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Décisions

CA Pau, 1re ch., 28 août 2025, n° 24/00829

PAU

Arrêt

Autre

CA Pau n° 24/00829

28 août 2025

AB/ND

Numéro 25/2408

COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre

ARRÊT DU 28/08/2025

Dossier : N° RG 24/00829 - N° Portalis DBVV-V-B7I-IZM3

Nature affaire :

Demande d'exécution de travaux, ou de dommages-intérêts, formée par le maître de l'ouvrage contre le constructeur ou son garant, ou contre le fabricant d'un élément de construction

Affaire :

[I] [W] épouse [V], [N] [V]

C/

S.E.L.A.S. EGIDE, S.A. ABEILLE IARD & SANTE

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 28 Août 2025, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 10 Juin 2025, devant :

Madame FAURE, Présidente

Madame DE FRAMOND, Conseillère

Madame BLANCHARD, Conseillère, chargée du rapport conformément aux dispositions de l'article 804 du code de procédure civile

assistées de Mme BRUNET, Greffière, présente à l'appel des causes.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTS :

Madame [I] [W] épouse [V]

née le 20 Mai 1979 à [Localité 9]

[Adresse 13]

[Localité 5]

Monsieur [N] [V]

né le 02 Juin 1978 à [Localité 10]

de nationalité française

[Adresse 13]

[Localité 5]

Représentés par Me Jérôme MARBOT, avocat au barreau de Pau

INTIMEES :

S.E.L.A.S. EGIDE Prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de :

- la société AMARO CONSTRUCTIONS, SAS dont le siège est situé [Adresse 3] à [Adresse 11] (64160), immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Pau sous le numéro 804 541 969,

- la société EKINOX CONSTRUCTION, SARL dont le siège social est situé [Adresse 6] à Pau (64000), immatriculée au registre du commerce et des société de Pau sous le numéro 797 710 837

[Adresse 2]

[Localité 4]

assignée

S.A. ABEILLE IARD & SANTE

[Adresse 1]

[Localité 7]

Représentée par Me Vincent TORTIGUE de la SELARL TORTIGUE PETIT SORNIQUE RIBETON, avocat au barreau de Bayonne

sur appel de la décision

en date du 06 FEVRIER 2024

rendue par le TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE [Localité 12]

RG numéro : 22/01343

EXPOSE DU LITIGE :

Suivant devis accepté le 9 juin 2016, Monsieur [N] [V] et son épouse, Madame [I] [W], ont confié à la SARL Ekinox construction, assurée auprès de la société Elite insurance company, la maîtrise d'oeuvre des travaux de construction de leur maison d'habitation située à [Localité 8] (64), pour un montant de 18 925,57 € TTC.

Les travaux de terrassements, gros-oeuvre, maçonnerie et enduits ont été confiés à la SASU Amaro constructions, assurée auprès de la SA Aviva assurances, devenue SA Abeille IARD et santé, selon devis accepté du 29 juin 2016 pour un montant total de 98 795,87 € TTC.

La réception des travaux a eu lieu le 5 novembre 2018, avec réserves.

La SASU Amaro constructions, sollicitée par les maîtres de l'ouvrage dans le cadre de la garantie de parfait achèvement, est intervenue à deux reprises pour tenter de mettre fin aux infiltrations, ce qui n'a pas abouti.

La MAIF, assureur de protection juridique des époux [V], a fait diligenter une expertise amiable, dont le rapport a été remis le 28 mai 2019.

Par courrier du 5 septembre 2019, les époux [V] ont sollicité en vain de la SARL Ekinox construction la reprise des désordres.

Par ordonnance du 8 janvier 2020, le juge des référés du tribunal judiciaire de Pau, faisant droit à la demande des époux [V], a ordonné une expertise judiciaire, confiée à M. [D].

L'expert judiciaire a déposé son rapport le 15 septembre 2021.

Par deux jugements du tribunal de commerce de Pau du 16 novembre 2021, la SARL Ekinox construction et la SASU Amaro constructions ont été placées en liquidation judiciaire, et la SAS Egide a été désignée en qualité de liquidateur judiciaire de ces deux sociétés.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 26 janvier 2021, les époux [V] ont déclaré leur créance au passif de la SARL Ekinox construction et de la SASU Amaro constructions pour 82 334,12 €.

Par actes des 24 mai et 17 juin 2022, les époux [V] ont fait assigner la SELAS Egide ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Ekinox construction et de la SASU Amaro constructions , la SA Aviva assurances et la société Armour risk, comme venant aux droits de la société Elite insurance company, devant le tribunal judiciaire de Pau aux fins de les voir condamner au paiement du coût des travaux de reprise des désordres affectant leur maison d'habitation.

