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Décisions

CA Pau, 2e ch - sect. 2, 28 août 2025, n° 24/03141

PAU

Arrêt

Autre

CA Pau n° 24/03141

28 août 2025

XG/MB

Numéro 25/2440

COUR D'APPEL DE PAU

2ème CH - Section 2

Arrêt du 28 août 2025

Dossier : N° RG 24/03141 - N° Portalis DBVV-V-B7I-JAFM

Nature affaire :

Demande relative aux pouvoirs de gestion des biens indivis

Affaire :

[K] [B]

C/

[D] [E] [F]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 28 août 2025, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile,

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 07 Avril 2025, devant :

Monsieur GADRAT, Président chargé du rapport,

assisté de Madame BRUET, Greffière, présente à l'appel des causes,

Monsieur GADRAT, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :

Monsieur GADRAT, Président,

Madame BAUDIER, Conseiller,

Madame DELCOURT, Conseiller,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

Grosse délivrée le :

à :

dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

Madame [K] [S] [B]

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 6]

Représentée par Me Julien SOULIE de la SELARL SOULIE MAUVEZIN, avocat au barreau de TARBES

INTIME :

Monsieur [D] [E] [F]

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représenté par Me Sophie LHONNEUR - DUALE de la SELARL SOPHIE LHONNEUR-DUALE AVOCAT, avocat au barreau de TARBES

sur appel de la décision

en date du 29 OCTOBRE 2024

rendue par le PRESIDENT DU TJ DE TARBES

RG numéro : 24/00172

EXPOSE DU LITIGE

Madame [K] [B] et monsieur [D] [F] se sont mariés le [Date mariage 2] 1982 devant l'officier de l'état civil de la commune d'[Localité 7] (Hautes-Pyrénées), sans avoir fait précéder leur union d'un contrat de mariage.

Deux enfants aujourd'hui majeurs sont issus de cette union.

Par ordonnance de non conciliation du 30 janvier 2009, le juge aux affaires familiales de Tarbes a notamment :

Fixé à la somme de 1000€ par mois le montant de la pension alimentaire au titre du devoir de secours, outre l'attribution de la jouissance du domicile conjugal à titre gratuit au même titre,

Condamné monsieur [D] [F] à payer à son épouse la somme de 15 000€ à titre de provision à valoir sur la liquidation de la communauté,

Désigné, aux frais avancés de madame [K] [B] et de monsieur [D] [F], monsieur [U], inscrit sur la liste des experts près la cour d'appel de Toulouse, afin de dresser un inventaire des biens meubles et immeubles communs et propres de chacun des époux avec leur évaluation, sur le fondement de l'article 255 9° du code civil.

Monsieur [U] a déposé son rapport le 14 septembre 2010.

Le divorce des époux [B] / [F] a été prononcé par jugement du juge aux affaires familiales de Tarbes du 10 juin 2014, lequel a notamment :

Ordonné la liquidation des droits patrimoniaux des parties,

Débouté madame [K] [B] de sa demande de désignation d'un notaire,

Condamné monsieur [D] [F] à payer à madame [K] [B] la somme de 35 000€ à titre d'avance sur la liquidation de la communauté,

Condamné monsieur [D] [F] à payer à madame [K] [B] un capital de 144 000€ à titre de prestation compensatoire,

Dit que le capital est assorti de l'exécution provisoire à hauteur de 20 000€,

Dit que la somme allouée au titre de la prestation compensatoire sera versée en mensualités de 1500€ chacune pendant huit ans.

Maître [H], notaire à Tarbes, a dressé le 11 juillet 2016, un procès-verbal d'ouverture et de carence des opérations de liquidation du régime matrimonial des ex-époux [B] / [F].

C'est dans ces conditions que madame [K] [B] a fait assigner monsieur [D] [F], par acte d'huissier délivré le 24 janvier 2018, devant le juge aux affaires familiales de Tarbes aux fins notamment de voir ordonner l'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de la communauté des époux [B] / [F].

