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Décisions

CA Paris, Pôle 5 - ch. 9, 28 août 2025, n° 24/16476

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 24/16476

28 août 2025

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 9

ARRÊT DU 28 AOUT 2025

(n° , 12 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/16476 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CKC73

Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Septembre 2024 - Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2022057434

APPELANTS

M. [T] [P]

De nationalité française

Né le [Date naissance 1] 1991 à [Localité 16] (74)

[Adresse 11]

[Localité 9]

S.A.S. [20]

[Adresse 5]

[Localité 8]

Immatriculée au RCS de PARIS sous le n° [N° SIREN/SIRET 12]

S.A.R.L. [18]

[Adresse 5]

[Localité 8]

Immatriculée au RCS de PARIS sous le n° [N° SIREN/SIRET 14]

S.A.R.L. [19]

[Adresse 5]

[Localité 8]

Immatriculée au RCS de PARIS sous le n° [N° SIREN/SIRET 13]

Représentés par Me David HONORAT de la SELEURL 24 PENTHIEVRE, avocat au barreau de PARIS

Assistés par Me Carole JOSEPH WATRIN, avocate au barreau de PARIS, toque : E0791

INTIMÉ

M. [M] [H]-[C]

De nationalité française

Né le [Date naissance 3] 1990

[Adresse 6]

[Localité 10]

Représenté par Me Marie-Catherine VIGNES de la SCP GRV ASSOCIES, avocate au barreau de PARIS, toque : L0010

Représenté par Me Coralie DEVERNAY de la SELARL CLERY DEVERNAY, avocate au barreau de PARIS, toque : D0070

PARTIE INTERVENANTE

S.E.L.A.R.L. [V] [22] prise en la personne de Me [U] [N] [V] ès qualités de liquidateur judiciaire de la S.A.S. [20]

[Adresse 15]

[Localité 7]

Immatriculée au RCS de PARIS sous le n° [N° SIREN/SIRET 4]

non représentée, assignée par acte d'huissier en date du 30.05.2025

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 26 Juin 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :

Sophie MOLLAT, Présidente

Alexandra PELIER-TETREAU, Conseillère

Caroline TABOUROT, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Yvonne TRINCA

ARRÊT :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Sophie MOLLAT, présidente, et par Yvonne TRINCA, greffier présent lors de la mise à disposition.

Exposé des faits et de la procédure

La SAS [20] est un société holding dont le capital social est détenu par moitié chacun par Monsieur [T] [P] et par Monsieur [M] [H]-[C].

Elle est l'associée unique de trois SARL: la société [19], la société [18] et la société [17].

Ce groupe de sociétés développe une activité de conseil en système et en logiciels informatiques permettant à l'ensemble des intervenants sur un chantier de construction immobilière ou de BTP de stocker et de consulter l'ensemble des données, documents ou éléments en lien avec ledit chantier. Le logiciel principal développé se dénomme BIM Connexion.

Monsieur [P] est président de la SAS [20], il est également gérant de la SARL [17].

Monsieur [H] [C] était le directeur général de la SAS [20] et était également gérant des SARL [19] et [18].

Le 3.11.2022 Monsieur [P] en qualité de président de la SAS [20] a révoqué Monsieur [H] [C] de ses fonctions de directeur général.

Par décisions du même jour, la société [20] représentée par son président, Monsieur [P], a révoqué Monsieur [H] [C] de ses fonctions de gérant des SARL [19] et [18].

Par actes en date du 23 novembre 2022, M. [H]-[C] a assigné M. [P] ainsi que la SAS [20] et les SARL [19] et [18] devant le tribunal de commerce de Paris pour obtenir réparation des préjudices subis du fait de sa révocation de ses différents mandats et voir Monsieur [P] et les sociétés [20], [19] et [18] condamnés à lui verser la somme de 200.000 euros à titre de dommages et intérêts, voir prononcer la révocation de Monsieur [P] en qualité de président de la SAS [20] et de gérant des sociétés [17], [19] et [18] et voir désigner un administrateur provisoire pour ces sociétés.

