CA Paris, Pôle 3 - ch. 1, 28 août 2025, n° 23/09117
PARIS
Arrêt
Autre
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 3 - Chambre 1
ARRET DU 28 AOUT 2025
(n° 2025/ , 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/09117 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHU54
Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Mars 2023 - Tribunal judiciaire de MEAUX - RG n° 21/04903
APPELANTE
[11]
[Adresse 10]
représentée par Me Juliette BARRE de la SCP NORMAND & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0141
INTIMEE
Madame [E] [L] [J]
née le [Date naissance 2] 1960 à [Localité 16] (77)
[Adresse 5]
[Localité 9]
représentée par Me Jean-Baptiste MESNIER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0586
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Mars 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Bertrand GELOT, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Isabelle PAULMIER-CAYOL, Conseiller faisant fonction de Président
M. Bertrand GELOT, Conseiller
Mme Patricia GRASSO, Magistrat honoraire
Greffier lors des débats : Mme Caroline GAUTIER
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Isabelle PAULMIER-CAYOL, Conseiller faisant fonction de Président, et par Mme Emilie POMPON, Greffier, présentes lors de la mise à disposition.
***
EXPOSE DU LITIGE
Par acte du 28 juillet 2006, M. [V] [P] et Mme [E] [J] ont acquis en indivision à parts égales une maison sis à [Adresse 14], cadastrée section BR numéros [Cadastre 3] et [Cadastre 4] au prix de 167 693,92 euros.
Par jugement du 22 novembre 2016, le tribunal correctionnel de Pontoise a notamment prononcé à l'encontre de M. [V] [P] une peine complémentaire de confiscation de la quote-part indivise lui appartenant dans cet immeuble. Ce jugement a été confirmé par arrêt de la cour d'appel de Versailles du 30 octobre 2017 et est devenu définitif le 27 mars 2018 par déchéance du pourvoi formé à son encontre.
La mutation de propriété résultant de cette confiscation a été publiée le 11 décembre 2018 au service de la publicité foncière de [Localité 17], volume 2018 P, numéro 14837.
L'Agence de Gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (l'AGRASC) a proposé à Mme [J] qui occupe l'immeuble avec son fils, de racheter sa part indivise au prix de 230 000 euros ; Mme [J] n'y a pas donné suite.
Par acte d'huissier du 28 octobre 2021, l'AGRASC a fait assigner Mme [J] devant le tribunal judiciaire de Meaux aux fins de licitation et de partage judiciaire.
Par jugement contradictoire du 3 mars 2023, la première chambre civile du tribunal judiciaire de Meaux a':
- déclaré Mme [E] [J] irrecevable en sa demande d'expertise judiciaire de l'immeuble indivis';
- ordonné l'ouverture des opérations de liquidation et partage judiciaire de l'indivision existant entre l'AGRASC et Mme [E] [J], née le [Date naissance 7] 1960 à [Localité 16]';
- désigné pour y procéder Maître [F] [U], notaire à [Localité 13], [Adresse 8] (Tél : [XXXXXXXX01])';
- désigné en qualité de juge commis le magistrat présidant la section des liquidations et indivisions relevant de la compétence du tribunal judiciaire de Meaux pour surveiller ces opérations et faire son rapport sur le partage en cas de difficulté';
- dit qu'en cas d'empêchement du notaire il sera procédé à son remplacement par ordonnance du juge commis rendue sur requête';
- rappelé que le notaire accomplira sa mission dans les conditions fixées par les articles 1365 et suivants du code de procédure civile';
- rappelé que le notaire commis pourra s'adjoindre, si la valeur ou la consistance des biens le justifie, un expert choisi d'un commun accord entre les parties ou, à défaut, désigné par le juge commis';
- dit que le notaire ainsi désigné se fera remettre tous documents financiers utiles à sa mission, en intervenant directement tant auprès de parties qu'auprès des tiers, sans que le secret professionnel ne puisse lui être opposé';
- rappelé que l'état liquidatif devra être établi dans le délai d'un an suivant la désignation du notaire, et qu'une prorogation de délai d'un an au plus pourra être accordée par le juge commis, si la complexité des opérations le justifie, sur demande du notaire ou d'un copartageant,';
- rappelé que ce délai est suspendu en cas d'adjudication des biens et jusqu'au jour de la réalisation définitive de celle-ci';
- rappelé que les parties devront remettre au notaire tout document utile à l'accomplissement de sa mission, et qu'à défaut le juge commis peut prononcer une astreinte à cette fin';
- rappelé que les copartageants peuvent, à tout moment, abandonner les voies judiciaires et poursuivre le partage à l'amiable et qu'en cas de signature d'un tel acte de partage amiable le notaire en informe le tribunal ';
- dit qu'il sera tenu compte à Mme [J] de ses dépenses de conservation et d'amélioration du bien indivis payées par elle depuis le 28 juillet 2006, sous réserve de justification de l'impense et de son paiement auprès du notaire désigné ;
- dit que Mme [J] est redevable d'une indemnité d'occupation envers l'indivision depuis le 27 mars 2018 et jusqu'à libération des lieux ou signature d'un acte de partage opérant transfert de propriété, ou jusqu'au jour de la jouissance divise si ce bien lui était attribué dans le cadre du partage à intervenir, le juge aux affaires familiales se réservant le pouvoir de trancher une éventuelle contestation, en cas de difficulté devant le notaire';
