CA Paris, Pôle 5 - ch. 9, 28 août 2025, n° 24/20237
PARIS
Arrêt
Autre
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 9
ARRÊT DU 28 AOÛT 2025
(n° , 29 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/20237 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CKO4B
Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Novembre 2024 - Tribunal de Commerce de PARIS 04 - RG n° 2024040577
APPELANTE
S.A.S.U. CHRISTO HOLDING agissant par son président en exercice domicilié en cette qualité audit siège.
[Adresse 1]
[Localité 4]
Immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 978 029 759
Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
Assistée par Me Noémie DE GALEMBERT de la SELEURL GALEMBERT AVOCATS, avocate au barreau de PARIS, toque : A776
INTIMÉES
S.A.S. BELAIR prise en la personne de son président domicilié au siège
[Adresse 2]
[Localité 3]
Immatriculée au RCS de CHAMBERY sous le numéro 981 401 847
S.A.S. MMI prise en la personne de son président domicilié au siège
[Adresse 2]
[Localité 3]
Immatriculée au RCS de CHAMBERY sous le numéro 791 738 834
Représentées par Me Emmanuel JARRY, avocat au barreau de PARIS, toque : P0209
Asssistées par Me Marie BRISWALDER de la SELARL AKLEA, avocate au barreau de LYON, toque : T1050
PARTIE INTERVENANTE :
S.A.S. CHRISTO TOPCO
[Adresse 1]
[Localité 4]
Immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 978 060 283
Représentée par Me Benjamin MOISAN de la SELARL BAECHLIN MOISAN Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : L34
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 juin 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant la cour composée en double-rapporteur de Madame Sophie MOLLAT, présidente de chambre, et de Madame Caroline TABOUROT, conseillère.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Sophie MOLLAT, Présidente
Alexandra PELIER-TETREAU, Conseillère
Caroline TABOUROT, Conseillère
Greffier, lors des débats : Yvonne TRINCA
ARRÊT :
- Contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Sophie MOLLAT, présidente, et par Yvonne TRINCA, greffier présent lors de la mise à disposition.
Exposé des faits et de la procédure
Créée en 2012 par M. [X] [Y], la SAS [Y] est spécialisée dans la
conception et la fabrication de lignes de production de films plastiques biaxiaux de haute technicité utilisés notamment dans l'industrie alimentaire et la production de séparateurs de batteries Lithium-Ion nécessaires à la construction de voitures électriques.
Fondée en 2013 par M. [Y] et son épouse, la société MMI (SCI transformée en SAS le 22 janvier 2024) était l'associée unique de la société [Y] jusqu'à la cession de celle-ci.
La SAS Christo Holding est le véhicule d'acquisition de la société Hivest Capital Partners NG, société française de capital-investissement indépendante, agréée par l'AMF.
La société Christo Holding a procédé à l'acquisition le 16.11.2023 de la société [Y] auprès de la société MMI, moyennant un prix global de 30.000.002 €, aux termes d'une convention d'acquisition en date du 3.10.2023 comportant:
- l'acquisition par Christo Holding de 435 actions [Y] (82%) détenues par MMI, pour un prix de 24.762.810 € et l'apport à Christo Holding par MMI de 92 actions [Y] (soit 18% de son capital, valorisé 5.237.192 €), rémunéré en actions Christo Holding, étant précisé que les actions Christo Holding perçues par MMI ont ensuite été apportées par MMI à la société Christo Topco en contrepartie d'actions et d'obligations convertibles de celle-ci, et enfin que MMI a rétrocédé l'intégralité de ses obligations convertibles et une partie de ses actions Christo Topco à la société Belair
- deux compléments de prix potentiels,
- une garantie d'actif et de passif, plafonnée à 4 M€, en vigueur pour une durée de 18 mois (à compter du 16 novembre 2023) pour les sujets autres que fiscaux et sociaux,
- l'accompagnement par MMI, au travers d'un contrat de mandat social par lequel MMI était nommée président de Christo Topco (actionnaire indirecte de [Y]) et d'une convention de prestations de services d'accompagnement conclue également entre MMI et Christo Topco devant prendre effet au terme dudit mandat et ce jusqu'au 16 novembre 2025.
Afin de financer l'opération, Christo Holding a souscrit un prêt de 15 millions d'euros auprès d'un pool bancaire.
Aux termes des opérations capitalistiques, la société Christo Holding détient donc 100% de la société [Y].
Elle est elle-même détenue à 100% par la société Christo Topco.
L'actionnariat de la société Christo Topco est composé de la manière suivante:
- Fonds Hivest II FCPI: 69,78%
- MMI: 6%
- Belair dont les actionnaires sont la société MMI et Mesdames [J], [M] et [J] [Y]: 18,54%
- co-investisseurs: 5,68%.
Le 15 février 2024, à l'initiative du fonds Hivest, la société MMI a été révoquée de son mandat de président de la société Christo Topco et la convention de prestations de services a pris effet. La société Christo Topco y a mis fin le 8 avril 2024.
Le 8 avril 2024, la société Christo Holding a notifié à la société MMI une réclamation au titre de la garantie de passif que la société MMI a rejeté.
La société Christo Holding a été autorisée à pratiquer des saisies conservatoires à hauteur de 32.160.007,34 euros par ordonnances des 7.05 et 14.06.2024 et diverses saisies ont été pratiquées les 30 et 31.05.2024 et 18 et 19.06.2024.
Puis par acte de commissaire de justice, et après avoir été autorisée à assigner à bref délai, en date du 24.06.2024, la société Christo Holding a fait assigner devant le tribunal de commerce les sociétés MMI et Belair pour voir prononcer la nullité de la convention d'acquisition du 3.10.2023 pour dol et voir la société MMI rembourser le prix de cession et régler des dommages et intérêts.
Par jugement en date du 29.11.2024 le tribunal de commerce de Paris a
Ecarté des débats la pièce n° 10 de la SAS Christo Holding, ainsi que l'ensemble des développements y trouvant leur fondement dans son acte introductif d'instance, excluant la possibilité pour la SAS Christo Holding de s'en prévaloir ;
Rejeté la demande des défenderesses d'écarter les autres pièces non traduites visées au dispositif de leurs conclusions ;
Rejeté la demande des défenderesses visant à écarter des débats les pièces obtenues par la SAS Christo Holding de manière prétendument illégale ;
Rejeté la demande de fin de non-recevoir fondée sur l'absence alléguée de mise en 'uvre de la procédure de conciliation ;
Débouté la SAS Christo Holding de l'ensemble de ses demandes ;
Condamné la SAS Christo Holding à verser à la SAS MMI et la SAS BELAIR la somme globale de 15.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;
Rejeté les demandes des parties autres, plus amples ou contraires ;
Condamné la SAS Christo Holding aux dépens.
La SAS Christo Holding a interjeté appel le 12.12.2024 et a déposé une demande d'assignation à jour fixe.
Par ordonnance en date du 19.12.2024 elle a été autorisée à assigner à jour fixe pour l'audience du 22.05.2025.
Par ordonnance séparée une mesure de médiation a été ordonnée qui n'a pas permis cependant aux parties de parvenir à un accord.
A l'audience du 22.05.2025, l'affaire a été renvoyée à l'audience du 19.06.2025.
Aux termes de ses conclusions signifiées par voie électronique le 18.05.2025 la SAS Christo Holding demande à la cour de:
- Déclarer irrecevable à tout le moins mal fondée la demande de sursis à statuer formée par la
société MMI ;
- Rejeter les fins de non-recevoir soulevées par la société MMI ;
- Juger que la société MMI a usé de man'uvres constitutives de dol afin de l'inciter à conclure la Convention d'Acquisition du 3 octobre 2023 ;
- Juger que la société Christo Holding n'aurait pas procédé à l'acquisition de la société [Y] si elle avait eu connaissance des informations dissimulées par son vendeur la société MMI ;
En conséquence,
- Confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Paris en date du vendredi 29 novembre
2024 en ce qu'il a :
o Rejeté la demande des sociétés MMI et Belair d'écarter les pièces non traduites visées au dispositif de leurs conclusions ;
o Rejeté la demande des sociétés MMI et Belair visant à écarter des débats les pièces obtenues par la société Christo Holding de manière prétendument illégale ;
o Rejeté la demande de fin de non-recevoir fondée sur l'absence alléguée de mise en 'uvre de la procédure de conciliation ;
o Débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires au dispositif mais seulement lorsqu'il déboute les sociétés MMI et Belair de leurs demandes, fins et conclusions;
- Infirmer le jugement du Tribunal de commerce de Paris en date du vendredi 29 novembre 2024 en ce qu'il a
o Ecarté des débats la pièce n°10 (désormais pièce n°30) de la société Christo Holding, ainsi que l'ensemble des développements y trouvant leur fondement dans son acte introductif d'instance, excluant la possibilité pour la société Christo Holding de s'en prévaloir ;
o Débouté la société Christo Holding de l'ensemble de ses demandes ;
o Condamné la société Christo Holding à verser aux sociétés MMI et Belair la somme globale de 15.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
o Débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires au dispositif mais seulement lorsqu'il déboute la société Christo Holding de ses demandes, fins et conclusions ;
Et statuant à nouveau :
- Déclarer recevable et bien fondée la société Christo Holding en ses demandes fins et conclusions ;
- Prononcer la nullité de la Convention d'Acquisition du 3 octobre 2023 pour dol commis par la société MMI au préjudice de Christo Holding ;
- Ordonner les restitutions qui en résultent :
o Ordonner à la société MMI de rembourser à la société Christo Holding la somme de 24.762.810 euros assortie des intérêts au taux légal, capitalisés dès que dus pour une année entière à compter du 3 octobre 2023 ;
o Ordonner à la société Christo Holding de restituer à la société MMI 527 actions [Y] ;
o Ordonner à la société Belair de restituer à la société MMI 370.800 actions Christo Topco et 4.746.392 obligations convertibles Christo Topco ;
o Ordonner à la société MMI de restituer à la société Christo Topco 490.800 actions Christo Topco et 4.746.392 obligations convertibles Christo Topco ;
o Ordonner à la société Christo Topco de restituer à la société MMI 5.237.192 actions Christo Holding ;
o Ordonner à la société MMI de restituer à la société Christo Holding 5.237.192 actions Christo Holding ;
- Condamner en conséquence la société MMI à payer à Christo Holding la somme de
2.160.005,34 euros à titre de dommages et intérêts correspondants aux frais de transaction.
En toute hypothèse,
- Débouter la société MMI de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
- Condamner la société MMI au paiement de la somme de 120.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- Condamner la société MMI aux entiers dépens.
Aux termes de leurs conclusions signifiées par voie électronique le 19.05.2025 les société MMI et Belair demandent à la cour de:
0. Avant-dire droit : sur l'injonction de communication de pièces
- Juger que la société MMI est bien fondée à solliciter la communication de pièces de la part de la société Christo Holding pour une bonne administration de la justice, celles-ci étant de nature à influer sur la décision à intervenir ;
En conséquence :
- Ordonner à la société Christo Holding de communiquer à la société MMI, dans un délai de huit jours à compter du prononcé de la décision avant-dire droit à intervenir sur ce point, ou à défaut, à peine d'astreinte de 1.000€ par jour de retard jusqu'à remise complète des pièces suivantes : la plainte pénale et/ou tout signalement, courrier, document déposé auprès de toute instance pénale y compris le procureur de la république et/ou le Parquet National Financier à l'encontre de la société MMI et/ou de Monsieur [Y] et/ou d'un membre de la famille [Y], ainsi que ses annexes ;
- Se réserver la compétence de liquider l'astreinte ordonnée ;
I. In limine litis, un sursis à statuer sera ordonné
- Juger que la demande de suris à statuer présentée par la société MMI est recevable, celle-ci étant présentée avant toute défense « au fond »
- Juger qu'il est d'une bonne administration de la justice de surseoir à statuer la présente procédure afin d'éviter une contrariété de décisions avec la procédure pénale initiée par la société Christo Topco ;
- Juger qu'il est d'une bonne administration de la justice de surseoir à statuer la présente procédure afin que les informations et documents sollicités par la société MMI dans le cadre de l'instance initiée par ailleurs devant le Tribunal de commerce de Paris soient communiquées à la société MMI, celle-ci étant susceptibles d'avoir une incidence significative sur l'issue du présent litige;
En conséquence :
- Recevoir la demande de la société MMI ;
- Surseoir à statuer la présente instance jusqu'à qu'une décision définitive au pénal soit rendue ou qu'une confirmation de l'absence d'ouverture d'une enquête soit communiquée par l'instance pénale saisie et que la décision du Tribunal de commerce de Paris, rendue dans le cadre de l'instance enrôlée sous le numéro RG 2024052053 soit rendue et les documents et informations communiqués par la société Christo Holding ;
En tout état de cause,
Le jugement du Tribunal de commerce de Paris (désormais Tribunal des activités économiques) du 29 novembre 2024 (RG 2024040577) sera :
- Confirmé en ce qu'il a :
o Ecarté des débats la pièce n°10 de la SAS Christo Holding, ainsi que l'ensemble des développements y trouvant leur fondement dans son acte introductif d'instance, excluant la possibilité pour la SAS Christo Holding de s'en prévaloir ;
o Débouté la SAS Christo Holding de l'ensemble de ses demandes ;
o Condamné la SAS Christo Holding à verser à la SAS MMI et la SAS Belair la somme globale de 15.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;
o Rejeté les demandes des parties autres, plus amples ou contraires, mais seulement lorsqu'il
débouté la société Christo Holding de ses demandes complémentaires ;
o Condamné la SAS Christo Holding aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 86,49 € dont 14,20 € de TVA.
- Infirmé en ce qu'il a :
o Rejeté la demande des défenderesses d'écartes les autres pièces non traduites visées au dispositif de leurs conclusions ;
o Rejeté la demande des Défenderesses visant à écarter des débats les pièces obtenues par la SAS Christo Holding de manière prétendument illégale ;
o Rejeté la demande de fin de non-recevoir fondée sur l'absence alléguée de mise en 'uvre de la procédure de conciliation ;
o Rejeté les demandes des parties autres, plus amples ou contraires, mais seulement lorsqu'il a débouté les sociétés MMI et Belair de leurs demandes complémentaires.
Y confirmant, statuant à nouveau et y ajoutant
II. In limine litis, Sur le rejet des pièces adverses obtenues illicitement ou à tout le moins la transmission de pièces dans le cadre d'une décision avant-dire droit
2.1 Sur le rejet des pièces
- Juger que la production et l'exploitation des pièces adverses constituent un manquement au principe général de loyauté de la preuve, du secret des correspondances et constituent une violation des droits de la défense de la société MMI ;
En conséquence :
- Ordonner le retrait des débats des pièces adverses n°55-2 (« E-mail de Monsieur [Y] du 21 février 2019 ») et n°25 (« Rapport d'enquête interne du 17 octobre 2024 ») ;
- Ecarter tout développement ou argumentation figurant dans l'acte introduction d'instance de la société Christo Holding fondés sur les pièces qui seront écartées des débats ;
- Faire interdiction à la société Christo Holding dans faire part à l'audience de plaidoirie;
2.2 Sur la communication forcée de pièces
Si par extraordinaire, la Pièce adverse n°25 (« Rapport d'enquête interne du 17 octobre 2024 ») n'était pas écartée des débats
- Juger que la société MMI est bien fondée à solliciter la communication des annexes du rapport d'enquête interne versé aux débats par la société Christo Holding pour une bonne administration de la justice, la production n'étant pas complète ;
En conséquence :
- Ordonner à la société Christo Holding de communiquer à la société MMI, dans un délai de huit jours à compter du prononcé de la décision avant-dire droit à intervenir sur ce point, ou à défaut, à peine d'astreinte de 1.000€ par jour de retard jusqu'à remise complète des éléments utilisé par l'Avocat enquêteur pour établir le rapport d'enquête (Pièce adverse n°25) ;
- Se réserver la compétence de liquider l'astreinte ordonnée ;
III. A titre liminaire : Sur l'irrecevabilité de l'action de la société Christo Holding
- Juger que la société Christo Holding n'a pas respecté l'obligation contractuelle de tentative de règlement amiable ;
- Ecarter des débats les conclusions « d'intervention volontaire » notifiées par la société Christo Topco le 30 avril 2025 du fait de leur tardiveté ;
- Juger que la société Christo Holding vise des demandes concernant une société non-partie à la présente instance et que cette irrecevabilité n'a pas été régularisée ;
- Juger que l'ensemble des parties à l'acte dont la nullité est sollicitée ne sont pas parties à la présente instance ;
En conséquence :
- Déclarer irrecevables l'ensemble des demandes formulées par la société Christo Holding;
IV. A titre principal, sur le rejet de la demande en nullité pour dol
- Juger que la société Christo Holding ne rapporte pas la preuve de man'uvres dolosives ou de mensonges intentionnels de la part de la société MMI qui aurait été déterminante du consentement de la société Christo Holding dans le cadre de l'opération de cession ;
En conséquence :
- Rejeter la demande de la société Christo Holding visant à voir prononcer la nullité de la Convention d'Acquisition et de Garantie du 3 octobre 2023 pour dol ;
V. A titre subsidiaire et reconventionnel et avant-dire droit : sur les conséquences de l'annulation de la Convention d'Acquisition et de Garantie
Si par extraordinaire, la nullité de la Convention d'Acquisition et de Garantie du 3 octobre 2023 était annulée pour dol, il sera à tout le moins juger que :
1. Sur les restitutions réciproques
- Juger que la société MMI est à tout le moins bien fondée à solliciter la restitution des actions de la société [Y] ;
En conséquence :
- Prendre acte du fait que la société MMI restituera à la société Christo Holding 120.000 actions de la société Christo Topco ;
- Prendre acte du fait que la société Belair restituera à la société Christo Holding 370.800 actions de la société Christo Topco et 4.746.392 obligations convertibles de la société Christo Topco ;
- Ordonner à la société Christo Holding de restituer à la société MMI les 527 actions de la société [Y] ;
- Prendre acte du fait que la société MMI remboursera à Christo Holding la somme de 24.762.810 euros, sans capitalisation et rejeter toute demande contraire de la société Christo Holding ;
- Ordonner à la société Christo Holding remboursera la somme de 5.237.192 euros correspondant à la valeur des actions qui avaient été apportées par la société MMI ;
- Ordonner à la société Christo Holding de restituer tous les fruits et la valeur de la jouissance que l'Opération de cession lui a procurée, notamment la somme de 400.000 euros reçue en exécution d'un virement intragroupe effectué en juin 2024 ;
- Ordonner à la société Christo Topco de restituer tous les fruits et la valeur de la jouissance que l'Opération de cession lui a procurée, notamment la somme de 250.000 euros reçue en exécution d'un virement intragroupe effectué en juin 2024 ;
- Ordonner la compensation judiciaire des différentes restitutions ;
2. Sur la réparation du fait de la dévalorisation des titres de la société [Y]
- Juger que la société MMI est bien fondée à solliciter une réparation compte-tenu de la dépréciation des actions de la société [Y] imputable à la société Christo Holding ;
- Juger que le montant des dommages et intérêts sera acté par la Cour d'appel de céans sur la base de la valeur actuelle de la société [Y] déterminée à dire d'expert par rapport à sa valeur au jour de l'Opération de cession ;
En conséquence :
o Ordonner le sursis à statuer de la demande en paiement de la société Christo Holding dans l'attente du dépôt du rapport de l'expert et ordonner que l'instance soit reprise sur simple courrier adressé au Greffe de la présente judiciaire par la partie la plus diligente afin de faire valider la valeur actée par l'expert, les réparations en découlant pour la société MMI et faire le compte entre les parties ;
o Avant-dire droit :
Ordonner une mesure d'expertise et la confier à tel expert spécialisé en comptabilité (expert-comptable et/ou commissaire-aux-comptes) qu'il lui plaira qui aura pour mission de déterminer la valeur des titres de la société [Y] dans sa globalité au jour du dépôt de son rapport. L'expert désigné devra au titre de la mission décrite ci-avant :
- Se faire remettre tout document utile ;
- Entendre les explications des parties et de tout sachant et recueillir leurs observations ;
- Evaluer la valeur des titres de la société [Y] à la date de son expertise ;
- Evaluer la gestion de la société [Y] par la société Christo Holding et fournir à la Cour tous éléments techniques, factuels ou comptables de nature à lui permettre de déterminer la responsabilité encourue par la société Christo Holding ;
- Etablir un pré-rapport à soumettre aux parties ;
- Répondre aux dires des parties après le dépôt de son pré-rapport ;
- Accomplira sa mission conformément aux dispositions des articles 273 et suivants du Code de procédure civile et déposera son rapport dans les 6 mois de sa saisine ;
- En cas de difficultés, l'expert et/ou les parties pourront saisir la Cour d'appel de Paris ;
o Ordonner la prise en charge des frais d'expertise de manière égalitaire entre la
société Christo Holding et la société MMI ;
o Ordonner que le rapport d'expertise soit transmis aux parties et déposé auprès du greffe de la Cour d'appel de Paris ;
o Condamner la société Christo Holding à indemniser la société MMI au titre de la dépréciation de la valeur de la société [Y] ;
o Ordonner qu'une compensation soit opérée entre le montant perçu par la société MMI au titre de l'opération de cession et les dommages et intérêts à percevoir par cette dernière au titre de la perte de la valeur des titres de la société [Y], à déterminer à dire d'expert ;
o Condamner la société Christo Holding à prendre en charge toutes les conséquences liées à sa gestion et aux contrats mis en place par elle depuis l'Opération de cession ;
3. Sur la demande en paiement de dommages et intérêts complémentaires sollicité par la société Christo Holding
- Juger que la demande de dommages et intérêts complémentaires n'est pas justifiée;
En conséquence ;
- Rejeter toute demande de dommages et intérêts complémentaires de la société Christo Holding;
VI. En tout état de cause
- Rejeter les demandes, fins et conclusions formulées par la société Christo Holding et de la société Christo Topco ;
- Condamner la société Christo Holding au paiement de la somme de 100.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- Condamner la société Christo Holding aux entiers dépens.
Aux termes de ses conclusions signifiées par voie électronique le 15.04.2025 la société Christo Topco demande à la cour de:
- Constater que la société Christo Topco a un intérêt à intervenir à l'instance pendante devant
la Cour d'appel de Paris entre la société Christo Holding et les sociétés MMI et Belair ;
En conséquence,
- Déclarer la société Christo Topco recevable en son intervention volontaire ;
- Donner acte à la société Christo Topco qu'elle s'en rapporte à justice sur la décision qui sera
rendue par la Cour d'appel de Paris quant à la confirmation ou l'infirmation du jugement du 29 novembre 2024 du Tribunal de commerce de Paris ;
- Dans l'hypothèse où la Cour d'appel prononcerait la nullité de la Convention d'Acquisition du 3 octobre 2023, ordonner les restitutions qui en résultent :
o Ordonner à la société MMI de rembourser à la société Christo Holding la somme de 24.762.810 euros assortie des intérêts au taux légal, capitalisés dès que dus pour une année entière à compter du 3 octobre 2023 ;
o Ordonner à la société Christo Holding de restituer à la société MMI 527 actions [Y] ;
o Ordonner à la société Belair de restituer à la société MMI 370.800 actions Christo Topco et 4.746.392 obligations convertibles Christo Topco ;
o Ordonner à la société MMI de restituer à la société Christo Topco 490.800 actions Christo Topco et 4.746.392 obligations convertibles Christo Topco ;
o Ordonner à la société Christo Topco de restituer à la société MMI 5.237.192 actions Christo Holding ;
o Ordonner à la société MMI de restituer à la société Christo Holding 5.237.192 actions Christo Holding ;
L'ordonnance de clôture a été rendue le 22.05.2025.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la note en délibéré adressée par la société Christo Holding
La société Christo Holding a adressé une note en délibéré à la cour après l'audience de plaidoirie, le 25.06.2025.
Les sociétés MMI et Belair concluent au rejet de cette note en délibéré qui n'a pas été autorisée.
Sur ce
Il résulte des dispositions de l'article 445 du code de procédure civile qu'après la clôture des débats les parties ne peuvent déposer aucune note à l'appui de leurs observations, si ce n'est en vue de répondre aux arguments développés par le ministère public ou à la demande du président dans les cas prévus aux articles 442 et 444.
Aucune note en délibéré n'a été autorisée par la cour et en conséquence il y a lieu d'ordonner le rejet de la note adressée le 25.06.2025 par la société Christo Holding.
Sur la demande de sursis à statuer
Les sociétés MMI et Belair demandent que soit ordonné un sursis à statuer dans l'attente d'une part de la procédure initiée par la société MMI devant le tribunal de commerce de Paris et d'autre part de l'issue de la procédure pénale.
