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Décisions

CA Paris, Pôle 1 ch. 1, 18 mars 2010, n° 08/21256

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

PRODIM (SAS)

Défendeur :

G ET A DISTRIBUTION (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Périé

Conseillers :

M. Matet, Mme Guihal

Avoués :

Me Pamart, SCP GUIZARD

Avocats :

Me Leblond, Me Brouard

CA Paris n° 08/21256

17 mars 2010

Exposé des faits

Les parties s'étant trouvées en désaccord, la société PRODIM a mis en oeuvre la procédure d'arbitrage prévue par le contrat de franchise.

Par sentence à Paris du 28 juin 1999, le tribunal arbitral composé de Jean Barthélémy, président, Henri H. et Yves R., arbitres a condamné chacune des sociétés à payer à l'autre diverses sommes avec compensation entre ces condamnations et a rejeté la demande de la Société PRODIM tendant à ce que soit ordonnée la descente de l'enseigne COCCINELLE et interdise la commercialisation des produits attachés à cette enseigne.

Postérieurement la société PRODIM a mis en oeuvre un nouvel arbitrage.

Par sentence à Caen du 10 juillet 2000 le tribunal arbitral composé de Philippe Merle, président, Henri H. et Francis W., arbitres a pour l'essentiel rejeté la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée, a dit que G&A a manqué à son obligation contractuelle de non réaffiliation et l'a condamnée en réparation à payer à PRODIM 200.000F.

La société G&A a formé un recours en annulation contre cette seconde sentence.

Par arrêt du 23 avril 2002, la Cour d'appel de Caen, constatant que sa chambre commerciale avait par décision du 11 octobre 2001 devenue définitive rétracté l'ordonnance sur requête non contradictoire du président du tribunal de commerce de Caen du 6 octobre 1999 désignant l'arbitre M. W., a estimé que la sentence se trouvait nécessairement anéantie à la suite de cette décision et que PRODIM ayant expressément renoncé à se prévaloir de cette sentence la demande d'annulation formée par G&A était devenue sans objet et qu'il n'y avait plus lieu de faire droit à la demande de statuer au fond.

Par arrêt du 8 juillet 2004, la Cour de cassation a cassé cette décision au visa de l'article 1485 du CPC au motif que la cour d'appel constatant la nullité de la sentence était tenue de statuer sur le fond, en l'absence de volonté contraire de toutes les parties, et a renvoyé l'affaire à la cour d'appel de Versailles.

Celle-ci, par arrêt du 30 janvier 2007, a annulé la sentence du 10 juillet 2000 et statuant sur le fond du litige a pour l'essentiel rejeté la fin de non- recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée, a déclaré valable la clause de non réaffiliation prévue par l'article 6 du contrat de franchise, a dit que G&A avait manqué à son obligation à cet égard et l'a condamnée à payer à PRODIM 100.000 € de dommages-intérêts.

Par arrêt du 28 mai 2008, la Cour de cassation a cassé cette décision au visa des articles 1351 du code civil ensemble l'article 1476 du CPC au motif que la cour d'appel pour déclarer recevable la demande de dommages-intérêts formée par la société PRODIM pour manquement de la société G&A à son obligation contractuelle de non réaffiliation et écarter la fin de non recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée a retenu que la première sentence du 28 juin 1999 a rejeté la demande tendant à la dépose de l'enseigne Coccinelle mais, ainsi qu'il résulte du dispositif, n'a pas statué sur une demande de dommages-intérêts pour violation de l'article 6 du contrat de franchise, alors qu'il incombe au demandeur de présenter dans la même instance toutes les demandes fondées sur la même cause et qu'il ne peut invoquer dans une instance postérieure un fondement juridique qu'il s'était abstenu de soulever en temps utile et a renvoyé les parties devant la cour d'appel de Paris.

Demanderesse à la saisine, PRODIM prie la Cour par conclusions du 21 janvier 2010 de constater l'irrecevabilité de l appel-nullité de la société G&A pour défaut d intérêt à agir, subsidiairement de constater l'abus d'ester en justice de G&A du fait de la renonciation par la concluante à l'exécution de la sentence du 10 juillet 2000 et de la condamner à 50.000 € de dommages-intérêts, très subsidiairement au fond de constater la violation par G&A de la clause de non réaffiliation insérée à l'article 6 du contrat de franchise et de la condamner au paiement de 100.000 € de dommages-intérêts, outre 30.000 € au titre de l'article 700 du CPC.