Par jugement du 5 décembre 2018, le juge aux affaires familiales de Tarbes a notamment :

Dit n'y avoir lieu d'ordonner l'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de la communauté des époux [B] / [F],

Attribué à madame [K] [B] une somme de 200 000€ à titre de provision sur ses droits dans la liquidation,

Désigné Maître [H], notaire à Tarbes, aux fins de procéder aux opérations de comptes, liquidation et partage après expertise,

Ordonné une mesure d'expertise et désigné pour y procéder monsieur [I] [J] avec pour mission notamment de :

Evaluer l'actif de communauté,

Dresser un inventaire des biens meubles et immeubles communs et propres à chacun des époux avec leur évaluation,

Evaluer l'immeuble sis [Adresse 5],

Evaluer l'immeuble dénommé [Adresse 15] situé [Adresse 1] Tarbes (lot n°12,21,23,35,36,37),

Evaluer les parts de la SCI [8] et de la SCI [9],

Evaluer les garages,

Evaluer les parts de la SARL [11] et de la SARL [13],

Evaluer les véhicules,

Evaluer le mobilier meublant du domicile sis à [Localité 16],

Evaluer les comptes bancaires,

Déterminer le montant des loyers perçus au titre des locations des biens immobiliers et les charges engendrées par les sociétés et biens immobiliers,

Chiffrer les récompenses et reprises,

Evaluer le passif de communauté,

Déterminer les emprunts souscrits et leur mode de remboursement,

D'une façon générale, donner au tribunal tous éléments de nature à lui permettre d'apporter une solution au litige et de liquider le régime matrimonial des époux [B] / [F],

Dans l'attente du rapport d'expertise, sursis à statuer sur les autres demandes.

Monsieur [I] [J] a déposé son rapport d'expertise le 5 juin 2020.

Par arrêt du 25 avril 2022, la cour d'appel de céans a infirmé le jugement rendu le 5 décembre 2018 en ce qu'il a attribué à madame [K] [B] la somme de 200 000 € à titre de provision sur ses droits dans la liquidation.

Par jugement du 20 décembre 2023, le juge aux affaires familiales de Tarbes a notamment :

Fixé la date de jouissance divise au 5 juin 2022,

Arrêté l'actif de la communauté selon les modalités détaillées dans le rapport déposé par monsieur [I] [J], expert,

Constaté l'accord des parties sur la valeur de l'immeuble d'[Localité 16] évalué à la somme de 270 000€,

Fixé la valeur de la SCI [8] à la somme de 480 000€,

Fixé la valeur de la SCI [9] à la somme de 70 000€,

Fixé la valeur de la SAS [11] à la somme de 210 000€,

Dit que les dividendes perçus par monsieur [D] [F] associé, pendant l'indivision post-communautaire, constituent des fruits accroissant l'indivision,

Dit que ces dividendes doivent profiter à parts égales aux indivisaires,

Fixé la valeur des dividendes perçus par l'indivision post-communautaire à la somme de 306 776€,

Fixé à la somme de 1000€ le montant de l'indemnité d'occupation de la maison d'[Localité 16],

Débouté monsieur [D] [F] des demandes formées au titre des récompenses qui lui sont dues par la communauté,

Fixé les récompenses dues par la communauté à monsieur [D] [F] à la somme de 84 515,80€,

Fixé les récompenses dues par la communauté à madame [K] [B] à la somme de 2745,93€,

Attribué préférentiellement à madame [K] [B] l'immeuble sis [Adresse 5] [Localité 16] (section Aa n°[Cadastre 3] lieu dit « [Localité 14] »), évalué à la somme de 270 000€,

Dit que cette attribution produira ses effets à compter de la signification du jugement à intervenir,

Débouté madame [K] [B] de la demande tendant à lui voir attribuer les biens suivants :

50 % des parts de la SCI [8] pour une somme de 240 000€, dont 50% des parts sont détenues par monsieur [D] [F],

Le T2 de la résidence [Localité 17] évalué à la somme de 80 000€,

Débouté madame [K] [B] de ses demandes tendant à voir condamner monsieur [D] [F] à assumer les conséquences du redressement fiscal et à lui payer la somme de 268 544€ au titre des revenus fonciers et des dividendes perçus par lui,

Renvoyé l'affaire à Maître [H], notaire à Tarbes.