Elles exposent qu'elles ont en effet découvert que Christo Holding avait déposé une plainte au pénal auprès du parquet national financier mais que cette plainte, ou le signalement effectué n'a pas été porté à leur connaissance portant ainsi atteinte au principe du contradictoire prévu à l'article 16 du code de procédure civile dans la mesure où la société Christo Holding fonde son argumentation au titre du dol sur des agissements qu'elle qualifie elle-même comme relevant d'une qualification pénale e visant l'article 4.1.19 de la convention d'acquisition et de garantie.
Elles indiquent qu'une instance a été engagée devant le tribunal des affaires économiques de Paris aux fins de faire appliquer son droit d'information et d'audit à l'égard de la société [Y] sous astreinte dans la mesure où elle a posé des questions sur des faits de nature à compromettre la continuité de l'exploitation de la société [Y], que la décision qui sera rendue par le TAE est susceptible d'avoir une incidence significative sur l'issue du présent litige.
Elles soulignent que leur demande de sursis à statuer a été présentée in limine litis et est donc recevable.
La société Christo Holding réplique qu'il n'existe aucune plainte pénale susceptible d'être communiquée à la société MMI, seul un signalement de faits susceptibles de qualification pénale ayant été réalisé auprès du parquet, qu'en outre ce signalement a été réalisé par la société [Y] et non par la société Christo Holding qui ne dispose donc pas desdits éléments.
Elle soutient que la demande de sursis à statuer est irrecevable faute d'avoir été formulé in limine litis et souligne qu'au sein de son dispositif la société MMI sollicite le sursis à statuer après avoir demandé la confirmation du jugement sur certains motifs notamment en ce qu'il a débouté la SAS Christo Holding de l'ensemble de ses demandes, son infirmation sur d'autres motifs et la communication de pièces.
Elle expose qu'en tout état de cause aucun sursis à statuer ne pourra être accordé dans la mesure où l'existence d'un signalement au parquet national financier ne justifie pas un sursis à statuer et où la procédure initiée par la société MMI devant le tribunal de commerce de Paris est sans lien avec la présente instance.
Sur ce
Il ressort des premières conclusions signifiées par les sociétés MMI et Belair que la demande de sursis à statuer y figurait dans la motivation in limine litis.
Les sociétés MMI et Belair ont dans leur dispositif d'abord demandé la confirmation du jugement en ce qu'il avait:
o Ecarté des débats la pièce n°10 de la SAS Christo Holding, ainsi que l'ensemble des
développements y trouvant leur fondement dans son acte introductif d'instance,
excluant la possibilité pour la SAS Christo Holding de s'en prévaloir ;
o Déboute la SAS Christo Holding de l'ensemble de ses demandes ;
o Condamné la SAS Christo Holding à verser à la SAS MMI et la SAS Belair la somme
globale de 15.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;
o Rejeté les demandes des parties autres, plus amples ou contraires, mais seulement
lorsqu'il débouté la société Christo Holding de ses demandes complémentaires ;
o Condamné la SAS Christo Holding aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe,
liquidés à la somme de 86,49 € dont 14,20 € de TVA.
Et l'infirmation du jugement en ce qu'il a :
o Rejeté la demande des défenderesses d'écarter les autres pièces non traduites
visées au dispositif de leurs conclusions ;
o Rejeté la demande des Défenderesses visant à écarter des débats les pièces
obtenues par la SAS Christo Holding de manière prétendument illégale ;
o Rejeté la demande de fin de non-recevoir fondée sur l'absence alléguée de mise en
'uvre de la procédure de conciliation ;
o Rejeté les demandes des parties autres, plus amples ou contraires, mais seulement
lorsqu'il débouté les sociétés MMI et Belair de leurs demandes complémentaires
puis y confirmant, statuant à nouveau et y ajoutant
- avant dire droit demandé la communication de la plainte pénale
- puis in limine litis demandé que soit prononcé le sursis à statuer.
Seul le dispositif des conclusions saisi la cour et il ressort du dispositif des conclusions signifiées par les intimées que celles-ci ont formé des demandes d'infirmation et de confirmation du jugement dont appel avant de demander que soit ordonné un sursis à statuer. Or il résulte des dispositions combinées des articles 73 et 74 que la demande de sursis à statuer doit être présentée avant toute défense au fond. Il en résulte que la demande de sursis à statuer est irrecevable.
Sur le rejet des pièces
Les sociétés MMI et Belair concluent au rejet de pièces issues des messageries de Monsieur [P] [Y] et de [J] [Y] comme obtenues par un moyen déloyal.
Elles exposent que Mme [Y] n'a pas été informée des procédés mis en place et n'a jamais donné son autorisation à Christo Holding afin d'accéder à sa messagerie, que concernant Monsieur [Y] il en est de même étant en outre souligné qu'il n'est pas salarié de la société [Y] mais dirigeant de MMI qui était liée par un contrat de mandat social puis de prestation de service et qui ne peut se voir appliquer les règles concernant un salarié, qu'enfin cette intrusion sur les boites mail est une violation du secret des correspondances.
La société Christo Holding expose qu'il est de jurisprudence constante que les outils professionnels mis par une société à disposition de son personnel demeurent la propriété de celle-ci, qu'ainsi tout document et toute correspondance qui n'est pas identifié comme personnel est présumé être de nature professionnel de sorte que la société peut les consulter hors la présence de l'intéressé.
Sur ce
Il ressort de la jurisprudence et comme l'a justement retenu le tribunal de commerce que les documents détenus par le salarié dans le bureau de l'entreprise mis à sa disposition sont, sauf lorsqu'il les identifie comme étant personnels, présumés avoir un caractère professionnel, en sorte que l'employeur peut y avoir accès hors sa présence et qu' il en résulte que la production en justice des messages n'ayant pas été identifiés comme étant personnels par le salarié ne constitue pas un procédé déloyal .
Cette jurisprudence est de nature à s'appliquer à toutes les personnes travaillant dans l'entreprise et utilisant les outils mis à disposition par celle-ci dans le cadre de l'exercice de l'activité professionnelle et à ce titre les emails reçus et adressés par Monsieur [X] [Y] qui n'était pas salarié de l'entreprise mais dirigeant mandataire social relèvent de la même jurisprudence.
Il en résulte que la société [Y] est bien fondée à prendre connaissance et à utiliser les emails échangés par ses salariés ou dirigeants.
Il en est cependant autrement pour la société Christo Holding qui n'est pas la société pour le compte duquel les emails ont été adressés et reçus dans le cadre de son activité. La qualité d'associé majoritaire de la société d'exploitation, la société [Y], ne permet pas à la société Christo Holding de prétendre pouvoir utiliser les emails échangés par les salariés ou dirigeants de la société [Y] sans autorisation des émetteurs ou destinataires des emails produits, l'autorisation reconnue à l'employeur de pouvoir utiliser les échanges de ses salariés ou dirigeants ne s'étendant pas à ses associés par principe.
Au contraire il ressort de la jurisprudence que pour pouvoir consulter les messageries professionnelles des salariés ou dirigeants d'une société, l'associé de ladite société doit obtenir préalablement une autorisation judiciaire en ayant recours à la procédure des articles 493 et 497 du code de procédure civile de façon à permettre, après mise en oeuvre des mesures autorisées, un débat judiciaire contradictoire sur l'atteinte ainsi portée aux droits de la personne dont la boîte mail a été consulté sans son autorisation.
En conséquence en produisant les échanges emails des salariés et dirigeants de la société [Y], sans autorisation des personnes les ayant émis et reçus, et sans y avoir été autorisé judiciairement, la société Christo Holding a utilisé un moyen déloyal de preuve.
Il en résulte qu'est écartée des débats la pièce 55-2 qui est un email adressé par Monsieur [Y].
La cour souligne cependant que d'autres emails issus de la boîte mail utilisée par Monsieur [Y] sont produits aux débats dont il n'est pas demandé qu'ils soient écartés.
S'agissant de la pièce 25 qui est le rapport d'enquête interne qui s'appuie en partie sur les boites email d'[X] [Y] et de [J] [Y], celle-ci étant diligentée par l'employeur pouvait se fonder sur la consultation des boites email utilisés par les salariés et le dirigeant de la société. Le rapport qui en est issu n'a donc pas recouru à des procédés illégaux qui justifieraient qu'il soit écarté des débats.
Le fait que la société Christo Holding en ait obtenu communication de la société [Y], ne présume pas de l'illicéité de l'obtention de cette pièce, illicéité qui justifierait qu'il soit écarté des débats. Et ce même si la société Christo Holding reste taisante sur la façon dont elle a obtenu le rapport étant souligné qu'au conseil de surveillance de la société Christo Topco d 18.10.2024 ce ne sont que les conclusions du rapport d'enquête interne qui ont été portées à la connaissance des associés et qu'il n'est pas indiqué que le rapport a lui-même était remis aux associés.
Il ne convient donc pas d'écarter des débats le rapport d'enquête interne produit.
Le jugement est infirmé partiellement.
Sur la demande de communication des pièces
Les sociétés MMI et Belair demandent subsidiairement et avant dire droit la communication des annexes du rapport d'enquête diligenté en interne en avril 2024 et qui est le fondement de la demande de dol de la société Christo Holding., et qui est la pièce 25 de l'appelante.
Elles exposent que la réponse apportée à leur demande par l'intimée qui soutient qu'elle ne dispose pas des annexes du rapport d'enquête et est donc dans l'impossibilité de les communiquer démontre que la société Christo Holding fonde principalement sa tentative de justification d'un dol sur un document sans en avoir eu accès ou même sollicité les éléments justificatifs sur lequel se fonde celui-ci.
Elles ajoutent qu'en réalité l'enquête interne a été diligentée en avril 2024 au moment où Christo Holding était encore présidente de la société [Y] et qu'elle en a donc l'ensemble des éléments.
La société Christo Holding expose que le rapport d'enquête interne a été réalisé à la demande de la société [Y] et non de Christo Holding et elle soutient qu'elle ne dispose pas des annexes de ce rapport d'enquête.
sur ce
La cour souligne qu'il est contradictoire pour la société Christo Holding de communiquer dans le présent litige des pièces dont seule la société [Y] peut être en possession s'agissant des emails internes à la société échangés par ses salariés ou ses dirigeants et de soutenir qu'elle n'a pas accès aux annexes du rapport interne établi à la demande de la société [Y].
Pour autant dans la mesure où la société Christo Holding n'est pas la société qui a fait procéder à l'enquête interne, mais uniquement l'associé majoritaire de cette société il ne peut lui être enjoint de communiquer des documents dont elle n'est pas propriétaire et dont elle soutient qu'elle ne les détient pas.
Il convient donc de rejeter la demande de communication des annexes du rapport interne.
Sur la fin de non-recevoir tiré de l'absence de mise en oeuvre de la procédure de conciliation
Les sociétés MMI et Belair concluent à l'irrecevabilité de l'action de la société Christo Holding faute d'avoir tenté de régler le différend de manière amiable alors que l'article 4.3.1. de la convention d'acquisition et de garantie dispose que les parties doivent se réunir dans un délai de 30 jours suivant la réception de l'opposition à réclamation afin de tenter de trouver une solution amiable.
La société Christo Holding expose que la clause de conciliation prévue à l'article 4.3.1 de la convention d'acquisition était inapplicable dans le cadre d'une action en nullité car son périmètre est strictement restreint à la mise en oeuvre de la garantie d'actif et de passif.
Sur ce
L'article 4.3.1. (d) de la convention d'acquisition stipule que en cas d' opposition à réclamation le vendeur et l'acquéreur se réuniront dans les trente jours calendaires suivant la réception de l'opposition à réclamation par l'acquéreur ou dans un délai plus court si les circonstances l'exigent afin de tenter de convenir amiablement du montant de l'éventuel préjudice et du montant de la restitution correspondante. A défaut pour le vendeur et l'acquéreur de parvenir à un accord qu'il s'agisse notamment de la validité du bien-fondé et/ou de l'exigibilité de la restitution résultant de la réclamation dans le délai de 15 jours calendaires suivant cette réunion, le différend sera tranché conformément à l'article 5.12 (loi applicable-attribution de juridiction) ci-après.
L'article 4.3.1 se situe dans le paragraphe 4 intitulé 'Déclarations et garanties' de telle sorte que la clause de conciliation préalable s'applique uniquement à la mise en oeuvre de la clause de garantie d'actif et de passif consentie et non à une action engagée pour dol comme en l'espèce.
Le jugement qui a rejeté l'exception d'irrecevabilité est donc confirmé.
Sur l'irrecevabilité de la demande en nullité pour dol en l'absence à l'instance de toutes les parties à l'encontre de laquelle la nullité de l'acte de cession est sollicitée
Les sociétés MMI et Belair exposent qu'il est demandé par Christo Holding qu'il soit ordonné à la société Christo Topco de restituer à la société MMI les actions de Christo Holding mais que la société Christo Topco n'a pas été mise dans la cause en première instance, qu'elle est intervenue volontairement en appel le 18.04.2025 alors qu'aucune régularisation n'est possible, qu'en outre il s'agit d'une intervention forcée et non volontaire car faite à la demande de Christo Holding et que les conditions d'une telle intervention ne sont pas remplies.
Elles en concluent que la procédure est entachée d'irrégularité.
Elles soutiennent que la procédure est d'autant plus entachée d'irrégularité que Monsieur et Madame [Y] ne sont pas parties aux débats alors qu'ils sont parties à la convention d'acquisition et de garantie.
Subsidiairement elles demandent, si l'intervention volontaire était déclarée recevable, de dire irrecevables comme tardives les conclusions déposées par Christo Topco le 18.05.2025
La société Christo Holding soutient qu'à supposer qu'une violation de l'article 14 du code de procédure civile soit caractérisée la société MMI n'établit pas l'irrecevabilité de la demande et en quoi il faudrait en conclure l'irrecevabilité des demandes de la société Christo Holding, qu'en tout état de cause la société Christo Topco étant intervenue volontairement à l'instance, son intervention étant recevable sur le fondement de l'article 554 du code de procédure civile et ses conclusions également recevables le débat est désormais sans objet.
Elle conteste par ailleurs le fait que monsieur et madame [Y] doivent être dans la cause exposant qu'ils ne sont pas partie à la convention d'acquisition mais qu celle-ci a été signée en leur présence compte de leurs engagements de non sollicitation et de non débauchage et que si s'ils sont mentionnés dans les autres articles de la convention d'acquisition ce n'est que dans le cadre des engagements pris par MMI.
La société Christo Topco, visant l'article 554 du code de procédure civile, conclut qu'elle a un intérêt à intervenir à l'instance dans la mesure où la société Christo Holding demande au titre des conséquences du prononcé de la nullité de la cession que l'opération de cession soit effectuée en sens inverse afin d'opérer les restitutions nécessaires de sorte que:
- MMI devra rembourser à Christo Holding la somme de 24.762.810 euros ;
- Christo Holding devra restituer à MMI 527 actions [Y] ;
- Belair devra restituer à MMI 370.800 actions Christo Topco et 4.746.392 obligations - MMI devra restituer à Christo Topco 490.800 actions Christo Topco et 4.746.392 obligations
convertibles Christo Topco ;
- Christo Topco devra restituer à MMI 5.237.192 actions Christo Holding ;
- MMI devra restituer à Christo Holding 5.237.192 actions Christo Holding.
Elle fait valoir que la nullité de l'opération aura donc un impact sur son capital social et sur la nécessité qu'elle restitue à MMI les actions de Christo Holding.
Sur ce
En première instance la société Christo Holding demandait, au titre des restitutions découlant de l'annulation pour dol de la cession de la société [Y], le remboursement par la société MMI de la somme de 24.762.810 euros correspondant au prix de cession perçu, la restitution par la société MMI des 120.000 actions de Christo Topco et la restitution par la société Belair des 370.800 actions Christo Topco et des 2.746.392 obligations convertibles Christo Topco détenues par elle.
Les sociétés MMI et Belair demandaient pour leur part au titre des restitutions la restitution par Christo (sic) des 527 actions de la société [Y] et le remboursement de la somme de 5.237.192 euros correspondant à la valeur des actions qui avaient été apportées par la société MMI, outre les fruits perçus.
En cause d'appel les parties se sont rendues compte que les actions Christo Holding perçues par MMI avaient ensuite été apportées par MMI à la société Christo Topco en contrepartie d'actions et d'obligations convertibles de celle-ci, et que MMI a rétrocédé l'intégralité de ses obligations convertibles et une partie de ses actions Christo Topco à la société Belair.
Pour que les restitutions soient complètes, au cas où la cession soit annulée il convenait en conséquence que la société Christo Topco intervienne aux débats dans la mesure où la société Christo Holding ne peut formuler des demandes en son nom.
L'article 66 du code de procédure civile dispose que constitue une intervention la demande dont l'objet est de rendre un tiers partie au procès engagé entre les parties originaires. Lorsque la demande émane du tiers l'intervention est volontaire; l'intervention est forcée lorsque le tiers est mis en cause par une partie.
L'article 554 du code de procédure civile dispose que peuvent intervenir en case d'appel dès qu'elles y ont intérêt les personnes qui n'ont été ni parties, ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité.
En l'espèce la société Christo topco a notifiée des conclusions d'intervention volontaire.
Cette intervention volontaire est recevable en ce que la société Christo Topco n'était pas partie en première instance.
Il résulte de la jurisprudence que si l'article 554 ne permet pas à l'intervenant en cause d'appel de soumettre un litige nouveau et de demander des condamnations personnelles n'ayant pas subi l'épreuve du premier degré de juridiction, le litige n'est pas nouveau lorsque la demande procède de la demande originelle et tend aux mêmes fins.
En l'espèce si l'action en nullité de la cession est accueillie par la cour il conviendra de prévoir les restitutions qui en sont la conséquence s'agissant des sommes versées et des actions remises et à ce titre la société Christo Topco ne présente aucune demande nouvelle en acquiesçant à la demande de la société MMI de se voir restituer les actions de Christo Holding qu'elle a apporté à la société Christo Topco de façon à ce qu'ensuite elle puisse elle-même les restituer à la société Christo Holding.
En conséquence l'exception d'irrecevabilité est rejetée.
S'agissant de l'absence dans la procédure de Monsieur et Madame [Y] la cour souligne qu'ils ne sont pas parties à la cession de la société [Y] puisque l'intégralité des actions de celle-ci étaient détenues par la société MMI.
C'est donc à juste titre qu'ils n'ont pas été attraits dans la présente procédure.
L'exception d'irrecevabilité est rejetée.
Sur l'action en nullité de la convention de cession pour dol
La société Christo Holding poursuit la nullité pour dol de la convention de cession de la société [Y] en visant trois séries de faits:
- la dissimulation d'un litige imminent avec un client chinois Foshan Dafu avant l'opération de cession
- la découverte du versement de commissions constituant des pratiques commerciales illicites
- la vente de matériel à l'Iran par le biais de la société de droit allemand Imex
Les sociétés MMI et Belair répliquent que le demandeur a la charge de la preuve du dol et que est tenu de démontrer de façon cumulative:
- la mise en place de man'uvres dolosives ou de réticences dolosive (élément matériel) ;
- une intention de tromper de la part du co-contractant (élément intentionnel) ;
- que ces éléments étaient déterminants de son consentement et que s'il avait eu connaissance des « mensonges ou dissimulations» il n'aurait pas contracter
et soutiennent qu'aucune de ces conditions n'est remplies pour les trois séries de reproches de la société Christo Holding.
Sur le litige avec la société Foshan Dafu
La société Christo Holding expose que la société MMI a garanti dans la convention d'acquisition que la société n'avait reçu aucune réclamation de nature à donner lieu à un litige, que pourtant elle avait deux courriers de menace judiciaire adressées par son client Foshan Dafu quelques mois avant l'opération le 6.03.2023, et le 13.04.2023, que ces courriers constituaient des réclamations de nature à donner lieu à un litige et auraient du être portés à la connaissance de l'acquéreur.
Elle souligne que les menaces de la société Foshan Dafu ont été mises à exécution le 18.03.2024 par l'introduction d'une requête en arbitrage sollicitant la condamnation de la société [Y] au paiement d'une somme de plus de 13 millions d'euros.
Les sociétés MMI et Belair contestent une quelconque connaissance d'un litige imminent avec la société Foshan Dafu et sa dissimulation, indiquant que le dernier courrier adressé par le client date du 13.04.2023 soit plus de 7 mois avant la signature de la convention d'acquisition et que ce courrier n'est pas qualifié de mise en demeure et n'émane pas d'un avocat, que jusqu'au courrier du 1.032024 il n'est versé aucun autre élément, qu'en effet la société [Y] a diligenté sur place une équipe qui a identifié la problématique, que la requête en arbitrage précise bien qu'une réunion de travail a eu lieu le 23.04.2023, qu'au moment de la signature de la convention d'acquisition il n'existait donc 'aucune réclamation de nature à donner lieu à l'introduction d'un litige'
Sur ce
Liminairement la cour souligne que la société Christo Holding n'a pas demandé l'infirmation du jugement en ce qu'il a rejeté la pièce 10 qui constitue la requête en arbitrage au motif que celle-ci n'était pas traduit en français. Les intimés pour leur part demandent la confirmation du jugement en ce qu'il a rejeté la pièce 10 qui est la requête en arbitrage de la société Foshan Dafu du 11.03.2024.
Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la pièce 10 devenue en appel la pièce 30 quand bien même depuis sa traduction a été produite.
Cependant le rejet de la pièce 10 n'interdit ni n'empêche de statuer sur le moyen s'agissant de l'existence d'un dol constitué par l'existence d'un litige ou d'une réclamation de nature à donner lieu à un litige au moment de la cession qui aurait été dissimulée à la société.
Aux termes de l'article 4.1.19 de la convention d'acquisition et de garantie la société MMI a déclaré que la société n'était impliquée dans aucun litige et que la société n'avait reçu aucune réclamation ou plainte d'un tiers de nature à donner lieu à un litige impliquant la société.
La société [Y] a vendu à la société Foshan Dafu une ligne de production composée de plusieurs machines de fabrication pour produire du film plastique selon contrat conclu le 30.05.2020.
Il ressort des courriers échangés entre les parties qu'il a existé un litige technique entre les parties concernant le fonctionnement de la ligne de production vendue relatif en particulier à la production d'un film LCP.
Ce litige a donné lieu à plusieurs échanges de correspondances.
Ainsi sont produits aux débats par la société Christo Holding:
la 6ème lettre de la société Foshan Dafu en date du 6.03.2023,
la 8ème lettre de la société Foshan Dafu en date du 13.04.2023, avec une réponse apportée par la société [Y] le 19.04.2023. Cette lettre comporte essentiellement des reproches liés d'une part à la durée de la mise en exploitation de la ligne de production supérieure à ce qui était convenu dans le contrat et au coût des consommables et fluides dépensés à cette occasion. Il n'est pas fait état d'une absence de fonctionnement de la ligne de production installée. Par ailleurs la société Foshan Dafu demande le versement de 300.670 RMB conformément au contrat, la demande n'étant pas présentée comme une réclamation indemnitaire mais comme une exécution du contrat signé. Enfin elle se plaint de ce que la société [Y] n'a toujours pas signé 'l'accord sur le remboursement du prix d'acceptation de l'équipement' avec elle et n'a pas notifié à l'agent d'importation la restitution du solde de son dépôt d'ouverture de lettre de crédit de 1,08 million d'euros, ce qui ne constitue donc pas non plus une réclamation indemnitaire mais un reproche sur l'exécution du contrat par la libération des sommes consignées dans le cadre de l'exécution du contrat.
La réponse apportée par [Y] explique que la ligne de production installée impose de respecter des consignes techniques strictes qui n'ont pas été mises en oeuvre par la société Foshan Dafu malgré les demandes répétées du fabricant qu'est la société [Y], et indique qu'elle a demandé à ses équipes de ne plus travailler sur la ligne de production jusqu'à ce que la société Foshan Dafu rappelle ses lettres de menace et enfin lui indique qu'elle reste dans l'attente du dernier versement.
Postérieurement aux derniers courriers échangés produits dans le présent litige en date des 13.04.2023 et 19.04.2023, il ressort de la 11ème lettre adressée par la société Foshan Dafu le 9.01.2024:
que Mme [J] [Y] et Monsieur [V] [U] se sont déplacés dans les locaux de la société Foshan Dafu le 23.04.2023
qu'une 10ème lettre a été adressée par la société Foshan Dafu le 5.05.2023.
Cette 10ème lettre n'a pas été communiquée aux présents débats, -pas plus que la 9ème lettre dont on ne connaît même pas la date-, sa teneur n'est donc pas connue intégralement et la cour ne peut apprécier son caractère éventuellement comminatoire. Par ailleurs la synthèse de ce courrier effectué par la société Foshan Dafu dans sa 11ème lettre présente un risque de subjectivité qui ne permet pas de retenir ce courrier non communiqué par la société Christo Holding comme une mise en demeure.
