Livv
Décisions

CA Paris, Pôle 5 - ch. 9, 28 août 2025, n° 25/00300

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 25/00300

28 août 2025

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 9

ARRÊT DU 28 AOUT 2025

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 25/00300 - N° Portalis 35L7-V-B7J-CLGWQ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Avril 2022 - Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2020013443

APPELANTES

S.A.R.L. GROUPE [V] [G] agissant poursuites et diligences de son gérant en exercice et/ou tous représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège - représentée par Monsieur [V] [G], son président

[Adresse 6]

[Localité 3]

Immatriculée au RCS de sous le n°

S.A.R.L. GROUPE [V] [G] ('GPG')

[Adresse 6]

[Localité 3]

Immatriculée au RCS de sous le n°

Représentées par Me François TEYTAUD de l'AARPI TEYTAUD-SALEH, avocat au barreau de PARIS, toque : J125

Assistées par Me Alexandre VERMYNCK de l'EURL ALEXANDRE VERMYNCK AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : R045

INTIMÉE

S.A.S. [L]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Immatriculée au RCS de [Localité 5] sous le n° 819 569 815

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Représentée par Me Frédérik AZOULAY de la SELARL Azoulay & Diallo, avocat au barreau de PARIS, toque : C0038

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 26 Juin 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :

Sophie MOLLAT, Présidente

Alexandra PELIER-TETREAU, Conseillère

Caroline TABOUROT, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Yvonne TRINCA

ARRÊT :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Sophie MOLLAT, présidente, et par Yvonne TRINCA, greffier présent lors de la mise à disposition.

Exposé des faits et de la procédure

La société [L] est une société détenue à parité par [D] [H] et [E] [M] via leurs holdings respectives.

Monsieur [M] a été désigné président et Monsieur [H] directeur général.

La société [L] est la société holding de la SAS The Bureau, créée en 2016, qui est une start-up spécialisée dans la location d'espaces de coworking haut de gamme.

Le 3.07.2018 la société Groupe [V] [G] a adressé une lettre d'offre sous conditions suspensives relative à l'acquisition de 58,86% des titres de la société The Bureau détenus par 3 sociétés, chacune associée minoritaire.

Le 28.07.2018, un protocole d'entente a été signé entre la société [L] et la société GPG organisant les principales conditions et modalités d'entrée au capital de la société GPG dans The Bureau et prévoyant, en particulier, une clause de rétrocession de la plus-value par la société GPG à la société [L] en cas de cession de la société et si la plus-value dépasse un certain montant.

Le 21 septembre 2018, la société GPG a signé une lettre d'engagement prévoyant qu'au-delà d'un certain montant de plus-value, l'associé majoritaire confirme son engagement de conclure au bénéfice de [L] un management package aux termes duquel il consentira à rétrocéder une partie de sa plus-value de cession au bénéfice de [L], selon les modalités suivantes.

Sont décrites dans la lettre les différents niveaux de rélution en fonction de la plus-value perçue.

La société GPG s'engage à mettre en place le 'Management Package' dans un délai de 3 mois à compter de la date de la lettre d'engagement.

Le même jour un pacte d'associés a été conclu entre les parties, GPG acquérant une participation majoritaire de 65,6% du capital de The Bureau, stipulant des droits de préemption en cas de transfert des titres, un droit de sortie conjointe et une obligation de sortie forcée, et des promesses de vente en cas de départ de la société [L], de Monsieur [M] et/ou de Monsieur [H], de la société The Bureau, et en cas de défaut de financement de la société GPG.

Lors de l'entrée au capital de la société GPG Monsieur [M] exerçait les fonctions de président de la société The Bureau et M. [H] celles de directeur général.

Suite à l'entrée au capital de la société GPG la société [L] a été désignée pour exercer les fonctions de président de The Bureau.