- dit qu'il sera tenu compte à l'égard de Mme [J] des dépenses de conservation et d'amélioration par elle payées pour l'immeuble indivis depuis le 28 juillet 2006, sous réserve d'en justifier devant le notaire désigné ;
- ordonné qu'il soit procédé, à défaut d'accord entre les parties ou de vente de gré à gré dans un délai de 10 mois à compter de la signification du présent jugement par la partie la plus diligente, en présence de l'ensemble des parties ou celles-ci dûment appelées en l'audience des criées du tribunal judiciaire de Meaux (77100), après accomplissement des formalités légales et de publicité, sur le cahier des charges dressé et déposé par Maître François Meurin, avocat au barreau de Meaux, ou par tout avocat du même barreau qui s'y substituerait, à la vente, sur licitation au plus offrant et dernier enchérisseur du bien immobilier indivis suivant : une maison individuelle sise [Adresse 6], cadastrée section BR n° [Cadastre 3] pour une superficie de 00 ha 06 a 31 ca et section BR n° [Cadastre 4] pour une superficie de 00 ha 00 a 82 ca';
- fixé la mise à prix de ce bien à la somme de 280 000 euros';
- dit qu'à défaut d'enchère sur le montant de cette mise à prix, il sera procédé immédiatement à une nouvelle mise en vente sur la baisse de mise à prix du quart et faute d'enchère sur une mise à prix baissée du quart, il sera immédiatement procédé à une nouvelle mise en vente sur la baisse de mise à prix de moitié';
- dit que ce cahier des charges devra contenir une clause prévoyant la substitution d'un indivisaire au tiers adjudicataire et précisant que cette faculté devra être exercée par déclaration auprès du greffe de la juridiction dans le délai d'un mois à compter de l'adjudication';
- dit que ce cahier des charges fera également mention de ce que le bénéfice de la substitution sera accordé à celui qui en a fait la demande le premier, et de ce que chaque indivisaire devra, pour exercer sa faculté de substitution, préalablement déposer entre les mains de l'avocat poursuivant le montant de l'adjudication, et ce sous peine de nullité de la substitution';
- rappelé que l'indivisaire qui a le premier fait la déclaration de substitution se trouve seul substitué comme acquéreur à l'adjudicataire';
- autorisé tout huissier de justice choisi par l'avocat auteur du cahier des charges, qui pourra s'adjoindre tout expert en diagnostic de son choix, à pénétrer dans les lieux et, si besoin avec le concours de la force publique et d'un serrurier après deux visites infructueuses, afin de dresser un procès-verbal de description de l'immeuble et faire effectuer les diagnostics nécessaires à la vente et d'organiser les visites des amateurs potentiels en vue de l'adjudication dans le mois précédent la vente avec un maximum de deux heures par jour du lundi au samedi de 9 h à 12 h et de 14 h à 18 h';
- rappelé que sont applicables à la licitation d'immeuble les dispositions des articles R.322-39 à R.322-49, R.322-59, R.322-61, R.322-62 et R.322-66 à R.322-72 du code des procédures civiles d'exécution, et ce à l'exclusion des dispositions des articles R.322-31 à R.322-38 du même code';
- fixé comme suit en application de l'article 1274 du code de procédure civile les modalités de la publicité applicable à la présente vente :
distribution de 50 affiches à main format A4,
affichage de 10 affiches de couleur format A3 apposées dans les locaux de la juridiction siège de la vente et en tout lieu autorisé et accessible au public,
insertion d'une annonce dans le journal [Localité 15] ou Le Pays Briard, dans un journal spécialisé d'annonces légales ou sur un site internet dédié';
- renvoyé les parties à poursuivre les opérations de partage devant le notaire commis, une fois la licitation intervenue';
- rejeté toute demande autre, plus ample ou contraire';
- ordonné l'emploi des dépens en frais privilégiés de partage';
- rejeté la demande de Mme [E] [J] fondée sur l'article 700 du code de procédure civile';
- rappelé que le présent jugement bénéficie de plein droit de l'exécution provisoire.
Par déclaration du 19 mai 2023, l'établissement public [12] a interjeté appel de cette décision.
L'établissement public [12] a remis ses premières conclusions d'appelant le 24 juillet 2023.
Mme [E] [J] a remis et notifié ses premières conclusions d'intimée le 11 octobre 2023.
Aux termes de ses dernières conclusions d'appelant remises et notifiées le 9 janvier 2024, l'établissement public [12] demande à la cour de':
- le recevoir en son appel et l'y dire bien fondé';
- réformer le jugement rendu par la première chambre civile du tribunal judiciaire de Meaux le 3 mars 2023 en ce qu'il a dit qu'il serait tenu compte à Mme [E] [J] de ses dépenses de conservation et d'amélioration du bien indivis payées par elle depuis le 28 juillet 2006 ;
- statuant à nouveau, juger que le notaire commis devra tenir compte des dépenses justifiées éventuellement exposées par l'une ou l'autre des parties pour le compte de l'indivision, ainsi que des indemnités d'occupation dues par Mme [J] depuis le 28 mars 2018 ;
débouter Mme [E] [J] de son appel incident et confirmer le jugement entrepris pour le surplus ;
- débouter Mme [E] [J] de sa demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et au titre des dépens ;
- y ajoutant, condamner Mme [E] [J] à payer à l'agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens d'appel.