La 11ème lettre fait pour la première fois état de ce que la ligne de production ne produirait pas des films LCP conformes aux normes techniques du contrat et met en demeure la société [Y] de faire parvenir avant le 9.02.2024 une proposition pour y remédier.
Il résulte ainsi de ces éléments qu'entre la 10ème lettre non produite aux débats en date du 5.05.2023 et la 11ème lettre en date du 9.01.2024 aucun courrier de la société Foshan Dafu n'a été adressé à la société [Y].
Ces dates sont à mettre en relation avec les opérations de cession qui ont débuté par une lettre d'intention de la société Hivest en date du 2.05.2023, se sont poursuivies par des opérations de Due Diligence à la demande de Hivest réalisées par Grant Thornton qui ont donné lieu à un rapport en date du 13.06.2023, par une offre ferme en date du 23.06.2023, par la signature de l'acte de cession le 3.10.2023 et par la réalisation de l'opération de cession le 16.11.2023..
Il ressort donc de cette chronologie qu'après le 5.05.2023, et alors que les courriers 6, 7, 8, 9 et 10 de la société Foshan Dafu avaient été adressés sur un période de deux mois entre le 6.03.2023 et le 5.05.2023, c'est à dire de façon très rapproché démontrant la célérité du client à trouver une solution au problème technique et à ses conséquences, plus aucun courrier n'a été adressé, ce qui était de nature à laisser penser à la société [Y] et à son actionnaire la société MMI que le litige technique avec l'acheteur de la machine était réglé suite probablement à la visite effectuée par Madame [J] [Y] et Monsieur [V] [U] en Chine le 23.04.2023.
En l'absence de tout courrier de réclamation à compter du 13.04.2023 (la teneur du courrier du 5.05.2023 n'étant pas connu puisqu'il n'est pas produit aux débats il ne peut être retenu qu'il s'agissait d'une réclamation de nature à donner lieu à un litige) la preuve n'est pas rapportée par la société Christo Holding que la société MMI était informée de l'existence d'un litige perdurant avec la société Foshan Dafu au jour de la réalisation de l'acte de cession, ou d'une réclamation de nature à donner lieu à un litige, le litige ayant existé 6 mois auparavant ne constituant plus un litige actuel ou une réclamation de nature à donne lieu à un litige au jour de la signature de l'acte de cession.
Il y a lieu d'ajouter qu'il ressort du rapport d'audit qu'une facture reste à payer par la société Foshan Dafu et que la société Christo Holding était donc parfaitement informée par ailleurs de l'existence de cette créance à recouvrer sur ce client, l'auditeur ayant précisé qu'aucune provision n'avait été passée en comptabilité, de telle sorte que l'absence de paiement du solde du contrat était parfaitement connu de l'acquéreur.
L'élément matériel du dol constitué par la connaissance par le cocontractant de l'événement litigieux n'est donc pas caractérisé et en conséquence la demande de nullité pour dol fondée sur le litige avec la société Foshan Dafu doit être rejetée.
Sur les commissions versées
Sur les commissions versées dans le cadre des contrats conclus avec la société Hengchuan
La société Christo Holding expose qu'elle a découvert après la cession que les montants exacts et les destinataires réels des commissions versées étaient problématiques dans le projet avec la société chinoise Hengchuan et avec la société péruvienne Oben alors que le vendeur avait garanti que le vendeur a garanti que la société n'avait pas fait ou promis de versement, cadeau ou autre paiement à une personne physique ou Entité (ou leurs représentants), privé ou publique en vue d'obtenir un traitement privilégié ou la conclusion d'un contrat.
Elle indique que 4 contrats ont été conclus avec le client chinois Hengchuan intitulés [Localité 5] 1,2, 3 et 4, que ces contrats ont été conclus par l'intermédiaire d'un agent local dénommé [V] [U] opérant pour le compte de la société Silk Road, qu'elle a identifié l'existence de surcommissions pour deux de ces contrats: [Localité 5] 1 et 2 représentant un écart de 2.366.000 euros par rapport aux commissions communiquées en data room, qu'en effet en data room des fiches budget ont été produites indiquant un pourcentage de commission pour Silk Road de 5% soit 845.000 euros, que postérieurement à la cession elle a cependant découvert des Protection letters mentionnant un pourcentage de commission de 12% pour chacun des deux projets, que ces documents ont été préparés et signés en novembre 2023 quelques jours avant le closing mais antidatés au 12.03.2022 comme en témoignent les échanges d'emails datant du 15.11.2023, que les commissions sont passées de 845.000 euros à 2.028.222 euros.
Elle expose qu'un échange d'email des 5 et 6.09.2022 évoque une commission supplémentaire de 10% en plus de celle de 5%, commission finalement réduite à 12% alors qu'en data room la commission s'établissait à 5%.
Elle soutient que ces commissions supplémentaires camouflaient en réalité des rétrocommissions au dirigeant de la société Hengchuan, Monsieur [R], que ces rétrocommissions ont été versées entre septembre 2022 et juillet 2023 soit avant la signature de la convention d'acquisition s'agissant de deux factures de 84.500 euros le 9.09.2022 et d'une facture de 169000 euros le 19.07.2023.
Elle fait valoir que cette augmentation des commissions et ces rétrocommissions ont été dissimulées par le vendeur.
Enfin elle indique que l'erreur de l'Acquéreur provoquée par le Vendeur était déterminante de son consentement à la Convention d'Acquisition.
Les sociétés MMI et Belair exposent en réponse en premier lieu que le rapport d'enquête versé aux débats par Christo Holding ne peut servir d'élément d'appréciation, celui-ci ayant été établi sur la base de pièces illicitement obtenues.
S'agissant des surcommissions elles précisent que dans le cadre de l'activité de la société [Y] les taux de commission sont susceptibles d'évoluer en cours de projet, ce qui était connu par Christo Holding s'agissant en particulier de la société Silk Road, que pour chaque projet entre 10 et 15 budget clients étaient ainsi établis au fur et à mesure de l'exécution du contrat s'échelonnant en général sur 18 à 24 mois, que les pourcentages de commissions étaient régulièrement revus, que le jugement a d'ailleurs tenu compte de cette fluctuation de commission dont il avait été notamment été fait état dans le cadre des opérations de due diligence; qu'ainsi les fiches budget figurant en data room sont par essence provisionnels puisque les commissions sont susceptibles de varier, et ont été établies aussi précisément que fidèlement au regard des informations dont la société disposait, qu'il appartenait à Christo Holding qui a l'habitude de réaliser des opérations d'acquisition et de réaliser des audits de poser les questions si les fiches budgets ne lui semblaient pas claires, que les 'protection letters' ne constituent pas un engagement ferme mais uniquement un document de discussion intermédiaire non définitif, que Christo Holding soutient que c'est le montant indiqué par la Protection Letters qui a été appliqué par l'agent et non celui de la fiche budget mais ne produit aucun élément permettant d'en attester et en particulier ne produit aucune facture ou demande de paiement de la part de la société Silk Road mentionnant les taux de commission sur lesquelles elle s'appuie, que les pièces 34 et 35 qui sont constituées d'emails échangés entre Monsieur [C], Monsieur [I] et Monsieur [Y] datant de 2022 constituent des emails internes qui n'engagent pas la société [Y], que les pièces produites ne sont pas des factures mais des échanges de mails et de tableaux
sur ce
En premier lieu il est souligné que concernant le contrat Foshan Dafu celui ci est d'un montant de 10.080.000 euros et que le montant de la commission due à la société Silk Road s'élève à 1.080.000 euros, soit 10% du contrat étant précisé que le contrat d'agent commercial a été communiqué dans le cadre de la data room.
Le contrat Nanjing s'élève pour sa part à 20.897.000 euros et la commission à 1.050.000 euros, soit 5% du contrat.
Il en ressort des différences importantes concernant le taux de commissionnement démontrant que celui-ci est fixé avec l'agent commercial en fonction du contrat conclu et qu'il n'existe pas un taux identique pour tous les contrats.
En second lieu il est produit aux débats pour les projets [Localité 5] L.22021 et L22022 une fiche budget faisant état de commissions à hauteur de 845.000 euros pour chacun des contrats d'un montant de 16.900.000 euros, soit un taux de commission de 5%.
Il est cependant également produit aux débats un email de Monsieur [T] [I] en date du 14.11.2023 veille du closing, adressé à Monsieur [V], Monsieur [Y] étant en copie, indiquant:
Pour L22021 & L22022 :
4 % de commission pour Silk Road sur les paiements du client = 676 000 € pour chaque projet 5 % de commission pour M. [R] sur les paiements du client = 845 000 € pour chaque projet 1 % de commission pour Silk Road après paiement final = 169 000 € pour chaque projet
2 % de commission pour M. [R] après paiement final = 338 000 € pour chaque projet
Pour L22023 & L22024 :
1 % de commission pour Silk Road après paiement final = 51 000 € pour chaque projet
1 % de commission pour M. [R] après paiement final = 51 000 € pour chaque projet
Au total sur les 4 projets, cela représente :
commission pour Silk Road : 1 792 000 €
' 1 352 000 € sur les paiements du client
' 440 000 € après paiement final
commission pour M. [R] : 2 468 000 €
' 1 690 000 € sur les paiements du client
' 778 000 € après paiement final
En outre, nous sommes d'accord sur 4 % pour Yantai Fuli.
Monsieur [I] envoie par mail séparé les 4 contrats d'agent commercial dont les contrats L22021 et L22022 pour signature.
Ceux-ci sont datés du 12.03.2022, mais ils ont été renvoyés signés par Monsieur [V] le 15.11.2023. Par ailleurs le rapport d'enquête interne indique qu'ils ont été signés par Monsieur [Y] le 23.11.2023 soit postérieurement à la cession.
Ils stipulent que si les contrats sont signés avant le 31.12.2022 le montant de la commission sera de 9% réglé au fur et à mesure des paiements par le client et de 3% supplémentaire après le dernier paiement, ce qui correspond au montant de commission indiqué dans le mail de Monsieur [I] comme étant de 12%..
Il ressort de ces différentes dates que la décision de la société [Y] d'accepter un taux de commission plus important que 5% a été formalisée après la signature de la cession de l'entreprise même si les discussions ont eu lieu avant et les contrats établis la veille de la signature, ce qui ne permet pas de retenir l'existence d'une dissimulation d'éléments essentiels concernant l'activité de la société dans le cadre des opérations de cession, étant rappelé comme indiqué ci-dessus qu'un taux de commission à 10% avait déjà été pratiqué par la société.
La société Christo Holding soutient cependant que cette commission de 12% était d'ores et déjà prévue en 2022. Il ressort effectivement du mail de Monsieur [I] en date du 5.09.2022 que des commissions de 10% étaient envisagées. Pour autant la société Grand Thornton explique en page 39 de son rapport de due diligence que concernant les contrats [Localité 5] il y a eu des négociations avec les agents commerciaux ayant abouti à une diminution des commissions, ce qui signifie que la société Grand Thornton mandatée par le fonds Hivest a pu comparer différentes fiches budgétaires et que cette information n'a pas été dissimulée.
La société Christo Holding produit aux débats le rapport d'enquête interne établi à la demande de la société [Y] qui fait état du témoignage recueilli de Monsieur [I] dont il ressort que la conclusion des protections letters à la date du closing s'expliquerait par le souhait de Monsieur [V] [U] de garantir le montant de ses commissions.
Cependant d'une part l'audition de Monsieur [I] par l'enquêteur interne n'est pas produit aux débats et ni les intimés, ni la cour ne peuvent connaître les questions posées et l'intégralité du récit de Monsieur [I].
Par ailleurs ce témoignage rentre dans la catégorie des attestations produites en justice et doit en conséquence respecter un certain nombre de conditions formelles permettant d'en garantir la véracité et l'intégrité prévues aux articles 200 et suivants du code de procédure civile, en particulier le fait que celui-ci est informé que ses déclarations pouvaient être produites en justice.
Par ailleurs la qualité de salarié de la société [Y] de Monsieur [I] le mettait en état de subordination par rapport à l'enquêteur interne et cette subordination est de nature à affecter la véracité des déclarations.
Enfin l'enquêteur a retenu et retranscrit certains éléments de l'audition qu'il estimait probants sans que la communication de l'ensemble des déclarations effectuées par Monsieur [I] ne soit effectuée de façon à permettre aux intimés de prendre connaissance de celles-ci et d'en tirer des conclusions différentes ou de les critiquer utilement.
Il en résulte que le caractère probant des déclarations de Monsieur [I] figurant dans le rapport interne est à relativiser. Lesdites déclarations peuvent se comprendre comme le fait que la signature des contrats d'agent commerciaux validait une décision prise en 2022 s'agissant du taux de commission mais non transcrite dans les dernières fiches budget mais elles peuvent également se comprendre comme la volonté de Monsieur [V] informée du changement d'actionnaire de négocier un taux de commission plus important que celui consenti par la société [Y] sous son ancien actionnaire au moment de la cession compte tenu de l'incertitude existant sur la poursuite des relations commerciales.
Enfin, alors qu'il est mentionné dans le rapport d'audit une baisse des commissions du fait d'une renégociation avec les agents commerciaux, le taux de celles-ci avant négociation et après négociation n'est jamais indiqué dans le rapport d'audit.
Il n'est pas non plus rapporté la preuve que des questions spécifiques aient été posées par la société Christo Holding à la société MMI sur ce sujet (aucune des questions posées par Grand Thornton à la société MMI au terme de la revue financière ne portant sur le taux des commissions) alors que si le taux de commission versé aux agents commerciaux présentait l'importance que la société Christo Holding soutient, cette dernière n'aurait pas manqué de demander des précisions.
Mais surtout il ressort de ce récapitulatif établi par la comptable au 30.09.2023 (email du 10.12.2023 envoyé par Mme [A] à Monsieur [Y]) et des factures produites aux débats que:
- sur le contrat [Localité 5] 1 22021L d'un montant de 16.900.000 euros et sur le contrat [Localité 5] 2 22022L du même montant a été calculé une commission de 4% pour l'agent commercial soit un montant de commission de 676.000 euros pour chaque contrat,
- sur le contrat [Localité 5] n° L22021 trois factures ont été établies et payées: facture n°026 de 84.500 euros du 6.09.2022 (communiqué) payé le 9.09.2022, facture n°028 de 202.800 euros (non communiqué) payé le 7.03.2023 et facture n°034 de 169.000 euros (communiquée) payé le 19.07.2023; et que reste à payer la somme de 219.700 euros.
- sur le contrat [Localité 5] N°L22022 deux factures ont été établies et payées: facture n°027 de 84.500 euros (communiquée) payée le 9.09.2022, et facture n°029 de 202800 euros (on communiquée) payé le 7.03.2023 et que reste à payer la somme de 388.700 euros.
Il n'est pas rapporté la preuve d'autres payements postérieurement au 30.09.2023 et en particulier postérieurement au 15.11.2023, alors qu'il ressort du rapport de due diligences de Grand Thornton que le pourcentage d'avancement des projets [Localité 5] 1 et 2 était prévu au 31.12.2023 à 43,8% et 41,3% ce qui aurait du générer des commissions de 16.900.000 x 9% x 43,8% pour [Localité 5] 1 et de 16.900.000 x 9% x 41,3% pour [Localité 5] 2, soit 1.294.371 euros.
Il n'est pas non plus rapporté la preuve que la société Silk Road a adressé des factures de commission postérieurement à l'état de paiement des commissions du 30.09.2023 et a mis en demeure la société [Y] de régler lesdites commissions.(la facture 34 D d'un montant de 169.000 euros n'étant pas produite aux débats et aucune autre après le 30.09.2023). Or dans la mesure où la fabrication des lignes de production était en cours des acomptes ont été versés postérieurement au 30.09.2023 générant des calculs de commission en application des contrats signés.
Il n'est pas plus rapporté la preuve que le montant des contrats s'est vu amputer des commissions indiquées dans le mail du fait d'un versement direct des commissions par le client à l'agent commercial.
Il n'est pas non plus établi que la société Christo Holding se soit opposée à des versements qui étaient prévus au titre des commissions en s'opposant au règlement hors facturation de commissions dues sur les acomptes versés.
Il n'est ainsi rapporté la preuve que de versements inférieurs à un taux de commission de 5% à la société Silk Road au cours de l'exécution des contrats [Localité 5] 1 et 2.
S'agissant du rapport d'enquête interne sur lequel la société Christo Holding se fonde pour soutenir l'existence d'un taux de commissions plus important que 5% et qui lui aurait été dissimulé, ce rapport établi à la demande la société [Y] n'a pas été établi contradictoirement avec les personnes mises en cause.
Les documents qui sont visés dans ce rapport comme établissant la preuve des faits constatés ne sont pas produits aux présents débats tel que les contrats signés avec la société Hengchuan et. Certaines factures de commission dont la facture 34 D.
Il est fait état d'un mail adressé par Mme [A] à Monsieur [I] le 11.07.2023 qui serait un état des lieux des commissions versées pour les 4 contrats et qui pointerait que pour les contrats L22021 et L22022 des surfacturations de 253.500 euros et 84.500 euros auraient été constatés. Non seulement ce mail n'est pas produit aux débats mais plus encore il est contradictoire avec les éléments produits qui établissent au contraire une sous facturation des commissions au 30.09.2023, soit deux mois et demi après ce supposé mail du 11.07.2023.
Il est conclu au paiement en mai 2024 de 6 factures d'un montant total de 912.600 euros alors que la preuve est rapportée uniquement de payement à hauteur de 743.600 euros pour les deux contrats. Les deux nouvelles factures de Silk Road du 5.06.2024 ne sont pas plus produites aux débats. En tout état de cause au regard des montants des deux contrats (16.900.000 euros chacun) le versement de la somme de 912.600 euros correspond à un taux de commission de 2,7% du total des deux contrats litigieux.
Enfin la société Christo Holding fait valoir que la société Silk Road s'est montrée menaçante du fait qu'elle n'avait pas perçu ses commissions, ce qui démontre la réalité d'un taux des commissions supérieur à 5%.
Par email du 5.04.2025 Monsieur [V] écrit à Madame [Z] de la société [Y] pour avoir paiement de la somme de 1.175.000 euros.
Cependant aucun élément ne rapporte la preuve que cette somme correspond aux commissions des contrats [Localité 5] 1 et 2. Le fait que ce mail fasse suite à un mail dont la date n'est pas indiquée demandant des éléments pour pouvoir facturer le montant restant due pour Hengchuan ne signifie aucunement que cette somme réclamée est en relation avec les contrats litigieux. En effet comme indiqué en page 39 du rapport établi par Grand Thornton un contrat cadre avait été signé entre la société [Y] et la société Hengchuan sans engagement ferme en volume et prix mais visant 14 lignes de production dont deux lignes livrées en 2024 et les suivantes sous les trois mois. Aucun élément n'étant communiqué sur l'activité de la société [Y] et la signature d'autres contrats fermes en plus des contrats [Localité 5] 1, 2, 3 et 4, il ne peut être tiré aucune conclusion du montant réclamé par Monsieur [V] sur le taux de commission des contrats [Localité 5] 1 et 2.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'il n'est pas établi que les contrats d'agent commercial aient connu un commencement d'exécution.
En conséquence l'élément matériel du dol, qui est constitué non par la signature des contrats d'agent commercial mais par le versement de commissions plus importantes que celles indiquées dans les fiches budgétaires pour chaque projet mis en data room n'est pas établi en l'état de versements de commissions qui ne sont pas supérieures à 2,7% pour le contrat 22021L et à 1,7% pour le contrat 22022L.
L'élément matériel du dol s'agissant du versement de sommes plus importantes que des commissions s'établissant à 5% n'est donc pas caractérisé.
Au surplus il n'est pas prouvé que les contrats commerciaux signés le 15.11.2023 par Silk Road et le 23.11.2023 par la société [Y], c'est à dire concomitamment avec la signature de la cession le 16.11.2023 en exécution de la convention d'acquisition signé le 3.10.2023, prévoyant un taux de commission de 12%, ont été sciemment dissimulés à la société Christo Holding pour faire croire à cette dernière que le taux de commission ne dépassait pas 5%. Les évolutions qu'a connu le taux de commission de la société Silk Road, (10%, puis 5%, puis 12% puis versements réels de 2,7% et 1,7%) ne sont pas de nature à démontrer une quelconque dissimulation.
Enfin la société Christo Holding ne rapporte pas la preuve que le montant des taux de commission était un élément essentiel de sa décision d'acquisition puisqu'il ne ressort d'aucun document produit aux débats qu'elle s'est interrogée spécifiquement sur ce taux alors que celui ci pour des contrats antérieurs a varié de 5 à 10%, et qu'il était indiqué que pour les contrats en cours les montants de commission avaient été négociés à la baisse dans le rapport Grand Thornton.
Le dol constitué par un taux de commission plus important que 5% n'est donc pas prouvé.
Par ailleurs il n'est pas plus établi que certaines de ces commissions ont en réalité consisté en des rétrocommissions au dirigeant de la société Hengchuan.
Si certains messages électroniques se réfèrent à un tiers nommé '[R]' comme devant percevoir des commissions, si le tableau établi par Monsieur [V] [U] et joint à son email du 24.11.2023 répartit les commissions entre Silk Road et '[R]' et si par ailleurs le dirigeant de la société Huangchen se nomme [S] [R], ces seuls éléments ne permettent pas de rapporter la preuve que le tiers percevant des commissions dont le nom de famille est [R] est en réalité le dirigeant de la société Huangshen portant également le nom de famille de [R], l'homonymie de nom de famille n'étant pas une preuve dans un pays où 84% des habitants portent 50 noms de famille et où le nom de [R] est à la 31ème place des noms de famille les plus portés.
Par ailleurs le rapport d'enquête interne fait état de diverses pièces qui rapporteraient la preuve que Monsieur [R] serait le dirigeant de la société Hengchuan et aurait perçu des rétrocommissions dont l'audition de Monsieur [T] [I], et l'offre commerciale du 6.04.2023 qui mentionnerait une somme susceptible de bénéficier au client. Cependant ni l'une, ni l'autre de ces pièces ne sont produites aux débats et les conclusions du rapport d'enquête interne ne sont donc pas probants.
Il en résulte que l'élément matériel du dol à savoir le versement de commission au dirigeant de l'entreprise cliente n'est pas établi. Le dol n'est donc pas caractérisé.
Sur les commissions versées au titre du contrat Oben
La société Christo Holding fait valoir l'existence de rétrocommissions dans le cadre du projet avec le client péruvien Oben, que l'élément matériel du dol est caractérisé par le fait que Monsieur [K] directeur technique de la société Oben Group a alimenté la société [Y] d'informations privilégiées sur les offres de ses concurrents et que la transmission de ces informations a été rémunérée dans le cadre de deux contrats conclus en 2021 pour lesquels normalement aucune commission ne devait être envisagé en l'absence d'agent commercial, qu'une protection letter relative à une rétrocommission de 50.000 euros a été préparée au profit de Monsieur [K], que cette protection letter préparée en réalité quelques jours après la signature de la convention d'acquisition est antidatée au 12.10.2021 mais figure en pièce jointe d'un email du 22.11.2023, que cet engagement a été dissimulé à l'acquéreur dans le cadre de l'audit dès lors que la protection letters ne figurait pas en data room alors même que la commission avait été agrée avant et que l'erreur provoqué par le vendeur est déterminante du consentement de l'acquéreur à l'opération, en faisant valoir la pratique illégale conduisant à une majoration du chiffre d'affaires.
Les sociétés MMI et Belair demandent la confirmation du jugement en ce qu'il a analysé ce grief en retenant que les échanges de 2021 prétendument relatifs au projet Oben ne prévoient aucune
commission et concernent un autre projet, le « projet OPP Peru BOPA » ; qu'une commission était expressément prévue pour le projet Oben (pièce CHRISTO n° 26-1 page 12), ce qui n'empêche pas Christo d'en poursuivre l'exécution (...) Attendu que Christo échoue ainsi à apporter la preuve lui incombant de la dissimulation par MMI du versement de commissions illicites, élément matériel du dol.
Elles exposent à titre liminaire que le rapport d'enquête versé aux débats par Christo Holding et qui sera écarté des débats, ne peut servir d'élément d'appréciation, celui-ci ayant été « construit » sur la base de pièces illicitement obtenues et qui n'ont pas été soumise au principe du contradictoire, et que si il n'était pas écarté des débats les extraits ne sont pas probants.
Elles font valoir que l'allégation selon laquelle la société [Y] aurait du des informations privilégiés relatives à la société Brukner en 2018 est fausse et relève d'une interprétation d'échanges qu'il convient de replacer dans leur contexte, que la société Oben ayant pris contact avec la société [Y] pour savoir si elle pouvait modifier une ligne il était légitime que la société [Y] sollicite des détails sur la machine pour savoir si elle était en capacité de faire ces modifications et formuler une offre adaptée, que les échanges intervenus sont tronqués et décontextualisés et relèvent en réalité de la négociation commerciale et non d'informations privilégiés pour obtenir un marché.
