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Décisions

CA Chambéry, chbre soc. prud'hommes, 21 août 2025, n° 23/01458

CHAMBÉRY

Arrêt

Autre

CA Chambéry n° 23/01458

21 août 2025

CS25/229

COUR D'APPEL DE CHAMBÉRY

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 21 AOUT 2025

N° RG 23/01458 - N° Portalis DBVY-V-B7H-HK5O

[G] [D]

C/ S.A. COOPERATIVE AQUARIUS

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ANNECY en date du 21 Septembre 2023, RG 23/00007

APPELANTE :

Madame [G] [D]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Virginie VABOIS, avocat au barreau d'ANNECY

INTIMEE :

S.A. COOPERATIVE AQUARIUS

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Valentin TREAL de la SARL SOXIAL, avocat au barreau d'ANNECY

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 23 janvier 2025 en audience publique devant la Cour composée de :

Madame Valéry CHARBONNIER, Présidente,

Monsieur Cyril GUYAT, Conseiller,

Madame Laëtitia BOURACHOT, Conseillère,

qui en ont délibéré

Assistés de Monsieur Bertrand ASSAILLY, Greffier, lors des débats,

********

Faits, procédure et prétentions

La SA Coopérative Aquarius est une structure coopérative qui exploite quatre magasins de vente de produits issus de l'agriculture biologique qu'elle exploite sous l'enseigne Biocoop, dont deux à [Localité 5], un à [Localité 6] et un à [Localité 4].

L'entreprise comprend plus de 10 salariés.

Mme [G] [D] a été embauchée à compter du 2 mars 2020 par la SA Coopérative Aquarius selon contrat à durée indéterminée en qualité de responsable communication.

Les dispositions de la convention collective du commerce de détail alimentaire non spécialisé (fruits et légumes) sont applicables.

Le 17 mars 2021, Mme [G] [D] a été placée en arrêt de travail pour accident du travail (« lumbago ») jusqu'au 2 avril 2021.

Le 27 septembre 2021, Mme [G] [D] a de nouveau été placée en arrêt de travail pour accident du travail (« lumbago simple sans complication »), sans discontinuer jusqu'à la rupture de son contrat de travail.

Par courrier en date du 10 juin 2022 reçu le 16 juin 2022, Mme [G] [D] a pris acte de la rupture de son contrat de travail.

Mme [G] [D] a saisi le conseil des prud'hommes d'Annecy en date du 9 janvier 2023 aux fins de solliciter la requalification de sa prise d'acte en un licenciement nul ou à tout le moins sans cause réelle et sérieuse et de solliciter des dommages et intérêts pour harcèlement moral et manquement de son employeur à ses obligations de sécurité et de loyauté.

Par jugement du 21 septembre 2023, le conseil des prud'hommes d'Annecy a :

- Débouté Madame [G] [D] de l'ensemble de ses demandes ;

- Condamné Madame [G] [D] à payer à la S.A. Coopérative Aquarius la somme de 10 € (dix euros) au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Condamné Madame [G] [D] aux entiers dépens.

La décision a été notifiée aux parties et Mme [G] [D] en a interjeté appel par le Réseau Privé Virtuel des Avocats le 9 octobre 2023.

Par dernières conclusions notifiées le 8 janvier 2024, auxquelles la cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et des moyens, Mme [G] [D] demande à la cour d'appel de :

- Infirmer le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes d'Annecy le 21 septembre 2023 dans toutes ses dispositions et plus particulièrement :

Sur l'exécution du contrat de travail :

- Infirmer le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes d'Annecy le 21 septembre 2023 en ce qu'il a rejeté les griefs de violation des obligations de loyauté et de sécurité.

- Statuant à nouveau :

- Juger que la SA Coopérative Aquarius a violé son obligation de loyauté et de fournir le travail convenu ;

- Juger que la SA Coopérative Aquarius a violé son obligation de sécurité ;

- En conséquence, condamner la SA Coopérative Aquarius à payer à Mme [G] [D] la somme de 10.000 euros nets à titre de dommages-intérêts pour violation des obligations de loyauté et de sécurité ;

- Infirmer le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes d'Annecy le 21 septembre 2023 en ce qu'il a débouté Mme [G] [D] de sa demande relative au harcèlement moral ;

- Statuant à nouveau :

- Juger que Mme [G] [D] a été victime de faits de harcèlement moral que la SA Coopérative Aquarius n'a su ni prévenir, ni éviter mais au contraire orchestrés par des méthodes de management inappropriées ;

- En conséquence, condamner la SA Coopérative Aquarius à payer à Mme [G] [D] la somme de 20.000 euros nets à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral. ;

Sur la rupture du contrat de travail :

- Infirmer le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes d'Annecy le 21 septembre 2023 en ce qu'il a débouté Mme [G] [D] de sa demande de requalification de sa prise d'acte aux torts exclusifs de la SA Coopérative Aquarius et de toutes ses demandes indemnitaires afférentes.

