CA Lyon, 1re ch. civ. A, 28 août 2025, n° 23/02467
LYON
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Défendeur :
Actifs & Associes (SAS), Global Patrimoine Investissement (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Wyon
Conseillers :
M. Gauthier, M. Seitz
Avocats :
SCP Jacques Aguiraud et Philippe Nouvellet, Me Schaeffer
Le 21 septembre 2009, M. [Z], alors âgé de 30 ans, a, sur les conseils de la société Global investissement exerçant sous l'enseigne Legendre Patrimoine, acquis un appartement dans une résidence de tourisme édifiée et vendue par la société [Adresse 12] et commercialisée par la société Actifs et Associés, dans le cadre d'une opération de défiscalisation. Il a consenti à la société Cap Sensoria un bail commercial d'une durée minimum de onze ans afin de bénéficier des dispositions du statut de loueur en meublé non professionnel.
Le projet immobilier consistait en l'édification d'une résidence de tourisme de 552 lits répartis en cottages et appartements et d'importantes infrastructures de séminaire, de restauration et de loisirs, la date prévisionnelle de livraison étant fixée au 1er mai 2008.
Le 29 novembre 2010, la société Cap Sensoria a été placée en redressement judiciaire et, après une interruption d'environ une année, l'exploitation de la résidence a été reprise par une autre société, moyennant une baisse de loyer.
Estimant qu'il avait victime de manoeuvres dolosives de la part du vendeur et que les intermédiaires avaient manqué à leur devoir de conseil, M. [Z] a fait assigner les sociétés [Adresse 12] (le vendeur), Actifs et associés et Global Patrimoine (Les intermédiaires) en réparation de ses préjudices.
Par jugement du 30 mars 2017, le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence l'a débouté de l'ensemble de ses prétentions et a débouté la société [Adresse 12] de sa demande reconventionnelle en dommages-intérêts. Ce jugement a été confirmé par arrêt du 2 avril 2019.
Par arrêt du 24 septembre 2020, la Cour de cassation (3e Civ. , pourvoi n°1918637) a cassé et annulé cet arrêt.
Par un nouvel arrêt du 23 septembre 2021, la cour d'appel Aix-en-Provence a essentiellement confirmé le jugement du 30 mars 2017.
Par arrêt du 16 mars 2023, la Cour de cassation (3ème Civ, pourvoi n°2125984) a cassé et annulé cette décision, en statuant dans les termes suivants :
Sur le premier moyen, pris en sa première branche, au visa des articles 1116 et 1147 du code civil dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016 ' 131 du 10 février 2016 :
5. Il résulte de la combinaison de ces deux textes qu'il incombe au vendeur tenu d'informer l'investisseur, même averti, des risques liés à l'achat d'un bien immobilier entrant dans un programme de défiscalisation, de justifier qu'il a exécuté cette obligation, sans s'être tu sur ceux qui y sont associés.
6. Pour rejeter les demandes formées contre le promoteur-vendeur, l'arrêt retient que les mentions portées sur la plaquette commerciale ou sur le contrat de réservation ne garantissent pas un quantum de rentabilité de l'opération, ni la pérennité du preneur commercial, mais uniquement la rentabilité du projet, pris dans son ensemble.
7. Il ajoute que le bail commercial, compris dans ce projet, comporte nécessairement un aléa que l'investisseur, qui, exerçant la profession d'actuaire, était en mesure d'appréhender, et que celui-ci ne démontre pas que le vendeur connaissait la situation obérée de la société devenue locataire.
8. En statuant ainsi, sans relever que le promoteur-vendeur avait donné à l'investisseur une information sur l'existence de risques inhérents à l'opération projetée dont la rentabilité était annoncée comme garantie, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Et sur le second moyen, pris en sa première branche, au visa de l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'issue de l'ordonnance du 10 février 2016 :
10. Selon ce texte, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'exécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.