Par conclusions du 4 février 2010 G&A, initialement demanderesse à l'annulation de la sentence arbitrale du 10 juillet 2000, sollicite l'annulation de cette sentence en raison de l'irrégularité de la composition du tribunal arbitral (article 1484 2° du CPC). Elle demande à la cour de statuer au fond après communication du dossier au parquet général pour qu'il donne son avis et prenne le cas échéant toute décision de nature à faire cesser les agissements illicites, de retenir sa fin de non-recevoir tenant à l'autorité de la chose jugée et de déclarer PRODIM irrecevable dans ses demandes, de débouter cette société de sa demande de dommages-intérêts pour abus d'agir en justice, subsidiairement au fond d'annuler la clause prévue à l'article 6 du contrat de franchise, le cas échéant de saisir pour avis l'autorité de la concurrence, reconventionnellement de condamner PRODIM à lui payer 50.000 € de dommages-intérêts pour perte d'exploitation liée à l'impossibilité d'exercer sous une enseigne pendant 10 mois, 30.000 € de dommages-intérêts pour procédure abusive et 20.000 € par application de l'article 700 du CPC.

Motifs

SUR QUOI,

Sur l'intérêt à agir de G&A:

Considérant que PRODIM, rappelant qu'elle avait renoncé à l'exécution de la sentence arbitrale du 10 juillet 2000, soutient que G&A n'a dès lors plus d'intérêt à agir en annulation de cette décision ;

Mais considérant que la cour d'appel constatant la nullité de la sentence arbitrale est tenue de statuer au fond ; qu'il s'ensuit que G&A qui s'oppose aux demandes de PRODIM et sollicitait devant les arbitres des dommages-intérêts pour procédure abusive a intérêt à poursuivre l'annulation de la sentence ;

Qu'il convient ainsi de déclarer G&A recevable à agir;

Sur le moyen unique d'annulation de la sentence du 10 juillet 2000 : le tribunal arbitral a été irrégulièrement composé (article 1484 2° du CPC) :

Considérant que par arrêt du 11 octobre 2001 aujourd'hui définitif la cour d'appel de Caen a annulé l'ordonnance rendue sur requête par le président du tribunal de commerce de Caen désignant M. W. en qualité d'arbitre ; qu'ainsi, l'un des arbitres n'étant pas régulièrement désigné le tribunal arbitral n'est pas régulièrement composé, et la sentence litigieuse doit en conséquence être annulée ce qui au demeurant n'est pas contesté ;

Sur les demandes au fond :

Considérant qu'en l'absence de volonté contraire des parties la cour annulant la sentence statue au fond dans la limite de la mission des arbitres investis par la clause d'arbitrage des pouvoirs d'amiables compositeurs ;

Considérant que lors de la première procédure arbitrale ayant abouti à la sentence du 28 juin 1999, PRODIM demandait au tribunal arbitral d ordonner la descente de l enseigne Coccinelle conformément aux stipulations contractuelles de non concurrence , ainsi que le retrait de tous produits attachés à cette enseigne, ce sous astreinte de 50.000F par jour de retard à compter de la sentence arbitrale à intervenir. Elle demande à être elle-même autorisée à ses frais avancés, à retirer l'enseigne litigieuse ainsi que tous produits y attachés pour le cas où la société G&A DISTRIBUTION ne s'exécuterait pas dans la quinzaine du prononcé de la sentence arbitrale'; que le tribunal arbitral a rejeté ces demandes ;

Que sur ces mêmes causes PRODIM sollicite aujourd'hui la condamnation de G&A au paiement de dommages-intérêts ;