Par jugement rectificatif du 22 février 2024, le juge aux affaires familiales de Tarbes a rectifié le dispositif du jugement du 20 décembre 2023 en y insérant ceci :

Dit que la valeur de la SARL [12] est retenue à hauteur de 200 000€,

Fixe à la somme de 337 521€ les revenus fonciers perçus par monsieur [D] [F] et à la somme de 53 595€ les revenus fonciers perçus par madame [B], sauf à parfaire dans le cadre des opérations devant le notaire.

Saisie par requête déposée par madame [K] [B], la présidente du tribunal judiciaire de Tarbes a, par ordonnance du 1er juillet 2024, notamment désigné Maître [X] en qualité de mandataire ad hoc de la SCI [8] avec pour mission de :

Se faire communiquer les livres et documents sociaux pour les exercices clos de 2009 à 2023,

Etablir pour chacun de ces exercices un rapport écrit mentionnant l'indication des bénéfices réalisés et des pertes encourues,

Réunir une assemblée générale en charge de statuer sur les exercices clos couvrant la période de 2009 à 2023, d'approuver lesdits exercices et de se prononcer sur l'affectation des résultats.

Monsieur [D] [F] a fait assigner en référé, par acte de commissaire de justice du 29 juillet 2024, madame [K] [B] devant le tribunal judiciaire de Tarbes aux fins notamment de déclarer cette dernière irrecevable en sa demande de désignation d'un administrateur ad hoc de la SCI [8].

Par ordonnance de référé du 29 octobre 2024, le tribunal judiciaire de Tarbes a :

Requalifié la demande de monsieur [D] [F] en demande de rétractation d'ordonner sur requête,

Ordonné la rétractation de l'ordonnance sur requête du président du tribunal judiciaire de Tarbes en date du 1er juillet 2024,

Condamné madame [K] [B] à payer à monsieur [D] [F] la somme de 1000€ au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Mis les dépens à la charge de madame [K] [B].

Par déclaration transmise au greffe de cette cour par RPVA le 8 novembre 2024, madame [K] [B] a relevé appel de cette ordonnance, dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas discutées, en toutes ses dispositions expressément énumérées au sein de sa déclaration d'appel.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises au greffe de la cour par RPVA le 3 avril 2025, madame [K] [B] demande à la cour de :

Infirmer l'ordonnance du 29 octobre 2024,

Confirmer l'ordonnance du 1er juillet 2024,

Condamner monsieur [D] [F] à lui verser la somme de 2500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Ordonner que cette somme porte intérêts au taux légal à compter de l'ordonnance à intervenir, avec capitalisation des intérêts au terme d'un délai d'un an et renouvelable tous les ans,

Débouter monsieur [D] [F] de l'ensemble de ses demandes,

Condamner monsieur [D] [F] aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises au greffe de la cour par RPVA le 4 avril 2025, monsieur [D] [F] demande à la cour de :

Déclarer madame [K] [B] mal fondée en son appel de l'ordonnance rendue le 29 octobre 2024,

Confirmer la décision en ce qu'elle a rétracté l'ordonnance du 1er juillet 2024,

Débouter madame [K] [B] de toutes demandes, fins et conclusions contraires,

Subsidiairement, si par impossible la cour confirmait l'ordonnance du 1er juillet 2024, désigner un mandataire ad hoc pour la SCI [9],

Juger en tout état de cause que madame [K] [B] assumera la totalité des conséquences financières de la désignation d'un mandataire ad hoc en ce compris les frais d'expertise pour les deux SCI,

Condamner madame [K] [B] aux entiers dépens et au paiement d'une somme de 3000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il est expressément renvoyé à la décision critiquée et aux dernières conclusions des parties.

L'affaire a fait l'objet d'une fixation à bref délai conformément aux dispositions de l'article 906 du code de procédure civile à l'audience du 7 avril 2025.