Par jugement en date du 6.09.2024 le tribunal de commerce de Paris a:

mis hors de cause les SARL [19] et [18],

rejeté la fin de non-recevoir opposée par M. [T] [P],

dit M. [M] [H]-[C] recevable en son action à l'égard de la SAS [20] mais non à l'égard de M. [T] [P], lequel a agi ès-qualités de président de la SAS [20],

condamné la SAS [20] à payer à M. [M] [H]-[C] la somme de 150.000 € à titre de dommages-intérêts, outre les intérêts au taux légal à compter du 28 novembre 2022,

débouté M. [M] [H]-[C] de sa demande de désignation d'un administrateur avec pour mission de gérer et administrer les sociétés SAS [20], SARL [17], SARL [19] et SARL [18],

enjoint à M. [T] [P] et à M. [M] [H]-[C] de rencontrer Madame [K] [Y] en qualité de conciliateur de justice qui les informera de l'objet et du déroulement de la conciliation,

condamné la SAS [20] à payer à M. [M] [H]-[C] la somme de 8.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, débouté pour le surplus,

débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,

condamné la SAS [20] aux dépens de l'instance.

Monsieur [P] et les sociétés [20], [19] et [18] ont interjeté appel le 20.09.2024.

La société [20] a fait l'objet d'un jugement d'ouverture du redressement judiciaire rendu par le tribunal des affaires économiques de Paris le 13.02.2025 qui a désigné la SELARL [2] en qualité d'administrateur judiciaire et la SELARL [V] [22] en qualité de mandataire judiciaire.

Les organes de la procédure ont été appelés dans la cause.

Le redressement judiciaire a été converti en liquidation judiciaire par jugement en date du 23.05.2025.

Monsieur [H] [C] a fait délivrer une assignation en intervention forcée au liquidateur judiciaire, la Selarl [V] [22] le 30.05.2025.

Aux termes de leurs conclusions signifiées par voie électronique le 17.04.2025, Monsieur [P], les sociétés [20], [19] et [18] ainsi que la Selarl [2] en qualité d'administrateur judiciaire et la SELARL [V] [22] en qualité de mandataire judiciaire de la société [20] demandent à la cour:

- d'infirmer le jugement prononcé le 6 Septembre 2024 par le Tribunal de Commerce de Paris, en ce qu'il a :

Appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués

le chef de jugement critiqué :

Rejeté la fin de non-recevoir opposée par M. [T] [P]

2ème chef de jugement critiqué:

Dit M. [M] [H]-[C] recevable en son action à l'égard de la SAS [20],

3ème chef de jugement critiqué

Condamné la SAS [20] à payer à M. [M] [H]-[C] la somme de 150.000 € à titre de dommages-intérêts, outre les intérêts au taux légal à compter du 28 novembre 2022

4ème chef de jugement critiqué 1'

Condamné la SAS [20] à payer à M. [M] [H]-[C] la somme de 8.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile

5ème chef de jugement critiqué :

Débouté pour le surplus

6ème chef de jugement critiqué :

Débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires

7ème chef de jugement critiqué :

Condamné la SAS [20] aux dépens de l'instance dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 130,62 € dont 21,56 € de TVA,

Et statuant à nouveau

- Recevoir les sociétés [18], [20], [19], ainsi que Monsieur [P], en leur fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir de Monsieur [M] [H]-[C], s'agissant de sa demande de révocation judiciaire de Monsieur [T] [P] de ses fonctions de gérant des sociétés [18] et [19], et dire lesdites demandes de révocation judiciaire irrecevables

Au fond et à titre principal

Débouter Monsieur [M] [H]-[C] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,

A titre subsidiaire

Limiter le montant des condamnations prononcées à l'encontre de [20] à la somme de 75.000 (soixante quinze mille euros),

