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Décisions

CA Paris, Pôle 1 ch. 1, 27 janvier 2015, n° 13/18116

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

AECD (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Acquaviva

Conseillers :

Mme Guihal, Mme Dallery

Avoués :

Me Ohana, Me Ribaut

Avocats :

Me Benighon, Me Garnier Grill

CA Paris n° 13/18116

26 janvier 2015

Par un protocole d'accord du 29 janvier 2010, Monsieur Philippe Q. a cédé à la société d'expertise comptable AECD la totalité des titres qu'il détenait dans la société Expertise Conseil et Diagnostic (Ecodia).

Monsieur Q. a introduit une procédure d'arbitrage contre la société AECD sur le fondement de la clause compromissoire stipulée à l'article 13 dudit contrat, pour rétention abusive du solde du prix de cession.

Les parties ont désigné comme arbitres Messieurs Mustapha O., expert comptable, et Nicolas Demigneux, avocat.

Par une ordonnance du 5 avril 2011, le Président du Tribunal de commerce de Paris a, faute d'accord entre les deux arbitres, désigné Monsieur Daniel Tricot en qualité de président du tribunal arbitral.

Par une sentence rendue à Paris le 12 juillet 2013, le tribunal arbitral a condamné la société AECD à verser à Monsieur Q. la somme de 314.275,97 € en principal.

Par une ordonnance du 7 août 2013, le Président du Tribunal de grande instance de Paris a accordé l'exequatur à cette sentence.

Le 16 septembre 2013, la société AECD a formé un recours en annulation.

Par une ordonnance du 3 avril 2014, le Conseiller de la mise en état a revêtu la sentence arbitrale de l'exécution provisoire contre fourniture d'une garantie bancaire.

Le 3 juin 2014, la société AECD a procédé à son exécution.

Vu les conclusions signifiées par le RPVA par la recourante le 13 novembre 2014 aux termes desquelles elle demande à la cour, au visa des articles 32-1, 1450, 1644, 1492-2°, et 1493 du Code de procédure civile, 1382 du Code civil et L. 441-3 alinéa 1 du Code de commerce, de :

- Déclarer la société AECD recevable et bien fondée en son recours en annulation contre la sentence arbitrale rendue le 12 juillet 2013, par la société PERITUS (Monsieur O.), la société DTAM (Monsieur L. TRICOT) et Maître Nicolas DEMIGNEUX dans le cadre de la procédure d'arbitrage interne l'opposant la société AECD ;

- Dire et juger que les dispositions de l'article 1644 du Code de procédure civile sont inapplicables ;

- Dire et juger que les sociétés PERITUS et DTAM ont réalisé une mission d'arbitrage;

- En conséquence, Dire et juger que le tribunal arbitral a été irrégulièrement constitué ;

- Dire et juger que cette irrégularité a été découverte à l'issue du prononcé de la sentence arbitrale ;

- Prononcer l'annulation de ladite sentence en toutes ses dispositions, par application des articles 1492, 2° et 1450 du Code de procédure civile ;

- Faire injonction aux parties de conclure au fond afin qu'il soit statué à nouveau dans les conditions et limites de la mission donnée aux arbitres ;

- Débouter Monsieur Q. de l'intégralité de ses demandes ;

- En tout état de cause, condamner Monsieur Q. à verser à la société AECD la somme de 3.500 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens;

Vu les conclusions signifiées par le RPVA par le défendeur au recours le 16 octobre 2014 tendant au rejet du recours et à la condamnation de la société AECD au paiement d'une somme de 40.000 euros à titre de dommages intérêts sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, de la somme de 3.000 euros à titre d'amende civile sur le fondement de l'article 32-1 du Code civil et d'une somme de 30.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile;

SUR QUOI,

- Sur les moyens d'annulation tirés de ce que le tribunal arbitral a été irrégulièrement constitué (article 1492 alinéa 2 du Code de procédure civile) et de ce que la sentence serait contraire à l'ordre public (article 1492 alinéa 5 du Code de procédure civile).

Il est soutenu par la recourante que le tribunal était composé en réalité d'une personne physique et de deux personnes morales dans la mesure où Messieurs Tricot et O., qui ont émis des factures de services au nom des sociétés DTAM et Peritus, ont accompli leur mission arbitrale sous forme sociétaire alors qu'aux termes de l'article 1450 du Code de procédure la mission d'arbitre ne peut être exercée que par une personne physique et qu'à raison de la méconnaissance de cette règle la sentence est contraire à l'ordre public.