- Statuant à nouveau :

- Requalifier la prise d'acte de la rupture aux torts exclusifs de la SA Coopérative Aquarius produisant à titre principal les effets d'un licenciement nul comme procédant des faits de harcèlement moral subis, et à titre subsidiaire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

- En tout état de cause, après avoir fixé la moyenne des salaires bruts de Mme [G] [D] a la somme de 2.532,82 euros, condamner la SA Coopérative Aquarius a lui payer les sommes suivantes :

* 15.142,92 euros nets de CSG CRDS à titre d'indemnité de licenciement nul ou à tout le moins sans cause réelle et sérieuse ;

* 5.047,64 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

* 504,76 euros bruts au titre des congés payés sur préavis ;

* 1.444,88 euros nets de CSG CRDS à titre d'indemnité de licenciement ;

- Ordonner la remise d'une attestation pôle emploi rectifiée sous astreinte journalière de 100 euros, dans un délai de 8 jours à compter dans la notification de la décision à intervenir.

- Condamner la SA Coopérative Aquarius à payer à Mme [G] [D] la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

- Condamner la même aux entiers dépens de procédure.

- Juger que les sommes allouées à Mme [G] [D] porteront intérêt au taux égal en application des articles 1231-6 et -7 du code civil.

Par dernières conclusions notifiées le 4 avril 2024, auxquelles la cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et des moyens, la SA Coopérative Aquarius demande à la cour d'appel de :

- Confirmer en tout point le jugement rendu, dans ce dossier, par la section commerce du Conseil de prud'hommes d'Annecy le 21 septembre 2023 et juger donc :

- Qu'il n'existe aucune démonstration de violation d'obligation de sécurité et de loyauté et d'existence de faits de harcèlement à l'encontre de Mme [G] [D].

- En conséquence, juger que la prise d'acte de rupture du contrat de travail de Mme [G] [D] doit entrainer les conséquences d'une démission,

- En conséquence :

* Ecarter l'ensemble des demandes indemnitaires formulées par Mme [G] [D] dans sa saisine et ses conclusions subséquentes,

* En tout état de cause écarter les demandes indemnitaires de Mme [G] [D] au titre d'une prétendue violation d'obligation de sécurité et de loyauté et de faits de harcèlement,

* Confirmer la condamnation de Mme [G] [D] prononcée par le Conseil de prud'hommes, au titre de l'article 700 du CPC

- A titre reconventionnelle :

* Dire qu'il n'y a lieu à aucune mise à jour de document de fin de contrat, ni à aucune astreinte à ce titre,

* Condamner Mme [G] [D] à la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du CPC et aux entiers dépens, au titre de la procédure d'appel qu'elle a cru pouvoir initier.

* La débouter des mêmes demandes qu'elle formulait à ce titre.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 8 janvier 2025. A l'issue de l'audience du 23 janvier 2025, la décision a été mise en délibéré au 17 avril 2025, délibéré prorogé au 21 août 2025

Motifs de la décision

A titre liminaire, il sera rappelé que la cour d'appel n'a pas à statuer sur la demande tendant à voir fixer la moyenne des salaires, une telle demande ne constituant pas une prétention au sens de l'article 4 du code de procédure civile mais un moyen de fait à l'appui des prétentions présentées.

Sur la demande de dommages et intérêts au titre du harcèlement moral

- Moyens

Mme [G] [D] soutient que la SA Coopérative Aquarius a mis en 'uvre des méthodes de management inappropriées. Elle expose avoir subi les faits de harcèlement moral suivants :

- la modification unilatérale de son contrat de travail et la diminution de ses responsabilités en ce que son poste de responsable communication n'a jamais été respecté, cette dernière ayant majoritairement travaillé au magasin (caisse + mise en rayon) ;

- la privation des moyens nécessaires à l'exercice de ses missions de communication et les critiques injustifiées sur lesdites missions

- un surmenage en raison du sous-effectif du magasin entraînant une surmobilisation sur des tâches physiques sans lien avec la communication ;

- une tentative d'intimidation et des pressions afin d'obtenir de la salariée sa signature sur un document antidaté modifiant ses horaires et ses missions pour tenter de faire croire qu'elle les avait acceptés et ce après un entretien humiliant du 20 août 2021 ;

- une mise en danger sur le poste de travail, en augmentant son temps de travail au magasin sur des tâches physiques alors qu'elle revenait tout juste d'un accident du travail (lumbago) lié à ces sollicitations physiques, ce qui a conduit à un second accident du travail pour une hernie discale

- une demande de justification d'absence totalement infondée durant son second arrêt de travail pour accident de travail, alors que la salariée avait parfaitement communiqué le renouvellement de son arrêt de travail

Elle expose que ces faits de harcèlement moral ont eu pour objet et pour effet une dégradation de ses conditions de travail qui a engendré une altération de son état de santé physique (dos) et moral ainsi qu'une atteinte à sa dignité.

Mme [G] [D] soutient ne pas être un cas isolé et qu'il existe une situation de souffrance au travail généralisée. Le CSE a alerté de la situation très dégradée au sein du magasin du [Localité 4], l'inspection du travail a relevé deux autres témoignages en plus de celui de la salariée et le directeur adjoint a lui-même intenté une procédure à l'encontre de la SA Coopérative Aquarius.

Elle affirme que les faits de harcèlement moral ont été dument constatés par l'inspection du travail, dont les constatations font foi jusqu'à preuve du contraire. Aucun des éléments produits par la SA AQUARIUS ne permettent de prouver que les faits présentés et prouvés par la salariée sont justifiés par des éléments objectifs. La SA Coopérative Aquarius se contentant de critiquer le courrier de l'inspection du travail mais n'a jamais initié d'enquête malgré un signalement du CSE, de plusieurs salariés ainsi que les constats alarmants de l'Inspection du travail.