En tout état de cause

Condamner Monsieur [M] [H]-[C] à verser aux sociétés [20], [18] et [19], ainsi qu' à Monsieur [T] [P], la SELARL [2], prise en la personne de Maître [B] [S], ès qualités d'administrateur judiciaire, et la SELARL [V] [22], prise en la personne de Maître [U]-[N] [V], ès qualités de mandataire judiciaire, la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

Condamner Monsieur [M] [H]-[C] à verser aux sociétés [20], [18] et [19], ainsi qu' à Monsieur [T] [P], la SELARL [2], prise en la personne de Maître [B] [S], ès qualités d'administrateur judiciaire, et la SELARL [V] [22], prise en la personne de Maître [U]-[N] [V], ès qualités de mandataire judiciaire, la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamner Monsieur [M] [H]-[C] aux entiers dépens.

Aux termes de ses conclusions signifiées par voie électronique le 5.06.2025 Monsieur [H] [C] demande à la cour de:

Vu les articles 238-1, 223-25, 223-27, 223-29 du Code de Commerce,

1) Confirmer le Jugement, dont appel, en ce qu'il a :

Dit M. [M] [H]-[C], recevable en son action à l'égard de la SAS [20], Condamné la SAS [20] à payer à M. [M] [H]-[C] la somme de 150.000 € à titre de dommages-intérêts, outre les intérêts légaux au taux légal à compter du 28 novembre 2022, Condamné la SAS [20] à payer à M. [M] [H]-[C] la somme de 8.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, débouté pour le surplus,

Condamné la SAS [20] aux dépens de l'instance dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 130,62 € dont 21, 56 € de TVA.

2) Infirmer le Jugement, dont appel, en ce qu'il a :

Dit Monsieur [M] [H]-[C], irrecevable en son action à l'égard de M. [T] [P], lequel a agi, ès qualité de président de la société [20],

Écarté la responsabilité in solidum et condamnation en paiement des sociétés [18] et [19],

Débouté M. [M] [H]-[C] de sa demande de désignation d'un administrateur avec pour mission de gérer et administrer les sociétés [18] et [19]

3) Et statuant à nouveau :

Fixer la créance de M. [M] [H]-[C] au passif de la société [20] représentée par la SELARL [V], prise en la personne de Maître [N] [V], désignée liquidateur judiciaire, à la somme de 150 000 euros à titre de dommages-intérêts, outre les intérêts légaux au taux légal à compter du 28 novembre 2022,

Condamner la société [18], la société [19] et Monsieur [P] à payer, in solidum avec la société [20], à M. [M] [H]-[C] la somme de 150.000 € à titre de dommages-intérêts, outre les intérêts légaux au taux légal à compter du 28 novembre 2022, sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard, à compter de la signification de l'arrêt

Condamner la société [18], la société [19] et Monsieur [P] à payer, in solidum avec la société [20], à M. [M] [H]-[C] les frais d'huissier générés par la non-exécution du jugement et s'élevant à la somme totale de 5 225,06 euros, en ce compris la prise d'hypothèque,

Fixer la créance de M. [M] [H]-[C] au passif de la société [20] représentée par la SELARL [V], prise en la personne de Maître [N] [V], désignée liquidateur judiciaire, à la somme de 5 225,06 euros à titre de dommages-intérêts, outre les intérêts légaux au taux légal à compter du 28 novembre 2022,

Révoquer la société [20] de ses mandats sociaux de Président et Dirigeant des sociétés [18] et [19],

Désigner un administrateur avec pour mission de gérer et administrer les sociétés [19] et [18],

Débouter la société [20], la société [18], la société [19] et Monsieur [P] de leur demande pour procédure abusive,

Condamner in solidum la société [20], la société [18], la société [19] et Monsieur [P] au paiement de la somme de 20 000 euros, pour procédure abusive,

Fixer la créance de M. [M] [H]-[C] au passif de la société [20] représentée par la SELARL [V], prise en la personne de Maître [N] [V], désignée liquidateur judiciaire, à la somme de de 20 000 euros, pour procédure abusive