11. Pour rejeter les demandes dirigées contre la société Global patrimoine investissement et la société Actifs et Associés, l'arrêt retient que le lien causal, entre le défaut d'information sur les aléas de l'investissement tels que la possible défaillance de l'exploitant et la diminution des loyers perçus auprès d'un second locataire, n'est pas établi, dans la mesure où rien ne permet de supposer que l'investisseur n'aurait pas souscrit l'engagement pris s'il avait reçu cette information et alors qu'invoquant la tromperie dont il se dit victime concernant la situation financière de a société locataire, il s'en déduit que celui-ci avait conscience de l'aléa, que sa profession d'actuaire en fait un spécialiste du risque et qu'il est aisé de comprendre qu'un montage de défiscalisation comporte un risque lié à la conclusion d'un bail.
12. En se déterminant ainsi par des motifs qui ne caractérisent pas que les sociétés qui sont intervenues dans la réalisation de l'opération globale de défiscalisation aient dispensé à l'investisseur une quelconque information, même adaptée à son degré de connaissance et à sa situation, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
Monsieur [G] [Z] a fait signifier sa déclaration de saisine et l'avis de la fixation à la société [Adresse 12] par acte de commissaire de justice du 18 avril 2023, à la société Actifs et Associés par acte du 6 mai 2023 et à la Selarl [Localité 18] [S], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Global Investissement par acte du 25 mai 2023.
Il a fait signifier ses conclusions aux trois intimés par actes de commissaire de justice du 26 mai 2023, tous remis à personnes se déclarant habilitées à les recevoir.
En application de l'article 474 alinéa 1er du code de procédure civile, le présent arrêt sera réputé contradictoire.
Par conclusions déposées au greffe le 23 mai 2023, Monsieur [G] [Z] demande à la cour d'infirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence 30 mai 2017 en ce qu'il l'a débouté de l'ensemble de ses prétentions dirigées à l'encontre des sociétés intimées et condamné à payer aux sociétés [Adresse 13] la somme de 1500 euros chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens de l'instance, et, statuant à nouveau, de :
Vu les dispositions des articles 1134, 1116 et 1382 (anciens) du code civil,
Condamner la société domaine du Val de Seine et la société Actifs et associés à lui payer les sommes suivantes :
- 12'035,35 euros au titre des loyers antérieurs et charges à la reprise d'exploitation par la société Châteauform,
- 18'979,36 euros au titre de la perte de loyers futurs,
- 50'000 euros au titre du préjudice moral,
- 48'000 euros au titre des peines et soins,
- 42'506,94 euros au titre de la perte de la valeur foncière du bien,
Fixer sa créance, à hauteur des montants précités, à la procédure collective de la société Global Patrimoine Investissement,
Condamner la société [Adresse 12], la société Actifs et Associés et la société [Localité 18]-[S] en sa qualité de liquidateur de la société Global Patrimoine Investissement in solidum à lui payer la somme de 20.000 euros au titre des frais non compris dans les dépens, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Les condamner aux dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de la société Paul et Joseph Magnan, avocats, s'agissant des dépens d'appel ;
Rejeter toutes conclusions plus amples ou contraires.
Monsieur [G] [Z] fait essentiellement valoir que :
- la société [Adresse 12] a obtenu son consentement sur la base de documents commerciaux et publicitaires trompeurs quant à la rentabilité garantie sans lui rappeler les aléas de l'opération, que la plaquette qui lui a été remise garantissait sa rentabilité alors que la date de la vente, le 21 septembre 2009, la situation financière de la société Cap Sensoria était fortement dégradée, ce qui lui a été dissimulé par la société [Adresse 11], cette garantie ayant déterminé son consentement, de sorte que le dol est constitué.
- subsidiairement et en toute hypothèse, les trois sociétés intimées, qui étaient tenues d'un devoir d'information sur les risques de l'opération proposée, ont engagé leur responsabilité en ne l'ayant pas informé des conséquences susceptibles de résulter d'une vacance locative et plus généralement des risques découlant de la non réalisation des conditions initialement annoncées celles-ci n'ayant pas rapporté la preuve qu'elles avait satisfait à leur obligation.