La SA Coopérative Aquarius soutient pour sa part que :

- ce n'est que par un courrier de délation du 4 novembre 2021, sans que son employeur ou le CSE ne soit tenu informé auparavant, que la salariée a porté ses dénonciations auprès de l'inspection du travail ;

- contrairement à ses affirmations, la situation de Mme [G] [D] a bien donné lieu à une enquête et à de nombreux échanges oraux et écrits entre l'inspection du travail et la SA Coopérative Aquarius, aux termes desquels aucune sanction ne fut prononcée ;

- c'est dans le courrier de prise d'acte que Mme [G] [D] a indiqué pour la première fois qu'elle aurait subi des faits de harcèlement moral sans ne jamais préciser jusqu'à ce jour de dates ni de faits concrets, de sorte que l'employeur ne pouvait y répondre ;

- concernant l'absence d'adaptation de son pote de travail et l'absence de formation et d'entretien annuel, la salariée a été absente 8 mois sur les deux ans d'ancienneté et elle a débuté le 2 mars 2020, période durant laquelle toutes les formations ont été annulées par les centres de formations. Par ailleurs, la salariée n'a jamais sollicité son employeur à ce titre ;

- la salariée ne prouve pas qu'on l'aurait contrainte à subir un entretien humiliant le 21 août 2021 ;

- l'affirmation concernant un prétendu signalement du CSE évoqué par la salariée repose sur une pièce dont on ne connaît ni les auteurs ni la date et dont le contenu n'évoque jamais la situation professionnelle de Mme [G] [D] ;

- il est démontré que les deux autres salariés ayant témoigné d'un prétendu climat social difficile avaient à l'évidence, et pour des raisons différentes, un fort ressentiment à l'encontre de la Coopérative Aquarius, qu'ils entendaient lui faire payer ;

- Mme [G] [D] ne démontre pas l'existence d'un préjudice réel, les éléments médicaux étant relatifs à « un lumbago » ou à une « hernie discale », ce qui n'a rien à voir avec l'évocation de prétendus faits de harcèlement devant être indemnisés.

- Sur ce

L'article L. 1152-1 du code du travail dispose qu'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel

L'employeur doit veiller à ce que ses salariés n'adoptent pas des agissements de harcèlement moral et doit prendre toutes dispositions pour prévenir ou faire cesser ce type de comportement.

En application de l'article L. 1154-1 du code du travail cas de litige, il appartient d'abord au salarié de présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement; l'employeur doit ensuite prouver que ces faits ne sont pas constitutifs d'un harcèlement moral et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étranger à tout harcèlement.

Le juge doit considérer les faits pris dans leur ensemble pour apprécier s'ils permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral.

Les méthodes de gestion dès lors qu'elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d'entraîner une dégradation des conditions de travail susceptible notamment de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, ou d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel peuvent caractériser un harcèlement moral.

En l'espèce, la salariée évoque au sein de ses conclusions le fait que l'employeur aurait de manière générale mis en 'uvre des méthodes de management inappropriées qui auraient généré une situation de souffrance au travail généralisée.

A titre liminaire, il doit être précisé que :

- le courrier adressé par la salariée à l'inspection du travail le 4 novembre 2021 et évoquant les difficultés qu'elle estime subir au service de l'employeur ne revêt à lui-seul aucun caractère probant quant aux faits qui y sont décrits, ce document ne constituant que la seule vision et version de la salariée de sa situation.

- l'extrait de son courrier adressé à l'employeur envoyé par l'inspecteur du travail à Mme [D] ne fait pas ressortir le constat de faits de harcèlement moral la concernant mais sollicite uniquement les explications de l'employeur quant aux témoignages de trois salariés, dont celui de Mme [D], et rappelle les textes applicables en matière de harcèlement moral. Ce courrier de l'inspecteur du travail ne saurait ainsi établir les faits qu'il évoque.

Mme [G] [D] soutient que l'employeur a modifié unilatéralement son contrat de travail et a ainsi diminué ses responsabilités, son poste de responsable communication n'ayant jamais été respecté, puisqu'elle travaillait majoritairement au magasin, à la caisse où à la mise en rayon. S'il est exact que son contrat de travail mentionne qu'elle est engagée comme responsable de communication, il ne contient aucune précision quant à l'étendue de ses fonctions. L'employeur produit l'offre d'emploi passée à l'époque ou Mme [D] a été recrutée (en octobre 2019 pour un recrutement en mars 2020), qui mentionne clairement que le poste de responsable communication à pourvoir est à 2/3 en tant que communicant et 1/3 en magasin pour de la vente. La salariée elle-même reconnaît avoir accepté un temps de travail en magasin, le caractère temporaire de son acceptation ne reposant que sur ses seules allégations. Il est cependant établi par des échanges de courriels en juillet 2021 que son employeur a souhaité qu'elle passe sur des horaires qui ne lui accordaient plus que 15 h par semaine pour la « communication », en contradiction avec ce que proposait l'offre d'emploi, ce qu'a donc accepté la salariée. Si l'employeur produit un courrier daté du 29 juillet 2021 portant la signature de la salariée (mais dont il reconnaît dans un courrier à l'inspection du travail qu'elle ne l'a contresigné que le 20 août 2021) et mentionnant l'accord de cette dernière pour des horaires hebdomadaires de 15 heures en communication, 10 heures pour la gestion du Click and collect et 10 heures polyvalentes en magasin, celle-ci indique dans un courriel du 20 août qu'elle a signé le document dans la précipitation et n'a jamais donné son accord pour les missions qui lui ont été imposées, et que sa signature est donc caduque. Il résulte de ces constatations l'existence d'un doute quant à l'accord ou au désaccord de la salariée sur cette modification horaire, qui ne permet donc pas d'établir formellement que l'employeur aurait modifié unilatéralement son contrat de travail et ainsi diminué ses responsabilités. Ce fait n'est donc pas établi.