Aux termes de ses uniques conclusions d'intimée comportant appel incident remises et notifiées le 11 octobre 2023, Mme [E] [J] demande à la cour de':
- confirmer le jugement du 3 mars 2023 en ce qu'il a dit qu'il serait tenu compte à l'égard de Mme [J] des dépenses de conservation et d'amélioration par elle payées pour l'immeuble indivis depuis le 28 juillet 2006';
- infirmer le jugement du 3 mars 2023 en ce qu'il a condamné Mme [J] à payer à l'AGRASC une indemnité d'occupation à compter du 27 mars 2018 ;
- condamner l'AGRASC à verser à Mme [E] [J] 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Pour un exposé plus ample des moyens des parties au soutien de leurs prétentions que ceux ci-après exposés, il sera renvoyé à leurs écritures susvisées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.'
L'ordonnance de clôture a été rendue le 11 février 2025.
L'affaire a été appelée à l'audience du 4 mars 2025.
MOTIFS DE LA DECISION':
Sur la demande relative aux dépenses de conservation et d'amélioration':
Les premiers juges ont dit qu'il sera tenu compte des dépenses de conservation et d'amélioration du bien indivis payées par Mme [J] depuis le 28 juillet 2006, aux motifs que l'indivision est en l'espèce conventionnelle, que la confiscation n'a fait que subroger l'AGRASC à M. [P] et que Mme [J] est dès lors fondée à réclamer des comptes pour les dépenses d'amélioration ou de conservation du bien indivis depuis la naissance de l'indivision.
A l'appui de sa demande visant à réformer le jugement sur ce point et de dire que «'le notaire commis doit tenir compte des dépenses justifiées éventuellement exposées par l'une ou l'autre des parties pour le compte de l'indivision'», l'établissement public [12] expose devant la cour que':
- le tribunal a statué ultra petita, en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile, alors que Mme [J] lui demandait de juger qu'elle était en droit de réclamer des comptes pour les dépenses d'amélioration et de conservation à compter de la date de la saisie pénale, soit le 18 août 2015';
- aucun texte ne prévoit que la peine de confiscation emporte subrogation de l'Etat dans les droits et obligations de la personne à l'encontre de laquelle la confiscation est prononcée';
- jusqu'à la confiscation définitive du bien le 27 mars 2018, M. [P] est resté propriétaire du bien saisi';
- ce n'est qu'à compter du 27 mars 2018 que l'Etat devenu propriétaire du bien était redevable des charges et travaux, et aucune solidarité n'existe entre propriétaires successifs pour le paiement des charges engagées avant la mutation de propriété.
A l'appui de sa demande visant à confirmer le jugement et à dire qu'il sera tenu compte des dépenses de conservation et d'amélioration du bien indivis payées par Mme [J] depuis le 28 juillet 2006, cette dernière fait valoir devant la cour que':
- elle a procédé à l'aménagement des combles du bien, afin d'y créer deux appartements, dont la plus-value bénéficiera à l'AGRASC à la revente du bien';
- il y a eu subrogation dès lors que «'le bien saisi'» est entré dans le patrimoine de l'AGRASC';
- en sa qualité de propriétaire indivis, l'AGRASC est tenue de participer au paiement des charges et taxes depuis le 18 août 2015.
Selon l'article 4 du code de procédure civile, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.
Ces prétentions sont fixées par l'acte introductif d'instance et par les conclusions en défense. Toutefois l'objet du litige peut être modifié par des demandes incidentes lorsque celles-ci se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.
L'article 5 du même code précise que le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé.
Par ailleurs, il résulte notamment du 2e alinéa de l'article 131-21 du code pénal que'la confiscation porte sur tous les biens meubles ou immeubles, quelle qu'en soit la nature, divis ou indivis, ayant servi à commettre l'infraction ou qui étaient destinés à la commettre, et dont le condamné est propriétaire ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, dont il a la libre disposition.'
Enfin, le 1er alinéa de l'article 815-13 du code civil dispose que lorsqu'un indivisaire a amélioré à ses frais l'état d'un bien indivis, il doit lui en être tenu compte selon l'équité, eu égard à ce dont la valeur du bien se trouve augmentée au temps du partage ou de l'aliénation. Il doit lui être pareillement tenu compte des dépenses nécessaires qu'il a faites de ses deniers personnels pour la conservation desdits biens, encore qu'elles ne les aient point améliorés.
En l'espèce, il est suffisamment établi que Mme [J] a réalisé d'importants travaux d'amélioration du dernier étage du bien indivis.
Par ailleurs, l'AGRASC est devenue, par l'effet de la décision de confiscation de la quote-part indivise du bien, coïndivisaire de l'ensemble de ce bien.