MOTIFS DE LA DECISION

Pour rétracter l'ordonnance sur requête du 1er juillet 2024, ayant désigné un mandataire ad hoc pour la SCI [8], le premier juge a notamment pris en considération les éléments suivants :

La présente instance a pour seul objet de soumettre les mesures initialement ordonnées à un débat contradictoire,

Le juge aux affaires familiales de Tarbes a désigné, par jugement du 5 décembre 2018, un expert afin de pouvoir procéder aux opérations de liquidation et de partage de la communauté des ex-époux au titre de laquelle figure la SCI [8],

Monsieur [I] [J], expert désigné, a rendu son rapport au terme duquel il a évalué la valeur de la SCI [8] et de ses dividendes,

Le juge aux affaires familiales a, par jugement du 20 décembre 2023, retenu la valeur de la SCI [8] à 480 000€ et fixé la date de la jouissance divise pour les valeurs de l'actif de la communauté au 5 juillet 2022,

Madame [B] a été déboutée de sa demande tendant à voir monsieur [F] condamné à lui payer la somme de 268 544€ au titre des revenus fonciers et des dividendes perçus par lui, le juge retenant que les dividendes perçus par monsieur [F] associé pendant l'indivision post-communautaire constituaient des fruits accroissant l'indivision devant profiter à parts égales aux indivisaires, dont la valeur a été fixée à la somme de 306 776€,

Madame [B] avait également formé une demande de désignation d'un administrateur ad hoc avec pour mission de gérer l'ensemble des sociétés dépendant de l'indivision post communautaire et notamment la SCI [8], demande qui a été rejetée par le magistrat comme irrecevable,

Madame [B] a par la suite sollicité par requête la désignation d'un administrateur sur le fondement de l'article 1846 du code civil pour une SCI, non dépourvue de gérant, qui avait fait l'objet d'un jugement de liquidation et de partage ayant fixé sa valeur ainsi que celle des dividendes perçus pendant l'indivision post-communautaire à partager à parts égales entre les indivisaires,

Monsieur [F] a communiqué en procédure une attestation d'expert-comptable présentant le rapport sur la gestion comptable de la SCI [8] sur les années 2015 à 2023, ainsi que des courriers adressés d'une part à madame [B] dans lequel il fait part de ce que les ex-époux n'ont jamais réuni d'assemblée générale pour les différentes SCI dont ils étaient co-actionnaires, d'autre part, à l'administration fiscale pour solliciter une remise gracieuse des pénalités de retard de la SCI [8], expliquant que le courrier était adressé à l'adresse de la SCI qui se trouvait être l'ancien domicile conjugal désormais occupé par madame [B] qui ne lui transmettait pas son courrier en temps utile, motif à l'origine de la pénalité de retard,

La requête en désignation d'un administrateur ad hoc est fondée de manière erronée sur les dispositions de l'article 1846 du code civil,

Il ne pouvait ainsi être fait application de ce texte par le biais de la procédure d'ordonner sur requête prévue aux articles 493 et suivants du code de procédure civile,

A titre superfétatoire, la mission sollicitée consistant à revenir sur les exercices clos de 2009 à 2023 n'était pas plus justifiée alors qu'un jugement de liquidation et de partage a déjà été rendu, statuant notamment sur la valeur de la SCI [8] et des dividendes versés.

En cause d'appel, madame [K] [B] demande à la cour d'infirmer l'ordonnance déférée. Au soutien de sa demande, elle fait notamment valoir qu'en vertu des dispositions des articles 493 et 845 du code de procédure civile, rien n'interdit au Président du tribunal judiciaire de désigner un mandataire ad hoc dès lors que l'urgence de la mesure est établie et exige qu'un débat contradictoire n'ait pas lieu. Elle ajoute que la demande de désignation d'un mandataire ad hoc en l'espèce est bien fondée. Elle indique en effet que les divers manquements du gérant, soit en l'espèce de monsieur [D] [F] dans la gestion de la SCI, l'absence incohérente de toute décision collective au sein de cette personne morale rendent impossible le fonctionnement normal de la société. Elle précise que contrairement à ce qui a été retenu par le premier juge, elle ne demande pas la désignation d'un administrateur mais d'un mandataire ad hoc.