La salariée soutient par ailleurs avoir été privée des moyens nécessaires à l'exercice de ses missions de communication. Au soutien de cette allégation, elle produit une évaluation horaire de l'ensemble des tâches qu'elle indique assumer sur un mois, pour un horaire qu'elle estime à 198 heures. Elle produit également une attestation de M. [B], adjoint du magasin de [Localité 4] à l'époque où elle y travaillait, qui indique que la salariée avait du mal à effectuer sa mission de communication tant elle était sollicitée à des horaires variables, pour des tâches de caisse et de mise en rayon. Ces éléments apparaissent insuffisants pour établir les faits allégués en ce que l'attestant ne précise pas s'il a lui-même constaté ce qu'il évoque, et n'indique pas quand il l'aurait constaté, étant relevé qu'il aurait, selon la réponse de l'employeur à l'inspection du travail concernant la situation de M. [B], été en arrêt de travail pour une longue période à compter de début 2021. Par ailleurs, l'évaluation horaire de la salariée n'est accréditée par aucun autre élément. Ce fait n'est donc pas établi.

La salariée soutient avoir été l'objet de critiques injustifiées sur ses missions de communication. Le seul élément produit au soutien de cette allégation est l'attestation de M. [B], qui indique avoir « été choqué par les jugements inopérables de cette responsable de magasin concernant les études de communication réalisées par [G] ». Etant relevé que le terme « inopérable » apparaît peu compréhensible, cet élément apparaît insuffisant à lui seul pour établir les faits allégués. Il doit être par ailleurs constaté que la salariée n'a pas évoqué ce grief dans son courrier adressé le 4 novembre 2021 à l'inspection du travail. Ce fait n'est donc pas établi.

La salariée expose avoir subi un surmenage en raison du sous-effectif du magasin entraînant une surmobilisation sur des tâches physiques sans lien avec la communication. Or elle ne relie cette allégation à aucune pièce au sein de ses conclusions. Elle indique en outre que ce surmenage serait intervenu notamment en raison de l'absence du directeur adjoint, de sorte que l'attestation de ce dernier est inopérante pour démontrer une telle situation, celui-ci n'ayant pas pu la constater personnellement. Ce fait n'est donc pas établi.

La salariée soutient avoir subi une tentative d'intimidation et des pressions afin d'obtenir sa signature sur un document antidaté modifiant ses horaires et ses missions pour tenter de faire croire qu'elle les avait acceptés et ce après un entretien humiliant le 20 août 2021. Il est établi par les échanges de courriel entre elle et M. [M], directeur, que celui-ci a annulé un entretien qui était prévu pour évoquer les changements d'horaire que souhaitait lui appliquer l'employeur car celle-ci souhaitait y être assisté d'un membre du CSE. Il doit être cependant rappelé que l'employeur n'a aucune obligation légale (et en l'espèce il n'est pas allégué d'obligation conventionnelle) d'accepter qu'un membre du CSE assiste à un entretien, hors entretien disciplinaire ou dans le cadre d'une rupture conventionnelle). Ce refus de l'employeur ne saurait ainsi en lui-même s'analyser en une intimidation ou une pression. La salariée ne produit par ailleurs aucun élément au soutien de son allégation du caractère humiliant de l'entretien du 20 août 2021. Enfin, il ne résulte d'aucune des pièces produites aux débats la caractérisation de pressions et d'intimidations pour obtenir sa signature sur le document daté du 29 juillet 2021. Ces faits ne sont donc pas établis.

La salariée évoque une mise en danger sur le poste de travail, par l'augmentation de son temps de travail au magasin sur des tâches physiques alors qu'elle revenait tout juste d'un accident du travail (lumbago) lié à ces sollicitations physiques, ce qui a conduit à un second accident du travail pour une hernie discale. Cependant, il doit être constaté qu'elle a repris le travail sans réserve du médecin du travail en avril 2021 suite à un lumbago, qu'elle n'a pas sollicité de visite auprès du médecin du travail, qu'elle ne justifie pas avoir informé son employeur de difficultés physiques à assumer son poste entre sa reprise en avril et son nouvel arrêt de travail le 27 septembre 2021. Ce fait n'apparaît donc pas établi.