Par assemblée générale extraordinaire du 27 novembre 2019 la société [L] a été révoquée de son mandat de président de The Bureau et la société GPG a été nommée en ses lieu et place, M. [H] restant directeur général de The Bureau.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du même jour, la société GPG a exercé la promesse de vente pour cause de départ que la société [L] lui avait consentie, précisant que la cession devait intervenir pour le prix d'un euro, selon calcul convenu aux termes du pacte d'associés.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 29 novembre 2019, la société [L] a mis en demeure la société GPG de lui soumettre dans les 2 jours 'un projet de documentation de mise en 'uvre du Management Package reflétant les conditions définies dans votre courrier du 21 septembre 2018".

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 5 décembre 2019, la société GPG a refusé indiquant que l'esprit d'un management package était 'de rémunérer la performance de dirigeants qui s'investissent et contribuent au développement de leur société'.

La société [L] a assigné la société GPG pour voir ordonner l'exécution forcée de la lettre d'engagement du 21.09.2018 sous astreinte.

Par jugement en date du 8.04.2022 le tribunal de commerce de Paris a:

Dit la société [L] mal fondée en ses demandes et l'en a débouté

Condamné la société [L] à payer à la société Groupe [V] [G] la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamné la société [L] aux dépens de l'instance.

Le tribunal a retenu que la clause dite de 'management package' ne pouvait s'appliquer que si la société [L] restait dirigeante de la société et que la société [L] n'étant plus dirigeante elle n'était plus éligible au bénéfice de ce package depuis la révocation de son mandat social.

La société [L] a formé appel par déclaration en date du 13.05.2022.

Par arrêt en date du 17.10.2024, la cour a:

Infirmé le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 8.04.2022

et statuant à nouveau

Condamné la société Groupe [V] [G] à l'exécution forcée en nature de la lettre d'engagement du 21 septembre 2018,

Ordonne en conséquence à la société Groupe [V] [G] d'adresser à la société [L] la documentation concernant les instruments financiers permettant l'application de la rétrocession de plus-value telle que prévue dans la lettre d'engagement du 21.09.2019, sous astreinte de 5000 euros par jour de retard passée le délai d'un mois suivant la signification de l'arrêt à intervenir

Condamné la société Groupe [V] [G] au paiement de la somme de 10.000 euros au profit de la société [L] sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel

Dit que ceux d'appel seront recouvrés par Maître Matthieu Boccon-Gibod, SELARL LX Avocats, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

La cour a retenu que la mise en oeuvre de la clause de rétrocession n'était pas subordonnée à la qualité de dirigeante de la société [L] et que la perte par la société [L] de son mandat n'était pas de nature à entraîner la caducité de l'engagement pris par la société GPG, de sorte que c'était à tort que la société GPG avait refusé d'exécuter l'engagement qu'elle avait pris et en premier lieu d'établir la documentation juridique prévue qui détermine les instruments financiers permettant la mise en oeuvre de la rétrocession de la plus-value.

Par requête enregistrée le 24.04.2025 la SARL Groupe [V] [G] a saisi la cour d'une requête en interprétation.

Aux termes de ses conclusions en réplique signifiées le 23.06.2025 la société Groupe [V] [G] demande à la cour de:

Vu l'article 461 du code de procédure civile,

Vu les articles L. 131-3 et R. 131-2 du code des procédures civiles d'exécution,

Vu l'article 1240 du code civil,

In limine litis :

- Se déclarer incompétente pour trancher les demandes reconventionnelles de [L] en révision de l'astreinte.

A titre principal :

- Dire que son arrêt du 17 octobre 2024, rendu sous le numéro de RG 22/09530 dans le litige ayant opposé la requérante à [L], société par actions simplifiée, immatriculée au R CS de [Localité 5] sous le numéro 819 569 815, dont le siège social est sis [Adresse 2] doit être interprété comme ordonnant à la société Groupe [V] [G] d'adresser à la société [L] un Package aux termes duquel [L] pourra, en cas de cession de The Bureau à un tiers, bénéficier d'une plus-value supérieure à sa détention capitalistique, à condition toutefois qu'au jour de la cession, elle soit bien associée de The Bureau.