Or bien que l'indivision ne possède pas la personnalité morale, les termes de l'article 815-13 précités n'établissent pas de distinction entre les différents coïndivisaires susceptibles d'être débiteurs d'une créance invoquée par l'un d'eux au titre de ses impenses, notamment quant à la date à laquelle ces derniers sont entrés dans l'indivision.
S'agissant des demandes formulées par les parties et du fait que les premiers juges auraient statué au-delà de celles-ci, l'AGRASC déclare dans ses conclusions que Mme [J] a demandé au tribunal «'de juger qu'elle était en droit de réclamer des comptes pour les dépenses de conservation et d'amélioration par elle payées depuis la date de la saisie pénale'».
En réalité, il résulte des pièces produites par les parties que devant les premiers juges, Mme [J] a évoqué les travaux réalisés sans préciser le point de départ de ces derniers, évoquant la désignation initiale du bien dans l'acte d'acquisition du 28 juillet 2006.
La date du 18 août 2015 sur laquelle se fonde l'AGRASC et qu'aurait invoquée Mme [J] comme point de départ des travaux n'est pas évoquée par cette dernière dans le paragraphe propre aux travaux, mais dans celui consacré au paiement des charges.
Néanmoins, l'AGRASC a demandé au tribunal de «'dire et juger que le notaire commis devra tenir compte des dépenses justifiées éventuellement exposées par l'une ou l'autre des parties pour le compte de l'indivision'», et Mme [J] n'a pas formulé de demandes particulières quant aux travaux d'amélioration et de conservation, sollicitant seulement de «'prendre acte de son accord pour qu'il soit procédé aux opérations de compte de l'indivision'».
En conséquence, en prévoyant aux termes de son dispositif la prise en compte au profit de Mme [J] de ses dépenses de conservation et d'amélioration du bien indivis payées par elle pour l'immeuble indivis depuis le 28 juillet 2006, le tribunal a statué au-delà des demandes des parties.
Il convient dès lors de réformer le jugement de ce chef afin d'accueillir la demande telle qu'elle a été formulée par l'AGRASC.
Sur la demande relative à l'indemnité d'occupation':
Les premiers juges ont dit que Mme [J] est redevable d'une indemnité d'occupation envers l'indivision depuis le 27 mars 2018 et jusqu'à libération des lieux ou signature d'un acte de partage, aux motifs qu'elle occupait le bien avec son concubin M. [P] et que cette occupation exclusive a continué lorsque l'AGRASC s'est substituée à M. [P] par jugement de confiscation devenu définitif en date du 27 mars 2018.
A l'appui de sa demande visant à infirmer le jugement et à ne pas la condamner au versement d'une indemnité d'occupation, Mme [J] soutient devant la cour que cette occupation n'a pas préjudicié à l'AGRASC et que celle-ci n'avait aucunement l'intention d'occuper le bien ni de le louer.
L'AGRASC demande la confirmation du jugement ayant dit que Mme [J] est redevable d'une indemnité d'occupation à compter du 27 mars 2018, au motif qu'il n'est pas contesté que Mme [J] jouit de façon exclusive et privative du bien indivis depuis cette date.
Aux termes de l'article 815-9 du code civil, chaque indivisaire peut user et jouir des biens indivis conformément à leur destination, dans la mesure compatible avec le droit des autres indivisaires et avec l'effet des actes régulièrement passés au cours de l'indivision. A défaut d'accord entre les intéressés, l'exercice de ce droit est réglé, à titre provisoire, par le président du tribunal.
L'indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d'une indemnité.
En l'espèce, il n'est pas contesté que Mme [J] occupe le bien indivis à titre exclusif et privatif depuis la fin de l'occupation partagée avec M. [P]. Cette fin de l'occupation concurrente du bien coïncide avec la perte du droit de propriété de ce dernier et la nouvelle qualité d'indivisaire de l'AGRASC du fait de la confiscation, soit le 27 mars 2018.
Par ailleurs, le 2e alinéa susvisé de l'article 815-9 du code civil ne subordonne aucunement l'exigibilité d'une indemnité à un quelconque préjudice, ni à la possibilité ou non de louer le bien indivis.
En conséquence, Mme [J] doit être déboutée de sa demande et le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur les demandes accessoires':
Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.
Mme [J], partie perdante y compris en son appel incident, sera condamnée aux dépens d'appel.
En vertu de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés non compris dans les dépens.
'
Compte tenu de la nature de l'affaire et de l'équité, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Les parties seront en conséquence déboutées de leurs demandes.