La salariée soutient avoir fait l'objet d'une demande de justification d'absence totalement infondée durant son second arrêt de travail pour accident de travail, alors qu'elle avait communiqué à son employeur le renouvellement de son arrêt de travail. Elle justifie effectivement avoir transmis sa prolongation d'arrêt de travail du 5 octobre 2021 le jour même par courriel à Mme [W], responsable des ressources humaines, qui va pourtant lui adresser le 8 octobre 2021 une « mise en demeure pour absence injustifiée » depuis le 5 octobre. Ce fait est donc établi.

Enfin, la salariée évoque une situation de souffrance au travail généralisée au sein de l'entreprise. Sur ce point, le document « Erratum PV de la réunion du 01/06/21 » du CSE mentionne des questions à la direction d'un élu du CSE, dont l'identité est inconnue, faisant état d'un « réel mal-être » sur le magasin de [Localité 4], ou travaille notamment Mme [G] [D]. La salariée produit par ailleurs deux articles de presse datés de mars et avril 2022, évoquant un « malaise social » ou un « climat social sous haute tension » au sein de l'entreprise, et non uniquement au magasin de [Localité 4]. Ces seuls éléments apparaissent insuffisants pour établir l'existence d'une souffrance au travail généralisée alléguée par la salariée.

Il résulte ainsi de ces développements que la salariée établit la réalité d'un seul des griefs qu'elle expose à l'égard de l'employeur s'agissant du harcèlement moral dont elle se dit victime. Le harcèlement moral se caractérisant par des agissements répétés, ce seul fait ne permet pas de laisser supposer l'existence d'un harcèlement.

La décision déférée sera donc confirmée en ce qu'elle a débouté la salariée de sa demande à ce titre.

Sur la demande de dommages et intérêts au titre de la violation des obligations de sécurité et de loyauté

- Moyens

Mme [G] [D] soutient que l'employeur a manqué à son obligation de loyauté à son égard en faisant valoir qu'alors qu'elle a été embauchée en qualité de « responsable communication » et sans qu'une fiche de poste n'ait été établie conformément à la charte sociale Biocoop, elle a accepté de travailler temporairement au magasin à hauteur de 10 heures par semaine pour pallier au sous-effectif du magasin ; ce qui devait être temporaire et minoritaire est devenu définitif et majoritaire après la fin de la période d'essai, la SA Coopérative Aquarius l'ayant affectée au magasin à hauteur de 20 heures hebdomadaires à compter de juin 2021; il est faux de prétendre que les parties avaient convenu d'un « poste hybride », l'offre d'emploi mentionnant une liste de missions principales et ne contenant aucune mission relative au magasin ; elle n'a jamais demandé une telle affectation ; l'attestation de M. [F] [J] est de pure complaisance et fait état de propos totalement mensongers ; l'attestation de Mme [S] est également contredite par les éléments qu'elle verse aux débats, qui démontrent qu'elle n'a jamais demandé cette affectation au magasin mais qu'elle l'a immédiatement contestée ; elle a également immédiatement remis en cause sa signature du courrier antidaté au 29 juillet 2021 définissant ses nouvelles missions et ses nouveaux horaires pour tenter de faire croire qu'elle les aurait acceptés.

Elle soutient par ailleurs que l'employeur a manqué à son obligation de prévention et de sécurité en faisant valoir que :

- l'Inspection du travail a constaté que le contenu du DUER n'était pas conforme au Code du travail et que l'évaluation des risques psycho-sociaux était inexistante au sein de l'entreprise. Ce courrier de l'inspection du travail résulte d'un contrôle et ne constitue pas seulement une reprise de ses dires, contrairement à ce que soutient la SA Coopérative Aquarius ;

- la SA Coopérative Aquarius ne justifie pas de l'affichage obligatoire en matière de harcèlement, ni de la formation de ses managers.

- le Directeur Général de Biocoop Aquarius l'a contrainte à travailler lors de son premier arrêt de travail pour accident du travail du 17 mars 2021, tel qu'il résulte d'un échange de courriels du 25 mars 2021 ;

- à sa reprise à l'issue de cette première période d'arrêts de travail, la SA Coopérative Aquarius a augmenté son temps de travail au magasin (caisse + rayon). Cette reprise était incompatible avec son poste et ses compétences et inadaptée à ses problèmes de dos au regard des sollicitations physiques qu'impliquaient une reprise au magasin. Cette reprise a conduit à son second accident de travail le 27 septembre 2021 (hernie discale) ;

- aucune enquête ni aucune mesure de nature à faire cesser la situation ne sera initiée après qu'elle ait dénoncé des faits de harcèlement moral circonstanciés et postérieurement constatés par l'Inspection du travail ;

La SA Coopérative Aquarius expose pour sa part que :

- Mme [G] [D] passe volontairement sous silence une partie du contenu de l'offre d'emploi qui indique en toute lettre « Temps plein = 2/3 temps en tant que communiquant et 1/3 du temps en magasin ». Le poste était donc bien hybride et cet état de fait existe depuis l'origine de la relation contractuelle ;

- la salariée a réalisé de nombreuses missions de communication durant l'année et demi de travail effectif qu'elle a réalisé au sein de la SA Coopérative Aquarius. L'employeur n'avait aucun intérêt à payer le salaire d'une responsable communication, bien plus important qu'une hôtesse de caisse par exemple, pour ne lui faire faire que de la mise en rayon et de la caisse;

- Mme [G] [D] ne démontre aucun préjudice distinct de sa décision de prendre acte de la rupture de son contrat de travail et qui serait lié à un prétendu non-respect de l'obligation de loyauté.