Condamner in solidum la société [20], la société [18], la société [19] et Monsieur [P] au paiement de la somme de 20 000 euros, au titre de l'article 700 du code de Procédure Civile,

Fixer la créance de M. [M] [H]-[C] au passif de la société [20] représentée par la SELARL [V], prise en la personne de Maître [N] [V], désignée liquidateur judiciaire, à la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

Se réserver la liquidation de l'astreinte,

Condamner in solidum la société [20], la société [18], la société [19] et Monsieur [P] en tous les dépens, dont distraction au profit de Maître Marie-Catherine Vignes, en vertu de l'article 699 du code de procédure civile,

Fixer au passif de la société [20] les dépens conformes à l'article 695 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est en date du 26.06.2025.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'absence de paiement du timbre fiscal par les appelants

Il résulte de l'article 1635 bis P du code général des impôts qu'est institué un droit d'un montant de 225 euros dû par les parties à l'instance d'appel lorsque la constitution d'avocat est obligatoire devant la cour d'appel. Le droit est acquitté par l'avocat postulant pour le compte de son client par voie électronique. Il n'est pas dû par la partie bénéficiaire de l'aide juridictionnelle.

L'article 963 du code de procédure civile dispose en outre que lorsque l'appel entre dans le champ d'application de l'article 1635 bis P du code général des impôts, les parties justifient, à peine d'irrecevabilité de l'appel ou des défenses selon le cas, de l'acquittement du droit prévu à cet article, étant observé que l'irrecevabilité est constatée d'office par le magistrat ou la formation compétente et que les parties n'ont pas qualité pour soulever cette irrecevabilité. Elles sont, en tout état de cause, avisées de la décision par le greffe.

En l'espèce, les appelants n'ont pas acquitté le timbre fiscal prévu par les dispositions précitées, malgré les demandes répétées du greffe.

La cour déclare en conséquence irrecevable l'appel formé par les appelants.

L'intimé ayant formé appel incident dans les délais prévus à l'article 909 du code de procédure civile dans sa rédaction applicable au litige, son appel incident est recevable quand bien même l'appel principal est déclaré irrecevable et les demandes formées par lui seront examinés.

Sur la révocation de Monsieur [H]-[C] de ses fonctions de directeur général de la société [20] et de ses fonctions de gérant de la SARL [18] et de la SARL [19]

L'appel de Monsieur [P] et des sociétés [20], [18] et [19] ayant été déclaré irrecevable les dispositions du jugement ayant condamné la société [20] à payer à Monsieur [H] [C] la somme de 150.000 euros à titre de dommages et intérêts outre 8000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile sont définitives.

La demande de Monsieur [H]-[C] de "fixer au passif de la société [20]" la créance détenue par lui est sans objet dans la mesure où sa créance étant antérieure à l'ouverture de la procédure collective figure au passif de la société, si elle a été déclarée, sans qu'il soit besoin pour la cour de le préciser.

Sur la demande de condamnation des SARL [18] et [19]

Le tribunal a mis hors de cause les sociétés [18] et [19].

Monsieur [H]-[C] demande la condamnation de la société [18] et de la société [19] à lui payer la somme de 150.000 euros in solidum avec la société [20].

Sur ce

Le jugement a retenu que la révocation de Monsieur [H]-[C] de ses fonctions de gérant de la SARL [19] et d'IFCS était injustifiée.

Cette décision est définitive.

Aux termes de l'article L.223-25 alinéa 1 er du code de commerce le gérant peut être révoqué par décision des associés dans les conditions de l'article L. 223-29, à moins que les statuts prévoient une majorité plus forte. Si la révocation est décidée sans juste motif, elle peut donner lieu à des dommages et intérêts.

L'obligation à indemnisation pèse sur la société qui a procédé à la révocation de son gérant dans des conditions irrégulières et non sur les associés de la SARL.