Suivant jugement réputé contradictoire du 6 février 2024 (RG n°22/01343), le tribunal a :

- déclaré la SARL Ekinox construction responsable des désordres affectant la maison d'habitation de M. et Mme [V],

- déclaré la SAS 'Silvamaro' constructions responsable des désordres affectant la maison d'habitation de M. et Mme [V],

- dit et jugé que les désordres affectant les infiltrations et les quatre premières fissures affectant la façade de l'immeuble revêtent un caractère décennal,

- condamné la SA Abeille IARD et santé assureur de la SAS 'Silvamaro' constructions à payer à M. et Mme [V] la somme de 49 680,70 euros,

- débouté M. et Mme [V] de leurs demandes d'indemnisation de leurs préjudices immatériels formulées à l'encontre de la SA Abeille IARD et santé,

- déclaré irrecevables les demandes formulées par M. et Mme [V] à l'encontre de la société Armour risk venant aux droits de la société Elite insurance,

- fixé la créance de M. et Mme [V] à l'encontre de la SAS 'Silvamaro' constructions représentée par Maître [C], SELAS Egide en qualité de liquidateur au titre de la fissure n°5 à la somme de 3 228,50 euros TTC,

- fixé la créance de M. et Mme [V] à l'encontre de la SARL Equinox construction représentée par Maître [C], SELAS Egide en qualité de liquidateur au titre de leur préjudice financier à la somme de 15 764,26 euros TTC,

- fixé la créance de M. et Mme [V] à l'encontre de la SARL Equinox construction et de la SAS 'Silvamaro' constructions représentées par Maître [C], de la SELAS Egide, en qualité de liquidateur, au titre de leur préjudice de jouissance à la somme de 5 800 euros,

- fixé la créance de M. et Mme [V] à l'encontre de la SARL Equinox construction et de la SAS 'Silvamaro' constructions représentées par Maître [C], de la SELAS Egide, en qualité de liquidateur, au titre de leur préjudice moral à la somme de 5 800 euros,

- condamné la SA Abeille IARD et santé en qualité d'assureur de la SAS 'Silvamaro' constructions à payer à M. et Mme [V] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SA Abeille IARD et santé aux entiers dépens.

Pour motiver sa décision, le tribunal a retenu :

- que le désordre relatif aux infiltrations relève de la garantie décennale des constructeurs dès lors que s'il n'affecte pas la solidité de l'ouvrage, il l'affecte dans l'un de ses éléments constitutifs ou d'équipement, le rendant impropre à sa destination,

- que le désordre relatif aux quatre premières fissures affectent la solidité des éléments d'équipement faisant indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité, de fondation, d'ossature, de clos et de couvert, de sorte que leur caractère décennal n'est pas contestable,

- que seule la fissure n°5 n'a qu'un caractère esthétique et ne relève donc pas de la responsabilité décennale,

- que la formulation de réserves dans le procès-verbal de réception ne permet pas d'écarter la garantie décennale dès lors que c'est le rapport d'expertise judiciaire qui a permis aux maîtres de l'ouvrage, profanes de la construction, de révéler l'ampleur et les conséquences des infiltrations d'eau au sol qui entraînent un taux d'humidité très important dans le sous-sol et au niveau supérieur de la maison, dans lequel sont situées toutes les pièces de vie, les cloisons étant gorgées d'eau, et a également permis de révéler de nouvelles fissures,

- qu'il convient de retenir la répartition de responsabilité à parts égales entre la SARL Ekinox construction et la SASU Amaro constructions proposée par l'expert judiciaire, ainsi que son chiffrage des travaux réparatoires,

- que la SARL Ekinox construction a engagé sa responsabilité contractuelle en ne prescrivant pas la réalisation de certains travaux pourtant rendus indispensables par la configuration du terrain (mur de soutènement et pilier de la plate-forme en cailloux), de sorte que les sommes correspondant à ces travaux doivent être fixées au passif de sa liquidation judiciaire,

- que le préjudice de jouissance et le préjudice moral des époux [V] ne sont pas contestables et sont imputables tant à la SASU Amaro constructions qu'à la SARL Ekinox construction,

- que la SASU Amaro constructions étant assurée pour les travaux litigieux auprès de la SA Aviva assurances devenue SA Abeille IARD et santé au titre de sa responsabilité décennale, cette dernière doit sa garantie pour les sommes mises à la charge de son assurée au titre des désordres ayant un caractère décennal, à l'exclusion des sommes allouées aux époux [V] en réparation de leurs préjudices moral et de jouissance, qui ne constituent pas des préjudices pécuniaires au sens du contrat souscrit par la SASU Amaro constructions ,

- qu'aucune demande ne peut prospérer à l'encontre de la société Armour risk, dès lors qu'aucun élément ne corrobore le fait qu'elle viendrait aux droits de la société Elite insurance company, objet d'une liquidation judiciaire depuis le 15 septembre 2020, et alors qu'elle n'a pas valablement été citée.