- son préjudice consiste dans la perte des loyers antérieurs à la reprise d'exploitation par la société Châteauform, outre les charges locatives, dans la perte de loyers futurs en raison de la baisse du loyer, dans un préjudice moral, dans le temps et la peine consacrés au présent litige, et dans la perte de la valeur du bien.
Il convient de se référer aux écritures de M. [Z] pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 21 mars 2024.
MOTIVATION
En application de l'article 1037-1 du code de procédure civile, les intimées qui n'ont pas conclu sont réputées s'en tenir aux moyens et prétentions qu'elles avaient soumis à la cour d'appel dont l'arrêt a été cassé.
Devant la cour d'appel d'Aix en Provence, la société domaine du Val-de-Seine a soutenu que:
- Monsieur [G] [Z] ne rapporte pas la preuve de la réticence dolosive ou du dol qu'il lui reproche, alors que sa profession d'actuaire faisait de lui une personne particulièrement éclairée dans la gestion des risques liés aux investissements,
- l'hypothèse d'une défaillance du locataire est mentionnée dans les actes,
- la plaquette commerciale n'est pas entrée dans la sphère contractuelle, ne chiffre pas la rentabilité escomptée, et ne contient pas de mentions mensongères,
- cette plaquette ne l'a pas conduit à contracter alors qu'il s'est entouré de conseillers spécialisés en investissements,
- elle a satisfait à son obligation d'information et de conseil dans les actes de réservation, de vente et dans le bail commercial,
- dans le cadre de ces contrats, elle ne garantit que ses obligations de constructeur et non la poursuite de la location,
- la société Cap Sensoria était une spécialiste reconnue dans son domaine et en pleine expansion,
- Monsieur [G] [Z] ne pouvait ignorer l'aléa inhérent au bail et a choisi de ne pas souscrire d'assurance perte de loyers,
- les préjudices allégués ne sont pas justifiés,
- elle ne peut être poursuivie à la fois sur le fondement du dol et sur celui de l'article 1382 du code civil et ne peut être condamné in solidum avec des intervenants avec lesquels elle n'a pas de lien.
Les sociétés Actifs et Associés et Global Patrimoine Investissements, cette dernière représentée par les organes de la procédure collective, ont été régulièrement assignées devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence et n'ont pas constitué avocat.
- sur le dol
Aux termes de l'article 1116 du code civil dans sa rédaction applicable au litige, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les man'uvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que, sans ces man'uvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas, et doit être prouvé.
Il résulte des pièces produites par Monsieur [Z] qu'avant d'être transformée en SNC, la SCI [Adresse 14] a été constituée entre les sociétés IBCT, propriétaire du terrain et filiale de la société Sensoria, et Generim, constructeur.
En raison de la crise immobilière de 2008, la société IBCT se trouvait en difficulté financière avant même la construction de l'ensemble résidentiel proposé aux investisseurs à titre de placement défiscalisant (p. 12 B). En conséquence, cette société n'étant pas en capacité de contribuer au financement du projet, les besoins financiers de la SCI [Adresse 14] s'élevaient à près de 2.000.000 euros au 15 novembre 2008, alors qu'elle était dépourvue de trésorerie et devait régler des situations de travaux à hauteur de cette somme, ainsi qu'elle l'a rappelé dans le courrier qu'elle a adressé le 17 février 2009 au gérant de la société IBCT, précisant qu'elle se trouvait à cette date en état de cessation des paiements (p. 20).
Monsieur [Z] démontre également que par lettre du 11 février 2009, M. [L], se présentant comme le président directeur général de la société Générim, qualifiait d'inquiétante la situation financière de la SNC [Adresse 14] dont il était également président directeur général, dont les dettes s'élevaient alors à 12.245.000 euros, et indiquait que la commercialisation du programme n'avait pas progressé depuis le début des travaux en mars 2008.
La société Ossabois, fabriquant des chalets, qui n'avait pas été payée par la société [Adresse 12], a engagé le 16 février 2009 une procédure devant le tribunal de commerce d'Aix-en-Provence contre cette société et la société Générim, cette dernière ayant appelé en garantie la société IBCT.