Il en découle:

- que la SARL [19] est responsable du caractère injustifié de la révocation de son gérant mais n'est responsable ni des conditions de la révocation de Monsieur [H]-[C] de ses fonctions de directeur général de la société [20], ni de la révocation de Monsieur [H]-[C] de son mandat de gérant de la SARL [18]

- que la SARL [18] est responsable du caractère injustifié de la révocation de son gérant, mais

n'est responsable ni des conditions de la révocation de Monsieur [H]-[C] de ses fonctions de directeur général de la société [20], ni de la révocation de Monsieur [H]-[C] de son mandat de gérant de la SARL [21].

Si le préjudice subi s'agissant de la révocation de son mandat de directeur général de [20] est uniquement un préjudice moral lié au caractère vexatoire et brutal de celui-ci, le préjudice subi du fait de la révocation de la gérance des deux SARL est constitué à la fois d'un préjudice matériel lié à la privation des revenus perçus au titre du mandat social et d'un préjudice moral lié aux conditions de la révocation.

La rémunération du gérant de la SARL [19] telle que résultant du compte de résultat pour l'exercice 2022 produit aux débats était d'un montant de 25.000 euros par an, et d'un montant de 26690 euros par an en 2021.

Le bilan 2022 d'IFCS ne fait pas apparaître de rémunération du gérant.

Enfin les pièces produites ne permettent pas de déterminer si Monsieur [H] [C] percevait des sommes de la société [20] à titre de rémunération pour le mandat de directeur général.

Le préjudice matériel de Monsieur [H] [C] est donc évalué à 25.000 euros concernant la SARL [19], et à zéro pour les deux autres sociétés.

Le préjudice moral de Monsieur [H] [C] est fixé à 41.700 euros pour la société [20], et à 41.650 euros pour chacune des filiales.

Il y a donc lieu de condamner la société [19] à verser 66.650 euros à Monsieur [H] [C], cette condamnation étant prononcée in solidum avec la société [20] dans la mesure où par décision définitive la société [20] a été condamnée à indemniser l'intimé pour l'ensemble des préjudices subis du fait des trois révocations.

Il y a lieu de condamner la société [18] à verser 41.650 euros à Monsieur [H] [C] cette condamnation étant prononcée in solidum avec la société [20], pour les mêmes raisons.

Sur la condamnation de Monsieur [P]

Monsieur [H] [C] expose que Monsieur [P] a engagé sa responsabilité personnelle en ce qu'il a commis une faute d'une particulière gravité incompatible avec l'exercice normal de ses fonctions sociales en procédant à la révocation de ses trois mandats sans raison valable, dans le seul but de tirer profit de son travail, soulignant que postérieurement à la condamnation prononcée il a en outre appauvri volontairement la société [20], de façon contraire à son intérêt social pour ne pas régler les sommes qui sont dues à l'intimé. Il conclut ainsi que le comportement général et le rôle moteur de Monsieur [P] dans les révocations de Monsieur [H]-[C] ne peuvent pas être laissés impunis.

Sur ce

Sur la responsabilité de Monsieur [P] en qualité de dirigeant de la SAS [20] au titre de la révocation de Monsieur [H] [C] de son mandat de directeur général de la SAS [20]

Monsieur [H] [C] en sa qualité de directeur général et d'actionnaire de la SAS [20] n'est pas un tiers vis à vis de la société et ne peut de ce fait agir sur le fondement de l'article L.225-251 du code de commerce (applicable par renvoi) à l'égard du président de la société qu'est Monsieur [P].

Il en résulte que la responsabilité de Monsieur [P] doit être recherchée sur le fondement du droit commun de la responsabilité et donc de l'article 1240 du code civil.

Cependant il résulte de la jurisprudence que pour retenir la responsabilité de Monsieur [P] en sa qualité de président de la SAS [20], au regard des actes commis ayant porté préjudice à Monsieur [H] [C], celui-ci doit rapporter la preuve d'une faute commise par Monsieur [P] distincte de ses fonctions de président et établir l'intention de ce dernier de nuire au directeur révoqué.