M. [N] [V] et Mme [I] [W] ont relevé appel par déclaration du 14 mars 2024 (RG n°24/00829), intimant la SELAS Egide ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS Amaro constructions et de la SARL Ekinox construction, et la SA Abeille IARD et santé, et critiquant le jugement en ce qu'il a :

- condamné la SA Abeille IARD et santé assureur de la SASU Amaro constructions à payer à M. et Mme [V] la somme de 49 680,70 euros,

- débouté M. et Mme [V] de leurs demandes d'indemnisation de leurs préjudices immatériels formulées à l'encontre de la SA Abeille IARD et santé.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 13 mai 2025, auxquelles il est expressément fait référence, M. [N] [V] et Mme [I] [W], appelants, entendent voir la cour :

- révoquer l'ordonnance de clôture du 7 mai 2025,

- déclarer irrecevables les conclusions signifiées le 6 mai 2025 par la SA Abeille IARD et santé,

- infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la SA Abeille IARD et santé assureur de la SASU Amaro constructions à leur payer la somme de 49 680,70 euros et en ce qu'il les a déboutés de leurs demandes d'indemnisation de leurs préjudices immatériels formulées à l'encontre de la SA Abeille IARD et santé,

Statuant de nouveau

- juger que la SARL Ekinox construction immatriculée au RCS de [Localité 12] sous le numéro 797710837 a commis des malfaçons en sa qualité de maître d''uvre,

- juger que la SAS Amaro constructions immatriculée au RCS de [Localité 12] sous le numéro 804541969 a commis des malfaçons en sa qualité d'entreprise ayant réalisé les travaux,

- juger lesdites sociétés Ekinox construction et Amaro constructions solidairement responsables des dommages constatés,

Par suite,

- fixer leur créance à la procédure collective de la SARL Ekinox construction à la somme de 120 944,22 euros en réparation des préjudices subis à la suite des désordres constatés et les frais d'expertise,

- fixer leur créance à la procédure collective de la SAS Amaro constructions à hauteur de 120 944,22 euros en réparation des préjudices subis à la suite des désordres constatés et les frais d'expertise,

- condamner à ce titre la SARL Abeille IARD et santé à les garantir de leur créance ainsi fixée à la procédure collective de la SAS Amaro constructions , soit la somme de 120 944,22 euros,

- condamner solidairement la SELAS Egide, représentée par Maître [C] ès-qualités de liquidateur des sociétés Ekinox construction et Amaro constructions , la société Armour risk et la SA Abeille IARD et santé à leur payer la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.

Au soutien de leurs demandes, ils font valoir, au visa des articles 1792 et suivants du code civil :

- que la SA Abeille IARD et santé a constitué avocat le 3 décembre 2024, et n'a conclu pour la première fois que le 6 mai 2025, veille de l'ordonnance de clôture, les privant de la possibilité de répondre, notamment sur l'irrecevabilité de ces conclusions, lesquelles ont été notifiées plus de trois mois après la signification de leurs conclusions d'appelants le 28 juin 2024,

- que la notification de conclusions irrecevables est une cause grave justifiant la révocation de l'ordonnance de clôture pour permettre à l'adversaire de soulever cette irrecevabilité,

- que c'est à juste titre que le tribunal a considéré, au vu du rapport d'expertise judiciaire, qu'ils étaient fondés à invoquer la mise en oeuvre de la responsabilité décennale de la SARL Ekinox construction et de la SASU Amaro constructions , l'ampleur des désordres et leurs conséquences n'étant apparues qu'après la réception (révélées que par l'expert judiciaire), et ces désordres n'ayant pas été repris dans le cadre de la garantie de parfait achèvement,

- que leurs préjudices moral et de jouissance ont été justement appréciés par le tribunal ; que leurs quantum doivent être actualisés au jour de l'arrêt à intervenir,

- que la fissure n°5 retenue par l'expert judiciaire engage la responsabilité contractuelle de la SASU Amaro constructions , dès lors qu'elle a commis une faute générant un dommage, sous la garantie de son assureur, au titre des dommages intermédiaires,

- que le tribunal a justement retenu la responsabilité contractuelle de la SARL Ekinox construction au titre des travaux supplémentaires indispensables qu'elle a omis dans la conception du bâtiment,

- que le partage de responsabilité entre la SARL Ekinox construction et la SASU Amaro constructions leur est indifférent, chaque codébiteur étant tenu pour le tout à leur égard, notamment s'agissant du préjudice financier résulté des travaux supplémentaires, dont la SASU Amaro constructions doit également répondre sous la garantie de son assureur, peu important que ces travaux aient relevé d'une mission du maître d'oeuvre,

- que les coûts en matière de construction ont augmenté depuis le chiffrage des travaux réparatoires fait par l'expert judiciaire en septembre 2021, tel que cela résulte des devis actualisés qu'ils produisent,

- que la police d'assurance souscrite par la SASU Amaro constructions auprès de la SA Abeille IARD et santé couvre, au titre de la garantie décennale, les dommages immatériels consécutifs aux dommages matériels garantis, de sorte que leurs préjudices moral et de jouissance doivent être garantis, en ce que le préjudice pécuniaire n'est pas défini par le contrat, et que ces préjudices se réparent en dommages et intérêts, ce qui correspond à une créance, qui a une valeur,

- que la clause d'exclusion de garantie du contrat d'assurance souscrit par la SASU Amaro constructions s'agissant des désordres relevant de sa responsabilité contractuelle ne peut s'appliquer dès lors qu'elle est imprécise.

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 6 mai 2025, auxquelles il est expressément fait référence, la SA Abeille IARD et santé, intimée, demande à la cour de :

- débouter M. et Mme [V] de leurs demandes de réformation du jugement dirigées à son encontre,

En conséquence,

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

- limité sa condamnation à la somme de 49 680,70 euros au titre des dommages matériels de nature décennale,

- jugé n'y avoir lieu à mobilisation des garanties de la police 'Construction Artibat' n°76866520 au titre des préjudices immatériels allégués, du préjudice financier et de la réparation du dommage (fissure n°5),

- condamner solidairement M. et Mme [V] à lui payer une indemnité de 4 000 euros au profit sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

- rejeter toutes prétentions contraires.