C'est dans ces conditions, alors que le chantier connaissait un important retard, que les sociétés [Adresse 12], Générim et Cap Sensoria, cette dernière société étant l'exploitant de l'ensemble immobilier en construction, ont conclu le 16 juin 2009 un protocole d'accord aux termes duquel, notamment, la société [Adresse 12] s'engageait à payer diverses sommes aux sociétés IBCT et Cap Sensoria, cette dernière s'engageant à régler à la SNC [Adresse 14] la somme de 887'844,62 €, les parties ayant en outre convenu que les loyers dus ne seraient pas payés ou pas intégralement payés tant que les parties commerciales du projet ne seraient pas livrées (p. 29). Annexé à cette pièce figure l'accord relatif à la construction du projet immobilier conclu le 2 février 2007 entre les sociétés domaine du Val de Seine et Générim dont l'annexe 8, paraphée par les parties, précise que le taux de rentabilité proposé aux investisseurs est de 5 %.
M. [J], dirigeant de la société Cap Sensoria atteste que la résidence du Val-de-Seine devait être livrée le 1er janvier 2009 et qu'elle ne l'a été que partiellement au 1er juin 2009, avec d'innombrables réserves constatées par huissier, l'espace SPA et la piscine, fleurons du site, n'étant achevés qu'en juin 2010 soit avec 17 mois de retard, et affirme que les difficultés ont été constatées dès l'annonce tardive de la livraison soit fin 2008. Le représentant légal de la société Goëlia qui a été approchée pour proposer la résidence à la location a écrit à la société Cap Sensoria la 3 juin 2009 qu'elle ne mettrait pas la résidence en ligne tant que l'espace aquatique ne serait pas totalement achevé et sécurisé, et qu'il était indispensable que les abords des chalets et des communs soient parfaitement sécurisés, alors qu'il restait des cables et des traces du chantier (p.15).
Or, la plaquette publicitaire remise à Monsieur [Z] vantait « la sécurité d'un investissement immobilier sur un site dédié aux séminaires résidentiels » censé répondre aux besoins des entreprises en matière de formation, de séminaires, de réunions et de conventions et le caractère patrimonial d'un placement Pierre correspondant à l'hébergement résidentiel de cette clientèle captive et garantissait expressément la rentabilité de l'investissement dans le cadre d'un bail ferme de 11 ans avec la société Cap Sensoria, spécialiste reconnu du séminaire résidentiel. Il était en conséquence promis à l'acquéreur du lot que les mensualités de l'emprunt seraient couvertes par les loyers et le remboursement de la TVA.
Le bail commercial de 11 ans consenti par Monsieur [Z] à la société Cap Sensoria le 3 juillet 2009 prévoyait le paiement à l'investisseur d'un loyer annuel de 9.232 euros à compter du second trimestre 2009 et précisait, sous le titre 'clauses particulières concernant la prise d'effet du bail' que celle-ci interviendrait 'au lendemain de la date d'achèvement de la résidence, à la condition expresse de la livraison des biens sans réserves empêchant l'occupation effective des logements', et que 'le bail prendrait effet seulement à la date de livraison du bien objet du bail et des parties communes' (pièce 3, p 2).
Il ressort de ces éléments qu'à la date de signature du contrat de réservation et du bail commercial par Monsieur [Z] le 3 juillet 2009, comme lors de la conclusion de l'acte de vente le 21 septembre 2009, la SNC [Adresse 14], vendeur, était parfaitement informée des difficultés financières auxquelles étaient confrontés les acteurs du projet et du retard important de livraison de celui-ci, et savait qu'en conséquence, il existait un risque important que le montage financier aux termes duquel les échéances de l'emprunt souscrit par Monsieur [Z] devaient être intégralement financées par les loyers procurés par le bail commercial conclu avec la société Cap Sensoria et par la récupération de la TVA ne permette pas à l'investisseur d'obtenir la rentabilité pourtant garantie par l'opuscule publicitaire (Pièce1, p.4).