- le courrier de l'Inspection du travail qui lui a été adressé en décembre 2021 ne fait que reprendre le contenu d'un courrier adressé par Mme [G] [D] à l'inspection du travail, sans qu'elle ait au préalable alerté son employeur ou le CSE. A ce titre, le PV du CSE n'évoque en rien la situation professionnelle de Mme [G] [D] ;

- l'employeur a apporté toute réponse aux interrogations de l'inspection du travail sur la situation de Mme [G] [D] et aucune sanction n'a ensuite été prononcée;

- l'évaluation des risques psycho-sociaux n'était pas insuffisante dans le DUER, qui est produit, Mme [G] [D] se contentant de s'appuyer sur le courrier de l'inspection du travail au soutient de cette prétention ;

- les problèmes médicaux démontrés par Mme [G] [D] durant cette période sont un lumbago et une hernie discale, sans lien avec des risques psycho-sociaux ;

- les deux seuls courriels envoyés les 25 et 26 mars 2021 durant l'arrêt de travail de Mme [G] [D] ne démontrent en rien le fait que l'employeur l'aurait obligé à travailler sur cette période;

- un membre du CSE et une ancienne salariée attestent que c'est la salariée qui avait sollicité de pouvoir être affectée de manière partielle sur cette activité sur l'activité « click and collect » au retour de son premier arrêt de travail ;

- l'avenant prétendument antidaté visait simplement à formaliser ses horaires de travail, appliqués dans les faits depuis des mois.

- Sur ce

Il résulte de l'article L. 4121-1 du Code du travail que l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels y compris ceux mentionnés à l'article L. 4161-1 ;

2° Des actions d'information et de formation ;

3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

L'article L. 4121-2 du même code précise que l'employeur met en 'uvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :

1° Eviter les risques ;

2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;

3° Combattre les risques à la source ;

4° Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;

5° Tenir compte de l'état d'évolution de la technique ;

6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;

7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral, tel qu'il est défini à l'article L. 1152-1 ;

8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;

9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.

Selon la jurisprudence, l'employeur peut s'exonérer de sa responsabilité s'il justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.

En application de l'article L. 1152-4 du code du travail, l'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.

En application de l'article R. 4121-1 du même code, l'employeur transcrit et met à jour dans un document unique les résultats de l'évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs à laquelle il procède en application de l'article L. 4121-3.

En application de l'article L. 4121-3, l'employeur, compte tenu de la nature des activités de l'établissement, évalue les risques pour la santé et la sécurité des travailleurs ('). A la suite de cette évaluation, l'employeur met en 'uvre les actions de prévention ainsi que les méthodes de travail et de production garantissant un meilleur niveau de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs.

Par ailleurs, il résulte de l'article L. 1222-1 du code du travail que le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi. La mauvaise foi ne se présume pas, elle doit être démontrée par celui qui l'allègue.

En l'espèce, il a été retenu ci-avant que n'était pas établi que l'employeur avait unilatéralement modifié le contrat de travail de la salariée.

Il a également été retenu que la salariée avait repris le travail sans réserve en avril 2021 suite à un lumbago, qu'elle n'avait pas sollicité de visite auprès du médecin du travail, qu'elle ne justifiait pas avoir informé son employeur de difficultés physiques à assumer son poste entre sa reprise en avril et son nouvel arrêt de travail le 27 septembre 2021, de sorte qu'il n'apparaît pas que l'employeur ait commis sur ce point un quelconque manquement à son obligation de sécurité à son égard.

Ainsi, il n'est pas établi par la salariée que l'employeur aurait manqué à son obligation d'exécution du contrat de travail de bonne foi à ce titre.

S'agissant de l'obligation de prévention et de sécurité, la salariée produit deux courriels des 25 et 26 mars 2021 envoyés durant son arrêt de travail pour maladie professionnelle :

- s'agissant du courriel du 25 mars, le directeur M. [M] lui indique « J'espère que tu vas mieux et que ton dos ne te fait plus souffrir. Dans ces conditions je ne sais pas si tu a pu avancer sur le projet d'étiquette/steak haché. Dis moi, le cas échéant je soustraite » (sic),

- S'agissant du courriel du 26 mars, adressé notamment à son directeur, Mme [D] évoque le travail qu'elle vient d'effectuer dans le cadre d'une préparation d'assemblée générale.

Si ces courriels ne permettent pas à eux seuls de démontrer que l'employeur a sollicité la salariée pour qu'elle travaille durant son arrêt de travail, puisque cette activité peut tout aussi bien résulter d'une initiative de sa part, ils démontrent en tout état de cause qu'il était informé de ce que la salariée travaillait. Or l'employeur ne justifie aucunement lui avoir, dans le cadre de l'exercice de son obligation de sécurité et de prévention, demandé d'interrompre cette activité quand il en a eu connaissance, les courriels ci-dessus rappelés caractérisant même le fait qu'il la cautionnait.

La violation par l'employeur de son obligation de prévention et de sécurité est ici établie.