Elles ajoutent que cette machine n'a rien à voir avec les deux lignes de 2021 commandées par la société Oben, que pour celles-ci une commission était prévue et qu'aucun élément n'établit que cette commission devait être versée à monsieur [K], les échanges produits étant postérieurs à la cession, sont intervenus en interne et ne permettent pas de démontrer l'existence d'un engagement vis-à-vis de Monsieur [K] étant précisé que la protection letter ne mentionne aucun nom d'agent, n'est signée par personne et ne porte même pas sur le prix correspondant aux commissions prévues dans le tableau annexé au mail de la responsable comptable.
Elles indiquent qu'aucune facture correspondant à la prétendue commission n'a été établie ou payée à ce jour et ajoutent que le mail de Monsieur [D] dont il est fait état aux termes duquel il indiquait pouvoir trouver un prête nom est du 19.04.2024 soit après la mise à l'écart de MMI.
Elles précisent que leprojet Oben continue à avancer et qu'un projet Oben 2 est à l'étude, que par ailleurs Christo Holding ne justifie d'aucun élément intentionnel et l'absence de caractère déterminant du prétendu dol puisque les contrats conclus avecOben se poursuivent.
Sur ce
En premier lieu il n'est pas rapporté la preuve du versement d'une quelconque commission au titre des contrats Oben.
Il ressort effectivement de plusieurs pièces que le versement d'une telle commission a été envisagée en 2023.
Le tableau concernant les commissions des agents commerciaux, établi par la responsable comptable, indique ainsi que des commissions sont prévues pour les contrats intitulés Oben line 1 PT2021088 d'un montant de 11.000.000 euros et Oben line 2 PT2021089 d'un montant de 12.000.000 euros pour un taux de 0,50% pour chacun des contrats soit 55.000 euros de commissions pour Oben Lie 1 et 60.000 euros de commission pour Oben Line 2.
Cependant à la date du 30.09.2023 aucune commission n'avait été versée et la preuve n'est pas rapportée de versements postérieurement à cette date. La preuve n'est pas non plus rapportée que des commissions ont été facturées par l'agent commercial mais n'ont pas été réglées sur décision de la société [Y].
Par ailleurs aucun contrat d'agent commercial n'a été signé par la société [Y] concernant les contrats Oben.
S'il a été envisagé d'en établir un puisque le projet d'un tel contrat est produit en pièce 46-2, le nom de l'agent commercial n'est pas indiqué sur ce qui n'est qu'un projet non daté et non signé.
La société Christo Holding fait valoir qu'il ressort des emails produits qu'un tel versement à Monsieur [K] était envisagé par le biais d'un tiers.
Le mail du 19.04.2024, signé ES et attribué à Monsieur [H] [K], ne permet pas d'établir que Monsieur [K] est le rédacteur du mail et qu'il sera le bénéficiaire ultime de la commission dont le versement était envisagé.
Il y a lieu en outre de souligner que ce mail est postérieur de plus de 6 mois à la convention de cession.
Ainsi si la solution d'un versement par l'intermédiaire a été envisagée, cette solution n'a reçu aucun commencement d'exécution effectif puisqu'aucun contrat n'a été signé et aucune somme n'a été versée.
Enfin la société Christo Holding soutient que les commissions prévues étaient en réalité des rétrocommissions versées puisque cette commission devait être versée à une personne travaillant toujours dans l'entreprise cliente.
Cependant elle ne produit aucune pièce aux débats établissant que Monsieur [H] [K] était toujours salarié de la société Oben Group au jour de la signature des contrats avec celle-ci, étant précisé que les contrats n'ont pas été communiqués. Les mails produits qui attestent que Monsieur [K] était directeur technique d'Oben Group datent de 2018 et ne permettent pas de rapporter la preuve qu'il a conservé cet emploi ensuite.
L'élément matériel du dol constitué par le versement de rétrocommissions dans le cadre des contrats Oben au directeur technique de la société cliente n'est donc pas établi de telle sorte que le dol n'est pas caractérisé.
Le jugement en ce qu'il a débouté la société Christo Holding au titre du dol constitué par le versement de rétrocommissions à un salarié du client Oben est donc confirmé.
Sur la vente de matériel à une société iranienne
La société Christo Holding expose qu'après avoir interrogé la banque de la société [Y] sur des liens commerciaux avec l'Iran du fait que le site internet de la société indiquait l'existence d'un responsable du 'representative office en Iran' et avoir obtenu l'assurance qu'il n'existait aucun agent, ni aucun projet avec l'Iran, elle a découvert qu'un contrat avait été conclu avec la société iranienne [L] le 27.09.2022 et que ce contrat était identique à un contrat conclu avec la société allemande Imex le 27.10.2022 figurant en data room: proximité des dates de conclusion, similarité des codes projets et des clauses ; identité du matériel livré (identifiant du « Technical Appendix » strictement identique) et du prix prévu.
Elle expose qu'à compter de février 2019 la société a échangé avec la société [L] pour la mise en place de différents projets mais que pour dissimuler de telles opérations l'entité allemande Imex a pris le relais en 2022 ainsi qu'en rapportent la preuve les emails produits aux débats, les factures, et un bordereau de livraison en date du 28.03.2024 portant le même numéro de contrat que celui figurant sur le contrat conclu entre la société [Y] et Imex, qu'il a été ainsi été mis en place un 'contrat couvrant'.
Elle conclut ainsi que contrairement à ce qui a été indiqué à l'acquéreur au mois de juillet 2023, [Y] a bien une activité en Iran, que cette activité lui a été dissimulée dès lors que l'acquéreur n'a eu accès en data room qu'à la contre-lettre du contrat conclu avec [L] qui affiche mensongèrement une contrepartie allemande en la personne d'Imex, que la société MMI a donc signé des déclarations inexactes auprès du pool bancaire pour permettre la réalisation d'une condition suspensive de la convention d'acquisition, qu'en effet dès lors que le contrat Imex/[L] implique une livraison en Iran, « Territoire sous Sanction », il en résulte que [Y] est engagée avec une « Personne Sanctionnée », en violation du contrat de prêt, que l'argumentation de MMI sur les biens à double usage, les listes des personnes concernées par des mesures restrictives de gel des avoirs et l'absence d' « embargo économique généralisé imposé par l'Union Européenne ou la France à l'encontre de l'Iran » est donc indifférente, que l'erreur provoquée par le vendeur a eu un effet déterminant du consentement de l'acquéreur puisque l'absence d'activité de la société en Iran était un élément nécessaire à l'obtention du financement de l'opération et que ce financement était indispensable pour l'acquéreur, ce qu'il a fait savoir dès l'origine.
Elle ajoute que contrairement à ce qu'a jugé le tribunal le contrat de prêt n'est pas juridiquement autonome de la Convention d'Acquisition puisqu'il en était une condition suspensive.
Les sociétés MMI et Belair répliquent que la société Imex est une société de droit allemand et que la livraison d'une ligne de production était prévue pour la Turquie.
Elles exposent que Christo Holding se fonde exclusivement sur des supports (offres préalables à l'Opération de cession et la Convention de prêt) qui n'émanent soit pas de MMI, soit qui ont été conclus avec la Convention d'Acquisition et de Garantie et pour lesquels MMI n'était en tout état de cause absolument pas à l'origine, qu'en particulier les déclarations attribuées à MMI (et à Monsieur [Y] à titre personnel), figurant dans la Convention de prêt ont été uniquement négociées par Hivest Capital Partners et sont en tout état de cause postérieures et totalement indépendantes de la Convention d'Acquisition et de Garantie.
Elles indiquent que la société Christo Holding ne rapporte pas la preuve d'une quelconque activité en Iran, l'appelante procédant à des amalgames à partir d'une fiche contact d'un agent commercial, Monsieur [B], présente sur le site internet de la société [Y] en 2018, et qui est restée sur la version espagnole et qui y figure toujours, et de la participation de la société [Y] au salon IranPlast sur le pavillon France mis en place par Business France en 2017, qu'il n'en est résulté cependant aucune affaire, que la société Christo Holding a eu connaissance de ces informations avant l'opération de cession, qu'en tout état de cause les échanges intervenus en 2017 n'ont aucun lien avec le projet Imex.
Elles exposent que l'argumentation de l'appelante repose sur un mail interne de Monsieur [I] à Monsieur [Y] de 2017 suite à une discussion avec le représentant de Business France, et que la pièce 65 correspond à des échanges avec Monsieur [B], qui sont présentés d'une manière parfaitement trompeuse et déloyale comme s'il s'agissait d'une continuité de discussions alors qu'aucun lien ne peut être fait entre les échanges (concernant différents contrats, différents interlocuteurs, différents projets, etc..), que ces échanges n'ont d'ailleurs absolument pas fait l'objet d'un constat d'un commissaire de justice, confirmant leur caractère non-probant, qu'il n'est surtout aucunement démontré que la société [Y] aurait suivi les conseils donnés par l'agent de Business France, ni la proposition formulée par Monsieur [B], encore moins pour le projet Imex.
Elles font valoir que les mails datés des mois de février et mars 2019 pièces 55,56,57 et 58, correspondent à des échanges relatifs à un projet Masoom, que ces échanges sont présentés de façon trompeuse et déloyale comme s'il s'agissait d'une continuité de discussions alors qu'aucun lien n'existe entre les échanges qui n'ont pas l'objet d'un constat de commissaire de justice, que le contrat a été conclu avec la société Imex pour la livraison d'une ligne de production en Turquie en 2022. Elles soulignent que ce contrat a été résilié par courrier du 4.07.2024.
Elles indiquent qu'il n'existe pas de contre-lettre, que les deux contrats le premier avec [L] résilié et le contrat Imex ne concernent pas les mêmes produits et pas la même technologie.
S'agissant du bon de livraison produit par l'appelante elles exposent qu'elles ignorent la provenance de celui-ci, que celui-ci a été établi entre la société Kuhne et la société [E] [W] [L] et que le lien avec la société [Y] n'est pas établi.
Enfin elles exposent que l'Iran ne fait absolument pas l'objet d'un « embargo généralisé » de la
part de l'Union Européenne ou de la France.
Elles concluent que si par extraordinaire la Cour de céans venait à considérer que MMI n'aurait pas transmis certaines informations à Christo Holding (ce qui est vivement contesté), il n'est pas démontré que cette absence de transmission aurait été faite intentionnellement et si par extraordinaire la Cour de céans venait à considérer que MMI n'aurait pas transmis intentionnellement certaines informations à Christo Holding, il n'est pas démontré que ces informations auraient été déterminantes de son consentement.
Sur ce
Il est soutenu que la société [Y] aurait conclu avec la société Imex un contrat pour couvrir la vente de machines à une société iranienne de façon à contourner les règles régissant les relations commerciales avec l'Iran et interdisant l'envoi de certains matériels et il est reproché à la société MMI, actionnaire unique de la société [Y] lors de la cession, d'avoir dissimulé
cette information à l'acquéreur.
Il a été jugé ci-dessus que la consultation de la boîte mail de Monsieur [X] [Y] et de la boîte mail de Mme [J] [Y] était une preuve illégale dans la mesure où Christo Holding n'est pas l'employeur de Monsieur [Y] ou la société dont il était le dirigeant.
Il convient donc d'écarter des débats les pièces 55-1 et 55-2 qui constituent des messages échangés entre Monsieur [Y] et Madame [Y] le 21.02.2019.
Le contrat signé entre Imex et [Y] le 27.10.2022 pour un montant de 14.058.000 euros y compris les pièces de rechange d'une valeur de 150.000 euros, porte le numéro L.22061a.
Il stipule que les équipements seront livrés à Imex Turquie, dans les 18 mois du contrat.
Il indique que la machine devra être capable de produire des films BOPE/BOPP.
Un avenant a été signé le 23.06.2023 les parties convenant que la nouvelle annexe technique du contrat est le 2022.013.3. Cette annexe précise que la ligne de production vendue est une ligne de production de BOPE et séquentiel et décrit les spécificités techniques de celle-ci
Le contrat signé entre la société [L] et la société [Y] porte le numéro L22061.
Il indique que la machine devra produire des films BOPE/BOPP.
Le montant du contrat est de 14.200.000 euros y compris les pièces de rechange d'une valeur de 150.000 euros.
Il est indiqué que les équipements seront livrés dans les 18 mois du contrat.
Il est indiqué que le lieu de livraison est l'usine de l'acheteur.
Il est indiqué que si le contrat ne prend pas effet dans le délai d'un an à compter de sa signature et si les parties ne parviennent pas à un autre accord, le contrat pourra être résilié par le vendeur et/ou l'acheteur.
Le contrat est en date du 27.09.2022 et signé par les deux sociétés.
La notice technique n'est pas produite par la société Christo Holding.
Il est constant que le contrat signé avec la société [L] n'a pas pris effet au 27.09.2023.
Par courrier du 4.07.2024 la société [Y] en a pris acte en concluant que le contrat était donc nul et non avenu à compter du 27.09.2023.
Par mail en date du 28.09.2022, Monsieur [I] écrit à Monsieur [Y]:
Objet: contrat et TA L22061
Bonjour, ci-joint contrat et TA signés ce jour. Le contrat couvrant sera fait dès réception des informations de l'entreprise qui paie. La facture sera émise dès la signature du contrat couvrant.
Par mail en date du 28.10.2022 la société Imex écrit à Monsieur [I]:
Cher [T],
Je fais suite à nos fructueuses discussions lors du salon et vous confirme que nous souhaiterions de votre part une première offre selon les spécifications envisagées. Par ailleurs, je vérifierai auprès de ma banque et de mon avocat comment procéder à l'étape suivante, principalement parce que M. [L] continue à assurer le suivi.
Par mail du 4.11.2022 la société Imex écrit à Monsieur [I]:
Cher [T],
Merci pour le contrat et les infos techniques qui ont bien été reçues. Je les ai déjà partagés avec M. [L] et son équipe et attends leurs commentaires.
D'ailleurs, conformément à ma discussion d'aujourd'hui avec M. [Y], merci de m'envoyer la liste et les spécifications de tous les autres équipements nécessaires à cette ligne afin que nous
puissions également travailler sur d'autres étapes. Par exemple, les équipements de découpage ou de services énergétiques tels que le refroidisseur ou le compresseur.
Par mail du 8.11.2022 la société Imex écrit à Monsieur [I] avec en copie [X] [Y] et la société [L]:
Cher [T],
Je fais suite à ma récente discussion avec notre client et souhaiterais vous informer que nous devrions recevoir le premier acompte avant le jeudi 10 novembre et, dès que celui-ci sera crédité sur notre compte Imex, nous le transférerons immédiatement sur le compte de votre société.
Afin d'accélérer ces démarches, veuillez m'envoyer la facture proforma avec le montant du premier service comme convenu, ainsi que vos coordonnées bancaires et vos instructions, afin que je puisse demander à mes comptables de procéder l'étape suivante.
Par mail du 16.11.2022 Monsieur [I] envoie la facture pro-forma qui dans un premier temps est établi au nom de la société [L] puis corrigée pour être établie au nom de la société Imex.
Il ressort de l'ensemble de ces éléments que la société [Y] a conclu un contrat avec la société [L] de droit iranien, puis qu'elle est passée par un intermédiaire entre elle et la société [L] et que cette intermédiaire est la société Imex. Le matériel a donc été vendu à la société Imex qui l'a elle même vendu à la société [L].
Il n'est pas rapporté la preuve par la société MMI qu'elle a informé la société Christo Holding de l'existence de ce montage commercial.
L'élément matériel du dol constitué par l'absence d'information du montage commercial mis en place lors de la vente d'une ligne de production à la société de droit iranien [L] est donc établi.
S'agissant de l'élément intentionnel les parties étaient parfaitement informées de l'existence d'un régime d'exportation spécifique avec l'Iran.
Ainsi dans un mai de Monsieur [I] en date du 23.10.2017 envoyé à [X] [Y] et [J] [Y] et qui fait suite à une discussion téléphonique avec une personne de Business France, celui-ci fait un résumé de ladite discussion qui est le suivant:
Récap de la discussion de ce matin :
- Il conseille de ne pas s'implanter seul en direct, mais de s'associer à un partenaire local. Il
faut s'assurer que le partenaire local soit « clean » (pas mis sur les listes de boycott, ni ses proches, ni ses entreprises')
- Pour la partie légale, il faut se rapprocher de cabinets d'avocats franco-iraniens à Téhéran (il nous envoie des contacts)
- Les grandes banques françaises peuvent bloquer et s'écarter de l'entreprise française (la radier de ses clients ou s'arranger pour que l'entreprise ferme ses comptes chez eux) si elles
s'aperçoivent que l'entreprise française travaille en Iran. Ce type d'action des banques françaises est illégal, mais a déjà été vu. Il conseille de passer par une filiale à l'étranger (Allemagne, Autriche'), ce qui « noie le poisson » et permet des facilités bancaires (les banques Autrichiennes travaillent moins avec le $ et travaillent donc plus facilement avec l'Iran).
- La fabrication locale demande un très fort suivi pour la technique et pour le management (expatriés très fortement souhaités)
- BPI : ça avance. Des choses devraient être mises en place dans le courant du 1er trimestre 2018.
La solution de passer par une entreprise intermédiaire a donc été mise en place comme il avait été, semble-t-il, conseillé par l'entreprise publique de conseil Business France.
La société MMI actionnaire unique de la société [Y] était donc parfaitement informée des contraintes liées à la vente de matériels à une société iranienne.
Le régime de sanctions mis en place concernant l'Iran distingue trois situations:
- les personnes avec lesquelles les relations commerciales et financières sont interdites et les biens qui sont interdits d'exportation, selon des listes annexées aux règlements européens concernant des mesures restrictives à l'encontre de l'Iran,
- les biens susceptibles d'un double usage et devant faire l'objet d'une autorisation d'exportation, biens qui figurent également sur une liste
- les biens dont le commerce est libre.
Ce régime de sanction s'applique aux acteurs économiques participant à la transaction commerciale, y compris les banques partenaires de l'entreprise qui exporte des biens.
La violation des règles de sanction mises en place donne lieu à des sanctions économiques.
Il en résulte, que même si la transaction commerciale relève de la vente de biens dont le commerce est libre, les différents partenaires économiques qui participent à la transaction commerciale doivent être informés des caractéristiques de la vente envisagée de façon d'ue part à procéder à des contrôles et à évaluer le risque encouru.
Par ailleurs dans la mesure où le commerce avec un société iranienne n'est pas interdit mais fait l'objet des restrictions rappelées ci-dessus, un fabricant peut préférer, sans que cela consiste en un détournement du régime de sanction de faire appel à une société intermédiaire. Ce recours peut avoir pour but, en particulier, de déléguer la prise en charge des formalités administratives d'exportation.
La société [Y], parfaitement informée de ce régime de restriction, a mis en place un intermédiaire dans le cadre de l'exécution de son contrat avec une société iranienne.
Pour autant son actionnaire unique, la société MMI n'a pas informé l'acquéreur de cette intermédiation. Au contraire elle a assuré dans le cadre des déclarations que la société cédée n'avait pas contracté avec une société d'un pays sous sanction, ce qui ne constitue pas la vérité puisque si le contrat avec la société [L] n'était effectivement pas direct, la relation commerciale était indirecte par l'intermédiaire de la société Imex.
Cette absence d'information est donc intentionnelle.
L'élément intentionnel du dol est donc caractérisé.
La société Christo Holding soutient que si elle avait été informée de ce montage commercial elle n'aurait pas acquis la société [Y] en particulier parce qu'elle n'aurait pas pu souscrire de prêt pour acquérir la société.
Il y a lieu de rappeler qu'il ressort de la réglementation des restrictions commerciales qu'il n'est pas interdit de commercer avec une société iranienne, directement ou indirectement.
Pour faciliter lesdits échanges les autorités françaises ont d'ailleurs développé des outils à l'usage des entreprises: guide du commerce avec l'Iran, création de la société Instex (instrument in support of Trade Exchanges).
En premier lieu, la société Christo Holding ne rapporte ni la preuve que la société [L] est inscrite sur la liste des sociétés avec lesquelles toute relation commerciale est interdite ou est dirigée par une personne physique avec laquelle toute relation commerciale est interdite.
Elle ne rapporte pas non plus la preuve que le matériel vendu par la société [Y] figure sur la liste des matériels interdits de vente.
Enfin elle ne rapporte pas plus la preuve que le matériel pouvait être considéré comme des biens à double usage.
Compte tenu de l'absence de violation établie du régime de sanction par la société [Y] il ne peut être retenu qu'informée de l'existence de ce contrat la société Christo Holding aurait mis fin à l'acquisition envisagée.
En second lieu la cour souligne que le rapport d'audit de Grand Thornton a établi en page 67 un prévisionnel de chiffre d'affaire par client dont il ressort que le contrat Imex correspond à 1,6% du chiffre d'affaires total des contrats signés et en cours d'exécution ou à exécuter.
Au regard du chiffre d'affaires attendu sur les années à venir de la société [Y] le contrat Imex n'apparaît pas essentiel à la valeur de la société.
Dans le cadre d'un scénario contrefactuel consistant à évaluer les conséquences qu'aurait eu la délivrance de l'information dissimulée à l'acquéreur, la seule conséquence que fait valoir la société Christo Holding aurait été le refus de prêt du pool bancaire.
Contrairement à ce qu'a jugé le tribunal de première instance l'octroi du prêt étant une condition incluse dans le contrat d'acquisition qui devait être réalisé pour que la cession s'effectue le prêt est entré dans le champs contractuel de l'opération de cession.
Cependant d'une part aucun élément n'est produit aux débats établissant que si le pool bancaire ayant prêté la somme de 15 millions d'euros avait été informé de l'existence d'une relation contractuelle indirecte avec une société iranienne, non inscrite sur la liste des sociétés interdites de commerce, pour des biens qui n'étaient ni inscrits sur la liste des biens interdits d'exportation, ni sur la liste des biens soumis à une autorisation d'exportation, elle aurait refusé d'accorder le prêt.
D'autre part il n'est pas établi que la société Hivest n'aurait pas trouvé un autre partenaire bancaire.
Enfin s'il était établi la difficulté de trouver un partenaire bancaire une solution aurait été la résiliation du contrat. A ce titre il n'est pas rapporté la preuve que la résiliation du contrat passé avec la société Imex était impossible. Au contraire il ressort des éléments produits que cette résiliation a eu lieu en juin 2024.
Or comme rappelé ci-dessus le poids du contrat signé avec la société Imex correspond à 1,6% du total des contrats signés au jour de la cession, et cette très faible part dans le chiffre d'affaire envisagé démontre que la résiliation du contrat au moment du processus de cession, n'était pas de nature à modifier l'économie du contrat d'acquisition s'agissant en particulier de la valeur de la société cédée.
Il en résulte que la condition tenant au caractère déterminant de l'information sur la décision d'acquisition n'est pas établie et en conséquence il n'y a pas lieu d'annuler la vente pour dol.
Aucun moyen avancé pour caractériser le dol s'agissant du litige avec la société Foshan Dafu, des commissions versées pour les contrats [Localité 5], des commissions versées pour les contrats Oben ou du contrat avec une société iranienne n'ayant été retenu comme caractérisant un dol la demande en nullité de la cession de la société [Y] en date du 16.11.2023 est rejetée.
Le jugement est confirmé.
Sur les autres demandes
Il est inéquitable de laisser les sociétés MMI et Belair supporter les frais irrépétibles engagés pour assurer leur défense et il convient de leur allouer la somme de 50.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Les dépens sont mis à la charge de la société Christo Holding.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Rejette la note en délibéré adressée après l'audience de plaidoirie sans autorisation de la cour par la société Christo Holding,
Dit irrecevable la demande de sursis à statuer présentée par les sociétés MMI et Belair
Rejette la demande des sociétés MMI et Belair de communication de la plainte pénale ou du signalement adressé au ministère public
Infirme le jugement en ce qu'il a rejeté la demande des sociétés MMI et Belair de retrait de la pièce 55-2 et statuant à nouveau ordonne le retrait de la pièce 55-2 obtenue illicitement
Confirme le jugement en ce qu'il a rejeté la demande des sociétés MMI et Belair de retrait de la pièce 25 s'agissant du rapport d'enquête interne
Rejette la demande de communication de pièces concernant les annexes du rapport d'enquête interne
Confirme le jugement en ce qu'il a rejeté la fin de non recevoir fondée sur l'absence alléguée de mise en oeuvre de la procédure de conciliation
Déclare recevable en cause d'appel l'intervention volontaire de la société Christo Topco, recevable les conclusions signifiées par la société Christo Topco et rejette l'exception d'irrecevabilité de l'action en nullité de la cession pour dol engagée par la société Christo Holding
Confirme dans toutes ses autres dispositions le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris
Condamne la société Christo Holding à payer aux sociétés MMI et Belair, ensemble, la somme de 50.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
Condamne la société Christo Holding aux dépens.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 9
ARRÊT DU 28 AOÛT 2025
(n° , 29 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/20237 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CKO4B
Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Novembre 2024 - Tribunal de Commerce de PARIS 04 - RG n° 2024040577
APPELANTE
S.A.S.U. CHRISTO HOLDING agissant par son président en exercice domicilié en cette qualité audit siège.