Or, non seulement la plaquette publicitaire présentant la société Générim comme constructeur et la société Cap Sensoria comme spécialiste reconnu du séminaire résidentel est affirmative quant à la rentabilité de l'investissement, qui apparaît garanti, mais encore il n'a pas été justifié par la SNC [Adresse 12] qu'elle avait informé Monsieur [Z] de l'important retard pris par le chantier, qui compromettait la perception des loyers à la date d'acquisition de l'immeuble et donc l'équilibre économique du placement pour son souscripteur, qui a emporté son consentement à l'opération au regard des revenus de 45.000 euros par an dont disposait alors ce célibataire et du montant du crédit immobilier finançant le placement, de 1.189 euros par mois.
Le silence gardé intentionnellement par la SNC Domaine du Val de Seine, dont il convient de souligner qu'elle avait le même dirigeant que la société Générim, sur l'information déterminante relative au retard du chantier et à son incidence sur le paiement des loyers et donc sur l'équilibre du montage financier, et, en tout état de cause sur le risque que constituait le défaut de paiement des loyers, constitue une manoeuvre qui a provoqué chez Monsieur [Z] une erreur sur la rentabilité de son acquisition qui l'a déterminé à contracter, dans le seul intérêt du vendeur, à une période où de nombreux lots étaient encore invendus, comme en témoigne M. [J]. Le dol est dès lors caractérisé.
- sur le défaut d'information et de conseil par les sociétés Global Investissement et Actifs et Associés
Il est constant que les intermédiaires professionnels de l'investissement sont tenus d'une obligation d'information sur les caractéristiques les moins favorables du produit et les risques inhérents au placement choisi et que celui qui est tenu d'une obligation d'information doit rapporter la preuve de l'exécution de cette obligation. Le contenu des renseignements à transmettre au client dépend de son degré de connaissance et de sa situation personnelle.
En l'espèce, Monsieur [Z] produit les simulations effectuées à son intention par la société Global Investissement (p.3), dont il résulte que l'investissement est entièrement financé à crédit, sans qu'y figure aucune indication sur les aléas de l'opération. Or, sa profession d'actuaire en assurances formé à l'évaluation des risques ne dispensait nullement le professionnel qu'il avait sollicité de satisfaire à son obligation d'information, ne serait-ce qu'en considération de l'âge de l'investisseur dont l'expérience professionnelle et personnelle était nécessairement limitée.
Monsieur [Z] affirme que la plaquette de commercialisation de l'investissement proposé lui a été remise par la société Actifs et Associés mais aucune mention relative à cette société n'apparaît sur la plaquette versée aux débats, et aucune des pièces produites par Monsieur [Z] ne justifie de l'intervention de cette société dans l'opération litigieuse. En conséquence, les demandes formées par Monsieur [Z] à l'encontre de la société Actifs et Associés seront rejetées.
La société Global Investissement exerçant sous l'enseigne Legendre patrimoine n'a pas justifié avoir présenté à Monsieur [Z] la moindre information sur le dispositif de défiscalisation en cause, particulièrement sur l'impératif de location pendant la durée du remboursement du prêt, ni sur les conséquences pouvant résulter d'une vacance locative importante, alors que l'équilibre du placement résidait précisément dans le paiement des mensualités du crédit contracté pour financer l'opération par les loyers commerciaux perçus et la restitution de la TVA, que cet équilibre était garanti par la plaquette publicitaire. En ne satisfaisant pas à cette obligation contractuelle, elle a engagé sa responsabilité à l'égard de Monsieur [Z].