Qu'elle fait valoir qu'outre que la Cour de cassation a appliqué a posteriori et rétroactivement une jurisprudence dégagée par son assemblée plénière du 7 juillet 2006 sur l'obligation d'invoquer toutes les demandes reposant sur un même fondement dès la première procédure, il s'agit en l'espèce d'une exigence irréalisable car PRODIM ne pouvait de bonne foi imaginer que l'exécution aurait été rendue impossible par les manoeuvres de G&A et préjuger du rejet de sa demande par les arbitres ; qu'elle estime que la sanction est d'autant plus sévère que s'agissant d'un arbitrage en amiable composition la voie de l'appel lui est fermée, qu'elle est ainsi privée d'un procès équitable au sens de l'article 6 §1 de la CEDH et souligne que si la demande de dommages-intérêts repose sur la même cause elle ne tend pas aux mêmes fins ;

Mais considérant que le droit au procès équitable invoqué sur le fondement de l'article 6 de la CEDH d'une part, ne consacre pas un droit acquis à une jurisprudence immuable, l'évolution de la jurisprudence relevant de l'office du juge dans l'application du droit d'autre part, n'autorise pas une partie à saisir successivement plusieurs juges de demandes reposant sur une même cause alors qu'il lui était loisible de les grouper, peu important que la voie de l'appel lui soit fermée en raison même

d'une volonté contractuellement exprimée ;

Qu'en l'espèce c'est vainement que la société PRODIM prétend qu'en saisissant les arbitres lors du premier arbitrage d'une demande d'exécution en nature de la clause de non réaffiliation prévue par l'article 6 du contrat de franchise elle ne pouvait préjuger qu'elle en serait déboutée ni imaginer que la résistance opposée par G&A conduirait le tribunal arbitral à rendre sa sentence plus de deux ans après la rupture du contrat de franchise ce qui rendait impossible une exécution en nature, l'article 6 limitant à un an à compter de la date de résiliation l'obligation de non réaffiliation ;

Qu'en effet non seulement une partie peut, sans préjuger de la décision qui sera rendue, présenter des demandes subsidiaires mais ici au surplus, la résiliation du contrat de franchise ayant eu lieu selon lettre du 25 octobre 1996, PRODIM ne pouvait ignorer lors de son premier mémoire du 31 mai 1998 que, le délai d'un an étant expiré, l'exécution en nature ferait difficulté ;

Qu'ainsi, faute d'avoir demandé des dommages-intérêts comme elle pouvait le faire pour violation de la clause de non réaffiliation devant les premiers arbitres qu'elle a saisis seulement d'une demande de réparation en nature, elle est irrecevable aujourd'hui à solliciter réparation par équivalent alors qu'il lui incombait, ainsi que le soutient G&A dans ses écritures, de présenter dans la même instance toutes les demandes fondées sur la même cause ;

Qu'aucune considération d'équité ne commande une solution différente ;

Considérant que compte tenu du sens du présent arrêt PRODIM est débouté de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

Considérant que G&A ne justifie pas du préjudice qu'elle allègue du fait qu'elle aurait été contrainte d'exploiter sans enseigne pendant 10 mois ; que sa demande de dommages-intérêts de ce chef est rejetée ;

Que par ailleurs elle n'établit pas que PRODIM ait agi par malice, intention de nuire ou erreur équipollente au dol ; que sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive est également rejeté;

Sur les demandes au titre de l'article 700 du CPC:

Considérant que PRODIM qui succombe et supporte les dépens est déboutée de sa demande à ce titre et paie à G&A 20.000 € ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS:

Vu les arrêts de la Cour de cassation des 8 juillet 2004 et 28 mai 2008,

DÉCLARE la société G&A DISTRIBUTION recevable dans sa demande d'annulation de la sentence arbitrale rendue à Caen le 10 juillet 2000 par Philippe Merle, Henri H. et Francis W. ;

ANNULE cette sentence ;

STATUANT AU FOND EN AMIABLE COMPOSITION :

DÉCLARE la société PRODIM irrecevable dans sa demande de dommages-intérêts pour violation de la clause de non réaffiliation contenue dans le contrat de franchise ;

REJETTE les autres demandes ;

CONDAMNE la société PRODIM à payer à la société G&A DISTRIBUTION 20.000 € au titre de l'article 700 du CPC ;

CONDAMNE la société PRODIM aux dépens et admet la SCP Michel GUIZARD, avoué, au bénéfice de l'article 699 du CPC.

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