[Adresse 1]
[Localité 4]
Immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 978 029 759
Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
Assistée par Me Noémie DE GALEMBERT de la SELEURL GALEMBERT AVOCATS, avocate au barreau de PARIS, toque : A776
INTIMÉES
S.A.S. BELAIR prise en la personne de son président domicilié au siège
[Adresse 2]
[Localité 3]
Immatriculée au RCS de CHAMBERY sous le numéro 981 401 847
S.A.S. MMI prise en la personne de son président domicilié au siège
[Adresse 2]
[Localité 3]
Immatriculée au RCS de CHAMBERY sous le numéro 791 738 834
Représentées par Me Emmanuel JARRY, avocat au barreau de PARIS, toque : P0209
Asssistées par Me Marie BRISWALDER de la SELARL AKLEA, avocate au barreau de LYON, toque : T1050
PARTIE INTERVENANTE :
S.A.S. CHRISTO TOPCO
[Adresse 1]
[Localité 4]
Immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 978 060 283
Représentée par Me Benjamin MOISAN de la SELARL BAECHLIN MOISAN Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : L34
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 juin 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant la cour composée en double-rapporteur de Madame Sophie MOLLAT, présidente de chambre, et de Madame Caroline TABOUROT, conseillère.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Sophie MOLLAT, Présidente
Alexandra PELIER-TETREAU, Conseillère
Caroline TABOUROT, Conseillère
Greffier, lors des débats : Yvonne TRINCA
ARRÊT :
- Contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Sophie MOLLAT, présidente, et par Yvonne TRINCA, greffier présent lors de la mise à disposition.
Exposé des faits et de la procédure
Créée en 2012 par M. [X] [Y], la SAS [Y] est spécialisée dans la
conception et la fabrication de lignes de production de films plastiques biaxiaux de haute technicité utilisés notamment dans l'industrie alimentaire et la production de séparateurs de batteries Lithium-Ion nécessaires à la construction de voitures électriques.
Fondée en 2013 par M. [Y] et son épouse, la société MMI (SCI transformée en SAS le 22 janvier 2024) était l'associée unique de la société [Y] jusqu'à la cession de celle-ci.
La SAS Christo Holding est le véhicule d'acquisition de la société Hivest Capital Partners NG, société française de capital-investissement indépendante, agréée par l'AMF.
La société Christo Holding a procédé à l'acquisition le 16.11.2023 de la société [Y] auprès de la société MMI, moyennant un prix global de 30.000.002 €, aux termes d'une convention d'acquisition en date du 3.10.2023 comportant:
- l'acquisition par Christo Holding de 435 actions [Y] (82%) détenues par MMI, pour un prix de 24.762.810 € et l'apport à Christo Holding par MMI de 92 actions [Y] (soit 18% de son capital, valorisé 5.237.192 €), rémunéré en actions Christo Holding, étant précisé que les actions Christo Holding perçues par MMI ont ensuite été apportées par MMI à la société Christo Topco en contrepartie d'actions et d'obligations convertibles de celle-ci, et enfin que MMI a rétrocédé l'intégralité de ses obligations convertibles et une partie de ses actions Christo Topco à la société Belair
- deux compléments de prix potentiels,
- une garantie d'actif et de passif, plafonnée à 4 M€, en vigueur pour une durée de 18 mois (à compter du 16 novembre 2023) pour les sujets autres que fiscaux et sociaux,
- l'accompagnement par MMI, au travers d'un contrat de mandat social par lequel MMI était nommée président de Christo Topco (actionnaire indirecte de [Y]) et d'une convention de prestations de services d'accompagnement conclue également entre MMI et Christo Topco devant prendre effet au terme dudit mandat et ce jusqu'au 16 novembre 2025.
Afin de financer l'opération, Christo Holding a souscrit un prêt de 15 millions d'euros auprès d'un pool bancaire.
Aux termes des opérations capitalistiques, la société Christo Holding détient donc 100% de la société [Y].
Elle est elle-même détenue à 100% par la société Christo Topco.
L'actionnariat de la société Christo Topco est composé de la manière suivante:
- Fonds Hivest II FCPI: 69,78%
- MMI: 6%
- Belair dont les actionnaires sont la société MMI et Mesdames [J], [M] et [J] [Y]: 18,54%
- co-investisseurs: 5,68%.
Le 15 février 2024, à l'initiative du fonds Hivest, la société MMI a été révoquée de son mandat de président de la société Christo Topco et la convention de prestations de services a pris effet. La société Christo Topco y a mis fin le 8 avril 2024.
Le 8 avril 2024, la société Christo Holding a notifié à la société MMI une réclamation au titre de la garantie de passif que la société MMI a rejeté.
La société Christo Holding a été autorisée à pratiquer des saisies conservatoires à hauteur de 32.160.007,34 euros par ordonnances des 7.05 et 14.06.2024 et diverses saisies ont été pratiquées les 30 et 31.05.2024 et 18 et 19.06.2024.
Puis par acte de commissaire de justice, et après avoir été autorisée à assigner à bref délai, en date du 24.06.2024, la société Christo Holding a fait assigner devant le tribunal de commerce les sociétés MMI et Belair pour voir prononcer la nullité de la convention d'acquisition du 3.10.2023 pour dol et voir la société MMI rembourser le prix de cession et régler des dommages et intérêts.
Par jugement en date du 29.11.2024 le tribunal de commerce de Paris a
Ecarté des débats la pièce n° 10 de la SAS Christo Holding, ainsi que l'ensemble des développements y trouvant leur fondement dans son acte introductif d'instance, excluant la possibilité pour la SAS Christo Holding de s'en prévaloir ;
Rejeté la demande des défenderesses d'écarter les autres pièces non traduites visées au dispositif de leurs conclusions ;
Rejeté la demande des défenderesses visant à écarter des débats les pièces obtenues par la SAS Christo Holding de manière prétendument illégale ;
Rejeté la demande de fin de non-recevoir fondée sur l'absence alléguée de mise en 'uvre de la procédure de conciliation ;
Débouté la SAS Christo Holding de l'ensemble de ses demandes ;
Condamné la SAS Christo Holding à verser à la SAS MMI et la SAS BELAIR la somme globale de 15.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;
Rejeté les demandes des parties autres, plus amples ou contraires ;
Condamné la SAS Christo Holding aux dépens.
La SAS Christo Holding a interjeté appel le 12.12.2024 et a déposé une demande d'assignation à jour fixe.
Par ordonnance en date du 19.12.2024 elle a été autorisée à assigner à jour fixe pour l'audience du 22.05.2025.
Par ordonnance séparée une mesure de médiation a été ordonnée qui n'a pas permis cependant aux parties de parvenir à un accord.
A l'audience du 22.05.2025, l'affaire a été renvoyée à l'audience du 19.06.2025.
Aux termes de ses conclusions signifiées par voie électronique le 18.05.2025 la SAS Christo Holding demande à la cour de:
- Déclarer irrecevable à tout le moins mal fondée la demande de sursis à statuer formée par la
société MMI ;
- Rejeter les fins de non-recevoir soulevées par la société MMI ;
- Juger que la société MMI a usé de man'uvres constitutives de dol afin de l'inciter à conclure la Convention d'Acquisition du 3 octobre 2023 ;
- Juger que la société Christo Holding n'aurait pas procédé à l'acquisition de la société [Y] si elle avait eu connaissance des informations dissimulées par son vendeur la société MMI ;
En conséquence,
- Confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Paris en date du vendredi 29 novembre
2024 en ce qu'il a :
o Rejeté la demande des sociétés MMI et Belair d'écarter les pièces non traduites visées au dispositif de leurs conclusions ;
o Rejeté la demande des sociétés MMI et Belair visant à écarter des débats les pièces obtenues par la société Christo Holding de manière prétendument illégale ;
o Rejeté la demande de fin de non-recevoir fondée sur l'absence alléguée de mise en 'uvre de la procédure de conciliation ;
o Débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires au dispositif mais seulement lorsqu'il déboute les sociétés MMI et Belair de leurs demandes, fins et conclusions;
- Infirmer le jugement du Tribunal de commerce de Paris en date du vendredi 29 novembre 2024 en ce qu'il a
o Ecarté des débats la pièce n°10 (désormais pièce n°30) de la société Christo Holding, ainsi que l'ensemble des développements y trouvant leur fondement dans son acte introductif d'instance, excluant la possibilité pour la société Christo Holding de s'en prévaloir ;
o Débouté la société Christo Holding de l'ensemble de ses demandes ;
o Condamné la société Christo Holding à verser aux sociétés MMI et Belair la somme globale de 15.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
o Débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires au dispositif mais seulement lorsqu'il déboute la société Christo Holding de ses demandes, fins et conclusions ;
Et statuant à nouveau :
- Déclarer recevable et bien fondée la société Christo Holding en ses demandes fins et conclusions ;
- Prononcer la nullité de la Convention d'Acquisition du 3 octobre 2023 pour dol commis par la société MMI au préjudice de Christo Holding ;
- Ordonner les restitutions qui en résultent :
o Ordonner à la société MMI de rembourser à la société Christo Holding la somme de 24.762.810 euros assortie des intérêts au taux légal, capitalisés dès que dus pour une année entière à compter du 3 octobre 2023 ;
o Ordonner à la société Christo Holding de restituer à la société MMI 527 actions [Y] ;
o Ordonner à la société Belair de restituer à la société MMI 370.800 actions Christo Topco et 4.746.392 obligations convertibles Christo Topco ;
o Ordonner à la société MMI de restituer à la société Christo Topco 490.800 actions Christo Topco et 4.746.392 obligations convertibles Christo Topco ;
o Ordonner à la société Christo Topco de restituer à la société MMI 5.237.192 actions Christo Holding ;
o Ordonner à la société MMI de restituer à la société Christo Holding 5.237.192 actions Christo Holding ;
- Condamner en conséquence la société MMI à payer à Christo Holding la somme de
2.160.005,34 euros à titre de dommages et intérêts correspondants aux frais de transaction.
En toute hypothèse,
- Débouter la société MMI de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
- Condamner la société MMI au paiement de la somme de 120.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- Condamner la société MMI aux entiers dépens.
Aux termes de leurs conclusions signifiées par voie électronique le 19.05.2025 les société MMI et Belair demandent à la cour de:
0. Avant-dire droit : sur l'injonction de communication de pièces
- Juger que la société MMI est bien fondée à solliciter la communication de pièces de la part de la société Christo Holding pour une bonne administration de la justice, celles-ci étant de nature à influer sur la décision à intervenir ;
En conséquence :
- Ordonner à la société Christo Holding de communiquer à la société MMI, dans un délai de huit jours à compter du prononcé de la décision avant-dire droit à intervenir sur ce point, ou à défaut, à peine d'astreinte de 1.000€ par jour de retard jusqu'à remise complète des pièces suivantes : la plainte pénale et/ou tout signalement, courrier, document déposé auprès de toute instance pénale y compris le procureur de la république et/ou le Parquet National Financier à l'encontre de la société MMI et/ou de Monsieur [Y] et/ou d'un membre de la famille [Y], ainsi que ses annexes ;
- Se réserver la compétence de liquider l'astreinte ordonnée ;
I. In limine litis, un sursis à statuer sera ordonné
- Juger que la demande de suris à statuer présentée par la société MMI est recevable, celle-ci étant présentée avant toute défense « au fond »
- Juger qu'il est d'une bonne administration de la justice de surseoir à statuer la présente procédure afin d'éviter une contrariété de décisions avec la procédure pénale initiée par la société Christo Topco ;
- Juger qu'il est d'une bonne administration de la justice de surseoir à statuer la présente procédure afin que les informations et documents sollicités par la société MMI dans le cadre de l'instance initiée par ailleurs devant le Tribunal de commerce de Paris soient communiquées à la société MMI, celle-ci étant susceptibles d'avoir une incidence significative sur l'issue du présent litige;
En conséquence :
- Recevoir la demande de la société MMI ;
- Surseoir à statuer la présente instance jusqu'à qu'une décision définitive au pénal soit rendue ou qu'une confirmation de l'absence d'ouverture d'une enquête soit communiquée par l'instance pénale saisie et que la décision du Tribunal de commerce de Paris, rendue dans le cadre de l'instance enrôlée sous le numéro RG 2024052053 soit rendue et les documents et informations communiqués par la société Christo Holding ;
En tout état de cause,
Le jugement du Tribunal de commerce de Paris (désormais Tribunal des activités économiques) du 29 novembre 2024 (RG 2024040577) sera :
- Confirmé en ce qu'il a :
o Ecarté des débats la pièce n°10 de la SAS Christo Holding, ainsi que l'ensemble des développements y trouvant leur fondement dans son acte introductif d'instance, excluant la possibilité pour la SAS Christo Holding de s'en prévaloir ;
o Débouté la SAS Christo Holding de l'ensemble de ses demandes ;
o Condamné la SAS Christo Holding à verser à la SAS MMI et la SAS Belair la somme globale de 15.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;
o Rejeté les demandes des parties autres, plus amples ou contraires, mais seulement lorsqu'il
débouté la société Christo Holding de ses demandes complémentaires ;
o Condamné la SAS Christo Holding aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 86,49 € dont 14,20 € de TVA.
- Infirmé en ce qu'il a :
o Rejeté la demande des défenderesses d'écartes les autres pièces non traduites visées au dispositif de leurs conclusions ;
o Rejeté la demande des Défenderesses visant à écarter des débats les pièces obtenues par la SAS Christo Holding de manière prétendument illégale ;
o Rejeté la demande de fin de non-recevoir fondée sur l'absence alléguée de mise en 'uvre de la procédure de conciliation ;
o Rejeté les demandes des parties autres, plus amples ou contraires, mais seulement lorsqu'il a débouté les sociétés MMI et Belair de leurs demandes complémentaires.
Y confirmant, statuant à nouveau et y ajoutant
II. In limine litis, Sur le rejet des pièces adverses obtenues illicitement ou à tout le moins la transmission de pièces dans le cadre d'une décision avant-dire droit
2.1 Sur le rejet des pièces
- Juger que la production et l'exploitation des pièces adverses constituent un manquement au principe général de loyauté de la preuve, du secret des correspondances et constituent une violation des droits de la défense de la société MMI ;
En conséquence :
- Ordonner le retrait des débats des pièces adverses n°55-2 (« E-mail de Monsieur [Y] du 21 février 2019 ») et n°25 (« Rapport d'enquête interne du 17 octobre 2024 ») ;
- Ecarter tout développement ou argumentation figurant dans l'acte introduction d'instance de la société Christo Holding fondés sur les pièces qui seront écartées des débats ;
- Faire interdiction à la société Christo Holding dans faire part à l'audience de plaidoirie;
2.2 Sur la communication forcée de pièces
Si par extraordinaire, la Pièce adverse n°25 (« Rapport d'enquête interne du 17 octobre 2024 ») n'était pas écartée des débats
- Juger que la société MMI est bien fondée à solliciter la communication des annexes du rapport d'enquête interne versé aux débats par la société Christo Holding pour une bonne administration de la justice, la production n'étant pas complète ;
En conséquence :
- Ordonner à la société Christo Holding de communiquer à la société MMI, dans un délai de huit jours à compter du prononcé de la décision avant-dire droit à intervenir sur ce point, ou à défaut, à peine d'astreinte de 1.000€ par jour de retard jusqu'à remise complète des éléments utilisé par l'Avocat enquêteur pour établir le rapport d'enquête (Pièce adverse n°25) ;
- Se réserver la compétence de liquider l'astreinte ordonnée ;
III. A titre liminaire : Sur l'irrecevabilité de l'action de la société Christo Holding
- Juger que la société Christo Holding n'a pas respecté l'obligation contractuelle de tentative de règlement amiable ;
- Ecarter des débats les conclusions « d'intervention volontaire » notifiées par la société Christo Topco le 30 avril 2025 du fait de leur tardiveté ;
- Juger que la société Christo Holding vise des demandes concernant une société non-partie à la présente instance et que cette irrecevabilité n'a pas été régularisée ;
- Juger que l'ensemble des parties à l'acte dont la nullité est sollicitée ne sont pas parties à la présente instance ;
En conséquence :
- Déclarer irrecevables l'ensemble des demandes formulées par la société Christo Holding;
IV. A titre principal, sur le rejet de la demande en nullité pour dol
- Juger que la société Christo Holding ne rapporte pas la preuve de man'uvres dolosives ou de mensonges intentionnels de la part de la société MMI qui aurait été déterminante du consentement de la société Christo Holding dans le cadre de l'opération de cession ;
En conséquence :
- Rejeter la demande de la société Christo Holding visant à voir prononcer la nullité de la Convention d'Acquisition et de Garantie du 3 octobre 2023 pour dol ;
V. A titre subsidiaire et reconventionnel et avant-dire droit : sur les conséquences de l'annulation de la Convention d'Acquisition et de Garantie
Si par extraordinaire, la nullité de la Convention d'Acquisition et de Garantie du 3 octobre 2023 était annulée pour dol, il sera à tout le moins juger que :
1. Sur les restitutions réciproques
- Juger que la société MMI est à tout le moins bien fondée à solliciter la restitution des actions de la société [Y] ;
En conséquence :
- Prendre acte du fait que la société MMI restituera à la société Christo Holding 120.000 actions de la société Christo Topco ;
- Prendre acte du fait que la société Belair restituera à la société Christo Holding 370.800 actions de la société Christo Topco et 4.746.392 obligations convertibles de la société Christo Topco ;
- Ordonner à la société Christo Holding de restituer à la société MMI les 527 actions de la société [Y] ;
- Prendre acte du fait que la société MMI remboursera à Christo Holding la somme de 24.762.810 euros, sans capitalisation et rejeter toute demande contraire de la société Christo Holding ;
- Ordonner à la société Christo Holding remboursera la somme de 5.237.192 euros correspondant à la valeur des actions qui avaient été apportées par la société MMI ;
- Ordonner à la société Christo Holding de restituer tous les fruits et la valeur de la jouissance que l'Opération de cession lui a procurée, notamment la somme de 400.000 euros reçue en exécution d'un virement intragroupe effectué en juin 2024 ;
- Ordonner à la société Christo Topco de restituer tous les fruits et la valeur de la jouissance que l'Opération de cession lui a procurée, notamment la somme de 250.000 euros reçue en exécution d'un virement intragroupe effectué en juin 2024 ;
- Ordonner la compensation judiciaire des différentes restitutions ;
2. Sur la réparation du fait de la dévalorisation des titres de la société [Y]
- Juger que la société MMI est bien fondée à solliciter une réparation compte-tenu de la dépréciation des actions de la société [Y] imputable à la société Christo Holding ;
- Juger que le montant des dommages et intérêts sera acté par la Cour d'appel de céans sur la base de la valeur actuelle de la société [Y] déterminée à dire d'expert par rapport à sa valeur au jour de l'Opération de cession ;
En conséquence :
o Ordonner le sursis à statuer de la demande en paiement de la société Christo Holding dans l'attente du dépôt du rapport de l'expert et ordonner que l'instance soit reprise sur simple courrier adressé au Greffe de la présente judiciaire par la partie la plus diligente afin de faire valider la valeur actée par l'expert, les réparations en découlant pour la société MMI et faire le compte entre les parties ;
o Avant-dire droit :
Ordonner une mesure d'expertise et la confier à tel expert spécialisé en comptabilité (expert-comptable et/ou commissaire-aux-comptes) qu'il lui plaira qui aura pour mission de déterminer la valeur des titres de la société [Y] dans sa globalité au jour du dépôt de son rapport. L'expert désigné devra au titre de la mission décrite ci-avant :
- Se faire remettre tout document utile ;
- Entendre les explications des parties et de tout sachant et recueillir leurs observations ;
- Evaluer la valeur des titres de la société [Y] à la date de son expertise ;
- Evaluer la gestion de la société [Y] par la société Christo Holding et fournir à la Cour tous éléments techniques, factuels ou comptables de nature à lui permettre de déterminer la responsabilité encourue par la société Christo Holding ;
- Etablir un pré-rapport à soumettre aux parties ;
- Répondre aux dires des parties après le dépôt de son pré-rapport ;
- Accomplira sa mission conformément aux dispositions des articles 273 et suivants du Code de procédure civile et déposera son rapport dans les 6 mois de sa saisine ;
- En cas de difficultés, l'expert et/ou les parties pourront saisir la Cour d'appel de Paris ;
o Ordonner la prise en charge des frais d'expertise de manière égalitaire entre la
société Christo Holding et la société MMI ;
o Ordonner que le rapport d'expertise soit transmis aux parties et déposé auprès du greffe de la Cour d'appel de Paris ;
o Condamner la société Christo Holding à indemniser la société MMI au titre de la dépréciation de la valeur de la société [Y] ;
o Ordonner qu'une compensation soit opérée entre le montant perçu par la société MMI au titre de l'opération de cession et les dommages et intérêts à percevoir par cette dernière au titre de la perte de la valeur des titres de la société [Y], à déterminer à dire d'expert ;
o Condamner la société Christo Holding à prendre en charge toutes les conséquences liées à sa gestion et aux contrats mis en place par elle depuis l'Opération de cession ;
3. Sur la demande en paiement de dommages et intérêts complémentaires sollicité par la société Christo Holding
- Juger que la demande de dommages et intérêts complémentaires n'est pas justifiée;
En conséquence ;
- Rejeter toute demande de dommages et intérêts complémentaires de la société Christo Holding;
VI. En tout état de cause
- Rejeter les demandes, fins et conclusions formulées par la société Christo Holding et de la société Christo Topco ;
- Condamner la société Christo Holding au paiement de la somme de 100.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- Condamner la société Christo Holding aux entiers dépens.
Aux termes de ses conclusions signifiées par voie électronique le 15.04.2025 la société Christo Topco demande à la cour de:
- Constater que la société Christo Topco a un intérêt à intervenir à l'instance pendante devant
la Cour d'appel de Paris entre la société Christo Holding et les sociétés MMI et Belair ;
En conséquence,
- Déclarer la société Christo Topco recevable en son intervention volontaire ;
- Donner acte à la société Christo Topco qu'elle s'en rapporte à justice sur la décision qui sera
rendue par la Cour d'appel de Paris quant à la confirmation ou l'infirmation du jugement du 29 novembre 2024 du Tribunal de commerce de Paris ;
- Dans l'hypothèse où la Cour d'appel prononcerait la nullité de la Convention d'Acquisition du 3 octobre 2023, ordonner les restitutions qui en résultent :
o Ordonner à la société MMI de rembourser à la société Christo Holding la somme de 24.762.810 euros assortie des intérêts au taux légal, capitalisés dès que dus pour une année entière à compter du 3 octobre 2023 ;
o Ordonner à la société Christo Holding de restituer à la société MMI 527 actions [Y] ;
o Ordonner à la société Belair de restituer à la société MMI 370.800 actions Christo Topco et 4.746.392 obligations convertibles Christo Topco ;
o Ordonner à la société MMI de restituer à la société Christo Topco 490.800 actions Christo Topco et 4.746.392 obligations convertibles Christo Topco ;
o Ordonner à la société Christo Topco de restituer à la société MMI 5.237.192 actions Christo Holding ;
o Ordonner à la société MMI de restituer à la société Christo Holding 5.237.192 actions Christo Holding ;
L'ordonnance de clôture a été rendue le 22.05.2025.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la note en délibéré adressée par la société Christo Holding
La société Christo Holding a adressé une note en délibéré à la cour après l'audience de plaidoirie, le 25.06.2025.
Les sociétés MMI et Belair concluent au rejet de cette note en délibéré qui n'a pas été autorisée.
Sur ce
Il résulte des dispositions de l'article 445 du code de procédure civile qu'après la clôture des débats les parties ne peuvent déposer aucune note à l'appui de leurs observations, si ce n'est en vue de répondre aux arguments développés par le ministère public ou à la demande du président dans les cas prévus aux articles 442 et 444.
Aucune note en délibéré n'a été autorisée par la cour et en conséquence il y a lieu d'ordonner le rejet de la note adressée le 25.06.2025 par la société Christo Holding.
Sur la demande de sursis à statuer
Les sociétés MMI et Belair demandent que soit ordonné un sursis à statuer dans l'attente d'une part de la procédure initiée par la société MMI devant le tribunal de commerce de Paris et d'autre part de l'issue de la procédure pénale.