- sur les préjudices
La société [Adresse 12] et la société Global Investissement, cette dernière représentée par son liquidateur, sont tenues in solidum à l'indemnisation des préjudices subis par Monsieur [Z] auxquels elles ont toutes deux contribué en commettant des fautes dans l'exécution des contrats qui les liaient respectivement à Monsieur [Z] en vue de la réalisation de son investissement.
a- la perte de loyers
Au soutien de ses demandes de ce chef, Monsieur [Z] produit un courriel de la société domaine Val-de-Seine aux termes duquel la livraison des travaux de mise aux standards du nouveau preneur à bail commercial, la société Chateauform, ne pourrait intervenir avant décembre 2011. La cour a déduit qu'il est suffisamment justifié par Monsieur [Z] d'une perte totale des loyers escomptés pour la période séparant la date d'acquisition du 16 septembre 2009 du 31 décembre 2011. La perte de loyer correspond en conséquence à 1,25 année.
Le bail commercial initial fixant à 9.232 euros le loyer annuel prévu, le préjudice de Monsieur [Z] ressort à 11'540 €. Monsieur [Z] chiffrant dans ses écritures la perte totale de loyers antérieurs à la reprise d'exploitation de l'ensemble immobilier à la somme de 11'362,35 €, il sera fait droit à sa demande à hauteur de ce montant, étant observé qu'il ne justifie pas du paiement de la somme de 673 euros au titre des charges locatives.
Monsieur [Z] verse aux débats le bail commercial de 9 années qu'il a conclu 8 juin 2011 avec la société Chateauform, moyennant un loyer de 7.465 euros par an et justifie qu'il a subi une perte de loyer de 20 % jusqu'au terme du bail, soit la somme de 1.846,40 euros par an soit 16.617,60 euros outre la TVA de 10%. Il fait sera fait droit à sa demande de 18'279,36€ TTC à ce titre.
b - le préjudice moral
Les tracas occasionnés par la crainte qu'a subie Monsieur [Z] de ne pouvoir faire face à ses obligations à l'égard de la banque entre la date de l'acquisition et la date de conclusion du bail commercial avec la société Chateauform justifient l'octroi d'une somme de 15.000 € en réparation de son préjudice moral.
c - le préjudice au titre des peines et soins
Monsieur [Z] affirme avoir dû consacrer un nombre d'heures important aux réunions des copropriétaires, des assemblées et des rendez-vous avec les dirigeants des sociétés [Adresse 10] [Adresse 15] Seine et Cap Sensoria. Il ne verse aux débats aucun justificatif de ce chef de préjudice, de sorte que sa demande de ce chef sera rejetée.
d- sur la perte de la valeur du bien
Ce préjudice est purement hypothétique dans la mesure où Monsieur [Z] n'a pas revendu le bien ainsi acquis. Ce chef de demande sera rejeté.
e - sur l'article 700 CPC et les dépens
La SNC [Adresse 12] qui succombe, supportera les dépens, et sera condamnée à verser à Monsieur [Z] une indemnité de 15.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La créance de Monsieur [Z] sur la société Global Investissement à ces titres sera fixée aux mêmes sommes.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt par défaut et en dernier ressort,
Vu l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 16 mars 2023 ;
Infirme dans toutes ses dispositions le jugement rendu le 30 mars 2017 par le tribunal de grande instance d'Aix en Provence, et, statuant à nouveau :
Dit que la SNC [Adresse 12] et la société Global Investissement, prise en la personne de son liquidateur, sont tenues in solidum de réparer les préjudices subis par Monsieur [Z] à la suite de son acquisition d'un lot de copropriété auprès de la SNC [Adresse 12] ;
Condamne la SNC Domaine du Val de Seine à payer à Monsieur [Z] les sommes suivantes:
- au titre de son préjudice matériel : 29.641,71 euros
- au titre de son préjudice moral : 15.000 euros ;
Fixe ces sommes au passif de la procédure collective de la société Global investissement ;
Déboute Monsieur [Z] du surplus de ses demandes ;
Condamne la société [Adresse 12] aux dépens de l'instance, avec droit de recouvrement direct au profit de la scp jacques aguiraud et philippe nouvellet, avocats, et au paiement à Monsieur [Z] d'une indemnité de 15.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Fixe au passif de la procédure collective de la société Global Investissement les dépens de l'instance et la somme de 15.000 euros due au titre de l'article 700 du code de procédure civile.