S'agissant de l'évaluation et de la prévention des risques psycho-sociaux au sein de l'entreprise, il résulte du courrier de l'inspecteur du travail du 21 décembre 2021 que celui-ci avait constaté lors de son contrôle que si le DUERP identifiait les risques liés au harcèlement moral, il ne mentionnait aucune action de prévention sur ce point. La version du DUERP produite aux débats par l'employeur a été mise à jour le 28 décembre 2021, soit quelques jours après ce courrier, et mentionne quant à elle les mesures de prévention existantes s'agissant des risques psycho-sociaux et les actions envisagées.

Il résulte de ces constatations que la version du DUERP antérieure au 28 décembre 2021 et au contrôle de l'inspecteur du travail ne mentionnait pas les actions de prévention au sein de la société s'agissant des risques psycho-sociaux et donc notamment le harcèlement moral, en violation des dispositions des articles L. 1152-4, R.4121-1 et L. 4121-3 du code du travail.

Par ailleurs, l'employeur ne justifie, s'agissant des actions d'information et de prévention qu'il aurait menées antérieurement au dernier arrêt de travail de la salariée, que de l'envoi aux salariés d'un questionnaire sur la qualité de vie au travail en septembre 2018, et d'une étude du poste de caisse en 2016. Il ne justifie d'aucune action de formation et d'information au titre des risques psycho-sociaux sur la période de travail effective de la salariée.

Le non-respect par l'employeur de son obligation de prévention sur ce point est dès lors établi.

Enfin, s'il est exact que l'employeur n'a formellement diligenté aucune enquête suite au courrier adressé par la salariée à l'inspection du travail faisant état de certains faits qu'elle considérait comme pouvant revêtir la qualification de harcèlement, et au courrier adressé par l'inspection du travail sur ce point, il doit être relevé que cette dernière n'a pas sollicité la mise en place d'une enquête mais uniquement les observations de l'employeur quant aux griefs avancés par la salariée, observations qui ont été transmises, et par ailleurs que les développements ci-dessus ont mis en évidence le fait que Mme [G] [D] échouait à établir l'existence de faits susceptibles de laisser supposer l'existence d'un harcèlement. Enfin il doit être constaté que les deux arrêts de travail de la salariée sont sans aucun rapport avec d'éventuels risques psycho-sociaux ou un harcèlement, les éléments médicaux produits ne mentionnant qu'une lombalgie et/ou une hernie discale.

Ainsi aucun manquement de l'employeur à son obligation de sécurité ne saurait être retenu sur ce point.

Il résulte de ces constatations que l'employeur ne justifie pas avoir rempli son obligation de sécurité et de prévention à l'égard de la salariée.

Le seul constat du manquement de l'employeur en ce qu'il a fait travailler un salarié pendant son arrêt de travail pour maladie ou accident ouvre droit à réparation (Cass soc. 4 septembre 2024, n°23-15.944).

La salariée ne produit pas d'élément de nature à permettre de préciser son préjudice, étant relevé que les éléments médicaux qu'elle produit ne permettent pas d'établir un lien entre ces manquements de l'employeur et les lumbago et hernie discale dont elle a souffert.

Au regard de ces éléments, la décision déférée sera infirmée et il lui sera alloué la somme de 1000 euros net à titre de dommages et intérêts.

Sur la prise d'acte de la rupture du contrat de travail

- Moyens

Mme [G] [D] soutient qu'au regard des manquements de la SA Coopérative Aquarius à son obligation de loyauté et de prévention et de sécurité, et des faits de harcèlement moral dont elle a été victime, la poursuite de la relation de travail était impossible, ce qui justifiait la requalification de sa prise d'acte en licenciement nul ou subsidiairement sans cause réelle et sérieuse

Elle ajoute que les manquements reprochés ne peuvent être qualifiés d'anciens dès lors que le contrat de travail a été suspendu pendant plus de 9 mois pour cause d'accident du travail et que le comportement de l'employeur a perduré durant les arrêts de travail, de nombreuses erreurs ayant été commises par l'employeur dans le calcul de ses IJSS.

La SA Coopérative Aquarius soutient que l'existence de faits de harcèlement n'est pas démontrée, de sorte que la nullité du licenciement ne saurait être prononcée. Il en va de même en ce qui concerne les autres manquements invoqués de sorte que la prise d'acte de la rupture doit entraîner les conséquences d'une démission.

Elle ajoute que la prise d'acte de la rupture l'a été de manière opportune dans la seule optique d'obtenir des indemnités de rupture injustifiées, la salariée ayant déjà retrouvé un nouvel emploi à la date de sa prise d'acte.

- Sur ce

Le salarié qui reproche à l'employeur des manquements à ses obligations peut prendre acte de la rupture de son contrat. Lorsque le salarié justifie de manquements suffisamment graves de la part de l'employeur pour empêcher la poursuite du contrat de travail, la prise d'acte produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Lorsque les manquements reprochés à l'employeur ne sont pas établis ou ne sont pas suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat travail, la prise d'acte produit les effets d'une démission et le salarié qui ne peut prétendre à aucune indemnité de rupture, peut être condamné à verser à l'employeur une indemnité pour non-respect du préavis sauf si l'employeur l'en a dispensé.