Au soutien de ses demandes, elle fait valoir, au visa des articles 1792 et 1240 du code civil :

- que les demandes des époux [V] de voir actualiser les sommes allouées par le premier juge ne peuvent aboutir en ce qu'ils n'établissent pas la réalité d'une aggravation des dommages analysés par l'expert judiciaire induisant une modification du mode réparatoire validé par ce dernier, et en ce que les devis qu'ils présentent ne se limitent pas aux éventuelles augmentations des coûts des matériaux mais excèdent l'analyse de l'expert judiciaire,

- que les préjudices moral et de jouissance des époux [V] ne sont pas garantis par la police souscrite par la SASU Amaro constructions , conformément aux conditions générales de la police qui définissent les dommages immatériels garantis comme tout préjudice pécuniaire résultant d'une privation de jouissance totale ou partielle d'un bien ou d'un droit, de la perte d'un bénéfice, de la perte de clientèle, de l'interruption d'un service ou d'une activité, ce qui n'est pas le cas en l'espèce dès lors que les infiltrations affectent le sous-sol de la maison,

- que le préjudice moral allégué n'est pas documenté ni circonstancié,

- que les exclusions de garantie prévues au contrat s'agissant de la responsabilité contractuelle de la SASU Amaro constructions sont opposables, étant clairement définies et limitées,

- qu'en tout état de cause, la responsabilité de son assurée au titre des manquements et omissions imputables au maître d'oeuvre ne saurait être engagée,

- que le caractère apparent à la réception de la fissure n°5 fait obstacle à la mobilisation de la garantie au titre des dommages intermédiaires du contrat d'assurance souscrit par la SASU Amaro constructions .

La SELAS Egide, ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS Amaro constructions et de la SARL Ekinox construction, n'a pas constitué avocat.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 mai 2025.

A l'audience du 10 juin 2025, avant ouverture des débats sur le fond, les parties ont plaidé l'incident relatif à la révocation de l'ordonnance de clôture et l'irrecevabilité des conclusions de la SA Abeille IARD et santé du 6 mai 2025.

Après en avoir délibéré, la cour a, par arrêt séparé, révoqué l'ordonnance de clôture, déclaré irrecevables les conclusions de la SA Abeille IARD et santé notifiées le 6 mai 2025, au visa de l'article 909 du code de procédure civile dans sa version applicable au litige, et clôturé la procédure au 10 juin 2025.

L'audience de plaidoirie sur le fond s'est tenue en suivant, le même jour.

MOTIFS :

A titre liminaire, il est observé que le jugement entrepris évoque la SA Silvamaro, mais qu'il ne s'agit que d'un nom commercial, et que la raison sociale de cet intervenant est la SASU Amaro.

Sur la réception des travaux, et l'origine et la nature des désordres :

Les constructeurs auxquels les désordres sont imputables peuvent engager leurs responsabilités spécifiques, décennale, biennale ou de parfait achèvement, en vertu des articles 1792 et suivants du code civil, de même que leur responsabilité contractuelle de droit commun fondée sur l'article 1147 du code civil dans sa version applicable aux faits de l'espèce, devenu l'article 1231-1 du code civil issu de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, pour les désordres réservés à la réception, voire pour les dommages dits intermédiaires, à condition que ces derniers aient été cachés au moment de la réception.

Selon les dispositions de l'article 1792 du code civil, tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropres à sa destination.

Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère, définie comme la force majeure, le fait d'un tiers ou la faute de la victime.

Pour que le régime de la responsabilité décennale puisse être mis en oeuvre :

- les travaux doivent concerner un ouvrage immobilier ;

- l'ouvrage doit avoir fait l'objet d'une réception, rappel étant fait que la réception est le point de départ de la garantie décennale et des garanties dues par le vendeur d'un immeuble à construire ; la réception est celle prononcée entre le vendeur d'un immeuble à construire et les constructeurs dans le cadre des contrats d'entreprise qui les lient et non pas la livraison des appartements aux acquéreurs qui intervient entre le vendeur et les acquéreurs en exécution du contrat de vente d'un immeuble à construire ;

- le désordre doit être caché à la réception : pour qu'un désordre relève de la garantie décennale, il ne doit pas avoir fait l'objet de réserves lors de la réception, ni avoir été apparent. Toutefois, un désordre apparent dont l'ampleur et les conséquences se révèlent après la réception peut relever de la garantie décennale.

En l'espèce, les époux [V] invoquent des désordres constructifs affectant leur maison d'habitation, dont les prémices sont apparues lors de la réception, mais qui n'ont eu de cesse de s'aggraver depuis lors. Ils sollicitent la réparation de leurs préjudices sur le fondement de la garantie décennale à l'égard de la SASU Amaro constructions et la SARL Ekinox construction pour les désordres relatifs aux quatre premières fissures et aux infiltrations d'eau, et sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun à l'égard de la SASU Amaro constructions pour la fissure n°5 et à l'égard de la SARL Ekinox construction pour les travaux supplémentaires indispensables qu'elle a omis par erreur de conception.