Elle rappelle que la SCI [8] a été créée le 16 mai 1994 entre les deux ex-époux et que monsieur [D] [F] en est seul le gérant depuis cette date. Elle explique que depuis la séparation des époux, monsieur [D] [F] n'a jamais respecté les dispositions de l'article 28 des statuts, il n'a jamais convoqué les associés pour les assemblées générales, il n'a jamais établi d'inventaire, de compte d'exploitation générale, de compte profits et pertes et de bilan de la SCI. Elle souligne en outre qu'il ne lui a jamais donné la moindre information sur le fonctionnement de la SCI, et ce en violation des dispositions de l'article 26 des statuts, malgré qu'elle lui ait adressé deux courriers afin d'obtenir la copie des procès-verbaux d'assemblée générale et des relevés de comptes de la SCI. Elle insiste sur le fait que son ex-époux a profité de sa position de gérant pour capter les revenus fonciers générés par la SCI en cause d'appel et qu'il a multiplié les retards de paiement. Elle en déduit que celui-ci n'agit pas à ce jour dans l'intérêt de la SCI et que par conséquent, elle subit un trouble manifestement illicite en tant qu'associée de la SCI.

De son côté, monsieur [D] [F] demande à la cour de confirmer l'ordonnance querellée en ce qu'elle a rétracté l'ordonnance du 1er juillet 2024 ayant désigné un mandataire ad hoc pour la SCI [8]. Il rappelle que la SCI (y compris ses revenus) a été évaluée par l'expert judiciaire qui n'a pas émis la moindre réserve sur la gestion. Il indique qu'il était convenu entre les parties que l'un gérait la SCI [8] et que l'autre gérait la SCI [9] dans l'attente du partage. Il considère que le premier juge n'a fait aucune confusion, contrairement ce que soutient l'appelante, en requalifiant sa demande en demande de rétractation de l'ordonnance. Il ajoute qu'il gère scrupuleusement la SCI depuis 30 ans et que l'article 1846 du code civil n'est nullement applicable en l'espèce dans la mesure où il peut justifier d'une gestion responsable de la SCI, que les résultats financiers de la société sont convenables. Il en déduit que son ex-épouse ne démontre aucun dysfonctionnement réel et avéré de la gestion de la SCI [8].

Sur ce,

L'appelante fonde sa demande de désignation d'un mandataire ad hoc sur le fondement de l'article 1846 du code civil. Aux termes du dernier alinéa de ce texte : « Si, pour quelque cause que ce soit, la société se trouve dépourvue de gérant, tout associé peut réunir les associés ou, à défaut, demander au président du tribunal statuant sur requête la désignation d'un mandataire chargé de le faire, à seule fin de nommer un ou plusieurs gérants ».

Or, comme l'avait relevé à juste titre le premier juge, madame [K] [B] s'est fondée de manière erronée sur les dispositions de l'article 1846 du code civil dès lors que la SCI [8] ' pour laquelle il est demandé la désignation d'un mandataire ad hoc ' n'est pas dépourvue de gérant dans la mesure où les fonctions de gérant sont toujours assurées par monsieur [D] [F], sans que cela ne soit remis en cause.

Toutefois, l'appelante sollicite que soit désigné un mandataire ad hoc afin notamment d'apprécier et d'approuver en assemblée générale les exercices clos de 2009 à 2023.

Le juge doit, conformément aux dispositions de l'article 12 du code de procédure civile, restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée.

Ainsi, la demande de madame [K] [B] se fonde juridiquement sur les articles 1855 et 1856 du code civil. Aux termes de ceux-ci, « Les associés ont le droit d'obtenir, au moins une fois par an, communication des livres et des documents sociaux, et de poser par écrit des questions sur la gestion sociale auxquelles il devra être répondu par écrit dans le délai d'un mois ». Et, « Les gérants doivent, au moins une fois dans l'année, rendre compte de leur gestion aux associés. Cette reddition de compte doit comporter un rapport écrit d'ensemble sur l'activité de la société au cours de l'année ou de l'exercice écoulé comportant l'indication des bénéfices réalisés ou prévisibles et des pertes encourues ou prévues ».

Par ailleurs, les articles 26 et 28 des statuts de la SCI [8] ' quand bien même il s'agit de stipulations contractuelles n'ayant aucune valeur légale ' prévoient divers droits des associés tels que la communication des livres et documents sociaux, un compte rendu de la gestion, la convocation des associés en assemblée générale pour approuver, dans les six mois de la clôture de l'exercice, le compte de résultat.

