CA Paris, Pôle 5 ch. 9, 28 août 2025, n° 23/11979
PARIS
Arrêt
Infirmation partielle
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Présidente :
Mollat
Conseillère :
Tabourot
Conseillère :
Rohart
Avocat général :
Vaissette
Avocats :
Couraud, Albrecht, De Maria, Andre
Exposé des faits et de la procédure
La société [10] dirigée par Monsieur [P] [M] a acquis auprès de la société [13] l'intégralité des actions composant le capital social de la société [11] ([9]) pour la somme de 1.050.000 euros, par acte sous seing privé du 29.07.2016.
Elle a contracté pour réaliser cette acquisition un financement bancaire à moyen terme de 400.000 euros et un financement à court terme de 35.000 euros.
Elle a en sa qualité d'actionnaire unique et en application des articles L231-11 et L 231-13 du code de commerce, décidé d'une distribution exceptionnelle de dividendes de 350.000 euros lors de l'assemblée générale du 25.08.2016, cette somme ayant servi à rembourser une partie des sommes empruntées pour réaliser l'acquisition.
La société [10] est devenue présidente de la SAS [9].
Par jugement en date du 30.08.2018, le tribunal de commerce de Bobigny a ouvert une procédure de redressement judiciaire, convertie en liquidation judiciaire par jugement du 23. 10.2018, à l'égard de la SAS [9].
La date de cessation des paiements a été fixée au 1.08.2018.
Par actes de commissaire de justice en date du 27.08.2023, Me [Y] en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société [9] a fait assigner devant le tribunal de commerce de Bobigny Monsieur [P] [C] et la SAS [10] pour les voir condamner à supporter tout ou partie de l'insuffisance d'actif révélée dans le cadre des opérations de liquidation de la société [9] et pour que soit prononcée une sanction de faillite personnelle ou d'interdiction de gérer à l'égard de Monsieur [M].
Aux termes des opérations de liquidation l'insuffisance d'actif s'élève à 1.390.372 euros.
Par jugement en date du 1.06.2023 le tribunal de commerce de Bobigny a:
- débouté Me [Y] ès-qualité de sa demande de condamner monsieur [P] [M] et la SAS [10] à supporter tout ou partie de l'insuffisance d'actif révélée dans le cadre des opérations de la liquidation de la société [8] ;
- prononcé une interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole ou toute personne morale ayant une activité économique pour la durée de 5 ans, à l'encontre de monsieur [P] [M].
Me [Y] ès qualités a formé appel par déclaration du 6.07.2023.
Par ordonnance en date du 19.09.2024 les conclusions de Me [Y] notifiées le 24.04.2024 ont été déclarés irrecevables.
Aux termes de ses conclusions signifiées par voie électronique le 6.10.2023 Me [Y] demande à la cour de:
Déclarer Maître [D] [Y], en sa qualité de Liquidateur à la liquidation judiciaire de la société [9], tant recevable que bien fondée en son appel et ses demandes ;
Confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Bobigny en date du 1er juin 2023 en ce qu'il a prononcé à l'encontre de Monsieur [P] [M] une interdiction de diriger gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole ou toute personne morale ayant une activité économique pour une durée de 5 ans ;
Infirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Bobigny en date du 1er juin 2023 en ce qu'il a débouté Maître [D] [Y] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SASU [8] de sa demande de condamnation de Monsieur [P] [M] et de la SAS [10] à supporter tout ou partie de l'insuffisance d'actif révélée dans le cadre des opérations de la liquidation judiciaire de la SASU [8].