Il est constant entre les parties qu'une réception expresse des travaux est intervenue le 5 novembre 2018, avec des réserves formulées ainsi :

'- infiltrations d'eau au sous-sol,

- tableaux des baies-vitrées,

- évacuation de l'eau du porche d'entrée en goutte à goutte ciblé au droit de la porte d'entrée,

- fissure localisé Carport façade nord.'

Lors de l'expertise judiciaire dont le rapport a été déposé le 15 septembre 2021, il a été constaté des désordres d'une ampleur bien plus importante que lors de l'expertise amiable du 28 mai 2019, et donc a fortiori plus importante que lors de la réception des travaux.

En effet, l'expertise amiable relève de simples auréoles et traces de moisissures dans la cage d'escalier conduisant au sous-sol et note 'outre des stigmates d'entrée d'eau, nous n'avons pas pu relever de pénétrations d'eau proprement dites à travers la façade enterrée nord du sous-sol'.

Les époux [V] produisent des photographies des lieux prises dans les mois suivant cette expertise amiable, dont l'authenticité n'est pas discutée, montrant progressivement une aggravation des entrées d'eau et des moisissures progressant par capillarité jusqu'à l'étage de la maison, et des entrées d'eau inondant le sous-sol et les obligeant régulièrement à éponger et à surélever leurs biens sur palettes.

Il résulte de l'expertise judiciaire qu'il existait au jour des constatations (7 octobre 2020 puis 4 mars 2021) des infiltrations d'eau dans le niveau inférieur de la maison où se trouvent la cave et le garage, et que ces infiltrations s'étendent au niveau supérieur de la maison ; par ailleurs cinq fissures sont relevées en façade.

L'expertise judiciaire met précisément en évidence les éléments suivants :

- sur les infiltrations :

Ces désordres sont dus à des pénétrations d'eau toutes situées au niveau de la partie enterrée de la façade Nord-Est. Ce sont des désordres graves et malgré les divers travaux de reprise intérieurs et extérieurs, l'étanchéité du garage et de la cave n'est toujours pas assurée.

Le désordre n'affecte pas la solidité de l'ouvrage mais affecte l'ouvrage dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendant impropre à sa destination.

Le désordre a pour cause un non-respect des règles de l'art et une malfaçon dans la mise en 'uvre.

La cour estime, comme le premier juge, qu'il convient de retenir le caractère décennal de ces désordres, dans la mesure où l'expertise a permis de les révéler dans leur ampleur et leur gravité, lesquelles sont apparues bien après la réception avec réserves.

- sur les fissures :

L'expert relève quatre fissures visibles sur l'enduit extérieur, ayant pour origine un tassement différentiel des fondations entre la partie du bâtiment avec sous-sol et celle à simple rez-de-chaussée. Ce tassement est aggravé par les infiltrations dans le sous-sol. Ce sont des désordres graves puisque ces fissures sont traversantes et d'origine structurelle.

Ces désordres compromettent la solidité de l'ouvrage selon l'expert : la configuration du bâtiment ne respecte pas les règles PS-MI (parasismiques). Les désordres affectent également la solidité d'éléments d'équipement faisant indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité, de fondation, d'ossature, de clos et de couvert.

Il s'agit de désordres de nature décennale comme l'a retenu le premier juge ; une seule fissure (carport façade nord, l'une des 4 premières) était apparente et a fait l'objet de réserve à la réception, mais elle s'est aggravée ensuite dans son ampleur et ses conséquences, et sa gravité a été révélée par l'expertise judiciaire.

L'expert a également constaté la présence d'une 5ème fissure, qu'il indique être la conséquence d'une flexion du plancher haut du porche d'entrée pouvant avoir plusieurs origines (dosage et/ou temps de séchage du béton) et de l'absence de grillage de renfort au changement de nature du support ; il indique que la fissure est d'origine constructive et n'a qu'une conséquence esthétique.

C'est donc à bon droit que le premier juge a estimé que la fissure n°5 relevait du régime de responsabilité contractuelle de droit commun, et non de la garantie décennale.

- sur l'absence de travaux indispensables :

L'expert judiciaire a constaté que les époux [V] ont été contraints de supporter des travaux supplémentaires du fait d'un défaut de conception et d'une mauvaise gestion du chantier ; en effet ils ont dû faire procéder en cours de construction, en urgence, à la réalisation d'un mur de soutènement, d'un pilier de soutènement et d'une plate-forme en cailloux car la terre de leur chantier s'effondrait et mettait en péril le terrain et la maison voisine, ainsi que leur voisin l'a fait constater par voie d'huissier le 3 février 2017.

L'expert a constaté que : « le mur de soutènement ne figure pas sur les plans de permis de construire alors que la configuration du terrain le rendait de toute évidence obligatoire pour accéder au garage du niveau inférieur. Il en est de même pour le pilier et la plate-forme en cailloux'.

Il indique qu'il s'agit d'omission dans la conception du bâtiment et dans le chiffrage des travaux ayant entraîné pour les époux [V] une plus-value correspondant à 16% du montant initial des travaux. Ce manquement relève de la responsabilité contractuelle de droit commun du maître d'oeuvre.

