Cass. 1re civ., 13 février 2019, n° 17-25.851
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
République bolivarienne du Vénézuéla
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Batut
Avocats :
SCP Foussard et Froger, SCP Ortscheidt
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. I... P... et sa fille, Mme I... J... (les consorts I...) ont, en 2001 et 2006, acquis de Mmes A... et B... I... les parts sociales de deux sociétés vénézuéliennes, Transporte Dole et Alimentos Frisa ; que les consorts I... ont introduit en 2012 une procédure d'arbitrage à l'encontre de la République bolivarienne du Vénézuéla sur le fondement des dispositions concernant le règlement des différends du traité bilatéral pour la promotion et la protection réciproque des investissements, conclu entre le Royaume d'Espagne et la République bolivarienne du Vénézuéla le 2 novembre 2015 ; que la sentence rendue à Paris le 15 décembre 2014 sur la compétence a fait l'objet d'un recours en annulation par la République bolivarienne du Vénézuéla ;
Sur la recevabilité du pourvoi, contestée par la défense :
Attendu que les consorts I... soutiennent que le pourvoi est irrecevable sur le fondement du principe de l'estoppel, la République bolivarienne du Vénézuéla ayant saisi le tribunal arbitral pour obtenir une nouvelle sentence sur la compétence ;
Mais attendu que les consorts I... ayant sollicité du tribunal arbitral l'organisation d'un débat sur les effets et la portée de l'annulation partielle de la sentence, la République bolivarienne du Vénézuéla a répondu tout en informant le tribunal arbitral de l'existence de son pourvoi ; que celle-ci ne s'étant pas contredite au détriment des consorts I..., le pourvoi est recevable ;
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 1520, 1°, du code de procédure civile ;
Attendu que, pour annuler la sentence uniquement en ce qu'elle décide que les actifs litigieux sont des investissements au sens du traité, sans considération de la nationalité des investisseurs à la date où ils ont procédé à leurs investissements, l'arrêt retient d'abord que la reconnaissance, par l'Espagne, des consorts I... comme ses nationaux à la date d'engagement de la procédure arbitrale suffit à établir la compétence ratione personae du tribunal arbitral, ensuite, que l'investissement n'est pas un actif détenu par un investisseur de l'autre partie contractante, ce qui exclut toute référence à la date d'acquisition, mais un actif investi par un investisseur de l'autre partie contractante, ce qui renvoie nécessairement à une condition de nationalité de l'investisseur à la date de l'investissement ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'applicabilité de la clause d'arbitrage déduite du traité bilatéral dépend de la réalisation de l'ensemble des conditions requises par ce texte sur la nationalité de l'investisseur et l'existence d'un investissement, de sorte que la cour d'appel, qui ne pouvait procéder à une annulation partielle de la sentence, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 avril 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne M. I... P... et Mme I... J... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer à la République bolivarienne du Vénézuéla la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;