Statuant à nouveau,
Condamner Monsieur [P] [M] et la société [10] à supporter tout ou partie de l'insuffisance d'actif révélée dans le cadre des opérations de la liquidation judiciaire de la Société [9];
Débouter Monsieur [P] [M] et la société [10] de l'intégralité de leurs demandes;
Condamner in solidum Monsieur [P] [M] et la société [10] à payer à Maître [Y], ès-qualités, la somme de 10 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile;
Les condamner solidairement aux entiers dépens dont distraction au profit de la SELAS Denovo- Maître Jean Noël Couraud conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Aux termes de leurs conclusions signifiées par voie électronique le 8.01.2024 Monsieur [M] et la société [10] demandent à la cour de:
- Infirmer le jugement de première instance en ce qu'il a reçu le liquidateur en sa demande de comblement de passif et, statuant à nouveau, de juger que les intimés n'ont commis aucune faute de gestion ;
- le confirmer en ce qu'il a rejeté les demandes de condamnation de Monsieur [P] [M] et de la société [10] à supporter tout ou partie de l'insuffisance d'actif de la société [8];
- S'agissant des sanctions personnelles :
o De l'infirmer à titre principal en ce qu'il a prononcé une interdiction de gérer de cinq ans à l'égard des intimés et, statuant à nouveau, de rejeter les demandes que forme à ce titre le liquidateur,
o De l'infirmer à titre subsidiaire en réduisant la durée à un an ;
- Infirmer le jugement en ce qu'il a condamné solidairement les intimés à payer à Maître [Y] ès qualités la somme de 3.000 euros et aux dépens de première instance ;
- Condamner le liquidateur à verser la somme de 1.500 euros à chacun des intimés au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de PMG Avocats conformément aux prévisions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par avis du 2.01.2025 le ministère public invite la Cour:
- à réformer le jugement du Tribunal de commerce de Bobigny du 1er juin 2023 en prononçant une condamnation solidaire au paiement d`une somme de 350 000 euros à l`encontre de Monsieur [P] [M] et la société [10] au titre de leur responsabilité pour insuffisance d'actif
- et à confirmer la condamnation de Monsieur [M] à une interdiction de gérer pour une durée de 5 ans.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la responsabilité pour insuffisance d'actif
Me [Y] reproche à Monsieur [M] et à la société [10] plusieurs fautes de gestion s'agissant d'abord d'un flux anormal entre la société [9] et la société [10] d'un montant de 430.000 euros postérieurement à l'acquisition par [10] de la société [9] et qui constitue une avance de trésorerie qui amène le compte courant de l'associé à être débiteur, que contrairement à ce que soutiennent les intimés ce flux ne constitue pas une distribution de réserve qui aurait fait l'objet d'une comptabilisation erronée dans la mesure où le commissaire aux comptes a certifié les comptes qui ont enregistré ce flux comme une avance de trésorerie, que la pièce produite relative à la distribution de dividendes apparaît comme une tentative de régularisation a posteriori. Elle conclut que l'existence de ce compte courant débiteur est une faute au sens de l'article L.651-2 du code de commerce.
S'il était retenu que ce flux est une distribution de dividendes elle soutient que la faute est tout aussi caractérisée dans la mesure où constitue une faute de gestion une distribution de dividendes intervenue dans un contexte de passif existant et de baisse d'activité et fait valoir que la situation de la société ne permettait pas une telle distribution.
Elle conclut également que l'avance de trésorerie constitue un détournement d'actif.
Elle indique que les intimés ont commis une faute en poursuivant une activité déficitaire alors que le chiffre d'affaires connaissait une dégradation importante entre 2015 et 2016 et 2016 et 2017 entraînant le déclenchement d'une procédure d'alerte le 30.05.2017.
Elle fait valoir en outre qu'un important passif a été constitué en deux ans d'activité alors que l'actif réalisé est très faible et qu'en particulier le compte client n'a pas pu être recouvré faute de remise des factures censées justifier ce compte client.
Enfin elle reproche aux intimés la tenue d'une comptabilité irrégulière au regard de la disparition de l'actif de 430.000 euros.
Monsieur [M] et la société [10] exposent qu'à la clôture de l'exercice 2015 la société [9] disposait d'une somme de 662.320 euros comptabilisés en autres réserves et que c'est pour cela qu'une partie de cette somme à hauteur de 350.000 euros a fait l'objet d'une distribution de dividendes dès l'acquisition de la société, que cependant cette distribution a été à tort comptabilisée au compte courant d'associé de la société [10], que cette erreur commise dans la comptabilité de l'exercice 2016 a été corrigée dans la comptabilité de l'exercice 2017. Ils soulignent que le commissaire aux comptes n'a pas vérifié les comptes 2017 qui ont été établis par l'expert-comptable en prenant en compte les affectations réelles.
S'agissant de la somme de 80.000 euros ils exposent qu'en réalité et comme l'a constaté le tribunal c'est la société [10] qui est créancière de [9] de 10.016 euros.
Ils en concluent que la faute constituée par un compte courant d'associé négatif n'est donc pas caractérisée.