Sur la responsabilité des différents intervenants dans la survenance des désordres :

Quelle que soit la nature des responsabilités encourues et leur fondement, si les diverses fautes commises par divers constructeurs ont concouru indissociablement à la réalisation d'un dommage unique, le maître de l'ouvrage est fondé à solliciter que les condamnations soient prononcées in solidum.

L'expert retient une responsabilité partagée à parts égales de la SASU Amaro constructions en qualité d'entreprise ayant réalisé les travaux litigieux, et de la SARL Ekinox construction, dans la survenance des désordres relatifs aux infiltrations et aux fissures 1 à 4 ayant pour cause une erreur de conception en raison du non-respect des règles parasismiques et un défaut de mise en oeuvre par la SASU Amaro ayant réalisé un ouvrage dont les caractéristiques ne sont pas conformes au terrain.

En effet, pour les infiltrations, l'expert retient une non conformité au DTU du complexe d'étanchéité appliqué par la SASU Amaro, et une malfaçon du trottoir qui borde la façade nord-est, car il a été coulé dans la continuité du plancher au niveau supérieur, sans coupure capillaire.

Pour les fissures n°1 à 4, il relève une absence de respect des normes parasismiques en l'absence de joint de fractionnement entre la zone à deux niveaux et la zone à simple niveau.

Il n'est pas produit en cause d'appel un quelconque élément de nature à remettre en cause ces éléments de l'expertise, de sorte que la cour retiendra la responsabilité in solidum de la SASU Amaro constructions et de la SARL Ekinox construction dans la survenance des désordres de nature décennale que sont les infiltrations et les 4 premières fissures.

L'expert note, pour la fissure n°5 ayant un caractère esthétique, une absence de renfort d'armature préconisé par le DTU 26.1 et donc un non-respect des règles de l'art par la SASU Amaro. Celle-ci engage donc sa responsabilité contractuelle à l'égard des époux [V] pour ce désordre, aux côtés du maître d'oeuvre dont le rôle est de vérifier la conformité aux DTU des travaux effectués sous sa surveillance par l'entrepreneur.

Enfin, s'agissant de l'absence des travaux indispensables, seule la responsabilité contractuelle de la SARL Ekinox construction en qualité de maître d'oeuvre est engagée, puisqu'il s'agit d'une erreur dans la conception de l'ouvrage et le chiffrage des travaux.

Sur les préjudices subis par les époux [V] :

Sur le préjudice matériel résultant des travaux réparatoires :

L'expert chiffre ces travaux à :

- 40874,10 € TTC pour la reprise de l'étanchéité,

- 8806,60 € TTC pour la reprise des fissures (1 à 4) et de l'enduit,

- 3228,50 € TTC pour la reprise de la fissure n°5.

Il indique que le non-respect de la norme parasismique ne peut être corrigé sans une démolition-reconstruction complète, laquelle n'est toutefois pas demandée et donc non chiffrée par l'expert.

Les époux [V] demandent pour la reprise de ces désordres la somme de 82 988,15 € TTC selon les devis actualisés qu'ils produisent :

- 73 216,70 € HT pour le traitement des infiltrations et la réfection de l'enduit,

- 6609,90 € TTC pour la réfection des cloisons en plaque de plâtre de la cage d'escalier, du sous-sol, du coin bureau,

- 844,25 € TTC pour une dépose et pose des meubles de cuisine et divers travaux de peinture suite à aggravation,

- 2317,30 € TTC pour apport et mise en place de terre végétale, préparation et engazonnement.

Les trois derniers postes résultent de l'aggravation des désordres après le dépôt du rapport d'expertise, ressortant notamment du procès-verbal de constat de commissaire de justice du 29 juin 2023 ; ils seront donc admis dans le calcul du préjudice matériel subi par les époux [V].

Par ailleurs, les époux [V] produisent un devis actualisé de l'entreprise Ducos pour le traitement des infiltrations et la réfection de l'enduit, il s'agit de la même entreprise que celle ayant fourni en 2021 le devis à l'expert pour chiffrer les reprises ; toutefois le dernier devis du 1er avril 2025 est nettement supérieur au regard de la hausse conséquente du prix des matériaux et de la main d'oeuvre en 4 ans, et surtout tient compte de l'aggravation des désordres telle qu'illustrée par les derniers clichés photographiques produits par les époux [V], ce que ne permet pas de faire la simple application de l'indice BT01.

La cour retiendra donc le chiffrage des époux [V].

Par ailleurs l'expert a chiffré un préjudice financier de 15 744,26 € TTC, dont 12 409,70€ pour la réalisation d'un mur de soutènement indispensable ne figurant pas sur les plans du permis de construire et 3334,56 € pour la réalisation d'un pilier de soutènement et d'une plate-forme en cailloux supplémentaire suite aux intempéries et à la mauvaise gestion du chantier. Ce sont des frais que les époux [V] ont dû effectivement supporter, et qui seront en conséquence pris en compte dans l'évaluation de leur préjudice.