PAR CES MOTIFS':
La cour, statuant publiquement par décision contradictoire et en dernier ressort,
Infirme le jugement rendu par le tribunal en ce qu'il a'dit qu'il sera tenu compte à l'égard de Mme [J] des dépenses de conservation et d'amélioration par elle payées pour l'immeuble indivis depuis le 28 juillet 2006, sous réserve d'en justifier devant le notaire désigné ;
Statuant à nouveau':
Dit que le notaire commis devra tenir compte des dépenses justifiées éventuellement exposées par l'une ou l'autre des parties pour le compte de l'indivision';
Confirme le jugement en ses autres chefs dévolus à la cour';
Condamne Mme [E] [J] aux dépens d'appel';
Déboute les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le Greffier, Le Président,
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 3 - Chambre 1
ARRET DU 28 AOUT 2025
(n° 2025/ , 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/09117 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHU54
Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Mars 2023 - Tribunal judiciaire de MEAUX - RG n° 21/04903
APPELANTE
[11]
[Adresse 10]
représentée par Me Juliette BARRE de la SCP NORMAND & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0141
INTIMEE
Madame [E] [L] [J]
née le [Date naissance 2] 1960 à [Localité 16] (77)
[Adresse 5]
[Localité 9]
représentée par Me Jean-Baptiste MESNIER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0586
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Mars 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Bertrand GELOT, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Isabelle PAULMIER-CAYOL, Conseiller faisant fonction de Président
M. Bertrand GELOT, Conseiller
Mme Patricia GRASSO, Magistrat honoraire
Greffier lors des débats : Mme Caroline GAUTIER
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Isabelle PAULMIER-CAYOL, Conseiller faisant fonction de Président, et par Mme Emilie POMPON, Greffier, présentes lors de la mise à disposition.
***
EXPOSE DU LITIGE
Par acte du 28 juillet 2006, M. [V] [P] et Mme [E] [J] ont acquis en indivision à parts égales une maison sis à [Adresse 14], cadastrée section BR numéros [Cadastre 3] et [Cadastre 4] au prix de 167 693,92 euros.
Par jugement du 22 novembre 2016, le tribunal correctionnel de Pontoise a notamment prononcé à l'encontre de M. [V] [P] une peine complémentaire de confiscation de la quote-part indivise lui appartenant dans cet immeuble. Ce jugement a été confirmé par arrêt de la cour d'appel de Versailles du 30 octobre 2017 et est devenu définitif le 27 mars 2018 par déchéance du pourvoi formé à son encontre.
La mutation de propriété résultant de cette confiscation a été publiée le 11 décembre 2018 au service de la publicité foncière de [Localité 17], volume 2018 P, numéro 14837.
L'Agence de Gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (l'AGRASC) a proposé à Mme [J] qui occupe l'immeuble avec son fils, de racheter sa part indivise au prix de 230 000 euros ; Mme [J] n'y a pas donné suite.
Par acte d'huissier du 28 octobre 2021, l'AGRASC a fait assigner Mme [J] devant le tribunal judiciaire de Meaux aux fins de licitation et de partage judiciaire.
Par jugement contradictoire du 3 mars 2023, la première chambre civile du tribunal judiciaire de Meaux a':
- déclaré Mme [E] [J] irrecevable en sa demande d'expertise judiciaire de l'immeuble indivis';
- ordonné l'ouverture des opérations de liquidation et partage judiciaire de l'indivision existant entre l'AGRASC et Mme [E] [J], née le [Date naissance 7] 1960 à [Localité 16]';
- désigné pour y procéder Maître [F] [U], notaire à [Localité 13], [Adresse 8] (Tél : [XXXXXXXX01])';
- désigné en qualité de juge commis le magistrat présidant la section des liquidations et indivisions relevant de la compétence du tribunal judiciaire de Meaux pour surveiller ces opérations et faire son rapport sur le partage en cas de difficulté';
- dit qu'en cas d'empêchement du notaire il sera procédé à son remplacement par ordonnance du juge commis rendue sur requête';
- rappelé que le notaire accomplira sa mission dans les conditions fixées par les articles 1365 et suivants du code de procédure civile';
- rappelé que le notaire commis pourra s'adjoindre, si la valeur ou la consistance des biens le justifie, un expert choisi d'un commun accord entre les parties ou, à défaut, désigné par le juge commis';
- dit que le notaire ainsi désigné se fera remettre tous documents financiers utiles à sa mission, en intervenant directement tant auprès de parties qu'auprès des tiers, sans que le secret professionnel ne puisse lui être opposé';
- rappelé que l'état liquidatif devra être établi dans le délai d'un an suivant la désignation du notaire, et qu'une prorogation de délai d'un an au plus pourra être accordée par le juge commis, si la complexité des opérations le justifie, sur demande du notaire ou d'un copartageant,';
- rappelé que ce délai est suspendu en cas d'adjudication des biens et jusqu'au jour de la réalisation définitive de celle-ci';
- rappelé que les parties devront remettre au notaire tout document utile à l'accomplissement de sa mission, et qu'à défaut le juge commis peut prononcer une astreinte à cette fin';
- rappelé que les copartageants peuvent, à tout moment, abandonner les voies judiciaires et poursuivre le partage à l'amiable et qu'en cas de signature d'un tel acte de partage amiable le notaire en informe le tribunal ';
- dit qu'il sera tenu compte à Mme [J] de ses dépenses de conservation et d'amélioration du bien indivis payées par elle depuis le 28 juillet 2006, sous réserve de justification de l'impense et de son paiement auprès du notaire désigné ;