Or en l'espèce, madame [K] [B] a sollicité, à deux reprises, par lettres recommandées avec accusé de réception du 22 octobre 2020 et du 15 avril 2024, son ex-époux en qualité de gérant de la SCI [8] afin d'obtenir la communication des comptes annuels. Ces courriers sont restés sans réponse. Elle souligne par ailleurs, sans que cela ne soit contesté utilement par l'intimé, qu'aucune assemblée générale n'a eu lieu jusqu'alors.

Ces éléments font apparaître qu'il existe un véritable manquement au droit à l'information de madame [K] [B] en qualité d'associée de la SCI [8] qui n'a accès à aucun document comptable de la société.

S'il est indéniable que la société fonctionne normalement, le résultat comptable de la société étant largement bénéficiaire, il est cependant constant, et ce au contrairement aux allégations de l'intimé, que la désignation d'un mandataire ad hoc n'exige pas la démonstration d'un fonctionnement anormal de la société ni la menace d'un péril imminent.

La demande de désignation d'un mandataire ad hoc s'apprécie donc à l'aune de l'intérêt social ce qui suppose que la société fonctionne régulièrement mais également que les droits des associés soient respectés, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

En raison de l'absence de communication de la part de monsieur [D] [F] relative à sa gestion de la SCI [8] conduisant à des manquements à l'obligation d'information des associés, la désignation d'un mandataire ad hoc pour faire contrôler la société apparaît justifiée.

Au surplus, il sera relevé que le jugement de liquidation et de partage de la communauté ayant existé entre les époux [B] / [F] n'est pas définitif dans la mesure où l'intimé en a relevé appel, lequel est toujours pendant. Dès lors, les valeurs arrêtées tant de la SCI [8] que des dividendes à verser sont toujours discutées. La désignation d'un mandataire ad hoc pour approuver les comptes de la société permettra d'avoir une vue d'ensemble pour trancher le débat au fond.

L'intimé sollicite enfin qu'un mandataire ad hoc soit désigné pour la SCI [9] géré par madame [K] [B]. Si cette dernière justifie avoir convoqué son ex-époux à l'assemblée générale par courrier recommandé avec accusé de réception du 23 juillet 2024, il n'est en revanche produit aucun élément pour les années précédentes. Il est certain que ce document a été produit pour les besoins de la présente procédure. Il apparaît donc indéniable que s'agissant de cette société, il existe également des manquements au droit à l'information de l'associé, soit en l'espèce de monsieur [D] [F]. Il y a lieu de faire droit à sa demande qui se justifie pleinement.

En conséquence, l'ordonnance entreprise sera réformée en toutes ses dispositions et il sera ajouté à la mission du mandataire ad hoc désigné par l'ordonnance du 1er juillet 2024 s'agissant de la SCI [9].

La rémunération du mandataire ad hoc sera laissée à la charge respective de chacune des sociétés.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile,

Les dépens seront laissés à la charge de chacune des parties.

L'équité et le partage des dépens commandent de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Les parties seront par conséquent déboutées de leurs demandes respectives sur ce point.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la Loi,

Infirme en toutes ses dispositions l'ordonnance de référé rendue le 29 octobre 2024 par le tribunal judiciaire de Tarbes,

Dit n'y avoir lieu à rétractation de l'ordonnance sur requête du président du tribunal judiciaire de Tarbes en date du 1er juillet 2024,

Y ajoutant,

Désigne Maître [X], SELARL [10], en qualité de mandataire ad hoc de la SCI [9] avec les mêmes missions que celles décrites dans l'ordonnance du 1er juillet 2024 pour la SCI [8],

Précise que la rémunération du mandataire ad hoc pour cette mission complémentaire sera à la charge de la SCI [9],

Déboute les parties de leurs plus amples demandes,

Laisse les dépens de première instance et d'appel à la charge de chacune des parties.

Arrêt signé par Xavier GADRAT, Président et Marie-Edwige BRUET, Greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIERE LE PRESIDENT

Marie-Edwige BRUET Xavier GADRAT

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