Les juges du fond doivent examiner l'ensemble des manquements de l'employeur invoqués par le salarié sans se limiter aux seuls griefs énoncés dans la lettre de prise d'acte. Il appartient au salarié de démontrer l'existence de ces griefs.

En l'espèce, il a été retenu ci-avant l'absence de faits établis laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral, de sorte que la prise d'acte ne saurait être requalifiée en licenciement nul.

Il a également été retenu que la salariée ne démontrait pas la violation par l'employeur de son obligation d'exécution de bonne foi du contrat de travail.

S'agissant de la violation de l'obligation de sécurité, il est établi que l'employeur a fait travailler ou à tout le moins a toléré que la salariée travaille durant son arrêt maladie. Si celle-ci soutient dans sa lettre de prise d'acte que l'employeur l'aurait contrainte à travailler deux heures par jour durant cet arrêt, les deux courriels qu'elle produit au soutien de cette allégation sont insuffisants pour le démontrer, étant relevé qu'elle indique dans son courrier adressé à l'inspecteur du travail le 4 novembre 2021 que durant la période de ce premier arrêt maladie, elle « tient à assumer les projets importants en cours à hauteur de 2h de travail quotidien », tournure de phrase de nature à laisser penser que le travail qu'elle a pu fournir durant son arrêt de travail résulte de sa seule initiative. Ce constat conduit à relativiser l'appréciation de la gravité de la faute de l'employeur dans le contexte de la prise d'acte.

Par ailleurs, il est établi que l'employeur a manqué à son obligation de prévention et de sécurité s'agissant de la prise en compte des risques psycho-sociaux au sein de l'entreprise. Cependant, il ne résulte pas des développements précédents que la salariée ait subi un quelconque préjudice à ce titre durant ses 18 mois de travail effectif au service de la société. Ces deux arrêts de travail ont été prononcés pour des lombalgie et hernie discale. Ainsi qu'il l'a été retenu, elle n'établit pas l'existence de faits de nature à laisser présumer un harcèlement moral à son encontre.

La salariée évoque également au sein de ses conclusions le fait que l'employeur aurait commis, durant son second arrêt de travail, de nombreuses erreurs dans le calcul de ses indemnités journalières, ce qui l'aurait empêchée d'envisager un retour sur poste à l'issue de cet arrêt.

Sur ce point, les échanges de courriels entre elle et Mme [W], responsable des ressources humaines, font ressortir que cette dernière reconnaît, dans un courriel du décembre 2021, plusieurs erreurs affectant le paiement de son salaire lors de ses arrêts maladie sur les mois de mars, avril et septembre 2021, qu'elle explique et qu'elle entend corriger. Les autres courriels sont constitués de questions de la salariée quant aux modalités de calcul de son salaire et au versement des IJSS durant son arrêt de travail, et ne démontrent en tout état de cause aucune autre erreur de la part de l'employeur. Il doit en outre être constaté que la salariée n'allègue pas, dans le cadre de la présente instance, ne pas avoir perçu l'intégralité des sommes auxquelles elle avait droit dans le cadre de son arrêt de travail. Ainsi, les seules erreurs reconnues par l'employeur et manifestement corrigées ne sauraient constituer un manquement grave rendant impossible la poursuite du contrat de travail.

La salariée évoque au sein de son courrier de prise d'acte le fait qu'elle n'a jamais bénéficié de formation ni d'entretien annuel d'évaluation. Cependant, il sera observé qu'elle n'évoque pas ce moyen au sein de ses conclusions, de sorte qu'il n'y a pas lieu de l'examiner.

L'analyse de ces éléments conduit à retenir que Mme [G] [D] ne justifie pas de manquements suffisamment graves de la part de l'employeur pour empêcher la poursuite du contrat de travail.

La prise d'acte doit donc être requalifiée en démission.

Au regard de ces éléments, la décision déférée sera confirmée en ce qu'elle a débouté la salariée de ses demandes au titre de la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Les dépens de première instance et d'appel seront mis à la charge de la SA Coopérative Aquarius, qui succombe partiellement à l'instance.

La SA Coopérative Aquarius sera par ailleurs condamnée à verser à Mme [G] [D] la somme de 1600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,

Déclare Mme [G] [D] recevable en son appel,

Infirme le jugement du conseil de prud'hommes d'Annecy du 21 septembre 2023 en ce qu'il a débouté Mme [G] [D] de sa demande de dommages et intérêts au titre du manquement de l'employeur à son obligation de prévention et de sécurité, en en ce qu'il l'a condamnée aux dépens,

Statuant à nouveau sur ces points,

Condamne la SA Aquarius à verser à Mme [G] [D] la somme de 1000 euros de dommages et intérêts au titre du manquement à l'obligation de prévention et de sécurité,

Condamne la SA Aquarius aux dépens de première instance,

Confirme pour le surplus le jugement du conseil de prud'hommes d'Annecy du 21 septembre 2023,

Y ajoutant,

Condamne la SA Aquarius aux dépens de l'appel,

Condamne la SA Aquarius à verser à Mme [G] [D] la somme de 1600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

Déboute la SA Aquarius de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Ainsi prononcé publiquement le 21 Août 2025 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Valéry CHARBONNIER, Présidente, et Monsieur Bertrand ASSAILLY,Greffier pour le prononcé auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier La Présidente

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