- dit que Mme [J] est redevable d'une indemnité d'occupation envers l'indivision depuis le 27 mars 2018 et jusqu'à libération des lieux ou signature d'un acte de partage opérant transfert de propriété, ou jusqu'au jour de la jouissance divise si ce bien lui était attribué dans le cadre du partage à intervenir, le juge aux affaires familiales se réservant le pouvoir de trancher une éventuelle contestation, en cas de difficulté devant le notaire';
- dit qu'il sera tenu compte à l'égard de Mme [J] des dépenses de conservation et d'amélioration par elle payées pour l'immeuble indivis depuis le 28 juillet 2006, sous réserve d'en justifier devant le notaire désigné ;
- ordonné qu'il soit procédé, à défaut d'accord entre les parties ou de vente de gré à gré dans un délai de 10 mois à compter de la signification du présent jugement par la partie la plus diligente, en présence de l'ensemble des parties ou celles-ci dûment appelées en l'audience des criées du tribunal judiciaire de Meaux (77100), après accomplissement des formalités légales et de publicité, sur le cahier des charges dressé et déposé par Maître François Meurin, avocat au barreau de Meaux, ou par tout avocat du même barreau qui s'y substituerait, à la vente, sur licitation au plus offrant et dernier enchérisseur du bien immobilier indivis suivant : une maison individuelle sise [Adresse 6], cadastrée section BR n° [Cadastre 3] pour une superficie de 00 ha 06 a 31 ca et section BR n° [Cadastre 4] pour une superficie de 00 ha 00 a 82 ca';
- fixé la mise à prix de ce bien à la somme de 280 000 euros';
- dit qu'à défaut d'enchère sur le montant de cette mise à prix, il sera procédé immédiatement à une nouvelle mise en vente sur la baisse de mise à prix du quart et faute d'enchère sur une mise à prix baissée du quart, il sera immédiatement procédé à une nouvelle mise en vente sur la baisse de mise à prix de moitié';
- dit que ce cahier des charges devra contenir une clause prévoyant la substitution d'un indivisaire au tiers adjudicataire et précisant que cette faculté devra être exercée par déclaration auprès du greffe de la juridiction dans le délai d'un mois à compter de l'adjudication';
- dit que ce cahier des charges fera également mention de ce que le bénéfice de la substitution sera accordé à celui qui en a fait la demande le premier, et de ce que chaque indivisaire devra, pour exercer sa faculté de substitution, préalablement déposer entre les mains de l'avocat poursuivant le montant de l'adjudication, et ce sous peine de nullité de la substitution';
- rappelé que l'indivisaire qui a le premier fait la déclaration de substitution se trouve seul substitué comme acquéreur à l'adjudicataire';
- autorisé tout huissier de justice choisi par l'avocat auteur du cahier des charges, qui pourra s'adjoindre tout expert en diagnostic de son choix, à pénétrer dans les lieux et, si besoin avec le concours de la force publique et d'un serrurier après deux visites infructueuses, afin de dresser un procès-verbal de description de l'immeuble et faire effectuer les diagnostics nécessaires à la vente et d'organiser les visites des amateurs potentiels en vue de l'adjudication dans le mois précédent la vente avec un maximum de deux heures par jour du lundi au samedi de 9 h à 12 h et de 14 h à 18 h';
- rappelé que sont applicables à la licitation d'immeuble les dispositions des articles R.322-39 à R.322-49, R.322-59, R.322-61, R.322-62 et R.322-66 à R.322-72 du code des procédures civiles d'exécution, et ce à l'exclusion des dispositions des articles R.322-31 à R.322-38 du même code';
- fixé comme suit en application de l'article 1274 du code de procédure civile les modalités de la publicité applicable à la présente vente :
distribution de 50 affiches à main format A4,
affichage de 10 affiches de couleur format A3 apposées dans les locaux de la juridiction siège de la vente et en tout lieu autorisé et accessible au public,
insertion d'une annonce dans le journal [Localité 15] ou Le Pays Briard, dans un journal spécialisé d'annonces légales ou sur un site internet dédié';
- renvoyé les parties à poursuivre les opérations de partage devant le notaire commis, une fois la licitation intervenue';
- rejeté toute demande autre, plus ample ou contraire';
- ordonné l'emploi des dépens en frais privilégiés de partage';
- rejeté la demande de Mme [E] [J] fondée sur l'article 700 du code de procédure civile';
- rappelé que le présent jugement bénéficie de plein droit de l'exécution provisoire.
Par déclaration du 19 mai 2023, l'établissement public [12] a interjeté appel de cette décision.
L'établissement public [12] a remis ses premières conclusions d'appelant le 24 juillet 2023.
Mme [E] [J] a remis et notifié ses premières conclusions d'intimée le 11 octobre 2023.
Aux termes de ses dernières conclusions d'appelant remises et notifiées le 9 janvier 2024, l'établissement public [12] demande à la cour de':
- le recevoir en son appel et l'y dire bien fondé';
- réformer le jugement rendu par la première chambre civile du tribunal judiciaire de Meaux le 3 mars 2023 en ce qu'il a dit qu'il serait tenu compte à Mme [E] [J] de ses dépenses de conservation et d'amélioration du bien indivis payées par elle depuis le 28 juillet 2006 ;
- statuant à nouveau, juger que le notaire commis devra tenir compte des dépenses justifiées éventuellement exposées par l'une ou l'autre des parties pour le compte de l'indivision, ainsi que des indemnités d'occupation dues par Mme [J] depuis le 28 mars 2018 ;
débouter Mme [E] [J] de son appel incident et confirmer le jugement entrepris pour le surplus ;
- débouter Mme [E] [J] de sa demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et au titre des dépens ;
- y ajoutant, condamner Mme [E] [J] à payer à l'agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens d'appel.