Sur le préjudice de jouissance :

L'expert relève que les époux [V] n'ont pas pu terminer de clôturer leur terrain pour laisser passer les engins de chantier pour la réfection des désordres ; il relève que leur garage en sous sol est régulièrement inondé, et estime à 100 € par mois ce préjudice depuis la réception des travaux soit 3600 € au jour de l'expertise.

Les époux [V] demandent sur cette base de chiffrer leur préjudice de jouissance à la somme de 7700 € pour 77 mois.

Ils indiquent, et justifient par les pièces produites, que :

- des flaques sont régulièrement présentes sur les marches de l'escalier menant du sous-sol au cellier, ce qui est particulièrement dangereux,

- de la moisissure s'étend sur l'ensemble du sous-sol,

- ils sont obligés de mettre des seaux pour récupérer l'eau qu'ils doivent vider régulièrement.

La cour retiendra donc leur préjudice de jouissance comme s'élevant à 7700 €, étant observé que ce préjudice est causé par les infiltrations d'eau et non par les fissures.

Sur le préjudice moral :

L'expert relève l'existence d'un préjudice moral constitué par le fait que les désordres n'ont pu être résolus malgré les différentes interventions ; la cour estime qu'effectivement les époux [V] ont subi un important préjudice moral en raison des interventions inefficaces puis de la carence de la SASU Amaro constructions et de la SARL Ekinox construction, nécessitant pour eux de multiples démarches amiables puis judiciaires.

La cour fixera ainsi leur préjudice moral à la somme de 5000 €.

Sur la fixation de créance au passif de la liquidation de la SASU Amaro constructions :

Il résulte des éléments qui précèdent que la SASU Amaro constructions est responsable des préjudices suivants :

- 82 988,15 € TTC au titre de la reprise des désordres,

- 7700 € au titre du préjudice de jouissance,

- 5000 € au titre du préjudice moral.

Soit un total de 95 688,15 €.

Dans la mesure où les époux [V] ont déclaré leur créance au passif de la SASU Amaro constructions pour 82 334,12 €, la fixation de leur créance au passif de cette dernière se fera dans les limites de cette somme.

Par ailleurs la SARL Ekinox construction est responsable des préjudices suivants :

- 82 988,15 € TTC au titre de la reprise des désordres,

- 15 764,26 € au titre des défauts de conception ayant entraîné un surcoût financier,

- 7700 € au titre du préjudice de jouissance,

- 5000 € au titre du préjudice moral,

Soit un total de : 111 452,41 €.

Dans la mesure où les époux [V] ont déclaré leur créance au passif de la SARL Ekinox construction pour 82 334,12 €, la fixation de leur créance au passif de cette dernière se fera dans les limites de cette somme.

Le jugement déféré sera infirmé en ce sens.

Sur la garantie due par les assureurs :

Il est observé que la société Armour risk n'est plus dans la cause, mais que les époux [V] persistent à formuler une demande de condamnation contre elle au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; cette demande sera en conséquence déclarée irrecevable.

Sur la garantie due par la SA Abeille IARD et Santé, assureur de la SASU Amaro :

Les époux [V] exercent une action directe contre la SA Abeille IARD et santé, dont il est constant qu'elle est l'assureur de responsabilité décennale de la SASU Amaro, cet assureur doit donc prendre en charge le coût des travaux réparatoires des infiltrations et des fissures 1 à 4, qualifiés de désordres décennaux.

Elle devra donc régler au profit des époux [V] la somme de 79 759,65 € TTC, correspondant au montant total des devis de reprise des désordres soit 82 988,15 € TTC dont il convient de déduire la somme de 3228,50 € TTC pour la reprise de la fissure n°5 qui ne relève pas de la garantie décennale.

S'agissant de la prise en charge des préjudices moral et de jouissance par cet assureur, le premier juge a estimé qu'ils ne relevaient pas des préjudices immatériels également garantis par le contrat souscrit par la SASU Amaro constructions, car ils ne seraient pas des 'préjudices pécuniaires' au sens du contrat.

Les conditions générales de la police d'assurance Artibat définissent le dommage immatériel comme « tout préjudice pécuniaire résultant d'une privation de jouissance totale ou partielle d'un bien ou d'un droit, de la perte d'un bénéfice, de la perte de clientèle, de l'interruption d'un service ou d'une activité. »

Il est exact que le préjudice moral ne correspond pas au préjudice pécuniaire tel que défini ci-dessus ; en revanche la cour estime que le préjudice de jouissance des époux [V] est bien un préjudice pécuniaire au sens du contrat d'assurance applicable dans la mesure où ce préjudice résulte d'une impossibilité de jouir dans les conditions usuelles de son bien immobilier, privation de l'exercice complet de son droit de propriété, laquelle se résout en dommages et intérêts.

Par conséquent, la garantie de la SA Abeille IARD et santé est due pour son assurée la SASU Amaro constructions au titre du préjudice de jouissance subi par les époux [V], dommage immatériel consécutif aux dommages matériels garantis.

S'agissant du préjudice matériel résultant de la reprise de la fissure n°5, celui-ci relève de la responsabilité contractuelle de la SASU Amaro constructions , et il est constant que la SA Abeille IARD et santé est également l'assureur de responsabilité civile de la SASU Amaro.

