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Décisions

CA Paris, 1re ch. - C, 23 octobre 2008, n° 08/10510

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

LIMAK INSAAT SAN VETIC AS LIMAK (Sté), PUNJ LLOYD LIMITED PUNJ LLOYD (Sté)

Défendeur :

WEATHERFORD KOPP GMBH WEATHEFORD (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Périé

Conseillers :

M. Matet, Mme Bozzi

Avocats :

Me Kaplan, Me JD Touraille, Me JP Harb

CA Paris n° 08/10510

22 octobre 2008

Dans le cadre du développement d'un projet d'oléoduc devant relier la mer Caspienne à la mer Méditerranée, la société turque BOTAS a été chargée de la conception et de la réalisation de l'oléoduc sur le tronçon traversant la Turquie. Elle a eu recours à plusieurs sous traitants, dont la société de droit turc, LIMAK INSAAT SAN VETIC AS et la société de droit indien, PUNJ LLOYD LIMITED. Ces deux dernières ont elles mêmes conclu un contrat de sous traitance d'examens hydrostatiques et de calibrage de l'oléoduc avec la société WEATHERFORD KOPP GMBH, société de droit allemand.

Ce contrat de sous-traitance contient une clause compromissoire indiquant que le lieu de l'arbitrage sera Paris, France, sans autre disposition quant à la désignation des arbitres. A la suite d'un différend, la société WEATHERFORD KOPP GMBH a souhaité recourir à l'arbitrage mais les sociétés LIMAK INSAAT SAN VETIC AS et PUNJ LLOYD LIMITED lui ont opposé que la clause compromissoire est une clause blanche .

La société WEATHERFORD KOPP GMBH a saisi le président du tribunal de grande instance de Paris d'une difficulté de constitution du tribunal arbitral.

Suivant ordonnance du 10 avril 2008, le délégataire du président du tribunal de grande instance de Paris a

- déclaré la société WEATHERFORD KOPP GMBH fondée en sa demande de recours au juge d'appui,

- rejeté la demande de constitution d'un tribunal arbitral constitué en application du règlement d'arbitrage de la CCI en vigueur,

- sur la demande tendant à voir déterminer le nombre des arbitres devant composer le tribunal ainsi que sur les modalités de leur désignation par les parties, renvoyé à l'audience du 17 avril 2008 afin que chacune des parties se prononce sur le nom et le nombre des arbitres souhaités.

Les sociétés LIMAK INSAAT SAN VETIC AS et PUNJ LLOYD LIMITED ont formé un appel-nullité de l'ordonnance dans les formes du contredit et prient la Cour au visa des articles 1492, 1493, 1457 et 1444 du code de procédure civile, de déclarer nulle l'ordonnance du 10 avril 2008, de renvoyer la société WEATHERFORD KOPP GMBH à mieux se pourvoir, et de la condamner à verser à chacune des appelantes la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elles font valoir que le président du tribunal de grande instance a commis un excès de pouvoir puisqu'il a accepté d'assister à la constitution d'un tribunal arbitral au mépris des dispositions de l'article 1444 alinéa 3 du code de procédure civile applicables en matière internationale.

Elles expliquent que le juge d'appui ne peut désigner les arbitres lorsqu'il est confronté à une véritable insuffisance de la clause compromissoire, comme en l'espèce, puisqu'elle ne contient aucune disposition quant à la désignation des arbitres ; qu'en effet, l'article 1493 alinéa 2 renvoie, via l'article 1457, aux dispositions de l'article 1444 du code de procédure civile qui prive le juge d'appui de tout pouvoir d'assistance lorsque la clause est insuffisante, ce renvoi opérant pleinement en matière internationale de sorte que le juge d'appui est privé du pouvoir d'intervenir dans la constitution du tribunal arbitral.