- Dire, en conséquence, que le dispositif de ladite décision sera complété, en ajoutant, dans le chef de dispositif suivant, la précision en caractère gras et soulignée suivante :

« ordonne en conséquence à la société Groupe [V] [G] d'adresser à la société [L] la documentation concernant les instruments financiers permettant l'application de la rétrocession de plus-value telle que prévue dans la lettre d'engagement du 21.09.2018 (dans la mesure où, au jour de la cession à un tiers, [L] serait associée de The Bureau), sous astreinte de 5000 euros par jour de retard passé le délai d'un mois suivant la signification de l'arrêt à intervenir ».

- Ordonner qu'il soit fait mention de cette interprétation en marge de la minute de l'arrêt en cause et des expéditions qui en seront délivrées.

- Dire que la décision d'interprétation à intervenir devra être notifiée au même titre que la précédente décision.

A titre subsidiaire :

- Constater le différend d'interprétation entre les parties .

- Interpréter l'arrêt d'appel de manière à mettre un terme à ce différend .

- Ordonner qu'il soit fait mention de cette interprétation en marge de la minute de l'arrêt en cause et des expéditions qui en seront délivrées.

- Dire que la décision d'interprétation à intervenir devra être notifiée au même titre que la précédente décision.

En tout état de cause :

- Débouter [L] de toutes ses demandes, fins et prétentions .

- Condamner [L] à payer à Groupe [V] [G] la somme de 20.000 euros au titre de

l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Aux termes de ses conclusions signifiées par voie électronique le 16.06.2025 la société [L] demande à la cour de:

Vu les articles 1240 et 1355 du code civil,

Vu les articles 31, 32-1, 461, 480 et 700 du code de procédure civile,

Vu l'article L.131-1 du code des procédures civiles d'exécution ;

Vu l'article L.213-6 du code de l'organisation judiciaire ;

Vu l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 17 octobre 2024 ;

A titre principal :

' Déclarer irrecevables les demandes de la société Groupe [V] [G] tendant à l'interprétation de l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 17 octobre 2024 ;

A titre subsidiaire

' Débouter la société Groupe [V] [G] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

' Dire n'y avoir pas lieu d'interpréter l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 17 octobre 2024 ;

Et à titre reconventionnel :

' Augmenter le taux de l'astreinte provisoire prononcée par l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 17 octobre 2024 de 5.000 euros à 10.000 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir, sans préjudice de l'astreinte ayant déjà couru ;

' Transformer l'astreinte provisoire ainsi augmentée en astreinte définitive, pour une durée définie que la cour déterminera, sans préjudice de l'astreinte ayant déjà couru ;

' Condamner la société Groupe [V] [G] à s'acquitter au profit de la société [L] de la somme de 20.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

' Condamner la société Groupe [V] [G] à s'acquitter au profit de la société [L] de la somme de 20.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de la société [L] concernant l'astreinte

La SARL GPG expose que la cour est incompétente pour statuer sur les demandes reconventionnelles de [L] en révision de l'astreinte, seul le juge de l'exécution étant compétent.

Sur ce

La cour est saisie d'une requête en interprétation de l'arrêt rendu le 17.10.2024 qui a fixé le montant de l'astreinte.

La société [L] demande d'augmenter le taux de l'astreinte provisoire et de transformer l'astreinte provisoire en astreinte définitive.

Or cette demande ne relève pas de l'interprétation de l'arrêt mais constitue une demande relevant de la compétence du juge de l'exécution saisi du litige concernant l'exécution de la décision rendue par la cour en application de l'article L.131-3 du code des procédures civiles d'exécution.

Les demandes de la société [L] sont donc irrecevables.

Sur la demande en interprétation

La SARL GPG expose que l'arrêt d'appel reçoit une interprétation divergente de la part des parties sur le contenu de la documentation transmise et soutient que son interprétation doit prévaloir.