Aux termes de ses uniques conclusions d'intimée comportant appel incident remises et notifiées le 11 octobre 2023, Mme [E] [J] demande à la cour de':
- confirmer le jugement du 3 mars 2023 en ce qu'il a dit qu'il serait tenu compte à l'égard de Mme [J] des dépenses de conservation et d'amélioration par elle payées pour l'immeuble indivis depuis le 28 juillet 2006';
- infirmer le jugement du 3 mars 2023 en ce qu'il a condamné Mme [J] à payer à l'AGRASC une indemnité d'occupation à compter du 27 mars 2018 ;
- condamner l'AGRASC à verser à Mme [E] [J] 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Pour un exposé plus ample des moyens des parties au soutien de leurs prétentions que ceux ci-après exposés, il sera renvoyé à leurs écritures susvisées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.'
L'ordonnance de clôture a été rendue le 11 février 2025.
L'affaire a été appelée à l'audience du 4 mars 2025.
MOTIFS DE LA DECISION':
Sur la demande relative aux dépenses de conservation et d'amélioration':
Les premiers juges ont dit qu'il sera tenu compte des dépenses de conservation et d'amélioration du bien indivis payées par Mme [J] depuis le 28 juillet 2006, aux motifs que l'indivision est en l'espèce conventionnelle, que la confiscation n'a fait que subroger l'AGRASC à M. [P] et que Mme [J] est dès lors fondée à réclamer des comptes pour les dépenses d'amélioration ou de conservation du bien indivis depuis la naissance de l'indivision.
A l'appui de sa demande visant à réformer le jugement sur ce point et de dire que «'le notaire commis doit tenir compte des dépenses justifiées éventuellement exposées par l'une ou l'autre des parties pour le compte de l'indivision'», l'établissement public [12] expose devant la cour que':
- le tribunal a statué ultra petita, en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile, alors que Mme [J] lui demandait de juger qu'elle était en droit de réclamer des comptes pour les dépenses d'amélioration et de conservation à compter de la date de la saisie pénale, soit le 18 août 2015';
- aucun texte ne prévoit que la peine de confiscation emporte subrogation de l'Etat dans les droits et obligations de la personne à l'encontre de laquelle la confiscation est prononcée';
- jusqu'à la confiscation définitive du bien le 27 mars 2018, M. [P] est resté propriétaire du bien saisi';
- ce n'est qu'à compter du 27 mars 2018 que l'Etat devenu propriétaire du bien était redevable des charges et travaux, et aucune solidarité n'existe entre propriétaires successifs pour le paiement des charges engagées avant la mutation de propriété.
A l'appui de sa demande visant à confirmer le jugement et à dire qu'il sera tenu compte des dépenses de conservation et d'amélioration du bien indivis payées par Mme [J] depuis le 28 juillet 2006, cette dernière fait valoir devant la cour que':
- elle a procédé à l'aménagement des combles du bien, afin d'y créer deux appartements, dont la plus-value bénéficiera à l'AGRASC à la revente du bien';
- il y a eu subrogation dès lors que «'le bien saisi'» est entré dans le patrimoine de l'AGRASC';
- en sa qualité de propriétaire indivis, l'AGRASC est tenue de participer au paiement des charges et taxes depuis le 18 août 2015.
Selon l'article 4 du code de procédure civile, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.
Ces prétentions sont fixées par l'acte introductif d'instance et par les conclusions en défense. Toutefois l'objet du litige peut être modifié par des demandes incidentes lorsque celles-ci se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.
L'article 5 du même code précise que le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé.
Par ailleurs, il résulte notamment du 2e alinéa de l'article 131-21 du code pénal que'la confiscation porte sur tous les biens meubles ou immeubles, quelle qu'en soit la nature, divis ou indivis, ayant servi à commettre l'infraction ou qui étaient destinés à la commettre, et dont le condamné est propriétaire ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, dont il a la libre disposition.'
Enfin, le 1er alinéa de l'article 815-13 du code civil dispose que lorsqu'un indivisaire a amélioré à ses frais l'état d'un bien indivis, il doit lui en être tenu compte selon l'équité, eu égard à ce dont la valeur du bien se trouve augmentée au temps du partage ou de l'aliénation. Il doit lui être pareillement tenu compte des dépenses nécessaires qu'il a faites de ses deniers personnels pour la conservation desdits biens, encore qu'elles ne les aient point améliorés.
En l'espèce, il est suffisamment établi que Mme [J] a réalisé d'importants travaux d'amélioration du dernier étage du bien indivis.
Par ailleurs, l'AGRASC est devenue, par l'effet de la décision de confiscation de la quote-part indivise du bien, coïndivisaire de l'ensemble de ce bien.