La société WEATHERFORD KOPP GMBH conclut à l'irrecevabilité et au mal fondé de l'appel-nullité et demande la confirmation de l'ordonnance entreprise et la condamnation solidairement des sociétés LIMAK INSAAT SAN VETIC AS et PUNJ LLOYD LIMITED au paiement de la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que l'alinéa 2 de l'article 1493 relatif à l'arbitrage international renvoie à l'article 1457 uniquement pour les modalités de saisine du Président du tribunal de grande instance, et que le fait que cet article fasse référence à l'article 1444 et donc soit également applicable pour fixer les modalités de saisine du tribunal de grande instance en cas de difficultés portant sur un arbitrage interne ne signifie pas que l'article 1444 serait applicable à l'arbitrage international.

Elle soutient que si la décision du juge d'appui devait être critiquée elle ne le serait que sur le terrain de la violation de la loi et non sur celui de l'excès de pouvoir, et qu'en l'espèce, l'ordonnance du président du tribunal de grande instance de Paris n'est pas constitutive d'un excès de pouvoir.

Sur ce, la Cour

Considérant qu'en vertu de l'alinéa 2 de l'article 1493 du code de procédure civile si pour les arbitrages se déroulant en France ou pour ceux à l'égard desquels les parties ont prévu l'application de la loi de procédure française, la constitution du tribunal arbitral se heurte à une difficulté, la partie la plus diligente peut, sauf clause contraire, saisir le président du tribunal de grande instance de Paris selon les modalités de l'article 1457 ; qu'en l'espèce, le président du tribunal de grande instance de Paris est désigné par l'article 1493 alinéa 2 du code de procédure civile comme autorité judiciaire nationale d'appui à l'arbitrage qui, comme celui entre les sociétés LIMAK INSAAT SAN VETIC AS et PUNJ LLOYD LIMITED et la société WEATHERFORD KOPP GMBH met en cause les intérêts du commerce international ;

Considérant que le contrat de sous-traitance conclu entre les parties contient la clause compromissoire suivante

31.0 Demandes, différends et arbitrage

Tout litige, question restée non résolue, ou différend issus de ce contrat de sous-traitance entre les parties pourra être soumis à l'arbitrage en application de la présente clause. Le lieu de l'arbitrage sera Paris, France. La langue de l'arbitrage sera l'anglais'.

Considérant que l'ordonnance rendue au visa des articles 1493 alinéa 2 et 1457 du code de procédure civile est de principe non susceptible de recours mais qu'il est cependant constant qu'en procédure civile un appel-nullité demeure toujours recevable lorsqu'une décision procède d'un excès de pouvoir ou de la violation d'un principe fondamental ;

Que la Cour a été saisie par les sociétés LIMAK INSAAT SAN VETIC AS et PUNJ LLOYD LIMITED dans le délai et sous la forme d'un contredit d'un appel- nullité ;

Considérant que les sociétés LIMAK INSAAT SAN VETIC AS et PUNJ LLOYD LIMITED soutiennent que le juge d'appui a commis un excès de pouvoir en désignant un arbitre alors que la clause était insuffisante ;

Or considérant qu'en désignant un arbitre en constatant que la clause compromissoire n'était pas nulle, sans égard pour une éventuelle insuffisance de la clause, le délégataire du président du tribunal de grande instance a statué dans les limites des pouvoirs qui lui sont conférés ;

Qu'il convient donc de déclarer irrecevable l'appel-nullité formé par les sociétés LIMAK INSAAT SAN VETIC AS et PUNJ LLOYD LIMITED ; que celles-ci sont condamnées aux dépens et à verser à la société WEATHERFORD KOPP GMBH la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Dispositif

Par ces motifs

Déclare irrecevable l'appel-nullité formé par les sociétés LIMAK INSAAT SAN VETIC AS et PUNJ LLOYD LIMITED,

Condamne solidairement les sociétés LIMAK INSAAT SAN VETIC AS et PUNJ LLOYD LIMITED à verser à la société WEATHERFORD KOPP GMBH la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne les sociétés LIMAK INSAAT SAN VETIC AS et PUNJ LLOYD LIMITED aux dépens.

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