Elle expose qu'en exécution de l'arrêt elle a mis en place un Shareholder Package, que ce Package assure immédiatement à [L] qu'elle bénéficiera de la rélution économique attendue en cas de cession de The Bureau à un tiers, à condition qu'au jour de cette cession elle soit associée de The Bureau (étant précisé qu'à ce jour, [L] n'est pas associée de The Bureau, mais qu'elle demande en justice de le redevenir), que la société [L], de son côté, estime qu'en cas de cession de The Bureau à un tiers, elle doit pouvoir bénéficier de la rélution économique attendue, même dans l'hypothèse où, ce jour-là, elle ne serait pas associée de The Bureau, qu'en soutenant cela la société [L] a fait évoluer ses prétentions depuis que l'arrêt d'appel a été rendu puisqu'elle estimait pouvoir bénéficier du Package en sa qualité d'associée de The Bureau, et prétend désormais pouvoir bénéficier du Package même sans être associée de The Bureau.

Elle expose que la cour a statué sur cette question puisqu'elle a estimé que la société [L] n'avait pas besoin d'être dirigeante de The Bureau mais qu'elle devait en revanche être associée, que cette question a été tranchée dans les motifs de la décision d'appel mais que par souci de clarté, et pour mettre un terme au litige entre les parties, il est demandé à la cour d'appel de « replacer » cette décision dans son dispositif , ce qu'elle peut parfaitement faire dans le cadre d'un recours en interprétation selon une jurisprudence constante.

Elle précise que la société [L] a perdu sa qualité d'associé de The Bureau en juillet 2023 à la suite d'une opération de recapitalisation de cette société sous forme de réduction de capital à 0 suivie d'une augmentation de capital, autrement dit d'un « coup d'accordéon », que la société [L] a assigné The Bureau et GPG devant le tribunal de commerce de Paris pour demander l'annulation de cette opération ' et donc sa « réintégration » en qualité d'associé ', que la procédure est en cours.

Elle indique que les arguments soulevés par la société [L] pour conclure à l'irrecevabilité de la demande relèvent en réalité de l'examen au fond de sa requête, que par ailleurs l'interprétation qu'elle sollicite ne modifie pas les droits et obligations des parties, ni ne tranche une prétention nouvelle, mais permet de trancher les divergences en replaçant la précision qu'elle sollicite dans le dispositif.

Elle demande donc l'ajout dans le dispositif de l'arrêt que la remise de la documentation concernant les instruments financiers permettant l'application de la rétrocession de plus-value telle que prévue dans la lettre d'engagement du 21.09.2018 soit conditionnée au fait qu'au jour de la cession à un tiers, la société [L] soit associée de The Bureau.

La société [L] réplique que par arrêt d'appel la SARL GPG a été condamnée à soumettre à [L] une documentation conforme à une lettre d'engagement du 21.09.2018 sous astreinte de 5000 euros par jour de retard mais que sous couvert d'une requête en « interprétation » de l'arrêt d'appel, la SARL GPG tente en réalité de faire interpréter à nouveau la Lettre d'Engagement, en y ajoutant une condition qu'elle ne contient pas et qui n'a jamais été débattue devant la cour, qu'il ne s'agit donc pas d'une difficulté d'interprétation de l'arrêt d'appel, qui est clair et précis, sur le contenu des obligations de GPG, mais d'une contestation de la mise en 'uvre concrète de celui-ci, que c'est exactement ce qui n'est pas permis dans le cadre du recours en interprétation régi par l'article 461 du Code de procédure civile.

Elle soutient ainsi que les demandes de la SARL GPG sont irrecevables pour défaut d'intérêt à agir dans la mesure où, pour que la requête en interprétation au sens de l'article 461 du code de procédure civile soit recevable, son auteur doit démontrer que les termes de la décision querellée présentent une ambiguïté ou une obscurité, qu'à défaut et en application d'une jurisprudence constante, lorsque la décision rendue est claire et précise, le recours en interprétation est irrecevable faute d'intérêt à agir au sens de l'article 31 du Code de procédure civile 1 .