Elles exposent qu'elles ont en effet découvert que Christo Holding avait déposé une plainte au pénal auprès du parquet national financier mais que cette plainte, ou le signalement effectué n'a pas été porté à leur connaissance portant ainsi atteinte au principe du contradictoire prévu à l'article 16 du code de procédure civile dans la mesure où la société Christo Holding fonde son argumentation au titre du dol sur des agissements qu'elle qualifie elle-même comme relevant d'une qualification pénale e visant l'article 4.1.19 de la convention d'acquisition et de garantie.
Elles indiquent qu'une instance a été engagée devant le tribunal des affaires économiques de Paris aux fins de faire appliquer son droit d'information et d'audit à l'égard de la société [Y] sous astreinte dans la mesure où elle a posé des questions sur des faits de nature à compromettre la continuité de l'exploitation de la société [Y], que la décision qui sera rendue par le TAE est susceptible d'avoir une incidence significative sur l'issue du présent litige.
Elles soulignent que leur demande de sursis à statuer a été présentée in limine litis et est donc recevable.
La société Christo Holding réplique qu'il n'existe aucune plainte pénale susceptible d'être communiquée à la société MMI, seul un signalement de faits susceptibles de qualification pénale ayant été réalisé auprès du parquet, qu'en outre ce signalement a été réalisé par la société [Y] et non par la société Christo Holding qui ne dispose donc pas desdits éléments.
Elle soutient que la demande de sursis à statuer est irrecevable faute d'avoir été formulé in limine litis et souligne qu'au sein de son dispositif la société MMI sollicite le sursis à statuer après avoir demandé la confirmation du jugement sur certains motifs notamment en ce qu'il a débouté la SAS Christo Holding de l'ensemble de ses demandes, son infirmation sur d'autres motifs et la communication de pièces.
Elle expose qu'en tout état de cause aucun sursis à statuer ne pourra être accordé dans la mesure où l'existence d'un signalement au parquet national financier ne justifie pas un sursis à statuer et où la procédure initiée par la société MMI devant le tribunal de commerce de Paris est sans lien avec la présente instance.
Sur ce
Il ressort des premières conclusions signifiées par les sociétés MMI et Belair que la demande de sursis à statuer y figurait dans la motivation in limine litis.
Les sociétés MMI et Belair ont dans leur dispositif d'abord demandé la confirmation du jugement en ce qu'il avait:
o Ecarté des débats la pièce n°10 de la SAS Christo Holding, ainsi que l'ensemble des
développements y trouvant leur fondement dans son acte introductif d'instance,
excluant la possibilité pour la SAS Christo Holding de s'en prévaloir ;
o Déboute la SAS Christo Holding de l'ensemble de ses demandes ;
o Condamné la SAS Christo Holding à verser à la SAS MMI et la SAS Belair la somme
globale de 15.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;
o Rejeté les demandes des parties autres, plus amples ou contraires, mais seulement
lorsqu'il débouté la société Christo Holding de ses demandes complémentaires ;
o Condamné la SAS Christo Holding aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe,
liquidés à la somme de 86,49 € dont 14,20 € de TVA.
Et l'infirmation du jugement en ce qu'il a :
o Rejeté la demande des défenderesses d'écarter les autres pièces non traduites
visées au dispositif de leurs conclusions ;
o Rejeté la demande des Défenderesses visant à écarter des débats les pièces
obtenues par la SAS Christo Holding de manière prétendument illégale ;
o Rejeté la demande de fin de non-recevoir fondée sur l'absence alléguée de mise en
'uvre de la procédure de conciliation ;
o Rejeté les demandes des parties autres, plus amples ou contraires, mais seulement
lorsqu'il débouté les sociétés MMI et Belair de leurs demandes complémentaires
puis y confirmant, statuant à nouveau et y ajoutant
- avant dire droit demandé la communication de la plainte pénale
- puis in limine litis demandé que soit prononcé le sursis à statuer.
Seul le dispositif des conclusions saisi la cour et il ressort du dispositif des conclusions signifiées par les intimées que celles-ci ont formé des demandes d'infirmation et de confirmation du jugement dont appel avant de demander que soit ordonné un sursis à statuer. Or il résulte des dispositions combinées des articles 73 et 74 que la demande de sursis à statuer doit être présentée avant toute défense au fond. Il en résulte que la demande de sursis à statuer est irrecevable.
Sur le rejet des pièces
Les sociétés MMI et Belair concluent au rejet de pièces issues des messageries de Monsieur [P] [Y] et de [J] [Y] comme obtenues par un moyen déloyal.
Elles exposent que Mme [Y] n'a pas été informée des procédés mis en place et n'a jamais donné son autorisation à Christo Holding afin d'accéder à sa messagerie, que concernant Monsieur [Y] il en est de même étant en outre souligné qu'il n'est pas salarié de la société [Y] mais dirigeant de MMI qui était liée par un contrat de mandat social puis de prestation de service et qui ne peut se voir appliquer les règles concernant un salarié, qu'enfin cette intrusion sur les boites mail est une violation du secret des correspondances.
La société Christo Holding expose qu'il est de jurisprudence constante que les outils professionnels mis par une société à disposition de son personnel demeurent la propriété de celle-ci, qu'ainsi tout document et toute correspondance qui n'est pas identifié comme personnel est présumé être de nature professionnel de sorte que la société peut les consulter hors la présence de l'intéressé.
Sur ce
Il ressort de la jurisprudence et comme l'a justement retenu le tribunal de commerce que les documents détenus par le salarié dans le bureau de l'entreprise mis à sa disposition sont, sauf lorsqu'il les identifie comme étant personnels, présumés avoir un caractère professionnel, en sorte que l'employeur peut y avoir accès hors sa présence et qu' il en résulte que la production en justice des messages n'ayant pas été identifiés comme étant personnels par le salarié ne constitue pas un procédé déloyal .
Cette jurisprudence est de nature à s'appliquer à toutes les personnes travaillant dans l'entreprise et utilisant les outils mis à disposition par celle-ci dans le cadre de l'exercice de l'activité professionnelle et à ce titre les emails reçus et adressés par Monsieur [X] [Y] qui n'était pas salarié de l'entreprise mais dirigeant mandataire social relèvent de la même jurisprudence.
Il en résulte que la société [Y] est bien fondée à prendre connaissance et à utiliser les emails échangés par ses salariés ou dirigeants.
Il en est cependant autrement pour la société Christo Holding qui n'est pas la société pour le compte duquel les emails ont été adressés et reçus dans le cadre de son activité. La qualité d'associé majoritaire de la société d'exploitation, la société [Y], ne permet pas à la société Christo Holding de prétendre pouvoir utiliser les emails échangés par les salariés ou dirigeants de la société [Y] sans autorisation des émetteurs ou destinataires des emails produits, l'autorisation reconnue à l'employeur de pouvoir utiliser les échanges de ses salariés ou dirigeants ne s'étendant pas à ses associés par principe.
Au contraire il ressort de la jurisprudence que pour pouvoir consulter les messageries professionnelles des salariés ou dirigeants d'une société, l'associé de ladite société doit obtenir préalablement une autorisation judiciaire en ayant recours à la procédure des articles 493 et 497 du code de procédure civile de façon à permettre, après mise en oeuvre des mesures autorisées, un débat judiciaire contradictoire sur l'atteinte ainsi portée aux droits de la personne dont la boîte mail a été consulté sans son autorisation.
En conséquence en produisant les échanges emails des salariés et dirigeants de la société [Y], sans autorisation des personnes les ayant émis et reçus, et sans y avoir été autorisé judiciairement, la société Christo Holding a utilisé un moyen déloyal de preuve.
Il en résulte qu'est écartée des débats la pièce 55-2 qui est un email adressé par Monsieur [Y].
La cour souligne cependant que d'autres emails issus de la boîte mail utilisée par Monsieur [Y] sont produits aux débats dont il n'est pas demandé qu'ils soient écartés.
S'agissant de la pièce 25 qui est le rapport d'enquête interne qui s'appuie en partie sur les boites email d'[X] [Y] et de [J] [Y], celle-ci étant diligentée par l'employeur pouvait se fonder sur la consultation des boites email utilisés par les salariés et le dirigeant de la société. Le rapport qui en est issu n'a donc pas recouru à des procédés illégaux qui justifieraient qu'il soit écarté des débats.
Le fait que la société Christo Holding en ait obtenu communication de la société [Y], ne présume pas de l'illicéité de l'obtention de cette pièce, illicéité qui justifierait qu'il soit écarté des débats. Et ce même si la société Christo Holding reste taisante sur la façon dont elle a obtenu le rapport étant souligné qu'au conseil de surveillance de la société Christo Topco d 18.10.2024 ce ne sont que les conclusions du rapport d'enquête interne qui ont été portées à la connaissance des associés et qu'il n'est pas indiqué que le rapport a lui-même était remis aux associés.
Il ne convient donc pas d'écarter des débats le rapport d'enquête interne produit.
Le jugement est infirmé partiellement.
Sur la demande de communication des pièces
Les sociétés MMI et Belair demandent subsidiairement et avant dire droit la communication des annexes du rapport d'enquête diligenté en interne en avril 2024 et qui est le fondement de la demande de dol de la société Christo Holding., et qui est la pièce 25 de l'appelante.
Elles exposent que la réponse apportée à leur demande par l'intimée qui soutient qu'elle ne dispose pas des annexes du rapport d'enquête et est donc dans l'impossibilité de les communiquer démontre que la société Christo Holding fonde principalement sa tentative de justification d'un dol sur un document sans en avoir eu accès ou même sollicité les éléments justificatifs sur lequel se fonde celui-ci.
Elles ajoutent qu'en réalité l'enquête interne a été diligentée en avril 2024 au moment où Christo Holding était encore présidente de la société [Y] et qu'elle en a donc l'ensemble des éléments.
La société Christo Holding expose que le rapport d'enquête interne a été réalisé à la demande de la société [Y] et non de Christo Holding et elle soutient qu'elle ne dispose pas des annexes de ce rapport d'enquête.
sur ce
La cour souligne qu'il est contradictoire pour la société Christo Holding de communiquer dans le présent litige des pièces dont seule la société [Y] peut être en possession s'agissant des emails internes à la société échangés par ses salariés ou ses dirigeants et de soutenir qu'elle n'a pas accès aux annexes du rapport interne établi à la demande de la société [Y].
Pour autant dans la mesure où la société Christo Holding n'est pas la société qui a fait procéder à l'enquête interne, mais uniquement l'associé majoritaire de cette société il ne peut lui être enjoint de communiquer des documents dont elle n'est pas propriétaire et dont elle soutient qu'elle ne les détient pas.
Il convient donc de rejeter la demande de communication des annexes du rapport interne.
Sur la fin de non-recevoir tiré de l'absence de mise en oeuvre de la procédure de conciliation
Les sociétés MMI et Belair concluent à l'irrecevabilité de l'action de la société Christo Holding faute d'avoir tenté de régler le différend de manière amiable alors que l'article 4.3.1. de la convention d'acquisition et de garantie dispose que les parties doivent se réunir dans un délai de 30 jours suivant la réception de l'opposition à réclamation afin de tenter de trouver une solution amiable.
La société Christo Holding expose que la clause de conciliation prévue à l'article 4.3.1 de la convention d'acquisition était inapplicable dans le cadre d'une action en nullité car son périmètre est strictement restreint à la mise en oeuvre de la garantie d'actif et de passif.
Sur ce
L'article 4.3.1. (d) de la convention d'acquisition stipule que en cas d' opposition à réclamation le vendeur et l'acquéreur se réuniront dans les trente jours calendaires suivant la réception de l'opposition à réclamation par l'acquéreur ou dans un délai plus court si les circonstances l'exigent afin de tenter de convenir amiablement du montant de l'éventuel préjudice et du montant de la restitution correspondante. A défaut pour le vendeur et l'acquéreur de parvenir à un accord qu'il s'agisse notamment de la validité du bien-fondé et/ou de l'exigibilité de la restitution résultant de la réclamation dans le délai de 15 jours calendaires suivant cette réunion, le différend sera tranché conformément à l'article 5.12 (loi applicable-attribution de juridiction) ci-après.
L'article 4.3.1 se situe dans le paragraphe 4 intitulé 'Déclarations et garanties' de telle sorte que la clause de conciliation préalable s'applique uniquement à la mise en oeuvre de la clause de garantie d'actif et de passif consentie et non à une action engagée pour dol comme en l'espèce.
Le jugement qui a rejeté l'exception d'irrecevabilité est donc confirmé.
Sur l'irrecevabilité de la demande en nullité pour dol en l'absence à l'instance de toutes les parties à l'encontre de laquelle la nullité de l'acte de cession est sollicitée
Les sociétés MMI et Belair exposent qu'il est demandé par Christo Holding qu'il soit ordonné à la société Christo Topco de restituer à la société MMI les actions de Christo Holding mais que la société Christo Topco n'a pas été mise dans la cause en première instance, qu'elle est intervenue volontairement en appel le 18.04.2025 alors qu'aucune régularisation n'est possible, qu'en outre il s'agit d'une intervention forcée et non volontaire car faite à la demande de Christo Holding et que les conditions d'une telle intervention ne sont pas remplies.
Elles en concluent que la procédure est entachée d'irrégularité.
Elles soutiennent que la procédure est d'autant plus entachée d'irrégularité que Monsieur et Madame [Y] ne sont pas parties aux débats alors qu'ils sont parties à la convention d'acquisition et de garantie.
Subsidiairement elles demandent, si l'intervention volontaire était déclarée recevable, de dire irrecevables comme tardives les conclusions déposées par Christo Topco le 18.05.2025
La société Christo Holding soutient qu'à supposer qu'une violation de l'article 14 du code de procédure civile soit caractérisée la société MMI n'établit pas l'irrecevabilité de la demande et en quoi il faudrait en conclure l'irrecevabilité des demandes de la société Christo Holding, qu'en tout état de cause la société Christo Topco étant intervenue volontairement à l'instance, son intervention étant recevable sur le fondement de l'article 554 du code de procédure civile et ses conclusions également recevables le débat est désormais sans objet.
Elle conteste par ailleurs le fait que monsieur et madame [Y] doivent être dans la cause exposant qu'ils ne sont pas partie à la convention d'acquisition mais qu celle-ci a été signée en leur présence compte de leurs engagements de non sollicitation et de non débauchage et que si s'ils sont mentionnés dans les autres articles de la convention d'acquisition ce n'est que dans le cadre des engagements pris par MMI.
La société Christo Topco, visant l'article 554 du code de procédure civile, conclut qu'elle a un intérêt à intervenir à l'instance dans la mesure où la société Christo Holding demande au titre des conséquences du prononcé de la nullité de la cession que l'opération de cession soit effectuée en sens inverse afin d'opérer les restitutions nécessaires de sorte que:
- MMI devra rembourser à Christo Holding la somme de 24.762.810 euros ;
- Christo Holding devra restituer à MMI 527 actions [Y] ;
- Belair devra restituer à MMI 370.800 actions Christo Topco et 4.746.392 obligations - MMI devra restituer à Christo Topco 490.800 actions Christo Topco et 4.746.392 obligations
convertibles Christo Topco ;
- Christo Topco devra restituer à MMI 5.237.192 actions Christo Holding ;
- MMI devra restituer à Christo Holding 5.237.192 actions Christo Holding.
Elle fait valoir que la nullité de l'opération aura donc un impact sur son capital social et sur la nécessité qu'elle restitue à MMI les actions de Christo Holding.
Sur ce
En première instance la société Christo Holding demandait, au titre des restitutions découlant de l'annulation pour dol de la cession de la société [Y], le remboursement par la société MMI de la somme de 24.762.810 euros correspondant au prix de cession perçu, la restitution par la société MMI des 120.000 actions de Christo Topco et la restitution par la société Belair des 370.800 actions Christo Topco et des 2.746.392 obligations convertibles Christo Topco détenues par elle.
Les sociétés MMI et Belair demandaient pour leur part au titre des restitutions la restitution par Christo (sic) des 527 actions de la société [Y] et le remboursement de la somme de 5.237.192 euros correspondant à la valeur des actions qui avaient été apportées par la société MMI, outre les fruits perçus.
En cause d'appel les parties se sont rendues compte que les actions Christo Holding perçues par MMI avaient ensuite été apportées par MMI à la société Christo Topco en contrepartie d'actions et d'obligations convertibles de celle-ci, et que MMI a rétrocédé l'intégralité de ses obligations convertibles et une partie de ses actions Christo Topco à la société Belair.
Pour que les restitutions soient complètes, au cas où la cession soit annulée il convenait en conséquence que la société Christo Topco intervienne aux débats dans la mesure où la société Christo Holding ne peut formuler des demandes en son nom.
L'article 66 du code de procédure civile dispose que constitue une intervention la demande dont l'objet est de rendre un tiers partie au procès engagé entre les parties originaires. Lorsque la demande émane du tiers l'intervention est volontaire; l'intervention est forcée lorsque le tiers est mis en cause par une partie.
L'article 554 du code de procédure civile dispose que peuvent intervenir en case d'appel dès qu'elles y ont intérêt les personnes qui n'ont été ni parties, ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité.
En l'espèce la société Christo topco a notifiée des conclusions d'intervention volontaire.
Cette intervention volontaire est recevable en ce que la société Christo Topco n'était pas partie en première instance.
Il résulte de la jurisprudence que si l'article 554 ne permet pas à l'intervenant en cause d'appel de soumettre un litige nouveau et de demander des condamnations personnelles n'ayant pas subi l'épreuve du premier degré de juridiction, le litige n'est pas nouveau lorsque la demande procède de la demande originelle et tend aux mêmes fins.
En l'espèce si l'action en nullité de la cession est accueillie par la cour il conviendra de prévoir les restitutions qui en sont la conséquence s'agissant des sommes versées et des actions remises et à ce titre la société Christo Topco ne présente aucune demande nouvelle en acquiesçant à la demande de la société MMI de se voir restituer les actions de Christo Holding qu'elle a apporté à la société Christo Topco de façon à ce qu'ensuite elle puisse elle-même les restituer à la société Christo Holding.
En conséquence l'exception d'irrecevabilité est rejetée.
S'agissant de l'absence dans la procédure de Monsieur et Madame [Y] la cour souligne qu'ils ne sont pas parties à la cession de la société [Y] puisque l'intégralité des actions de celle-ci étaient détenues par la société MMI.
C'est donc à juste titre qu'ils n'ont pas été attraits dans la présente procédure.
L'exception d'irrecevabilité est rejetée.
Sur l'action en nullité de la convention de cession pour dol
La société Christo Holding poursuit la nullité pour dol de la convention de cession de la société [Y] en visant trois séries de faits:
- la dissimulation d'un litige imminent avec un client chinois Foshan Dafu avant l'opération de cession
- la découverte du versement de commissions constituant des pratiques commerciales illicites
- la vente de matériel à l'Iran par le biais de la société de droit allemand Imex
Les sociétés MMI et Belair répliquent que le demandeur a la charge de la preuve du dol et que est tenu de démontrer de façon cumulative:
- la mise en place de man'uvres dolosives ou de réticences dolosive (élément matériel) ;
- une intention de tromper de la part du co-contractant (élément intentionnel) ;
- que ces éléments étaient déterminants de son consentement et que s'il avait eu connaissance des « mensonges ou dissimulations» il n'aurait pas contracter
et soutiennent qu'aucune de ces conditions n'est remplies pour les trois séries de reproches de la société Christo Holding.
Sur le litige avec la société Foshan Dafu
La société Christo Holding expose que la société MMI a garanti dans la convention d'acquisition que la société n'avait reçu aucune réclamation de nature à donner lieu à un litige, que pourtant elle avait deux courriers de menace judiciaire adressées par son client Foshan Dafu quelques mois avant l'opération le 6.03.2023, et le 13.04.2023, que ces courriers constituaient des réclamations de nature à donner lieu à un litige et auraient du être portés à la connaissance de l'acquéreur.
Elle souligne que les menaces de la société Foshan Dafu ont été mises à exécution le 18.03.2024 par l'introduction d'une requête en arbitrage sollicitant la condamnation de la société [Y] au paiement d'une somme de plus de 13 millions d'euros.
Les sociétés MMI et Belair contestent une quelconque connaissance d'un litige imminent avec la société Foshan Dafu et sa dissimulation, indiquant que le dernier courrier adressé par le client date du 13.04.2023 soit plus de 7 mois avant la signature de la convention d'acquisition et que ce courrier n'est pas qualifié de mise en demeure et n'émane pas d'un avocat, que jusqu'au courrier du 1.032024 il n'est versé aucun autre élément, qu'en effet la société [Y] a diligenté sur place une équipe qui a identifié la problématique, que la requête en arbitrage précise bien qu'une réunion de travail a eu lieu le 23.04.2023, qu'au moment de la signature de la convention d'acquisition il n'existait donc 'aucune réclamation de nature à donner lieu à l'introduction d'un litige'
Sur ce
Liminairement la cour souligne que la société Christo Holding n'a pas demandé l'infirmation du jugement en ce qu'il a rejeté la pièce 10 qui constitue la requête en arbitrage au motif que celle-ci n'était pas traduit en français. Les intimés pour leur part demandent la confirmation du jugement en ce qu'il a rejeté la pièce 10 qui est la requête en arbitrage de la société Foshan Dafu du 11.03.2024.
Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la pièce 10 devenue en appel la pièce 30 quand bien même depuis sa traduction a été produite.
Cependant le rejet de la pièce 10 n'interdit ni n'empêche de statuer sur le moyen s'agissant de l'existence d'un dol constitué par l'existence d'un litige ou d'une réclamation de nature à donner lieu à un litige au moment de la cession qui aurait été dissimulée à la société.
Aux termes de l'article 4.1.19 de la convention d'acquisition et de garantie la société MMI a déclaré que la société n'était impliquée dans aucun litige et que la société n'avait reçu aucune réclamation ou plainte d'un tiers de nature à donner lieu à un litige impliquant la société.
La société [Y] a vendu à la société Foshan Dafu une ligne de production composée de plusieurs machines de fabrication pour produire du film plastique selon contrat conclu le 30.05.2020.
Il ressort des courriers échangés entre les parties qu'il a existé un litige technique entre les parties concernant le fonctionnement de la ligne de production vendue relatif en particulier à la production d'un film LCP.
Ce litige a donné lieu à plusieurs échanges de correspondances.
Ainsi sont produits aux débats par la société Christo Holding:
la 6ème lettre de la société Foshan Dafu en date du 6.03.2023,
la 8ème lettre de la société Foshan Dafu en date du 13.04.2023, avec une réponse apportée par la société [Y] le 19.04.2023. Cette lettre comporte essentiellement des reproches liés d'une part à la durée de la mise en exploitation de la ligne de production supérieure à ce qui était convenu dans le contrat et au coût des consommables et fluides dépensés à cette occasion. Il n'est pas fait état d'une absence de fonctionnement de la ligne de production installée. Par ailleurs la société Foshan Dafu demande le versement de 300.670 RMB conformément au contrat, la demande n'étant pas présentée comme une réclamation indemnitaire mais comme une exécution du contrat signé. Enfin elle se plaint de ce que la société [Y] n'a toujours pas signé 'l'accord sur le remboursement du prix d'acceptation de l'équipement' avec elle et n'a pas notifié à l'agent d'importation la restitution du solde de son dépôt d'ouverture de lettre de crédit de 1,08 million d'euros, ce qui ne constitue donc pas non plus une réclamation indemnitaire mais un reproche sur l'exécution du contrat par la libération des sommes consignées dans le cadre de l'exécution du contrat.
La réponse apportée par [Y] explique que la ligne de production installée impose de respecter des consignes techniques strictes qui n'ont pas été mises en oeuvre par la société Foshan Dafu malgré les demandes répétées du fabricant qu'est la société [Y], et indique qu'elle a demandé à ses équipes de ne plus travailler sur la ligne de production jusqu'à ce que la société Foshan Dafu rappelle ses lettres de menace et enfin lui indique qu'elle reste dans l'attente du dernier versement.
Postérieurement aux derniers courriers échangés produits dans le présent litige en date des 13.04.2023 et 19.04.2023, il ressort de la 11ème lettre adressée par la société Foshan Dafu le 9.01.2024:
que Mme [J] [Y] et Monsieur [V] [U] se sont déplacés dans les locaux de la société Foshan Dafu le 23.04.2023
qu'une 10ème lettre a été adressée par la société Foshan Dafu le 5.05.2023.
Cette 10ème lettre n'a pas été communiquée aux présents débats, -pas plus que la 9ème lettre dont on ne connaît même pas la date-, sa teneur n'est donc pas connue intégralement et la cour ne peut apprécier son caractère éventuellement comminatoire. Par ailleurs la synthèse de ce courrier effectué par la société Foshan Dafu dans sa 11ème lettre présente un risque de subjectivité qui ne permet pas de retenir ce courrier non communiqué par la société Christo Holding comme une mise en demeure.
La 11ème lettre fait pour la première fois état de ce que la ligne de production ne produirait pas des films LCP conformes aux normes techniques du contrat et met en demeure la société [Y] de faire parvenir avant le 9.02.2024 une proposition pour y remédier.