En l'espèce si la révocation de Monsieur [H] [C] était une révocation ad nutum ne nécessitant pas d'être fondée sur un juste motif, ladite révocation s'est faite dans des conditions fautives ainsi que l'a retenu le tribunal puisque Monsieur [H] [C] n'a pas été convoqué à la moindre assemblée et a appris sa révocation non seulement postérieurement à la décision prise par le président de la SAS [20] mais également postérieurement à la mise en oeuvre de celle-ci puisque c'est lorsqu'il s'est connecté à l'interface bancaire de la société qu'il a découvert qu'il ne pouvait plus y accéder, ses accès ayant été coupés sur demande du président.

En procédant de cette façon Monsieur [P] a intentionnellement dissimulé le plus longtemps possible les décisions prises dans le cadre de ses fonctions de président, et cette dissimulation, qui n'est pas en lien avec la décision prise et son exécution, constitue une faute distincte de ses fonctions de président mettant en oeuvre les décisions sociales.

Cette dissimulation avait en outre pour but de porter préjudice à son associé, dans le cadre du litige qui les opposait sur la conduite du groupe alors qu'ils détenaient chacun une participation égale dans celui-ci, en le mettant devant le fait accompli d'être écarté de la société de façon à retarder les procédures lui permettant de contrer les décisions prises.

En dissimulant la décision prise par la société pendant plusieurs jours, le temps de prévenir les fournisseurs de la SAS [20] mais également les fournisseurs, les clients et les salariés des SARL opérationnelles filiales de la hodling, Monsieur [P] a eu l'intention de nuire à Monsieur [H] [C] par le fait de le priver des droits dont il disposait sur la société commune.

Il convient donc de retenir la responsabilité de Monsieur [P] à ce titre.

Sur la responsabilité de Monsieur [P] en sa qualité de représentant de l'associé unique des SARL [19] et [18] dans la révocation des mandats de gérant de Monsieur [H] [C] des deux SARL

La SAS [20] en sa qualité d'associé unique des SARL [19] et [18] a révoqué Monsieur [H]-[C] de ses fonctions de gérant des deux SARL.

Monsieur [H] [C] recherche la responsabilité du représentant de l'associé unique qui est Monsieur [P] en sa qualité de président de la SAS [20].

Monsieur [H] [C] est un tiers par rapport à Monsieur [P].

La responsabilité recherchée est donc fondée par renvoi de l'article L.227-8 sur les dispositions de l'article L.225-251 du code de commerce et impose d'établir l'existence d'une faute de Monsieur [P] détachable de ses fonctions de président de la SAS [20] lorsqu'a été prise la décision de révocation de Monsieur [H] [C] par la société [20] agissant en qualité d'associé unique des SARL [19] et [18].

Il ressort de la jurisprudence que la faute détachable des fonctions est caractérisée lorsque le dirigeant commet intentionnellement une faute d'une particulière gravité incompatible avec l'exercice normal des fonctions sociales.

En l'espèce Monsieur [P] a pris la décision en sa qualité de président de la SAS [20] de révoquer Monsieur [H] [C] de ses fonctions de gérant.

Cette révocation est une décision sociale qui même si elle est critiquable puisqu'elle a été prise sans justes motifs, n'est pas une décision détachable des fonctions de président de l'associé unique des SARL.

Cependant ces décisions ont été mis en oeuvre dans des conditions fautives puisque Monsieur [H] [C] n'a pas été entendu préalablement à sa révocation de ses deux mandats de gérant, mais a appris celles-ci non seulement postérieurement aux décisions prises par la SAS [20] en sa qualité d'associé unique mais également postérieurement à leur mise en oeuvre puisque c'est lorsqu'il s'est connecté à l'interface bancaire pour consulter les comptes des sociétés dont il était le gérant qu'il a découvert qu'il ne pouvait plus y accéder, ses accès ayant été coupés en application des décisions de révocation prises.