S'agissant des autres fautes ils font valoir la réalité de la situation de la société après son acquisition par la société [10] s'agissant d'une dissimulation par le cédant, la société [13], de la réalité de la situation financière et contestent en conséquence les fautes qui leur sont reprochés:
- de distribution de réserves alors que l'activité était déficitaire puisque cette distribution s'est effectuée juste après la cession alors qu'il avait été présenté une activité bénéficiaire de la société,
- de poursuite d'une activité déficitaire, Monsieur [M] ayant essayé de remonter la société et ayant ainsi diminué le résultat déficitaire en 2017, indiquant qu'en tout état de cause le caractère abusif de cette poursuite n'est pas caractérisé contrairement à la jurisprudence de la Cour de cassation
- de constitution d'un passif important qui n'est pas caractérisé par le liquidateur qui se fonde sur des éléments postérieurs à l'ouverture de la procédure collective. Ils ajoutent que les factures à recouvrer ont été communiquées aux organes de la procédure
- d'absence de tenue de comptabilité puisque la comptabilité a été établie mais comporte une erreur qui n'est pas du fait des intimés s'agissant de l'enregistrement de la distribution de réserves.
Sur ce
Aux termes de l'article L.651-2 du code de commerce lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal, peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait ou par certains d'entre eux ayant contribué à la faute de gestion.
Il résulte des termes du jugement que la question de la somme de 80.000 euros n'est plus en débat puisque le liquidateur judiciaire a reconnu dans ses conclusions en première instance que cette somme avait été remboursée par un apport en compte courant de 100.000 euros.
En appel le liquidateur continue cependant à critiquer deux flux financiers s'agissant d'une part du versement de 350.000 euros et d'autre part du versement de 80.000 euros.
S'agissant du flux financier de 350.000 euros il ressort des éléments versés aux débats par les intimés que la somme versée constitue une distribution de dividendes réalisée le lendemain de la cession ainsi qu'en rapporte la preuve le procès verbal de l'assemblée générale du 25.08.2016.
Le fait que ce flux ait été comptabilisé de façon erronée au compte courant d'associé de la société [10] ne modifie pas la nature de ce versement qui est une distribution de réserves et non une avance à l'associée.
Contrairement à ce que soutient le liquidateur cette explication n'a pas été proposée par les intimés pour les besoins de la cause. Les pièces versées aux débats et en particulier un mail de Monsieur [M] au commissaire aux comptes et à l'expert comptable en date du 12.01.2018, soit 8 mois avant l'ouverture de la procédure collective démontre que dès cette date il les a alerté sur le fait que la distribution de réserves d'août 2016 n'avait pas été traduite au bilan 2016.
Il ne peut donc être retenu une faute constituée par le fait que cette somme serait une avance en trésorerie au bénéfice de l'associée au regard du fait qu'elle a été qualifiée à tort ainsi et qu'il s'agit en réalité d'une distribution de réserves qui n'est pas fautive en soi.
Le liquidateur reproche subsidiairement aux intimés d'avoir procédé à la distribution de réserves alors que la situation de la société était déficitaire.
Or cette distribution de réserves a été réalisée moins d'un mois après la cession de la société intervenue le 29.07.2016. A cette date la réalité de la situation de la société n'était pas connue de l'acquéreur puisqu'elle avait été sinon dissimulée en tout cas ne s'est révélée que postérieurement à la cession, ce qui a donné lieu à une action de la société [10] sur le fondement du dol et de la garantie d'actif et de passif à l'encontre du cédant, à laquelle il a été fait droit par le tribunal de commerce qui a accordé l'intégralité des sommes prévues au titre de la garantie d'actif et de passif.
Cette distribution ne constitue donc pas une faute.
Par ailleurs il ressort des échanges entre cédant et acquéreur préalablement à la cession que le cédant a souhaité que le montant important des réserves dont disposait la société soit inclus dans le prix de cession pour des raisons fiscales. Le prix de vente a donc inclus ces réserves, ce qui explique la souscription d'un emprunt à court terme par l'acquéreur et la distribution de réserves juste après la cession pour permettre le remboursement de cet emprunt, sans que cette opération puisse être qualifiée de fautive.
Enfin le liquidateur reproche aux intimés le fait que la comptabilité était irrégulière. Comme il a été indiqué ci-dessus le fait que l'expert-comptable en 2016 se soit trompé dans l'imputation de ce flux financier, erreur qui a été corrigée dans la comptabilisé de l'exercice 2017, ne permet pas d'établirl'existence d'une comptabilité irrégulière justifiant de retenir une faute à l'encontre des intimés.