Il résulte ainsi de ces éléments qu'entre la 10ème lettre non produite aux débats en date du 5.05.2023 et la 11ème lettre en date du 9.01.2024 aucun courrier de la société Foshan Dafu n'a été adressé à la société [Y].
Ces dates sont à mettre en relation avec les opérations de cession qui ont débuté par une lettre d'intention de la société Hivest en date du 2.05.2023, se sont poursuivies par des opérations de Due Diligence à la demande de Hivest réalisées par Grant Thornton qui ont donné lieu à un rapport en date du 13.06.2023, par une offre ferme en date du 23.06.2023, par la signature de l'acte de cession le 3.10.2023 et par la réalisation de l'opération de cession le 16.11.2023..
Il ressort donc de cette chronologie qu'après le 5.05.2023, et alors que les courriers 6, 7, 8, 9 et 10 de la société Foshan Dafu avaient été adressés sur un période de deux mois entre le 6.03.2023 et le 5.05.2023, c'est à dire de façon très rapproché démontrant la célérité du client à trouver une solution au problème technique et à ses conséquences, plus aucun courrier n'a été adressé, ce qui était de nature à laisser penser à la société [Y] et à son actionnaire la société MMI que le litige technique avec l'acheteur de la machine était réglé suite probablement à la visite effectuée par Madame [J] [Y] et Monsieur [V] [U] en Chine le 23.04.2023.
En l'absence de tout courrier de réclamation à compter du 13.04.2023 (la teneur du courrier du 5.05.2023 n'étant pas connu puisqu'il n'est pas produit aux débats il ne peut être retenu qu'il s'agissait d'une réclamation de nature à donner lieu à un litige) la preuve n'est pas rapportée par la société Christo Holding que la société MMI était informée de l'existence d'un litige perdurant avec la société Foshan Dafu au jour de la réalisation de l'acte de cession, ou d'une réclamation de nature à donner lieu à un litige, le litige ayant existé 6 mois auparavant ne constituant plus un litige actuel ou une réclamation de nature à donne lieu à un litige au jour de la signature de l'acte de cession.
Il y a lieu d'ajouter qu'il ressort du rapport d'audit qu'une facture reste à payer par la société Foshan Dafu et que la société Christo Holding était donc parfaitement informée par ailleurs de l'existence de cette créance à recouvrer sur ce client, l'auditeur ayant précisé qu'aucune provision n'avait été passée en comptabilité, de telle sorte que l'absence de paiement du solde du contrat était parfaitement connu de l'acquéreur.
L'élément matériel du dol constitué par la connaissance par le cocontractant de l'événement litigieux n'est donc pas caractérisé et en conséquence la demande de nullité pour dol fondée sur le litige avec la société Foshan Dafu doit être rejetée.
Sur les commissions versées
Sur les commissions versées dans le cadre des contrats conclus avec la société Hengchuan
La société Christo Holding expose qu'elle a découvert après la cession que les montants exacts et les destinataires réels des commissions versées étaient problématiques dans le projet avec la société chinoise Hengchuan et avec la société péruvienne Oben alors que le vendeur avait garanti que le vendeur a garanti que la société n'avait pas fait ou promis de versement, cadeau ou autre paiement à une personne physique ou Entité (ou leurs représentants), privé ou publique en vue d'obtenir un traitement privilégié ou la conclusion d'un contrat.
Elle indique que 4 contrats ont été conclus avec le client chinois Hengchuan intitulés [Localité 5] 1,2, 3 et 4, que ces contrats ont été conclus par l'intermédiaire d'un agent local dénommé [V] [U] opérant pour le compte de la société Silk Road, qu'elle a identifié l'existence de surcommissions pour deux de ces contrats: [Localité 5] 1 et 2 représentant un écart de 2.366.000 euros par rapport aux commissions communiquées en data room, qu'en effet en data room des fiches budget ont été produites indiquant un pourcentage de commission pour Silk Road de 5% soit 845.000 euros, que postérieurement à la cession elle a cependant découvert des Protection letters mentionnant un pourcentage de commission de 12% pour chacun des deux projets, que ces documents ont été préparés et signés en novembre 2023 quelques jours avant le closing mais antidatés au 12.03.2022 comme en témoignent les échanges d'emails datant du 15.11.2023, que les commissions sont passées de 845.000 euros à 2.028.222 euros.
Elle expose qu'un échange d'email des 5 et 6.09.2022 évoque une commission supplémentaire de 10% en plus de celle de 5%, commission finalement réduite à 12% alors qu'en data room la commission s'établissait à 5%.
Elle soutient que ces commissions supplémentaires camouflaient en réalité des rétrocommissions au dirigeant de la société Hengchuan, Monsieur [R], que ces rétrocommissions ont été versées entre septembre 2022 et juillet 2023 soit avant la signature de la convention d'acquisition s'agissant de deux factures de 84.500 euros le 9.09.2022 et d'une facture de 169000 euros le 19.07.2023.
Elle fait valoir que cette augmentation des commissions et ces rétrocommissions ont été dissimulées par le vendeur.
Enfin elle indique que l'erreur de l'Acquéreur provoquée par le Vendeur était déterminante de son consentement à la Convention d'Acquisition.
Les sociétés MMI et Belair exposent en réponse en premier lieu que le rapport d'enquête versé aux débats par Christo Holding ne peut servir d'élément d'appréciation, celui-ci ayant été établi sur la base de pièces illicitement obtenues.
S'agissant des surcommissions elles précisent que dans le cadre de l'activité de la société [Y] les taux de commission sont susceptibles d'évoluer en cours de projet, ce qui était connu par Christo Holding s'agissant en particulier de la société Silk Road, que pour chaque projet entre 10 et 15 budget clients étaient ainsi établis au fur et à mesure de l'exécution du contrat s'échelonnant en général sur 18 à 24 mois, que les pourcentages de commissions étaient régulièrement revus, que le jugement a d'ailleurs tenu compte de cette fluctuation de commission dont il avait été notamment été fait état dans le cadre des opérations de due diligence; qu'ainsi les fiches budget figurant en data room sont par essence provisionnels puisque les commissions sont susceptibles de varier, et ont été établies aussi précisément que fidèlement au regard des informations dont la société disposait, qu'il appartenait à Christo Holding qui a l'habitude de réaliser des opérations d'acquisition et de réaliser des audits de poser les questions si les fiches budgets ne lui semblaient pas claires, que les 'protection letters' ne constituent pas un engagement ferme mais uniquement un document de discussion intermédiaire non définitif, que Christo Holding soutient que c'est le montant indiqué par la Protection Letters qui a été appliqué par l'agent et non celui de la fiche budget mais ne produit aucun élément permettant d'en attester et en particulier ne produit aucune facture ou demande de paiement de la part de la société Silk Road mentionnant les taux de commission sur lesquelles elle s'appuie, que les pièces 34 et 35 qui sont constituées d'emails échangés entre Monsieur [C], Monsieur [I] et Monsieur [Y] datant de 2022 constituent des emails internes qui n'engagent pas la société [Y], que les pièces produites ne sont pas des factures mais des échanges de mails et de tableaux
sur ce
En premier lieu il est souligné que concernant le contrat Foshan Dafu celui ci est d'un montant de 10.080.000 euros et que le montant de la commission due à la société Silk Road s'élève à 1.080.000 euros, soit 10% du contrat étant précisé que le contrat d'agent commercial a été communiqué dans le cadre de la data room.
Le contrat Nanjing s'élève pour sa part à 20.897.000 euros et la commission à 1.050.000 euros, soit 5% du contrat.
Il en ressort des différences importantes concernant le taux de commissionnement démontrant que celui-ci est fixé avec l'agent commercial en fonction du contrat conclu et qu'il n'existe pas un taux identique pour tous les contrats.
En second lieu il est produit aux débats pour les projets [Localité 5] L.22021 et L22022 une fiche budget faisant état de commissions à hauteur de 845.000 euros pour chacun des contrats d'un montant de 16.900.000 euros, soit un taux de commission de 5%.
Il est cependant également produit aux débats un email de Monsieur [T] [I] en date du 14.11.2023 veille du closing, adressé à Monsieur [V], Monsieur [Y] étant en copie, indiquant:
Pour L22021 & L22022 :
4 % de commission pour Silk Road sur les paiements du client = 676 000 € pour chaque projet 5 % de commission pour M. [R] sur les paiements du client = 845 000 € pour chaque projet 1 % de commission pour Silk Road après paiement final = 169 000 € pour chaque projet
2 % de commission pour M. [R] après paiement final = 338 000 € pour chaque projet
Pour L22023 & L22024 :
1 % de commission pour Silk Road après paiement final = 51 000 € pour chaque projet
1 % de commission pour M. [R] après paiement final = 51 000 € pour chaque projet
Au total sur les 4 projets, cela représente :
commission pour Silk Road : 1 792 000 €
' 1 352 000 € sur les paiements du client
' 440 000 € après paiement final
commission pour M. [R] : 2 468 000 €
' 1 690 000 € sur les paiements du client
' 778 000 € après paiement final
En outre, nous sommes d'accord sur 4 % pour Yantai Fuli.
Monsieur [I] envoie par mail séparé les 4 contrats d'agent commercial dont les contrats L22021 et L22022 pour signature.
Ceux-ci sont datés du 12.03.2022, mais ils ont été renvoyés signés par Monsieur [V] le 15.11.2023. Par ailleurs le rapport d'enquête interne indique qu'ils ont été signés par Monsieur [Y] le 23.11.2023 soit postérieurement à la cession.
Ils stipulent que si les contrats sont signés avant le 31.12.2022 le montant de la commission sera de 9% réglé au fur et à mesure des paiements par le client et de 3% supplémentaire après le dernier paiement, ce qui correspond au montant de commission indiqué dans le mail de Monsieur [I] comme étant de 12%..
Il ressort de ces différentes dates que la décision de la société [Y] d'accepter un taux de commission plus important que 5% a été formalisée après la signature de la cession de l'entreprise même si les discussions ont eu lieu avant et les contrats établis la veille de la signature, ce qui ne permet pas de retenir l'existence d'une dissimulation d'éléments essentiels concernant l'activité de la société dans le cadre des opérations de cession, étant rappelé comme indiqué ci-dessus qu'un taux de commission à 10% avait déjà été pratiqué par la société.
La société Christo Holding soutient cependant que cette commission de 12% était d'ores et déjà prévue en 2022. Il ressort effectivement du mail de Monsieur [I] en date du 5.09.2022 que des commissions de 10% étaient envisagées. Pour autant la société Grand Thornton explique en page 39 de son rapport de due diligence que concernant les contrats [Localité 5] il y a eu des négociations avec les agents commerciaux ayant abouti à une diminution des commissions, ce qui signifie que la société Grand Thornton mandatée par le fonds Hivest a pu comparer différentes fiches budgétaires et que cette information n'a pas été dissimulée.
La société Christo Holding produit aux débats le rapport d'enquête interne établi à la demande de la société [Y] qui fait état du témoignage recueilli de Monsieur [I] dont il ressort que la conclusion des protections letters à la date du closing s'expliquerait par le souhait de Monsieur [V] [U] de garantir le montant de ses commissions.
Cependant d'une part l'audition de Monsieur [I] par l'enquêteur interne n'est pas produit aux débats et ni les intimés, ni la cour ne peuvent connaître les questions posées et l'intégralité du récit de Monsieur [I].
Par ailleurs ce témoignage rentre dans la catégorie des attestations produites en justice et doit en conséquence respecter un certain nombre de conditions formelles permettant d'en garantir la véracité et l'intégrité prévues aux articles 200 et suivants du code de procédure civile, en particulier le fait que celui-ci est informé que ses déclarations pouvaient être produites en justice.
Par ailleurs la qualité de salarié de la société [Y] de Monsieur [I] le mettait en état de subordination par rapport à l'enquêteur interne et cette subordination est de nature à affecter la véracité des déclarations.
Enfin l'enquêteur a retenu et retranscrit certains éléments de l'audition qu'il estimait probants sans que la communication de l'ensemble des déclarations effectuées par Monsieur [I] ne soit effectuée de façon à permettre aux intimés de prendre connaissance de celles-ci et d'en tirer des conclusions différentes ou de les critiquer utilement.
Il en résulte que le caractère probant des déclarations de Monsieur [I] figurant dans le rapport interne est à relativiser. Lesdites déclarations peuvent se comprendre comme le fait que la signature des contrats d'agent commerciaux validait une décision prise en 2022 s'agissant du taux de commission mais non transcrite dans les dernières fiches budget mais elles peuvent également se comprendre comme la volonté de Monsieur [V] informée du changement d'actionnaire de négocier un taux de commission plus important que celui consenti par la société [Y] sous son ancien actionnaire au moment de la cession compte tenu de l'incertitude existant sur la poursuite des relations commerciales.
Enfin, alors qu'il est mentionné dans le rapport d'audit une baisse des commissions du fait d'une renégociation avec les agents commerciaux, le taux de celles-ci avant négociation et après négociation n'est jamais indiqué dans le rapport d'audit.
Il n'est pas non plus rapporté la preuve que des questions spécifiques aient été posées par la société Christo Holding à la société MMI sur ce sujet (aucune des questions posées par Grand Thornton à la société MMI au terme de la revue financière ne portant sur le taux des commissions) alors que si le taux de commission versé aux agents commerciaux présentait l'importance que la société Christo Holding soutient, cette dernière n'aurait pas manqué de demander des précisions.
Mais surtout il ressort de ce récapitulatif établi par la comptable au 30.09.2023 (email du 10.12.2023 envoyé par Mme [A] à Monsieur [Y]) et des factures produites aux débats que:
- sur le contrat [Localité 5] 1 22021L d'un montant de 16.900.000 euros et sur le contrat [Localité 5] 2 22022L du même montant a été calculé une commission de 4% pour l'agent commercial soit un montant de commission de 676.000 euros pour chaque contrat,
- sur le contrat [Localité 5] n° L22021 trois factures ont été établies et payées: facture n°026 de 84.500 euros du 6.09.2022 (communiqué) payé le 9.09.2022, facture n°028 de 202.800 euros (non communiqué) payé le 7.03.2023 et facture n°034 de 169.000 euros (communiquée) payé le 19.07.2023; et que reste à payer la somme de 219.700 euros.
- sur le contrat [Localité 5] N°L22022 deux factures ont été établies et payées: facture n°027 de 84.500 euros (communiquée) payée le 9.09.2022, et facture n°029 de 202800 euros (on communiquée) payé le 7.03.2023 et que reste à payer la somme de 388.700 euros.
Il n'est pas rapporté la preuve d'autres payements postérieurement au 30.09.2023 et en particulier postérieurement au 15.11.2023, alors qu'il ressort du rapport de due diligences de Grand Thornton que le pourcentage d'avancement des projets [Localité 5] 1 et 2 était prévu au 31.12.2023 à 43,8% et 41,3% ce qui aurait du générer des commissions de 16.900.000 x 9% x 43,8% pour [Localité 5] 1 et de 16.900.000 x 9% x 41,3% pour [Localité 5] 2, soit 1.294.371 euros.
Il n'est pas non plus rapporté la preuve que la société Silk Road a adressé des factures de commission postérieurement à l'état de paiement des commissions du 30.09.2023 et a mis en demeure la société [Y] de régler lesdites commissions.(la facture 34 D d'un montant de 169.000 euros n'étant pas produite aux débats et aucune autre après le 30.09.2023). Or dans la mesure où la fabrication des lignes de production était en cours des acomptes ont été versés postérieurement au 30.09.2023 générant des calculs de commission en application des contrats signés.
Il n'est pas plus rapporté la preuve que le montant des contrats s'est vu amputer des commissions indiquées dans le mail du fait d'un versement direct des commissions par le client à l'agent commercial.
Il n'est pas non plus établi que la société Christo Holding se soit opposée à des versements qui étaient prévus au titre des commissions en s'opposant au règlement hors facturation de commissions dues sur les acomptes versés.
Il n'est ainsi rapporté la preuve que de versements inférieurs à un taux de commission de 5% à la société Silk Road au cours de l'exécution des contrats [Localité 5] 1 et 2.
S'agissant du rapport d'enquête interne sur lequel la société Christo Holding se fonde pour soutenir l'existence d'un taux de commissions plus important que 5% et qui lui aurait été dissimulé, ce rapport établi à la demande la société [Y] n'a pas été établi contradictoirement avec les personnes mises en cause.
Les documents qui sont visés dans ce rapport comme établissant la preuve des faits constatés ne sont pas produits aux présents débats tel que les contrats signés avec la société Hengchuan et. Certaines factures de commission dont la facture 34 D.
Il est fait état d'un mail adressé par Mme [A] à Monsieur [I] le 11.07.2023 qui serait un état des lieux des commissions versées pour les 4 contrats et qui pointerait que pour les contrats L22021 et L22022 des surfacturations de 253.500 euros et 84.500 euros auraient été constatés. Non seulement ce mail n'est pas produit aux débats mais plus encore il est contradictoire avec les éléments produits qui établissent au contraire une sous facturation des commissions au 30.09.2023, soit deux mois et demi après ce supposé mail du 11.07.2023.
Il est conclu au paiement en mai 2024 de 6 factures d'un montant total de 912.600 euros alors que la preuve est rapportée uniquement de payement à hauteur de 743.600 euros pour les deux contrats. Les deux nouvelles factures de Silk Road du 5.06.2024 ne sont pas plus produites aux débats. En tout état de cause au regard des montants des deux contrats (16.900.000 euros chacun) le versement de la somme de 912.600 euros correspond à un taux de commission de 2,7% du total des deux contrats litigieux.
Enfin la société Christo Holding fait valoir que la société Silk Road s'est montrée menaçante du fait qu'elle n'avait pas perçu ses commissions, ce qui démontre la réalité d'un taux des commissions supérieur à 5%.
Par email du 5.04.2025 Monsieur [V] écrit à Madame [Z] de la société [Y] pour avoir paiement de la somme de 1.175.000 euros.
Cependant aucun élément ne rapporte la preuve que cette somme correspond aux commissions des contrats [Localité 5] 1 et 2. Le fait que ce mail fasse suite à un mail dont la date n'est pas indiquée demandant des éléments pour pouvoir facturer le montant restant due pour Hengchuan ne signifie aucunement que cette somme réclamée est en relation avec les contrats litigieux. En effet comme indiqué en page 39 du rapport établi par Grand Thornton un contrat cadre avait été signé entre la société [Y] et la société Hengchuan sans engagement ferme en volume et prix mais visant 14 lignes de production dont deux lignes livrées en 2024 et les suivantes sous les trois mois. Aucun élément n'étant communiqué sur l'activité de la société [Y] et la signature d'autres contrats fermes en plus des contrats [Localité 5] 1, 2, 3 et 4, il ne peut être tiré aucune conclusion du montant réclamé par Monsieur [V] sur le taux de commission des contrats [Localité 5] 1 et 2.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'il n'est pas établi que les contrats d'agent commercial aient connu un commencement d'exécution.
En conséquence l'élément matériel du dol, qui est constitué non par la signature des contrats d'agent commercial mais par le versement de commissions plus importantes que celles indiquées dans les fiches budgétaires pour chaque projet mis en data room n'est pas établi en l'état de versements de commissions qui ne sont pas supérieures à 2,7% pour le contrat 22021L et à 1,7% pour le contrat 22022L.
L'élément matériel du dol s'agissant du versement de sommes plus importantes que des commissions s'établissant à 5% n'est donc pas caractérisé.
Au surplus il n'est pas prouvé que les contrats commerciaux signés le 15.11.2023 par Silk Road et le 23.11.2023 par la société [Y], c'est à dire concomitamment avec la signature de la cession le 16.11.2023 en exécution de la convention d'acquisition signé le 3.10.2023, prévoyant un taux de commission de 12%, ont été sciemment dissimulés à la société Christo Holding pour faire croire à cette dernière que le taux de commission ne dépassait pas 5%. Les évolutions qu'a connu le taux de commission de la société Silk Road, (10%, puis 5%, puis 12% puis versements réels de 2,7% et 1,7%) ne sont pas de nature à démontrer une quelconque dissimulation.
Enfin la société Christo Holding ne rapporte pas la preuve que le montant des taux de commission était un élément essentiel de sa décision d'acquisition puisqu'il ne ressort d'aucun document produit aux débats qu'elle s'est interrogée spécifiquement sur ce taux alors que celui ci pour des contrats antérieurs a varié de 5 à 10%, et qu'il était indiqué que pour les contrats en cours les montants de commission avaient été négociés à la baisse dans le rapport Grand Thornton.
Le dol constitué par un taux de commission plus important que 5% n'est donc pas prouvé.
Par ailleurs il n'est pas plus établi que certaines de ces commissions ont en réalité consisté en des rétrocommissions au dirigeant de la société Hengchuan.
Si certains messages électroniques se réfèrent à un tiers nommé '[R]' comme devant percevoir des commissions, si le tableau établi par Monsieur [V] [U] et joint à son email du 24.11.2023 répartit les commissions entre Silk Road et '[R]' et si par ailleurs le dirigeant de la société Huangchen se nomme [S] [R], ces seuls éléments ne permettent pas de rapporter la preuve que le tiers percevant des commissions dont le nom de famille est [R] est en réalité le dirigeant de la société Huangshen portant également le nom de famille de [R], l'homonymie de nom de famille n'étant pas une preuve dans un pays où 84% des habitants portent 50 noms de famille et où le nom de [R] est à la 31ème place des noms de famille les plus portés.
Par ailleurs le rapport d'enquête interne fait état de diverses pièces qui rapporteraient la preuve que Monsieur [R] serait le dirigeant de la société Hengchuan et aurait perçu des rétrocommissions dont l'audition de Monsieur [T] [I], et l'offre commerciale du 6.04.2023 qui mentionnerait une somme susceptible de bénéficier au client. Cependant ni l'une, ni l'autre de ces pièces ne sont produites aux débats et les conclusions du rapport d'enquête interne ne sont donc pas probants.
Il en résulte que l'élément matériel du dol à savoir le versement de commission au dirigeant de l'entreprise cliente n'est pas établi. Le dol n'est donc pas caractérisé.
Sur les commissions versées au titre du contrat Oben
La société Christo Holding fait valoir l'existence de rétrocommissions dans le cadre du projet avec le client péruvien Oben, que l'élément matériel du dol est caractérisé par le fait que Monsieur [K] directeur technique de la société Oben Group a alimenté la société [Y] d'informations privilégiées sur les offres de ses concurrents et que la transmission de ces informations a été rémunérée dans le cadre de deux contrats conclus en 2021 pour lesquels normalement aucune commission ne devait être envisagé en l'absence d'agent commercial, qu'une protection letter relative à une rétrocommission de 50.000 euros a été préparée au profit de Monsieur [K], que cette protection letter préparée en réalité quelques jours après la signature de la convention d'acquisition est antidatée au 12.10.2021 mais figure en pièce jointe d'un email du 22.11.2023, que cet engagement a été dissimulé à l'acquéreur dans le cadre de l'audit dès lors que la protection letters ne figurait pas en data room alors même que la commission avait été agrée avant et que l'erreur provoqué par le vendeur est déterminante du consentement de l'acquéreur à l'opération, en faisant valoir la pratique illégale conduisant à une majoration du chiffre d'affaires.
Les sociétés MMI et Belair demandent la confirmation du jugement en ce qu'il a analysé ce grief en retenant que les échanges de 2021 prétendument relatifs au projet Oben ne prévoient aucune
commission et concernent un autre projet, le « projet OPP Peru BOPA » ; qu'une commission était expressément prévue pour le projet Oben (pièce CHRISTO n° 26-1 page 12), ce qui n'empêche pas Christo d'en poursuivre l'exécution (...) Attendu que Christo échoue ainsi à apporter la preuve lui incombant de la dissimulation par MMI du versement de commissions illicites, élément matériel du dol.
Elles exposent à titre liminaire que le rapport d'enquête versé aux débats par Christo Holding et qui sera écarté des débats, ne peut servir d'élément d'appréciation, celui-ci ayant été « construit » sur la base de pièces illicitement obtenues et qui n'ont pas été soumise au principe du contradictoire, et que si il n'était pas écarté des débats les extraits ne sont pas probants.
Elles font valoir que l'allégation selon laquelle la société [Y] aurait du des informations privilégiés relatives à la société Brukner en 2018 est fausse et relève d'une interprétation d'échanges qu'il convient de replacer dans leur contexte, que la société Oben ayant pris contact avec la société [Y] pour savoir si elle pouvait modifier une ligne il était légitime que la société [Y] sollicite des détails sur la machine pour savoir si elle était en capacité de faire ces modifications et formuler une offre adaptée, que les échanges intervenus sont tronqués et décontextualisés et relèvent en réalité de la négociation commerciale et non d'informations privilégiés pour obtenir un marché.