Dans le même temps qu'il dissimulait sa révocation au gérant, Monsieur [P] informait les fournisseurs, les clients et les salariés que Monsieur [H] [C] ne faisait plus partie du groupe.

Monsieur [P] a intentionnellement dissimulé le plus longtemps possible les décisions prises dans le cadre de ses fonctions de président de l'associé unique, et cette dissimulation, qui n'est pas en lien avec les décisions prises et leur exécution, constitue une faute détachable de ses fonctions de dirigeant de la SAS [20].

Cette dissimulation est d'une particulière gravité en ce qu'elle avait pour but de porter préjudice à son associé, dans le cadre du litige qui les opposait sur la conduite du groupe alors qu'ils détenaient chacun une participation égale dans celui-ci, en le mettant devant le fait accompli d'être écarté de deux des SARL opérationnelles de façon à retarder la mise en oeuvre de réponses pour contrer les décisions prises.

Il convient donc de retenir la responsabilité de Monsieur [P].

Sur les préjudices

Le préjudice subi est lié au caractère brutal, vexatoire et dissimulé des révocations des trois mandats qui a été arbitré:

- pour la société [20] à la somme de 41.700 euros

- pour les SARL [19] et [18] à la somme chacune de 41.650 euros.

Monsieur [P] est donc condamné à payer la somme de 125.000 euros à Monsieur [H] [C] in solidum avec les sociétés [20], [19] à hauteur de 41650 euros et [18].

Sur la demande de nomination d'un administrateur provisoire pour [18] et [19]

Monsieur [H] fait valoir le bien fondé de cette demande au regard de l'atteinte au fonctionnement normal de la société [20] et sa mise en péril exposant qu'il ne demande plus cette mesure pour la société holding compte tenu de l'administrateur judiciaire désigné, mais la demande toujours pour les deux autres sociétés.

Il indique qu'alors qu'il est actionnaire de la société holding il ne dispose plus d'aucune information sur le groupe.

Sur ce

La désignation d'un administrateur provisoire est une mesure exceptionnelle qui suppose que soient réunies cumulativement deux conditions relatives à la gravité de la crise sociale de nature à rendre impossible le fonctionnement normal de la société et à l'urgence du fait d'un péril imminent menaçant la société.

En l'espèce le seul fait que les actionnaires de la société holding soient en conflit et que celle-ci soit désormais en liquidation judiciaire ne caractérise pas l'existence d'une crise sociale de nature à rendre impossible le fonctionnement des SARL [19] et [18].

Par ailleurs du fait même de l'ouverture du redressement judiciaire avec nomination d'un administrateur judiciaire puis désormais d'une liquidation judiciaire avec désignation d'un liquidateur judiciaire la situation des SARL, dont les parts constituent un actif de la société [20], est surveillée par le liquidateur, de façon à préserver lesdits actifs pour pouvoir les céder.

Il n'est ainsi pas rapporté la preuve de circonstances rendant impossible le fonctionnement normal des sociétés [19] et [18] du fait de la seule liquidation de la société holding.

En conséquence il convient de confirmer la décision de première instance en ce qu'elle a rejeté la demande de Monsieur [H] [C] de désignation d'un administrateur avec mission de gérer les sociétés [18] et [19].

Sur l'astreinte

Monsieur [H] [C] demande qu'une astreinte soit ordonnée à hauteur de 10.000 euros par jour de retard en cas de non exécution de la condamnation prononcée.

Sur ce

S'agissant d'une condamnation en paiement d'une somme il n'y a pas lieu de prononcer une astreinte, puisque dès la signification de l'arrêt des mesures d'exécution forcée pourront être mises en oeuvre par Monsieur [H] [C] pour avoir paiement des sommes allouées si celles-ci ne sont pas spontanément versées.

Sa demande est rejetée.