S'agissant de la somme de 80.00 euros il a été constaté par le tribunal que cette avance avait été remboursée par un apport de Monsieur [M] de 100.000 euros sans que le liquidateur n'apporte aucun élément pour combattre les constatations du tribunal.
Il convient donc d'écarter toute faute à ce titre.
S'agissant des deux autres fautes reprochées à Monsieur [M] et à la société [10] qui sont le fait d'avoir poursuivi une activité déficitaire et d'avoir créé un passif important:
S'agissant de la poursuite d'une activité déficitaire il ressort des éléments versés aux débats que la société [10] a cru acquérir une société florissante mais a découvert d'une part que la société présentait en réalité des difficultés importantes s'agissant de la qualité de la réalisation des chantiers en cours, et que d'autre part des écarts significatifs existaient entre le taux de marge présenté et le taux de marge réel. Ensuite la société a été confrontée à la désorganisation de son équipe de salariés en relation avec des décisions prises avant l'acquisition au titre des ressources humaines. En 2016 la société a donc présenté un résultat négatif alors que l'exercice 2015 s'était soldé par un résultat positif. Tout au long de l'année 2017 la société [10] a tenté d'améliorer la situation de la société, et a versé des fonds propres à hauteur de 200.000 euros. Cependant les efforts consentis s'ils ont permis de réduire de moitié les pertes de la société n'ont pas été suffisants de telle sorte que le dirigeant a effectué le 1.08.2018 une déclaration de cessation des paiements.
La réalité des difficultés découvertes par les intimés après la cession est établie par la mobilisation de la garantie d'actif et de passif qui a donné lieu à une décision condamnant le cédant à verser le plafond prévu de la garantie, soit la somme de 150.000 euros étant précisé qu'il était argué d'un dol par la société [10] et qu'il était réclamé une somme de 750.000 euros en réparation du préjudice.
La cour à l'instar du tribunal constate en outre que la date de cessation des paiements, qui est un indicateur important des difficultés de la société, a été fixée au 1.08.2018 date de la déclaration d'état de cessation des paiements faite par le dirigeant et n'a pas été remontée.
Au regard de la date d'acquisition, de la découverte des difficultés, des efforts pour y remédier, du versement de fonds propres par l'actionnaire, la poursuite de l'activité pendant l'année 2017 et les 7 premiers mois de 2018, quand bien même elle a généré des résultats déficitaires, ne peut pas être qualifiée de faute.
Enfin s'agissant de la création d'un passif important, la constatation de l'existence d'un passif important ne suffit pas à caractériser l'existence d'une faute de gestion commise par le dirigeant.
De telle sorte que cette faute doit être écartée.
Aucune faute n'étant caractérisée il y a lieu de confirmer le jugement rendu en ce qu'il a débouté Me [Y] en sa qualité de liquidateur judiciaire de sa demande de condamnation de Monsieur [M] et de la société [10] à supporter tout ou partie de l'insuffisance d'actif.
Sur l'interdiction de gérer:
Le tribunal a fondé la sanction d'interdiction de gérer qu'il a prononcé sur le fait que Monsieur [M] n'avait pas été proactif dans les opérations de liquidation judiciaire et n'avait pas rapporté la preuve qu'il avait communiqué tous les éléments utiles au recouvrement des créances client.
Monsieur [M] explique qu'il n'a pas pu participer à la vérification du passif en raison de l'état de grande précarité dans laquelle il s'est trouvé suite à la liquidation de la société.
Il souligne en premier lieu que les raisons de la liquidation de la société sont liées au fait que la situation financière de la société a été maquillée par le vendeur, ce qui a amené d'ailleurs la mise en oeuvre de la garantie d'actif et de passif puis l'engagement d'une procédure qui a abouti à la condamnation du garant à verser à la société [10] la somme de 150.000 euros
Il souligne qu'il n'a perçu aucun salaire pendant deux ans et a même injecté des fonds personnels dans la société en plus de son apport en capital de 200.000 euros, qu'il a subi un divorce et à ce titre a été expulsé du logement familial par son épouse qui a jeté, sur autorisation judiciaire, ses biens à la décharge dont ses archives personnelles, qu'il a ensuite été sans domicile pendant plusieurs mois et n'a donc pas reçu les courriers de convocation pour vérifier le passif qui étaient adressés à son ancienne adresse.