Considérant qu'en matière d'arbitrage interne, l'article 1450 du Code civil dispose que la mission d'arbitre ne peut être exercée que par une personne physique jouissant du plein exercice de ses droits ;

qu'en l'espèce il est constant que conformément à la clause compromissoire stipulée au protocole d'accord du 29 janvier 2010 aux termes de laquelle elles étaient convenues de déférer à un collège d'arbitres, personnes physiques, les différends nés de l'interprétation, de l'exécution ou de la résiliation de la promesse de cession des actions détenues par Monsieur Q. dans la société Ecodia, les parties ont désigné chacune leur arbitre, Monsieur Q. ayant fait choix le 10 novembre 2011 de Monsieur O. expert comptable et la société AECD le 3 janvier 2011 de Monsieur Demigneux avocat, lesquels ont accepté leur mission par courrier respectivement des 17 janvier et 10 janvier 2011 ;

que faute pour les deux arbitres désignés de s'être accordés sur le choix du troisième arbitre, Monsieur Q. a, par acte du 22 février 2011, saisi en la forme des référés le président du tribunal de commerce de Paris qui par ordonnance du 5 avril 2011 a désigné Monsieur Daniel Tricot en qualité de troisième arbitre ;

que la convention d'arbitrage signé par les parties le 7 décembre 2011 énonce en page 4 point IV que le tribunal arbitral est composé de trois arbitres, Monsieur Mustapha O.[..]désigné par le demandeur, Maître Nicolas Demigneux[..]désigné par la défenderesse, Monsieur le Président Daniel Tricot[..] désigné par l'ordonnance précitée du 5 avril 2011 rendue par le président du Tribunal de commerce de Paris' ;

qu'il s'ensuit que la mission d'arbitre a été confiée à trois personnes physiques ;

que la circonstance que figure à la suite du nom du troisième arbitre la mention DTAM laquelle correspond aux initiales de Daniel Tricot Arbitrage Médiation société à responsabilité limitée dont Monsieur Daniel Tricot est le représentant légal est inopérante dès lors que la mention DTAM correspond à l'indication de l'adresse professionnelle de Monsieur Tricot où celui ci s'est domicilié pour les besoins de la procédure arbitrale ;

qu'est tout aussi inopérante, la circonstance que la première page de la sentence ait été établie sur papier à l'en tête de DTAM dans la mesure où les parties sont convenues, dérogeant aux dispositions de la clause compromissoire, que le tribunal arbitral siègerait au Cabinet du président du tribunal arbitral, sauf décision contraire rendue par une ordonnance du président aux termes de la convention d'arbitrage et où la sentence rappelle en première page la composition du tribunal arbitral constitué de trois personnes physiques M. Mustapha O., Monsieur Nicolas Demigneux et Monsieur le Président Daniel Tricot et porte en dernière page la signature de ces derniers, sans qu'il soit jamais fait mention d'une personne morale dont l'un ou l'autre des arbitres aurait été le représentant agissant en son nom ;

qu'enfin, s'il est justifié de l'envoi à la société AECD par Monsieur O. et Monsieur Tricot pour paiement de leurs honoraires de factures émises respectivement par Daniel Tricot DTAM SARL et par la SARL Peritus, ce mode de facturation ne peut valoir preuve de l'exécution par ces sociétés au travers de leurs représentants respectifs et par interposition, de la mission confiée à titre personnel auxdits arbitres ;

que le moyen tiré de la constitution irrégulière du tribunal arbitral devant être écarté en l'absence d'infraction aux dispositions de l'article 1450 du Code civil le moyen tiré de la contrariété de la sentence à l'ordre public fondée exclusivement sur la méconnaissance de cette disposition doit être également rejeté par voie de conséquence avec le recours ;

Considérant que Monsieur Q. argue du caractère abusif du recours, le moyen invoqué par la société AECD étant dépourvu de fondement sérieux ;

Considérant toutefois que la société AECD ayant exercé le droit de recours ouvert par la loi, l'inanité des moyens invoqués à l'appui de celui ci est insuffisant à lui seul à caractériser l'abus de ce droit en sorte que la demande de dommages intérêts doit être rejetée.

Considérant que pour le même motif, il n'y a pas lieu d'appliquer à la recourante comme le sollicite la partie défenderesse, une amende civile dont l'opportunité relève en tout état de cause du pouvoir discrétionnaire du juge ;

Considérant que la société AECD qui succombe doit être condamnée aux dépens sans pouvoir prétendre à une indemnité en application de l'article 700 du Code de procédure civile et sera condamnée sur ce même fondement au paiement d'une somme de 30.000 euros ;

PAR CES MOTIFS,

Déboute la SA AECD du recours en annulation formé à l'encontre de la sentence arbitrale rendue à Paris le 12 juillet 2013 dans le litige l'opposant à Monsieur Philippe Q. ;

Condamne la SA AECD aux dépens et au paiement à Monsieur Philippe Q. d'une somme de 30.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Rejette les autres demandes.

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