Subsidiairement elle indique que la demande d'interprétation est infondée et doit être rejetée, la société GPG tentant de faire juger un point qu'elle n'a pas soumis à la cour.

Très subsidiairement elle indique que la lettre d'engagement du 21.12.2018 prévoit les modalités financières du mécanisme d'intéressement, qu'elle ne précise cependant pas la forme juridique de l'instrument financier devant permettre la mise en oeuvre de ce mécanisme, que rien dans la lettre d'engagement ne subordonne le bénéfice du mécanisme d'intéressement à l'exigence que [L] soit associée de The Bureau, que depuis la signature de la lettre d'engagement aucun document mettant en place les instruments financiers nécessaires à l'exécution de la lettre d'engagement n'a été signé entre les parties dans le délai stipulé, et que faute de signature malgré la mise en demeure adressée et au bout de 6 ans elle a engagé une action pour voir ordonner l'exécution forcée en nature de la lettre d'engagement, action qui a abouti à l'arrêt dont il est demandé l'interprétation.

Elle souligne que l'arrêt n'a pas statué sur une interprétation de la Lettre d'Engagement pour nuancer ou réduire la portée de l'engagement de la SARL GPG et en particulier n'a pas subordonné la souscription de l'instrument financier au fait que la société [L] soit associée de The Bureau au jour de la revente de The Bureau à un tiers, que les termes employés au dispositif de l'arrêt impliquent que la documentation à soumettre par GPG à [L] doit être conforme à la Lettre d'Engagement, que l'obligation de faire qui pèse sur la SARL GPG est donc de soumettre à la société [L] une documentation présentant des termes fidèles à la Lettre d'Engagement, à charge pour celle-ci de signer ou pas cette documentation.

Sur ce

L'article 461 du code de procédure civile dispose dans son premier alinéa qu'il appartient à tout juge d'interpréter sa décision si elle n'est pas frappée d'appel.

S'agissant de l'exception d'irrecevabilité soulevée la cour souligne que la SARL GPG a:

- qualité à agir en tant que partie à l'arrêt dont l'interprétation est sollicitée,

- et intérêt à agir si elle estime que la décision doit être interprétée.

L'examen du caractère ambigu ou de l'absence de clarté de la décision relève de l'examen au fond de la requête et non de la recevabilité de celle -ci.

L'exception d'irrecevabilité est rejetée.

Il est de jurisprudence constante que le juge ne peut sous prétexte de déterminer le sens d'une précédente décision, apporter une modification quelconque aux dispositions précises de celle-ci mais il est cependant loisible au juge d'interpréter sa décision en replaçant dans le dispositif la décision implicite qui se trouvait nécessairement dans les motifs.

En l'espèce, dans le cadre de la procédure d'appel ayant donné lieu à l'arrêt dont l'interprétation est réclamée, la société [L], appelante, a demandé dans ses conclusions la condamnation de la société Groupe [V] [G] à l'exécution forcée en nature de la lettre d'engagement du 21.09.2018, et qu'il soit ordonné en conséquence à la société Groupe [V] [G] d'adresser à la société [L] la documentation concernant les instruments financiers permettant l'application de la rétrocession de plus-value telle que prévue dans la lettre d'engagement du 21.09.2018, sous astreinte de 5000 euros par jour de retard passée le délai d'un mois suivant la signification de l'arrêt à intervenir.

La décision rendue a fait droit à la demande de la société [L] en obligation de faire sans en modifier les termes dans son dispositif.

Cette décision est claire quand à l'obligation mise à la charge de la SARL GPG et ne souffre d'aucune ambiguïté ou absence de clarté qui nécessitent une interprétation.