Il soutient avoir remis la liste exigée par L622-6 du code de commerce, avoir remis la liste des factures à recouvrer, avoir mis à disposition l'intégralité des archives papier ainsi que l'ordinateur contenant la comptabilité, qu'il a également proposé de participer aux opérations d'expertise concernant les chantiers exécutés par la société [9].
Le ministère public fait valoir l'absence de remise de la liste des créanciers, et des factures impayées, l'absence de participation de Monsieur [M] à la vérification du passif et retient un manquement du dirigeant à son obligation d'information.
Le liquidateur judiciaire fait valoir au soutien de sa demande de confirmation de la décision de sanction les griefs tirés de l'avance de trésorerie ou de la distribution de dividendes, de la poursuite d'une activité déficitaire et de l'absence de collaboration de Monsieur [M].
Sur ce
La cour souligne que les fautes arguées d'avance de trésorerie, et de poursuites d'une activité déficitaire qui auraient pu caractériser les griefs visés par les 4° et 5° de l'article L.653-4 du code commerce - avoir poursuivi abusivement , dans son intérêt personnel une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements de la personne morale et avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de l'actif -, ont été jugés non établis de telle sorte qu'il y a lieu d'écarter la demande de condamnation en sanction personnelle sur ces fondements.
Il résulte des dispositions de l'article L.653-8 du code de commerce qu'une interdiction de gérer peut être prononcée à l'encontre du dirigeant qui de mauvaise foi, n'aura pas remis au mandataire judiciaire, à l'administrateur ou au liquidateur les renseignements qu'il est tenu de lui communiquer en application de l'article L.622-6 dans le mois suivant le jugement d'ouverture ou qui a sciemment manqué à l'obligation d'information prévue par le second alinéa de l'article L.622.22 du code de commerce.
En l'espèce il est établi par le rapport de l'administrateur judiciaire en page 3 que Monsieur [M] a transmis le 9.10.2018 les renseignements sur les créances clients et les litiges ainsi que les détail des sommes dues. Il est également établi par le procès verbal du commissaire priseur désigné par le tribunal de commerce que l'inventaire a été réalisé en présence du dirigeant de la société [9].
Les dispositions de l'article L.622-6 du code de commerce ont donc été respectées par Monsieur [M] et en conséquence c'est à tort que le tribunal a prononcé une sanction. Il convient d'infirmer la décision et de dire n'y avoir lieu au prononcé d'une sanction personnelle.
La cour ajoute que Monsieur [M] après la liquidation judiciaire de la société [9] s'est retrouvé sans ressources et sans logement, ayant été expulsé du domicile conjugal attribué à son épouse dans le cadre de la procédure en divorce. Il n'a pas été destinataire des lettres recommandées adressées par les organes de la procédure ne disposant plus d'adresse fixe et les courriers adressés à son ancienne adresse ne lui ayant pas été remis par son épouse, de telle sorte qu'il n'a pas pu participer aux autres opérations nécessitant la présence du dirigeant dans le cours de la procédure sans cependant que cela puisse lui être reproché.
La décision entreprise est également infirmée en ce qu'elle a condamné les intimés au paiement d'une somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au liquidateur judiciaire ainsi qu'à supporter la charge des dépens.
Il est inéquitable de laisser les intimés supporter les frais irrépétibles engagés pour assurer leur défense et il convient de leur allouer à chacun la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Les dépens sont passés en frais privilégiés de procédure collective.
PAR CES MOTIFS
La cour,
confirme le jugement rendu le 1.06.2023 par le tribunal de commerce de Bobigny en ce qu'il a débouté Me [Y] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS [9] de sa demande de condamnation de Monsieur [P] [M] et de la SAS [10] à supporter tout ou partie de l'insuffisance d'actif révélée dans le cadre des opérations de la liquidation de la société [9]
l'infirme pour le surplus
et statuant nouveau et y ajoutant
dit n'y avoir lieu de prononcé une sanction d'interdiction de gérer à l'encontre de Monsieur [P] [M]
condamne Me [Y] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS [9] à payer à Monsieur [P] [M] la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
condamne Me [Y] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS [9] à payer à la SAS [10] la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
dit que les dépens sont passés en frais privilégiés de procédure collective et pourront être recouvrés par les avocats de l'instance qui en ont fait l'avance conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.