Toutefois, il est relevé que :

- si l'article 7 des conditions générales du contrat intitulé «Garantie Responsabilité civile Après livraison des travaux » stipule effectivement :

« L'assureur garantit l'assuré contre les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile pouvant lui incomber en raison des dommages corporels, matériels et immatériels causés aux tiers par les travaux livrés et/ou les prestations réalisées par l'assuré ou les personnes dont il répond (préposés et sous-traitants), sans garantie du coût des travaux et/ou des prestations à l'origine du dommage, et ayant pour fait générateur un vice propre de la chose livrée ou une erreur de conception ».

- la cour relève comme le premier juge, que l'article 9 liste les exclusions complémentaires concernant la responsabilité civile après livraison de travaux de la manière suivante :

-« le coût de remboursement, de réparation, de remplacement ou de réfection des travaux et/ou prestations à l'origine du dommage,

- la responsabilité décennale des constructeurs et les garanties de bon fonctionnement au sens des articles 1792 et suivants du code civil, ainsi que les dommages de même nature survenus à l'étranger ou lorsque l'assuré agit en qualité de sous-traitant,

- les réclamations concernant le non fonctionnement ou le défaut de performance des travaux ou ouvrages réalisés, leur non-conformité avec les spécifications du contrat ou leur impropriété à l'usage auxquels ils étaient spécialement destinés,

- les dommages matériels subis par les existants et les immatériels consécutifs, autres que ceux visés aux articles 2.2 et 2.4 du Chapitre I. »

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a écarté l'application du contrat d'assurance souscrit par la SASU Amaro constructions auprès de la SA Abeille IARD et santé pour garantir le coût de reprise du désordre relatif à la fissure n°5, car il s'agit du coût de réparation de 'travaux ou prestations à l'origine du dommage' au sens du contrat.

En conséquence, la cour condamnera la SA Abeille IARD et santé à payer aux époux [V], par infirmation du jugement entrepris, les sommes suivantes :

- 79 759,65 € TTC au titre du préjudice matériel,

- 7700 € au titre du préjudice de jouissance,

soit un total de 87 459,65 €.

Sur le surplus des demandes :

La SA Abeille IARD et santé, succombante, sera condamnée aux dépens de première instance par confirmation du jugement déféré ainsi qu'aux dépens d'appel et à payer aux époux [V] la somme de 4000€ au titre des frais irrépétibles exposés en appel, cette somme s'ajoutant à celle allouée aux époux [V] en première instance.

PAR CES MOTIFS :

La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, rendu par défaut et en dernier ressort,

Déclare irrecevables les demandes de M. [N] [V] et Mme [I] [W] épouse [V] à l'égard de la société Armour Risk,

Confirme le jugement entrepris en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles, et en ce qu'il a jugé que les désordres affectant les infiltrations et les quatre premières fissures affectant la façade de l'immeuble revêtent un caractère décennal,

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau des chefs infirmés, et y ajoutant,

Déclare la SASU Amaro constructions et la SARL Ekinox construction, représentées par la SELAS Egide, ès qualités de liquidateur judiciaire, responsables in solidum des désordres relatifs aux infiltrations et aux cinq fissures affectant la façade de l'immeuble de M. [N] [V] et Mme [I] [W] épouse [V],

Déclare la SARL Ekinox construction, représentée par la SELAS Egide, ès qualités de liquidateur judiciaire, responsable du préjudice financier de M. [N] [V] et Mme [I] [W] épouse [V] résultant de l'omission de travaux indispensables,

Fixe la créance de M. [N] [V] et Mme [I] [W] épouse [V] au passif de la SASU Amaro constructions, représentée par la SELAS Egide, ès qualités de liquidateur judiciaire, à la somme totale de 82 334,12 € TTC au titre de leurs préjudices matériel, moral et de jouissance,

Fixe la créance de M. [N] [V] et Mme [I] [W] épouse [V] au passif de la SARL Ekinox construction, représentée par la SELAS Egide, ès qualités de liquidateur judiciaire, à la somme totale de 82 334,12 € TTC au titre de leurs préjudices matériel, financier, moral et de jouissance,

Condamne la SA Abeille IARD et santé, ès qualité d'assureur décennal de la SASU Amaro constructions, à payer à M. [N] [V] et Mme [I] [W] épouse [V] les sommes suivantes :

- 79 759,65 € TTC au titre du préjudice matériel,

- 7700 € au titre du préjudice immatériel constitué du préjudice de jouissance,

Déboute M. [N] [V] et Mme [I] [W] épouse [V] de leur demande dirigée à l'encontre de la SA Abeille IARD et santé au titre de leur préjudice moral,

Condamne la SA Abeille IARD et santé, ès qualité d'assureur décennal de la SASU Amaro constructions, à payer à M. [N] [V] et Mme [I] [W] épouse [V] la somme totale de 4000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en appel,

Condamne la SA Abeille IARD et santé, ès qualité d'assureur décennal de la SASU Amaro, aux dépens d'appel incluant les frais d'expertise.

Le présent arrêt a été signé par Madame Alexandra BLANCHARD, conseillère suite à l'empêchemnet de Madame FAURE, Présidente et par madame DENIS, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire

La Greffière, La Présidente,

Nathalène DENIS Alexandra BLANCHARD

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