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Décisions

TRIBUNAL DES CONFLITS, 17 mai 2010, n° C3754

TRIBUNAL DES CONFLITS

PARTIES

Demandeur :

Institut national de la santé et de la recherche médicale

Défendeur :

Fondation Letten F. Saugstad

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Martin

Rapporteur :

M. Gallet

Commissaire du gouvernement :

M. Guyomar

TRIBUNAL DES CONFLITS n° C3754

16 mai 2010

Considérant que, le 4 août 1998, l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) et la fondation Letten F. Saugstad, association de droit norvégien, ont conclu un acte sous seing privé, dénommé " protocole d'accord ", par lequel les parties, eu égard à leurs missions respectives, sont convenues " de mettre en commun leurs efforts pour favoriser la réalisation d'un projet de construction d'un pôle de recherche en neurobiologie, appelé institut méditerranéen de neurobiologie (IMED), centre de recherche Saugstad-INSERM ", la fondation s'obligeant à verser, à trois stades d'avancement de l'opération de construction du bâtiment à édifier sur un terrain appartenant à l'université d'Aix-Marseille et destiné à abriter l'IMED, la somme totale de 25 millions de francs et l'INSERM s'engageant à formuler deux demandes budgétaires successives à concurrence de 5 millions de francs chacune ; que l'acte stipulait que, si apparaissaient des difficultés d'application du protocole d'accord, en l'absence de solution amiable et en cas de vaine médiation, les parties auraient recours à l'arbitrage ; qu'à la suite des différends survenus, la fondation Letten F. Saugstad, qui, le 28 avril 1999, avait versé la première tranche de 2 millions de francs, a, par lettre du 28 août 2000, notifié à l'INSERM la rupture de leurs relations ; que celui-ci ayant assigné la fondation en paiement du solde du montant de son engagement, soit 3.506.327,40 euros, devant le tribunal de grande instance de Paris qui a accueilli sa demande, la cour d'appel de Paris a infirmé le jugement, déclaré le tribunal incompétent pour connaître de l'affaire et renvoyé les parties à se pourvoir devant la juridiction arbitrale, sur le fondement de la clause compromissoire stipulée dans le protocole d'accord ; que l'arbitre, désigné par ordonnance de référé du président du tribunal de grande instance de Paris, saisi par l'INSERM, a rendu sa sentence le 4 mai 2007 aux termes de laquelle il a débouté l'INSERM de sa demande en paiement de la somme de 3.506.327,40 euros " et a " condamné l'INSERM à restituer à la fondation Letten la somme de 304.878,03 euros versée le 28 avril 1999 avec intérêts et anatocisme ; que, par requête présentée le 12 juillet 2007, l'INSERM a saisi la cour administrative d'appel de Marseille d'un appel à l'encontre de la sentence arbitrale pour en voir prononcer l'annulation en raison de la nullité de la clause compromissoire et voir la fondation condamnée à exécuter ses obligations financières ; qu'ayant concomitamment saisi la cour d'appel de Paris d'un recours en annulation de la même sentence arbitrale, cette juridiction a, par arrêt du 13 novembre 2008, rejeté son recours en annulation et l'a débouté de ses demandes, en retenant sa compétence sur le fondement de l'article 1505 du code de procédure civile et en considérant que la prohibition pour un Etat de compromettre est limitée aux contrats d'ordre interne, sous réserve de dispositions législatives contraires, mais qu'au vu du principe de validité de la clause d'arbitrage international cette prohibition n'est pas d'ordre public international ; que, saisi de la requête présentée initialement à la cour administrative d'appel, le Conseil d'Etat a estimé qu'elle présentait à juger des difficultés sérieuses de nature à justifier le recours à la procédure prévue par l'article 35 du décret du 26 octobre 1849 modifié par le décret du 25 juillet 1960 ;

Considérant que le recours formé contre une sentence arbitrale rendue en France, sur le fondement d'une convention d'arbitrage, dans un litige né de l'exécution ou de la rupture d'un contrat conclu entre une personne morale de droit public française et une personne de droit étranger, exécuté sur le territoire français, mettant en jeu les intérêts du commerce international, fût-il administratif selon les critères du droit interne français, est porté devant la cour d'appel dans le ressort de laquelle la sentence a été rendue, conformément à l'article 1505 du code de procédure civile, ce recours ne portant pas atteinte au principe de la séparation des autorités administratives et judiciaires ; qu'il en va cependant autrement lorsque le recours, dirigé contre une telle sentence intervenue dans les mêmes conditions, implique le contrôle de la conformité de la sentence aux règles impératives du droit public français relatives à l'occupation du domaine public ou à celles qui régissent la commande publique et applicables aux marchés publics, aux contrats de partenariat et aux contrats de délégation de service public ; que, ces contrats relevant d'un régime administratif d'ordre public, le recours contre une sentence arbitrale rendue dans un litige né de l'exécution ou de la rupture d'un tel contrat relève de la compétence du juge administratif ;

Considérant que le protocole d'accord conclu entre l'INSERM, établissement public national à caractère scientifique et technologique, et la fondation Letten F. Saugstad, association de droit privé norvégienne, dont l'objet est la construction en France d'un bâtiment destiné à abriter un institut de recherche juridiquement et institutionnellement intégré à l'INSERM et qui en prévoit le financement partiel par la fondation, met en jeu les intérêts du commerce international ; que, dès lors, le recours en annulation formé contre la sentence arbitrale rendue dans le litige opposant les parties quant à l'exécution et à la rupture de ce contrat, lequel n'entre pas au nombre de ceux relevant du régime administratif d'ordre public ci-dessus défini, relève de la compétence de la juridiction judiciaire ;

D E C I D E :
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Article 1er : La juridiction judiciaire est compétente pour connaître du recours en annulation formé par l'INSERM à l'encontre de la sentence arbitrale rendue dans le litige qui l'oppose à la fondation Letten F. Saugstad ainsi que de la demande en paiement dirigée contre celle-ci.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, qui est chargé d'en assurer l'exécution.

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