Or bien que l'indivision ne possède pas la personnalité morale, les termes de l'article 815-13 précités n'établissent pas de distinction entre les différents coïndivisaires susceptibles d'être débiteurs d'une créance invoquée par l'un d'eux au titre de ses impenses, notamment quant à la date à laquelle ces derniers sont entrés dans l'indivision.
S'agissant des demandes formulées par les parties et du fait que les premiers juges auraient statué au-delà de celles-ci, l'AGRASC déclare dans ses conclusions que Mme [J] a demandé au tribunal «'de juger qu'elle était en droit de réclamer des comptes pour les dépenses de conservation et d'amélioration par elle payées depuis la date de la saisie pénale'».
En réalité, il résulte des pièces produites par les parties que devant les premiers juges, Mme [J] a évoqué les travaux réalisés sans préciser le point de départ de ces derniers, évoquant la désignation initiale du bien dans l'acte d'acquisition du 28 juillet 2006.
La date du 18 août 2015 sur laquelle se fonde l'AGRASC et qu'aurait invoquée Mme [J] comme point de départ des travaux n'est pas évoquée par cette dernière dans le paragraphe propre aux travaux, mais dans celui consacré au paiement des charges.
Néanmoins, l'AGRASC a demandé au tribunal de «'dire et juger que le notaire commis devra tenir compte des dépenses justifiées éventuellement exposées par l'une ou l'autre des parties pour le compte de l'indivision'», et Mme [J] n'a pas formulé de demandes particulières quant aux travaux d'amélioration et de conservation, sollicitant seulement de «'prendre acte de son accord pour qu'il soit procédé aux opérations de compte de l'indivision'».
En conséquence, en prévoyant aux termes de son dispositif la prise en compte au profit de Mme [J] de ses dépenses de conservation et d'amélioration du bien indivis payées par elle pour l'immeuble indivis depuis le 28 juillet 2006, le tribunal a statué au-delà des demandes des parties.
Il convient dès lors de réformer le jugement de ce chef afin d'accueillir la demande telle qu'elle a été formulée par l'AGRASC.
Sur la demande relative à l'indemnité d'occupation':
Les premiers juges ont dit que Mme [J] est redevable d'une indemnité d'occupation envers l'indivision depuis le 27 mars 2018 et jusqu'à libération des lieux ou signature d'un acte de partage, aux motifs qu'elle occupait le bien avec son concubin M. [P] et que cette occupation exclusive a continué lorsque l'AGRASC s'est substituée à M. [P] par jugement de confiscation devenu définitif en date du 27 mars 2018.
A l'appui de sa demande visant à infirmer le jugement et à ne pas la condamner au versement d'une indemnité d'occupation, Mme [J] soutient devant la cour que cette occupation n'a pas préjudicié à l'AGRASC et que celle-ci n'avait aucunement l'intention d'occuper le bien ni de le louer.
L'AGRASC demande la confirmation du jugement ayant dit que Mme [J] est redevable d'une indemnité d'occupation à compter du 27 mars 2018, au motif qu'il n'est pas contesté que Mme [J] jouit de façon exclusive et privative du bien indivis depuis cette date.
Aux termes de l'article 815-9 du code civil, chaque indivisaire peut user et jouir des biens indivis conformément à leur destination, dans la mesure compatible avec le droit des autres indivisaires et avec l'effet des actes régulièrement passés au cours de l'indivision. A défaut d'accord entre les intéressés, l'exercice de ce droit est réglé, à titre provisoire, par le président du tribunal.
L'indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d'une indemnité.
En l'espèce, il n'est pas contesté que Mme [J] occupe le bien indivis à titre exclusif et privatif depuis la fin de l'occupation partagée avec M. [P]. Cette fin de l'occupation concurrente du bien coïncide avec la perte du droit de propriété de ce dernier et la nouvelle qualité d'indivisaire de l'AGRASC du fait de la confiscation, soit le 27 mars 2018.
Par ailleurs, le 2e alinéa susvisé de l'article 815-9 du code civil ne subordonne aucunement l'exigibilité d'une indemnité à un quelconque préjudice, ni à la possibilité ou non de louer le bien indivis.
En conséquence, Mme [J] doit être déboutée de sa demande et le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur les demandes accessoires':
Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.
Mme [J], partie perdante y compris en son appel incident, sera condamnée aux dépens d'appel.
En vertu de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés non compris dans les dépens.
'
Compte tenu de la nature de l'affaire et de l'équité, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Les parties seront en conséquence déboutées de leurs demandes.
PAR CES MOTIFS':
La cour, statuant publiquement par décision contradictoire et en dernier ressort,
Infirme le jugement rendu par le tribunal en ce qu'il a'dit qu'il sera tenu compte à l'égard de Mme [J] des dépenses de conservation et d'amélioration par elle payées pour l'immeuble indivis depuis le 28 juillet 2006, sous réserve d'en justifier devant le notaire désigné ;
Statuant à nouveau':
Dit que le notaire commis devra tenir compte des dépenses justifiées éventuellement exposées par l'une ou l'autre des parties pour le compte de l'indivision';
Confirme le jugement en ses autres chefs dévolus à la cour';
Condamne Mme [E] [J] aux dépens d'appel';
Déboute les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le Greffier, Le Président,