Elles ajoutent que cette machine n'a rien à voir avec les deux lignes de 2021 commandées par la société Oben, que pour celles-ci une commission était prévue et qu'aucun élément n'établit que cette commission devait être versée à monsieur [K], les échanges produits étant postérieurs à la cession, sont intervenus en interne et ne permettent pas de démontrer l'existence d'un engagement vis-à-vis de Monsieur [K] étant précisé que la protection letter ne mentionne aucun nom d'agent, n'est signée par personne et ne porte même pas sur le prix correspondant aux commissions prévues dans le tableau annexé au mail de la responsable comptable.
Elles indiquent qu'aucune facture correspondant à la prétendue commission n'a été établie ou payée à ce jour et ajoutent que le mail de Monsieur [D] dont il est fait état aux termes duquel il indiquait pouvoir trouver un prête nom est du 19.04.2024 soit après la mise à l'écart de MMI.
Elles précisent que leprojet Oben continue à avancer et qu'un projet Oben 2 est à l'étude, que par ailleurs Christo Holding ne justifie d'aucun élément intentionnel et l'absence de caractère déterminant du prétendu dol puisque les contrats conclus avecOben se poursuivent.
Sur ce
En premier lieu il n'est pas rapporté la preuve du versement d'une quelconque commission au titre des contrats Oben.
Il ressort effectivement de plusieurs pièces que le versement d'une telle commission a été envisagée en 2023.
Le tableau concernant les commissions des agents commerciaux, établi par la responsable comptable, indique ainsi que des commissions sont prévues pour les contrats intitulés Oben line 1 PT2021088 d'un montant de 11.000.000 euros et Oben line 2 PT2021089 d'un montant de 12.000.000 euros pour un taux de 0,50% pour chacun des contrats soit 55.000 euros de commissions pour Oben Lie 1 et 60.000 euros de commission pour Oben Line 2.
Cependant à la date du 30.09.2023 aucune commission n'avait été versée et la preuve n'est pas rapportée de versements postérieurement à cette date. La preuve n'est pas non plus rapportée que des commissions ont été facturées par l'agent commercial mais n'ont pas été réglées sur décision de la société [Y].
Par ailleurs aucun contrat d'agent commercial n'a été signé par la société [Y] concernant les contrats Oben.
S'il a été envisagé d'en établir un puisque le projet d'un tel contrat est produit en pièce 46-2, le nom de l'agent commercial n'est pas indiqué sur ce qui n'est qu'un projet non daté et non signé.
La société Christo Holding fait valoir qu'il ressort des emails produits qu'un tel versement à Monsieur [K] était envisagé par le biais d'un tiers.
Le mail du 19.04.2024, signé ES et attribué à Monsieur [H] [K], ne permet pas d'établir que Monsieur [K] est le rédacteur du mail et qu'il sera le bénéficiaire ultime de la commission dont le versement était envisagé.
Il y a lieu en outre de souligner que ce mail est postérieur de plus de 6 mois à la convention de cession.
Ainsi si la solution d'un versement par l'intermédiaire a été envisagée, cette solution n'a reçu aucun commencement d'exécution effectif puisqu'aucun contrat n'a été signé et aucune somme n'a été versée.
Enfin la société Christo Holding soutient que les commissions prévues étaient en réalité des rétrocommissions versées puisque cette commission devait être versée à une personne travaillant toujours dans l'entreprise cliente.
Cependant elle ne produit aucune pièce aux débats établissant que Monsieur [H] [K] était toujours salarié de la société Oben Group au jour de la signature des contrats avec celle-ci, étant précisé que les contrats n'ont pas été communiqués. Les mails produits qui attestent que Monsieur [K] était directeur technique d'Oben Group datent de 2018 et ne permettent pas de rapporter la preuve qu'il a conservé cet emploi ensuite.
L'élément matériel du dol constitué par le versement de rétrocommissions dans le cadre des contrats Oben au directeur technique de la société cliente n'est donc pas établi de telle sorte que le dol n'est pas caractérisé.
Le jugement en ce qu'il a débouté la société Christo Holding au titre du dol constitué par le versement de rétrocommissions à un salarié du client Oben est donc confirmé.
Sur la vente de matériel à une société iranienne
La société Christo Holding expose qu'après avoir interrogé la banque de la société [Y] sur des liens commerciaux avec l'Iran du fait que le site internet de la société indiquait l'existence d'un responsable du 'representative office en Iran' et avoir obtenu l'assurance qu'il n'existait aucun agent, ni aucun projet avec l'Iran, elle a découvert qu'un contrat avait été conclu avec la société iranienne [L] le 27.09.2022 et que ce contrat était identique à un contrat conclu avec la société allemande Imex le 27.10.2022 figurant en data room: proximité des dates de conclusion, similarité des codes projets et des clauses ; identité du matériel livré (identifiant du « Technical Appendix » strictement identique) et du prix prévu.
Elle expose qu'à compter de février 2019 la société a échangé avec la société [L] pour la mise en place de différents projets mais que pour dissimuler de telles opérations l'entité allemande Imex a pris le relais en 2022 ainsi qu'en rapportent la preuve les emails produits aux débats, les factures, et un bordereau de livraison en date du 28.03.2024 portant le même numéro de contrat que celui figurant sur le contrat conclu entre la société [Y] et Imex, qu'il a été ainsi été mis en place un 'contrat couvrant'.
Elle conclut ainsi que contrairement à ce qui a été indiqué à l'acquéreur au mois de juillet 2023, [Y] a bien une activité en Iran, que cette activité lui a été dissimulée dès lors que l'acquéreur n'a eu accès en data room qu'à la contre-lettre du contrat conclu avec [L] qui affiche mensongèrement une contrepartie allemande en la personne d'Imex, que la société MMI a donc signé des déclarations inexactes auprès du pool bancaire pour permettre la réalisation d'une condition suspensive de la convention d'acquisition, qu'en effet dès lors que le contrat Imex/[L] implique une livraison en Iran, « Territoire sous Sanction », il en résulte que [Y] est engagée avec une « Personne Sanctionnée », en violation du contrat de prêt, que l'argumentation de MMI sur les biens à double usage, les listes des personnes concernées par des mesures restrictives de gel des avoirs et l'absence d' « embargo économique généralisé imposé par l'Union Européenne ou la France à l'encontre de l'Iran » est donc indifférente, que l'erreur provoquée par le vendeur a eu un effet déterminant du consentement de l'acquéreur puisque l'absence d'activité de la société en Iran était un élément nécessaire à l'obtention du financement de l'opération et que ce financement était indispensable pour l'acquéreur, ce qu'il a fait savoir dès l'origine.
Elle ajoute que contrairement à ce qu'a jugé le tribunal le contrat de prêt n'est pas juridiquement autonome de la Convention d'Acquisition puisqu'il en était une condition suspensive.
Les sociétés MMI et Belair répliquent que la société Imex est une société de droit allemand et que la livraison d'une ligne de production était prévue pour la Turquie.
Elles exposent que Christo Holding se fonde exclusivement sur des supports (offres préalables à l'Opération de cession et la Convention de prêt) qui n'émanent soit pas de MMI, soit qui ont été conclus avec la Convention d'Acquisition et de Garantie et pour lesquels MMI n'était en tout état de cause absolument pas à l'origine, qu'en particulier les déclarations attribuées à MMI (et à Monsieur [Y] à titre personnel), figurant dans la Convention de prêt ont été uniquement négociées par Hivest Capital Partners et sont en tout état de cause postérieures et totalement indépendantes de la Convention d'Acquisition et de Garantie.
Elles indiquent que la société Christo Holding ne rapporte pas la preuve d'une quelconque activité en Iran, l'appelante procédant à des amalgames à partir d'une fiche contact d'un agent commercial, Monsieur [B], présente sur le site internet de la société [Y] en 2018, et qui est restée sur la version espagnole et qui y figure toujours, et de la participation de la société [Y] au salon IranPlast sur le pavillon France mis en place par Business France en 2017, qu'il n'en est résulté cependant aucune affaire, que la société Christo Holding a eu connaissance de ces informations avant l'opération de cession, qu'en tout état de cause les échanges intervenus en 2017 n'ont aucun lien avec le projet Imex.
Elles exposent que l'argumentation de l'appelante repose sur un mail interne de Monsieur [I] à Monsieur [Y] de 2017 suite à une discussion avec le représentant de Business France, et que la pièce 65 correspond à des échanges avec Monsieur [B], qui sont présentés d'une manière parfaitement trompeuse et déloyale comme s'il s'agissait d'une continuité de discussions alors qu'aucun lien ne peut être fait entre les échanges (concernant différents contrats, différents interlocuteurs, différents projets, etc..), que ces échanges n'ont d'ailleurs absolument pas fait l'objet d'un constat d'un commissaire de justice, confirmant leur caractère non-probant, qu'il n'est surtout aucunement démontré que la société [Y] aurait suivi les conseils donnés par l'agent de Business France, ni la proposition formulée par Monsieur [B], encore moins pour le projet Imex.
Elles font valoir que les mails datés des mois de février et mars 2019 pièces 55,56,57 et 58, correspondent à des échanges relatifs à un projet Masoom, que ces échanges sont présentés de façon trompeuse et déloyale comme s'il s'agissait d'une continuité de discussions alors qu'aucun lien n'existe entre les échanges qui n'ont pas l'objet d'un constat de commissaire de justice, que le contrat a été conclu avec la société Imex pour la livraison d'une ligne de production en Turquie en 2022. Elles soulignent que ce contrat a été résilié par courrier du 4.07.2024.
Elles indiquent qu'il n'existe pas de contre-lettre, que les deux contrats le premier avec [L] résilié et le contrat Imex ne concernent pas les mêmes produits et pas la même technologie.
S'agissant du bon de livraison produit par l'appelante elles exposent qu'elles ignorent la provenance de celui-ci, que celui-ci a été établi entre la société Kuhne et la société [E] [W] [L] et que le lien avec la société [Y] n'est pas établi.
Enfin elles exposent que l'Iran ne fait absolument pas l'objet d'un « embargo généralisé » de la
part de l'Union Européenne ou de la France.
Elles concluent que si par extraordinaire la Cour de céans venait à considérer que MMI n'aurait pas transmis certaines informations à Christo Holding (ce qui est vivement contesté), il n'est pas démontré que cette absence de transmission aurait été faite intentionnellement et si par extraordinaire la Cour de céans venait à considérer que MMI n'aurait pas transmis intentionnellement certaines informations à Christo Holding, il n'est pas démontré que ces informations auraient été déterminantes de son consentement.
Sur ce
Il est soutenu que la société [Y] aurait conclu avec la société Imex un contrat pour couvrir la vente de machines à une société iranienne de façon à contourner les règles régissant les relations commerciales avec l'Iran et interdisant l'envoi de certains matériels et il est reproché à la société MMI, actionnaire unique de la société [Y] lors de la cession, d'avoir dissimulé
cette information à l'acquéreur.
Il a été jugé ci-dessus que la consultation de la boîte mail de Monsieur [X] [Y] et de la boîte mail de Mme [J] [Y] était une preuve illégale dans la mesure où Christo Holding n'est pas l'employeur de Monsieur [Y] ou la société dont il était le dirigeant.
Il convient donc d'écarter des débats les pièces 55-1 et 55-2 qui constituent des messages échangés entre Monsieur [Y] et Madame [Y] le 21.02.2019.
Le contrat signé entre Imex et [Y] le 27.10.2022 pour un montant de 14.058.000 euros y compris les pièces de rechange d'une valeur de 150.000 euros, porte le numéro L.22061a.
Il stipule que les équipements seront livrés à Imex Turquie, dans les 18 mois du contrat.
Il indique que la machine devra être capable de produire des films BOPE/BOPP.
Un avenant a été signé le 23.06.2023 les parties convenant que la nouvelle annexe technique du contrat est le 2022.013.3. Cette annexe précise que la ligne de production vendue est une ligne de production de BOPE et séquentiel et décrit les spécificités techniques de celle-ci
Le contrat signé entre la société [L] et la société [Y] porte le numéro L22061.
Il indique que la machine devra produire des films BOPE/BOPP.
Le montant du contrat est de 14.200.000 euros y compris les pièces de rechange d'une valeur de 150.000 euros.
Il est indiqué que les équipements seront livrés dans les 18 mois du contrat.
Il est indiqué que le lieu de livraison est l'usine de l'acheteur.
Il est indiqué que si le contrat ne prend pas effet dans le délai d'un an à compter de sa signature et si les parties ne parviennent pas à un autre accord, le contrat pourra être résilié par le vendeur et/ou l'acheteur.
Le contrat est en date du 27.09.2022 et signé par les deux sociétés.
La notice technique n'est pas produite par la société Christo Holding.
Il est constant que le contrat signé avec la société [L] n'a pas pris effet au 27.09.2023.
Par courrier du 4.07.2024 la société [Y] en a pris acte en concluant que le contrat était donc nul et non avenu à compter du 27.09.2023.
Par mail en date du 28.09.2022, Monsieur [I] écrit à Monsieur [Y]:
Objet: contrat et TA L22061
Bonjour, ci-joint contrat et TA signés ce jour. Le contrat couvrant sera fait dès réception des informations de l'entreprise qui paie. La facture sera émise dès la signature du contrat couvrant.
Par mail en date du 28.10.2022 la société Imex écrit à Monsieur [I]:
Cher [T],
Je fais suite à nos fructueuses discussions lors du salon et vous confirme que nous souhaiterions de votre part une première offre selon les spécifications envisagées. Par ailleurs, je vérifierai auprès de ma banque et de mon avocat comment procéder à l'étape suivante, principalement parce que M. [L] continue à assurer le suivi.
Par mail du 4.11.2022 la société Imex écrit à Monsieur [I]:
Cher [T],
Merci pour le contrat et les infos techniques qui ont bien été reçues. Je les ai déjà partagés avec M. [L] et son équipe et attends leurs commentaires.
D'ailleurs, conformément à ma discussion d'aujourd'hui avec M. [Y], merci de m'envoyer la liste et les spécifications de tous les autres équipements nécessaires à cette ligne afin que nous
puissions également travailler sur d'autres étapes. Par exemple, les équipements de découpage ou de services énergétiques tels que le refroidisseur ou le compresseur.
Par mail du 8.11.2022 la société Imex écrit à Monsieur [I] avec en copie [X] [Y] et la société [L]:
Cher [T],
Je fais suite à ma récente discussion avec notre client et souhaiterais vous informer que nous devrions recevoir le premier acompte avant le jeudi 10 novembre et, dès que celui-ci sera crédité sur notre compte Imex, nous le transférerons immédiatement sur le compte de votre société.
Afin d'accélérer ces démarches, veuillez m'envoyer la facture proforma avec le montant du premier service comme convenu, ainsi que vos coordonnées bancaires et vos instructions, afin que je puisse demander à mes comptables de procéder l'étape suivante.
Par mail du 16.11.2022 Monsieur [I] envoie la facture pro-forma qui dans un premier temps est établi au nom de la société [L] puis corrigée pour être établie au nom de la société Imex.
Il ressort de l'ensemble de ces éléments que la société [Y] a conclu un contrat avec la société [L] de droit iranien, puis qu'elle est passée par un intermédiaire entre elle et la société [L] et que cette intermédiaire est la société Imex. Le matériel a donc été vendu à la société Imex qui l'a elle même vendu à la société [L].
Il n'est pas rapporté la preuve par la société MMI qu'elle a informé la société Christo Holding de l'existence de ce montage commercial.
L'élément matériel du dol constitué par l'absence d'information du montage commercial mis en place lors de la vente d'une ligne de production à la société de droit iranien [L] est donc établi.
S'agissant de l'élément intentionnel les parties étaient parfaitement informées de l'existence d'un régime d'exportation spécifique avec l'Iran.
Ainsi dans un mai de Monsieur [I] en date du 23.10.2017 envoyé à [X] [Y] et [J] [Y] et qui fait suite à une discussion téléphonique avec une personne de Business France, celui-ci fait un résumé de ladite discussion qui est le suivant:
Récap de la discussion de ce matin :
- Il conseille de ne pas s'implanter seul en direct, mais de s'associer à un partenaire local. Il
faut s'assurer que le partenaire local soit « clean » (pas mis sur les listes de boycott, ni ses proches, ni ses entreprises')
- Pour la partie légale, il faut se rapprocher de cabinets d'avocats franco-iraniens à Téhéran (il nous envoie des contacts)
- Les grandes banques françaises peuvent bloquer et s'écarter de l'entreprise française (la radier de ses clients ou s'arranger pour que l'entreprise ferme ses comptes chez eux) si elles
s'aperçoivent que l'entreprise française travaille en Iran. Ce type d'action des banques françaises est illégal, mais a déjà été vu. Il conseille de passer par une filiale à l'étranger (Allemagne, Autriche'), ce qui « noie le poisson » et permet des facilités bancaires (les banques Autrichiennes travaillent moins avec le $ et travaillent donc plus facilement avec l'Iran).
- La fabrication locale demande un très fort suivi pour la technique et pour le management (expatriés très fortement souhaités)
- BPI : ça avance. Des choses devraient être mises en place dans le courant du 1er trimestre 2018.
La solution de passer par une entreprise intermédiaire a donc été mise en place comme il avait été, semble-t-il, conseillé par l'entreprise publique de conseil Business France.
La société MMI actionnaire unique de la société [Y] était donc parfaitement informée des contraintes liées à la vente de matériels à une société iranienne.
Le régime de sanctions mis en place concernant l'Iran distingue trois situations:
- les personnes avec lesquelles les relations commerciales et financières sont interdites et les biens qui sont interdits d'exportation, selon des listes annexées aux règlements européens concernant des mesures restrictives à l'encontre de l'Iran,
- les biens susceptibles d'un double usage et devant faire l'objet d'une autorisation d'exportation, biens qui figurent également sur une liste
- les biens dont le commerce est libre.
Ce régime de sanction s'applique aux acteurs économiques participant à la transaction commerciale, y compris les banques partenaires de l'entreprise qui exporte des biens.
La violation des règles de sanction mises en place donne lieu à des sanctions économiques.
Il en résulte, que même si la transaction commerciale relève de la vente de biens dont le commerce est libre, les différents partenaires économiques qui participent à la transaction commerciale doivent être informés des caractéristiques de la vente envisagée de façon d'ue part à procéder à des contrôles et à évaluer le risque encouru.
Par ailleurs dans la mesure où le commerce avec un société iranienne n'est pas interdit mais fait l'objet des restrictions rappelées ci-dessus, un fabricant peut préférer, sans que cela consiste en un détournement du régime de sanction de faire appel à une société intermédiaire. Ce recours peut avoir pour but, en particulier, de déléguer la prise en charge des formalités administratives d'exportation.
La société [Y], parfaitement informée de ce régime de restriction, a mis en place un intermédiaire dans le cadre de l'exécution de son contrat avec une société iranienne.
Pour autant son actionnaire unique, la société MMI n'a pas informé l'acquéreur de cette intermédiation. Au contraire elle a assuré dans le cadre des déclarations que la société cédée n'avait pas contracté avec une société d'un pays sous sanction, ce qui ne constitue pas la vérité puisque si le contrat avec la société [L] n'était effectivement pas direct, la relation commerciale était indirecte par l'intermédiaire de la société Imex.
Cette absence d'information est donc intentionnelle.
L'élément intentionnel du dol est donc caractérisé.
La société Christo Holding soutient que si elle avait été informée de ce montage commercial elle n'aurait pas acquis la société [Y] en particulier parce qu'elle n'aurait pas pu souscrire de prêt pour acquérir la société.
Il y a lieu de rappeler qu'il ressort de la réglementation des restrictions commerciales qu'il n'est pas interdit de commercer avec une société iranienne, directement ou indirectement.
Pour faciliter lesdits échanges les autorités françaises ont d'ailleurs développé des outils à l'usage des entreprises: guide du commerce avec l'Iran, création de la société Instex (instrument in support of Trade Exchanges).
En premier lieu, la société Christo Holding ne rapporte ni la preuve que la société [L] est inscrite sur la liste des sociétés avec lesquelles toute relation commerciale est interdite ou est dirigée par une personne physique avec laquelle toute relation commerciale est interdite.
Elle ne rapporte pas non plus la preuve que le matériel vendu par la société [Y] figure sur la liste des matériels interdits de vente.
Enfin elle ne rapporte pas plus la preuve que le matériel pouvait être considéré comme des biens à double usage.
Compte tenu de l'absence de violation établie du régime de sanction par la société [Y] il ne peut être retenu qu'informée de l'existence de ce contrat la société Christo Holding aurait mis fin à l'acquisition envisagée.
En second lieu la cour souligne que le rapport d'audit de Grand Thornton a établi en page 67 un prévisionnel de chiffre d'affaire par client dont il ressort que le contrat Imex correspond à 1,6% du chiffre d'affaires total des contrats signés et en cours d'exécution ou à exécuter.
Au regard du chiffre d'affaires attendu sur les années à venir de la société [Y] le contrat Imex n'apparaît pas essentiel à la valeur de la société.
Dans le cadre d'un scénario contrefactuel consistant à évaluer les conséquences qu'aurait eu la délivrance de l'information dissimulée à l'acquéreur, la seule conséquence que fait valoir la société Christo Holding aurait été le refus de prêt du pool bancaire.
Contrairement à ce qu'a jugé le tribunal de première instance l'octroi du prêt étant une condition incluse dans le contrat d'acquisition qui devait être réalisé pour que la cession s'effectue le prêt est entré dans le champs contractuel de l'opération de cession.
Cependant d'une part aucun élément n'est produit aux débats établissant que si le pool bancaire ayant prêté la somme de 15 millions d'euros avait été informé de l'existence d'une relation contractuelle indirecte avec une société iranienne, non inscrite sur la liste des sociétés interdites de commerce, pour des biens qui n'étaient ni inscrits sur la liste des biens interdits d'exportation, ni sur la liste des biens soumis à une autorisation d'exportation, elle aurait refusé d'accorder le prêt.
D'autre part il n'est pas établi que la société Hivest n'aurait pas trouvé un autre partenaire bancaire.
Enfin s'il était établi la difficulté de trouver un partenaire bancaire une solution aurait été la résiliation du contrat. A ce titre il n'est pas rapporté la preuve que la résiliation du contrat passé avec la société Imex était impossible. Au contraire il ressort des éléments produits que cette résiliation a eu lieu en juin 2024.
Or comme rappelé ci-dessus le poids du contrat signé avec la société Imex correspond à 1,6% du total des contrats signés au jour de la cession, et cette très faible part dans le chiffre d'affaire envisagé démontre que la résiliation du contrat au moment du processus de cession, n'était pas de nature à modifier l'économie du contrat d'acquisition s'agissant en particulier de la valeur de la société cédée.
Il en résulte que la condition tenant au caractère déterminant de l'information sur la décision d'acquisition n'est pas établie et en conséquence il n'y a pas lieu d'annuler la vente pour dol.
Aucun moyen avancé pour caractériser le dol s'agissant du litige avec la société Foshan Dafu, des commissions versées pour les contrats [Localité 5], des commissions versées pour les contrats Oben ou du contrat avec une société iranienne n'ayant été retenu comme caractérisant un dol la demande en nullité de la cession de la société [Y] en date du 16.11.2023 est rejetée.
Le jugement est confirmé.
Sur les autres demandes
Il est inéquitable de laisser les sociétés MMI et Belair supporter les frais irrépétibles engagés pour assurer leur défense et il convient de leur allouer la somme de 50.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Les dépens sont mis à la charge de la société Christo Holding.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Rejette la note en délibéré adressée après l'audience de plaidoirie sans autorisation de la cour par la société Christo Holding,
Dit irrecevable la demande de sursis à statuer présentée par les sociétés MMI et Belair
Rejette la demande des sociétés MMI et Belair de communication de la plainte pénale ou du signalement adressé au ministère public
Infirme le jugement en ce qu'il a rejeté la demande des sociétés MMI et Belair de retrait de la pièce 55-2 et statuant à nouveau ordonne le retrait de la pièce 55-2 obtenue illicitement
Confirme le jugement en ce qu'il a rejeté la demande des sociétés MMI et Belair de retrait de la pièce 25 s'agissant du rapport d'enquête interne
Rejette la demande de communication de pièces concernant les annexes du rapport d'enquête interne
Confirme le jugement en ce qu'il a rejeté la fin de non recevoir fondée sur l'absence alléguée de mise en oeuvre de la procédure de conciliation
Déclare recevable en cause d'appel l'intervention volontaire de la société Christo Topco, recevable les conclusions signifiées par la société Christo Topco et rejette l'exception d'irrecevabilité de l'action en nullité de la cession pour dol engagée par la société Christo Holding
Confirme dans toutes ses autres dispositions le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris
Condamne la société Christo Holding à payer aux sociétés MMI et Belair, ensemble, la somme de 50.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
Condamne la société Christo Holding aux dépens.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE