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Décisions

CA Lyon, 1re ch. civ. A, 28 août 2025, n° 21/00920

LYON

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Floliv (Sté)

Défendeur :

Pharmacie De Caluire (SELAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Wyon

Conseillers :

M. Seitz, M. Gauthier

Avocats :

SELARL ACO, SELAS Agis

TJ Lyon, 1re ch. cab. 01 A, du 6 janv. 2…

6 janvier 2021

M. [P] [D], M. [K] [T] et M. [W] [X], associés au sein de la SELAS pharmacie Caluire 2 détenaient chacun 125 parts de cette société qui exploite une pharmacie située dans le centre commercial Auchan de Caluire.

Cette société détenait :

- 24,50 % du capital social de la Selarl [Adresse 18] [Localité 15]

- et 24,50 % du capital social de la SPFPL du centre commercial de [Localité 15] qui lui-même détenait 45 % du capital social de la Selarl [Adresse 18] [Localité 15].

M. [D], M. [T] et M. [X] étaient également associés dans la société pharmacie du Champ du Pont qui exploite une pharmacie située dans le centre commercial « Porte des Alpes » à [Localité 20].

À la suite d'un différend entre M. [D] et ses associés, celui-ci les a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Lyon. Pour mettre fin à leur différend, les trois associés ont régularisé un protocole d'accord le 16 février 2017 aux termes duquel, en contrepartie du désistement d'M. [D] de la procédure en cours, celui-ci cédait :

- à la [Adresse 21], les parts qu'il détenait dans la Selarl du Champ du Pont au prix de 400'000 €

- à la Selas pharmacie Caluire 2, les 125 actions qu'il détenait dans son capital au prix de 1'150'000 € en vue de leur annulation par réduction du capital.

Le 6 avril 2017, les associés de la Selas pharmacie Caluire 2 ont autorisé le rachat par celle-ci des 125 actions de M. [D] dont 100 devaient être préalablement apportés par ce dernier à la SPFPL Floliv.

Le rachat des parts a eu lieu les 22 juin et 5 juillet 2017.

Le 6 juin 2018, M. [D] et la SPFPL Floliv ont fait assigner devant le tribunal de grande instance de Lyon la Selas pharmacie Caluire 2, M. [T] et M. [X] afin d'obtenir essentiellement leur condamnation in solidum à payer à M. [D] la somme de 9300 € outre intérêts et à la société Floliv celle de 37'200 € outre intérêts.

Ils faisaient valoir que leurs cocontractants ont commis un dol en dissimulant la valeur réelle des participations détenues par la société pharmacie Caluire 2 dans le but de minorer le prix de cession des actions, les privant ainsi d'une somme totale de 46'000 €.

Par jugement du 6 janvier 2021, le tribunal de grande instance devenu tribunal judiciaire les a déboutés de leurs demandes et condamnés à payer à la pharmacie Caluire [Adresse 2] [Adresse 13], M. [T] et M. [X] la somme de 2500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par déclaration du 9 février 2021, M. [D] et la société Floliv ont relevé appel de cette décision.

Suivant conclusions déposées au greffe le 7 janvier 2022, la société Floliv et M. [D] demandent à la cour, au visa des articles 2044 et suivants et 1130 et suivants du code civil, de :

Confirmer le jugement du 2 janvier 2021 en ce qu'il a jugé recevable leur action,

Infirmer le jugement querellé pour le surplus,

Statuant à nouveau,

- débouter la Selas pharmacie Caluire 2, M. [T] et M. [X] de l'intégralité de leurs prétentions et demandes,

- condamner in solidum la Selas pharmacie Caluire 2, M. [T] et M. [X] à payer à la société Floliv la somme de 37'200 € outre intérêts au taux contractuel de 1 % par mois à compter du 12 mai 2017,

- condamner in solidum la Selas pharmacie Caluire 2, M. [T] et M. [X] à payer à M. [D] la somme de 9300 € outre intérêts au taux contractuel de 1 % par mois à compter du 12 mai 2017,

- condamner in solidum la Selas pharmacie Caluire 2, M. [T] et M. [X] à leur payer une somme de 5000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la Selas pharmacie Caluire 2, M. [T] et M. [X] aux entiers dépens.

Les appelants indiquent que la valorisation des titres des sociétés a été effectuée par leurs dirigeants de droit, M. [T] et M. [X], que M. [D] a appris courant juillet 2017, après paiement de ses parts, que quelques jours après la signature du protocole du 16 février 2017, les associés de la Selarl [Adresse 18] [Localité 15] avaient autorisé une réduction du capital de cette société par rachat et annulation de 24'684 parts évaluées à 86,47 € chacune, soit un prix des parts supérieur à celui prévu par la transaction du 17 février, ce qui démontre leur volonté de tromper les cédants.

S'agissant de la recevabilité de leur action, ils rappellent que le protocole d'accord avait pour objet de mettre fin à la procédure judiciaire qui tendait à l'annulation de délibérations de l'assemblée générale des associés de la société pharmacie du champ du Pont et non la valorisation des titres détenus par M. [D] dans le capital des sociétés pharmacie Caluire 2 et [Adresse 19].

Ils ajoutent qu'aux termes de cet accord, M. [D] a renoncé à tout recours envers la société et ses associés, la société visée étant la seule société pharmacie du champ du Pont.

S'agissant des man'uvres dolosives, ils soutiennent que la société pharmacie Caluire 2 et ses dirigeants avaient connaissance d'informations privilégiées pour l'évaluation du prix des actions dont M. [D] ne disposait pas, et qui étaient, en tant qu'élément de fixation du prix des actions, déterminantes de son consentement. Ils soutiennent que l'intention dolosive résulte de la concomitance entre les négociations menées avec M. [D] et celles conduites dans le cadre de la réduction de capital de la société [Adresse 17] [Localité 15] décidée trois jours après la conclusion du protocole, les intimés lui ayant caché la valeur à laquelle ils fixaient la part.

M. [D] précise qu'il n'était pas associé de la société pharmacie du centre commercial de [Localité 15], de sorte qu'il n'a pas participé à ces négociations, ni mandataire social ou dirigeant de la société pharmacie Caluire 2 et conteste avoir été assisté dans le cadre de l'évaluation des titres de la société pharmacie Caluire 2.

Par conclusions déposées au greffe le 10 décembre 2021,la Selas pharmacie Caluire 2, M. [T] et M. [X] qui forment appel incident demandent à la cour, au visa des articles 2044 et suivants et 1109 et 1116 du code civil de :

- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Lyon le 6 janvier 2021 en ce qu'il a déclaré l'action de la société Floliv et de M. [D] recevable,

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Floliv et M. [D] de l'ensemble de leurs demandes et les a condamnés à payer la somme de 2500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens,

Par conséquent, jugeant à nouveau :

à titre principal,

- juger l'appel incident recevable et bien fondé ;

- juger que protocole d'accord a été régularisé entre les parties et qu'il a mis fin au différend les opposants,

- rejeter en conséquence l'ensemble des demandes, fins et conclusions de M. [D] et de la société Floliv,

À titre subsidiaire,

- juger que la preuve d'un dol n'est pas rapportée,

- juger que la société Floliv et M. [D] étaient informés du montant auquel les parts et actions se sont vendues à Monsieur [N],

Rejeter en conséquence l'ensemble des demandes, fins et prétentions de la société Floliv et de M. [D],

Condamner in solidum la société Floliv et M. [D] à leur payer une somme de 8000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Les intimés répondent que le protocole d'accord avait pour objet de déterminer « l'achat d'actions aux fins d'annulation dans le cadre d'une réduction de capital de la société [Adresse 16] », comme l'a relevé le tribunal, l'acte prévoyant en outre expressément le montant auquel les parts ont été évaluées et indiquant que le cédant se désistait et renonçait à toutes instances et actions engagées à l'encontre de la société et renonçait irrémédiablement à tout recours gracieux ou contentieux envers la société et ses associés. Ils en déduisent que l'action engagée contrevient au protocole et que les demandes de M. [D] ne peuvent être que rejetées.

S'agissant du dol, ils font valoir que M. [D] soutient avoir appris le 27 février 2017 à quel montant avaient été évaluées les parts dans le cadre de la réduction de capital, et qu'il a réitéré la vente des siennes le 22 juin 2017, alors qu'il était au surplus parfaitement informé des raisons pour lesquelles les parts ont été revendues à une valeur supérieure à Monsieur [F] [N]. Ils ajoutent que M. [D] a participé aux négociations avec M. [N], et qu'en tout état de cause il ne démontre pas que ses parts ont été sous-évaluées.

Ils soutiennent que la volonté dolosive n'est pas démontrée.

Il convient de se référer aux écritures des parties pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 11 janvier 2022.

MOTIVATION

- sur la recevabilité des demandes

La conclusion d'une transaction interdisant aux parties d'introduire ou de poursuivre toute action en justice ayant le même objet, les articles 2048 et 2049 du code civil prévoient que:

- cet objet, à savoir la renonciation à des droits, actions et prétentions « ne s'entend

que de ce qui est relatif au différend qui y a donné lieu »,

- la transaction ne règle que le différend qui s'y trouve compris, qui transparaît de la manifestation de volonté des parties, telle que résultant des « expressions spécialesou générales » ou au regard de la « suite nécessaire de ce qui est exprimé » dans l'acte.

Il s'ensuit que l'objet de la transaction litigieuse ne portant que sur le désistement de M. [D] de son action en annulation d'une assemblée générale d'associés engagée devant le tribunal de grande instance de Lyon, la cour approuve les premiers juges d'avoir retenu que les demandes des appelants étaient recevables.

- au fond

Vu les articles 1130 et 1137 du code civil ;

Il incombe à M. [D] et à la SPFPL Floliv de rapporter la preuve des manoeuvres ou de la dissimulation dont ils affirment avoir été victimes.

Les appelants ne rapportent pas la preuve du caractère déterminant pour eux du prix des parts, alors que la transaction a été conclue dans le but de mettre fin au litige rappelé ci-avant, mais ce caractère déterminant n'est pas contesté par les intimés.

Le protocole d'accord du 16 février 2017 énonce avec précision les données comptables sur la base desquelles a été fixée la valoriation des parts de M. [D], au vu des derniers bilans du 30 juin 2016 pour la société pharmacie Caluire 2 (page 6) et du 30 avril 2016 pour la société [Adresse 19].

M. [D], en sa qualité d'associé de cette structure, qui détenait des parts de la société pharmacie du centre commercial de [Localité 15], avait accès aux documents comptables de ces entités.

Au surplus, il disposait, ainsi que l'a indiqué le tribunal, d'un délai de plusieurs mois entre la régularisation du protocole et le paiement de ses parts pour s'assurer de l'adéquation entre le prix ainsi déterminé et la valeur exacte des parts dont il était titulaire et ne justifie pas avoir émis la moindre observation sur ce point.

Les appelants ne démontrent ni que la valeur retenue pour les parts de la Selarl [Adresse 18] [Localité 15] dans l'acte du 27 février 2017, soit 10 jours après la signature du protocole d'accord et non trois jours comme ils l'affirment dans leurs conclusions, ait été déterminée avant la régularisation de la transaction, et que leurs cocontractants étaient en conséquence tenus de les en informer, ni que l'évaluation adoptée dans le cadre de la réduction du capital social leur ait été sciemment dissimulée dans le but de minorer la valeur de leurs parts. En effet, la proximité des dates ne suffit pas à démontrer que le prix des titres figurant à l'acte conclu le 27 février a été fixé avant la régularisation du protocole d'accord, ni même que les valeurs négociées par les parties à l'acte du 27 février 2017correspondaient à leur valeur réelle, et donc que les appelants ont été privés d'une partie des sommes leur revenant.

En l'état de leurs productions, les appelants n'établissent ni l'existence, ni le caractère intentionnel de la réticence dolosive qu'ils invoquent, de sorte que le jugement qui les a déboutés de leurs demandes sera confirmé dans toutes ses dispositions.

M. [D] et la société Floliv seront condamnés in solidum aux dépens d'appel et au paiement à la Selarl pharmacie Caluire 2, M. [T] et M. [X] une somme de 8.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, leur propre demande sur ce point étant rejetée.

PAR CES MOTIFS

la cour, statuant par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme dans toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Lyon le 06 janvier 2021 ;

Y ajoutant, condamne in solidum M. [P] [D] et la SPFPL Floliv aux dépens d'appel, et au paiement à la Selas pharmacie Caluire 2, M. [K] [T] et M. [X] une somme de 8.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, leur propre demande sur ce point étant rejetée.

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