Sur les frais d'huissier

Monsieur [H] [C] demande la condamnation des appelants à lui verser la somme de 5225,06 euros au titre des frais d'huissier générés par la non-exécution du jugement et demande la fixation de cette créance au passif de la société [20] à titre de dommages et intérêts.

Sur ce

L'article L.111-8 du code des procédures civiles d'exécution dispose dans son premier alinéa qu' à l'exception des droits proportionnels de recouvrement ou d'encaissement qui peuvent être mis partiellement à la charge des créanciers dans des conditions fixées par le Conseil d'Etat, les frais de l'exécution forcée sont la charge du débiteur, sauf s'il est manifeste qu'ils n'étaient pas nécessaires au moment où ils ont été exposés. Les contestations sont tranchées par le juge.

En conséquence le sort des frais d'huissier exposés par l'intimé pour obtenir paiement de la condamnation prononcée par le tribunal de commerce étant d'ores et déjà réglé par les textes en vigueur il n'y a pas lieu de statuer spécifiquement dessus en prononçant une condamnation des appelants à leur paiement et ce d'autant plus que les sociétés [18] et [19] n'ayant pas été condamnées en première instance ne sont pas débitrices de l'exécution forcée du jugement.

La demande est donc rejetée.

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive

Monsieur [H] [C] demande la condamnation des appelants au regard de leur acharnement procédural qui justifient leur condamnation pour avoir introduit appel de façon abusive contre le jugement du tribunal de commerce du 6.09.2024.

Sur ce

L'accès au juge étant un droit fondamental et un principe général garantissant le respect du droit, ce n'est que dans des circonstances exceptionnelles que le fait d'agir en justice ou d'exercer une voie de recours légalement ouverte est susceptible de constituer un abus, la faute se caractérisant notamment par l'intention de nuire, étant précisé que la multiplication des procédures n'est pas en elle-même constitutive d'une faute.

En l'espèce, Monsieur [H] [C] ne démontre pas la faute commise par les appelants qui aurait fait dégénérer en abus son droit d'agir en justice, les intéressés ayant pu légitimement se méprendre sur l'étendue de leurs droits, pas plus qu'il ne justifie de l'existence d'un préjudice distinct de celui causé par la nécessité de se défendre en justice, qui est réparé, le cas échéant, par l'allocation d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur la demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

Il est inéquitable de laisser Monsieur [H] [C] supporter les frais irrépétibles engagés pour assurer sa défense et il lui est alloué la somme de 8000 euros.

Les dépens sont mis à la charge des appelants.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Dit irrecevable l'appel formé par les appelants faute de paiement du timbre fiscal

Confirme le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 6.09.2024 sauf en ce qu'il a rejeté la demande de condamnation des sociétés [18] et [19] et de Monsieur [P]

et statuant à nouveau et y ajoutant

Condamne la société [19] à verser 66.650 euros à Monsieur [H] [C], et dit que cette condamnation est prononcée in solidum avec la SAS [20] dans la limite du montant de 66650 euros

Condamne la société [18] à verser 41.650 euros à Monsieur [H] [C] et dit que cette condamnation est prononcée in solidum avec la SAS [20] dans la limite du montant de 41.650 euros

Condamne Monsieur [P] à payer la somme de 125.000 euros à Monsieur [H] [C] et dit que cette condamnation est prononcée in solidum:

- avec la SAS [20] dans la limite du montant de 41.700 euros

- avec la SARL [19] dans la limite du montant de 41650 euros

- avec la SARL [18] dans la limite du montant de 41650 euros

déboute Monsieur [H] [C] de sa demande d'astreinte, de sa demande de condamnation des appelants à régler les frais d'huissier engagés pour l'exécution forcée de la décision de première instance et de sa demande de dommages et intérêts pour appel abusif

condamne in solidum la société [20], la société [19], et la société [18] à payer à Monsieur [H] [C] la somme de 8000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

condamne in solidum la société [20], la société [19], et la société [18] aux dépens de l'instance qui pourront être recouvrés par les avocats de l'instance qui en ont fait l'avance conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

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