La question de déterminer si la SARL GPG a exécuté l'obligation de faire mise à sa charge ne relève pas de l'interprétation de l'arrêt rendu mais de l'examen par le juge de l'exécution de la mise en oeuvre de cette obligation dans le cadre de la procédure en liquidation d'astreinte.

Dans le cadre de l'instance en appel, la société GPG n'a pas demandé à la cour d'assortir cette exécution forcée de la condition qu'à la date de l'arrêt la société [L] soit toujours associée de la société The Bureau puisqu'elle n'a pas actualisé ses conclusions après avoir mis en oeuvre le coup d'accordéon qui a eu pour conséquence que la société [L] a perdu sa qualité d'actionnaire de la société The Bureau. En effet les conclusions déposées ne demandaient que la confirmation du jugement de première instance et le débouté de l'appelante de l'ensemble de ses demandes et ne réclamaient pas subsidiairement une modification de la rédaction de l'obligation de faire sollicitée par la SAS [L] pour l'assortir de la condition dont il est demandé aujourd'hui le rajout.

Ainsi s'il a été effectivement tranché dans la motivation de l'arrêt du 17.10.2024 que la clause de rétrocession n'était pas liée à la qualité de dirigeante de la société [L] mais était liée à la qualité d'associé de la société [L], il n'a pas été statué sur le fait que la mise en oeuvre de la lettre d'engagement soit conditionnée par le fait que la société [L] soit toujours associée de The Bureau puisque cette demande n'a jamais été formée devant la cour alors même qu'à la date de l'arrêt la SAS [L] n'était plus associée de The Bureau, ce qui avait été porté à la connaissance de la cour dans les conclusions signifiées par la SAS [L].

En demandant aujourd'hui que le dispositif de la décision rendue soit complété en précisant que la mise en oeuvre de la lettre d'engagement par l'envoi de la documentation est conditionnée à la qualité d'associé de la société [L] au jour de l'exécution de l'arrêt, la société GPG demande à la cour de statuer sur un nouveau point.

Or il est de jurisprudence constante que sous couvert d'interprétation la juridiction ne peut statuer sur des demandes qui n'ont pas été formulées dans le débat initial.

En conséquence il convient de rejeter la demande d'interprétation de la SARL GPG.

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et sur la demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

La société GPG n'a pas jugé utile dans la procédure en appel d'actualiser ses conclusions en portant à la connaissance de la cour l'évolution du capital de la société The Bureau et en en tirant les conséquences juridiques concernant l'obligation de faire qui était demandée par la société [L]. En revenant devant la cour elle tente de rouvrir un débat qui a été clos par l'arrêt rendu, en utilisant de façon abusive la procédure d'interprétation régie par le du code de procédure civile. Cette utilisation est de nature à retarder le litige devant le juge de l'exécution saisie d'une demande de liquidation de l'astreinte, au détriment de la société [L] qui par ailleurs attend depuis 2018 que la SARL GPG établisse la documentation concernant les instruments financiers permettant l'application de la rétrocession de plus-value.

L'attitude procédurale de la SARL GPG est constitutif d'un abus et justifie que soit allouée à la SAS [L] la somme de 5000 euros de dommages et intérêts.

Il est inéquitable de laisser la société [L] supporter les frais irrépétibles engagés pour assurer sa défense et la SARL GPG est condamnée à payer à la société [L] la somme de 6000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Les dépens sont mis à la charge de la SARL GPG.

PAR CES MOTIFS

La cour,

déclare irrecevable la demande de la société [L] en augmentation du montant de l'astreinte et en prononcé d'une astreinte définitive,

dit recevable la requête en interprétation de la SARL GPG

rejette la demande d'interprétation de la SARL GPG

condamne la SARL GPG à payer à la SAS [L] la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et la somme de 6000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

condamne la SARL GPG aux dépens de l'instance.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

© LIVV - 2025

 

[email protected]

CGUCGVMentions légalesPlan du site