordonnance sont M. [H], la société Hôtel du Trianon de [Localité 6] et la société Onepark, gestionnaire du parking, que M. [H] s'est vu signifier la requête et l'ordonnance postérieurement à la saisie, et qu'aucune remise n'a été faite à la société Hôtel du Trianon de [Localité 6] et la société Onepark.

En ce qui concerne la remise à M. [H], il ne résulte pas de l'article 495, al.3, du code de procédure civile, que la remise de la requête et de l'ordonnance doive être faite au débiteur saisi au début de l'exécution de la mesure. Par ailleurs, contrairement à ce qui est soutenu, et comme le relève à juste titre l'intimée, la dénonciation de la saisie-vente pratiquée le 24 avril 2023 établie par le commissaire de justice indique que les copies de la requête et de l'ordonnance lui ont bien remises.

En ce qui concerne la remise à la société Hôtel du Trianon de [Localité 6] et la société Onepark, il n'est pas discuté que, si l'article précité qui impose de laisser copie de la requête et de l'ordonnance à la personne à laquelle elle est opposée, ne s'applique qu'à la personne qui supporte l'exécution de la mesure, l'ordonnance autorisait la saisie en tous lieux et celle-ci a eu lieu dans un parking accessible au public, de sorte que la société Hôtel du Trianon de [Localité 6] et la société Onepark n'étaient pas des personnes supportant l'exécution de la mesure et qu'il n'était pas nécessaire de leur remettre copie de la requête et de l'ordonnance. La nullité alléguée n'est donc pas encourue.

Sur la demande de nullité fondée sur l'article R. 221-50 du code des procédures civiles d'exécution :

L'appelant soutient que la saisie est nulle sur le fondement de cet article puisqu'il n'est pas propriétaire du véhicule.

Il expose avoir souscrit, le 18 avril 2018, un emprunt d'une durée de 61 mois auprès de la société Cgi Finance pour acquérir du vendeur « SRL Exclusive Motors » le véhicule saisi, que le contrat de crédit accessoire à la vente stipule comme « sûreté exigée : Réserve de propriété », le transfert de propriété du bien financé étant différé jusqu'à son complet paiement, qu'à la date de la saisie, la dernière échéance n'était pas payée de sorte qu'il n'a jamais été propriétaire du véhicule. Il ajoute que la banque ayant remis directement les fonds au vendeur, sans qu'ils aient transité par son compte, la subrogation était valable.

Cependant, comme le soulève à bon droit l'intimée, n'est pas l'auteur du paiement le prêteur qui se borne à verser au vendeur les fonds empruntés par son client afin de financer l'acquisition d'un véhicule, ce client étant devenu, dès la conclusion du contrat de crédit, propriétaire des fonds ainsi libérés entre les mains du vendeur. (Com., 14 juin 2023, pourvoi n° 21-24.815)

Il s'ensuit, comme l'a relevé le premier juge, qu'est inopérante la subrogation consentie par le vendeur au prêteur dans la réserve de propriété du véhicule, dès lors que c'est bien, en l'espèce, le prêteur qui a versé directement au vendeur les fonds empruntés pour l'achat par M. [H] et que celui-ci était propriétaire de celui-ci à la date de la saisie, peu important à cet égard que la dernière échéance du prêt fût impayée.

Sur la nullité pour absence d'indication du lieu où le véhicule a été immobilisé :

L'appelant soutient que, contrairement aux dispositions de l'article R. 223-8 du code des procédures civiles d'exécution, prescrites à peine de nullité, le procès-verbal n'indiqu epas le lieu d'immobilisation du véhicule.

Cependant, ainsi que l'a relevé le premier juge, le procès-verbal précise bien le lieu d'immobilisation, à savoir le parking de l'Hôtel du Trianon à [Localité 6], [Adresse 1] ' et le lieu d'entreposage, étant ajouté que l'appelant n'invoque aucun grief résultant de cette prétendue nullité.

Sur la nullité tirée de l'absence de mention de l'assiette des intérêts :

L'appelant soutient que le procès-verbal mentionne des intérêts échus pour la somme de 821 204,71 euros sans que soit mentionnée l'assiette de leur calcul, contrairement aux dispositions de l'article R.221-1 du code de procédure civile, prescrites à peine de nullité, ce qui lui cause nécessairement un grief.

Cependant, comme l'a relevé le premier juge et comme le soutient l'intimée, le procès-verbal reprend le détail de la créance réclamée en indiquant les sommes dues en principal, les intérêts échus ainsi que les frais, avant de terminer par l'indication des taux d'intérêts, ce qui correspond aux mentions requises par l'article R.221-1 précité.

Sur la nullité tirée de l'absence de titre exécutoire :

L'appelant soutient que les sentences ne constituent pas des titres exécutoires en ce que la signification des ordonnances d'exequatur effectuée le 31 janvier 2023 vise l'article 1499 du code de procédure civile qui s'applique à l'arbitrage interne au lieu de viser l'article 1525 du code de procédure civile qui s'applique à l'arbitrage international et aux sentences rendues à l'étranger, que cette signification erronée lui cause un grief dès lors qu'elle lui indique à tort qu'il ne dispose d'aucun recours, que la signification rectificative en date du 8 février 2024 n'a pu régulariser cette nullité, la seconde notification régulière n'ayant pas expressément précisé qu'elle se substituait à la première et n'ayant donc pu garantir l'effectivité de la voie de recours, telle que prévue par l'article 6-1 de la CESDH, la mention « sur et aux fins d'un précédent exploit étant insuffisante à cet égard.

Il ajoute qu'il a interjeté appel des ordonnances d'exequatur. Cet appel a effectivement été déclaré recevable par arrêt du 2 juillet 2024.

Cependant, il est admis par les parties que les sentences arbitrales sont, en elles-mêmes, définitives, de sorte que l'appel des ordonnances d'exequatur de ces décisions n'étant pas suspensif selon l'article 1526 du code de procédure civile, la société Hilton disposait bien de titres exécutoires.

Sur les dommages-intérêts pour abus de saisie :

L'appelant sollicite une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour saisie abusive.

La solution donnée au présent litige conduit à rejeter ce chef de demande.

Sur l'amende civile :

La cour adopte les motifs du premier juge qui a relevé que la demande formée par la société Hilton au titre d'une amende civile était irrecevable.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Le jugement entrepris sera confirmé sur l'indemnité de procédure allouée.

L'appelant qui succombe doit être condamné aux dépens, débouté de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamné à payer à l'intimée, en application de ces dernières dispositions, la somme dont le montant est précisé au dispositif.

PAR CES MOTIFS

Reçoit la société Hôtel du Trianon de [Localité 6] en son intervention volontaire ;

Confirme le jugement ;

Condamne M. [H] à payer à la société Hilton Worldwide Manage Limited la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;

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